Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Citation : GS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 884

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision interlocutoire

Partie appelante : G. S.
Représentante ou représentant : B. S.

Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 4 septembre 2020 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Virginia Saunders
Date de la décision : Le 15 août 2022
Numéro de dossier : GP-22-5

Sur cette page

Décision

[1] Je conclus que l’appel a été déposé à temps.

Aperçu

[2] G. S., l’appelante, a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada au mois de mars 2019. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande initiale. Il l’a rejetée de nouveau après une révisionNote de bas de page 1.

[3] L’appelante a fait appel de la décision du ministre devant le Tribunal de la sécurité sociale. Le Tribunal a reçu son avis d’appel le 23 décembre 2021Note de bas de page 2.

[4] Les parties appelantes doivent joindre à l’appel une copie de la décision de révision du ministreNote de bas de page 3. Cependant, il arrive souvent qu’elles ne le fassent pas. Pour éviter un retard, le Tribunal accepte habituellement le document d’appel en attendant de recevoir la copie de la décision de révision du ministreNote de bas de page 4.

[5] L’appelante n’a pas joint à l’appel une copie de la décision de révision. Le ministre a fourni une copie le 24 janvier 2022. La copie est datée du 24 janvier 2022Note de bas de page 5. La date ne pouvait pas être la bonne, puisque l’appelante avait déjà fait appel de la décision de révision.

[6] Le personnel du Tribunal a présumé que l’appelante avait probablement été informée de la décision de révision avant de recevoir la lettre de décision officielle. Il a demandé à l’appelante si elle était d’accord avec la date à laquelle elle portait la décision en appel, soit le 24 janvier 2022. Elle était d’accord.

[7] Le 21 février 2022, un membre du Tribunal a rendu une décision confirmant que l’appel avait été déposé à temps.

[8] En avril 2022, le ministre a déposé une nouvelle copie de la décision de révision. Cette copie est datée du 4 septembre 2020Note de bas de page 6. Le ministre a affirmé que la date initialement indiquée sur la copie, soit le 24 janvier 2022, était le résultat d’une erreur informatique. Il a demandé au Tribunal de rejeter sommairement l’appel, car il a été déposé plus d’un an après que la décision de révision a été communiquée à l’appelanteNote de bas de page 7.

Ce que je dois décider

[9] Premièrement, je dois décider si je peux réviser la décision déjà rendue par le Tribunal, selon laquelle l’appel a été déposé à temps.

[10] Deuxièmement, dans le cas où je peux réviser la décision déjà rendue, je dois décider si l’appelante a déposé son appel plus d’un an après que la décision de révision lui a été communiquée.

Motifs de ma décision

[11] Je conclus que je peux réviser la décision déjà rendue par le Tribunal, selon laquelle l’appel a été déposé à temps.

[12] Toutefois, bien que je puisse revenir sur la décision déjà rendue, je suis d’accord avec la décision. J’estime que l’appelante a déposé son appel à temps. Je conclus que :

  • la décision de révision est datée du 4 septembre 2020;
  • la décision de révision a été communiquée à l’appelante le 9 septembre 2020;
  • l’appelante a fait appel de la décision devant le Tribunal le 2 décembre 2020.

[13] Voici les motifs de ma décision.

Je peux réviser la décision qui a déjà été rendue

[14] Je suis d’accord avec le ministre que, selon l’article 66(1)(b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, je peux réviser la décision qui a déjà été rendue le 21 février 2022. Dans le cadre de cette décision, le Tribunal a jugé que l’appel avait été déposé à temps.

[15] Cette décision a été rendue en se fondant sur la date erronée (celle du 24 janvier 2022) de la décision de révision du ministre. La date exacte (celle du 4 septembre 2020) constituait un fait nouveau et essentiel qui n’aurait pas pu être connu en février 2022, malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

[16] La décision de révision faisait partie d’un ensemble volumineux de documents regroupés par le ministre afin d’être acheminés au Tribunal. Le ministre a fait parvenir cet ensemble au Tribunal le 24 janvier 2022. En raison d’une erreur informatique, la copie de la décision de révision qui se trouvait dans l’ensemble de documents portait la mention de la date à laquelle il avait été acheminé plutôt que la date exacte à laquelle la décision a été rendueNote de bas de page 8. Compte tenu de ces circonstances, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’un membre du personnel ait revérifié chacune des dates. Par conséquent, cette erreur n’aurait pas pu être repérée, malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

La décision de révision est datée du 4 septembre 2020

[17] Je conclus que la décision de révision est datée du 4 septembre 2020.

[18] D’abord, aucune autre raison ne permet d’expliquer pourquoi une date erronée se trouvait sur le document.

[19] Ensuite, la personne responsable de l’évaluation médicale employée par le ministre a révisé le dossier, et elle a rendu la décision de révision le 3 septembre 2020Note de bas de page 9. Donc, il est logique que la lettre de décision ait été produite le lendemain.

La décision de révision a été communiquée à l’appelante le 9 septembre 2020

[20] Je conclus que la décision de révision a été communiquée à l’appelante le 9 septembre 2020.

[21] L’appelante a fait parvenir à Service Canada un document indiquant qu’elle avait reçu la lettre de décision le 9 septembre 2020Note de bas de page 10. Il est logique que, dans ce document, l’appelante faisait référence à la décision de révision.

L’appelante a fait appel devant le Tribunal le 2 décembre 2020

[22] Je conclus que l’appelante a fait appel devant le Tribunal le 2 décembre 2020.

Règles à suivre pour déposer un appel auprès du Tribunal

[23] Une partie appelante doit déposer son appel dans les 90 jours suivant la date à laquelle elle reçoit la décision de révision. Le Tribunal peut proroger d’au plus un an le délai prescrit pour faire appel de la décision. Selon la loi, en aucun cas un appel ne peut être déposé plus d’un an après que la décision de révision a été communiquée à la partie appelanteNote de bas de page 11.

[24] Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoit des règles de procédure sur la façon de porter une décision en appel.

  • Selon l’article 7, dans le cas où il a été envoyé par courrier ou par télécopieur, l’appel est présumé avoir été déposé à la date estampillée sur le document par le Tribunal. Dans le cas où un document est déposé par courriel ou selon les modalités de dépôt électronique du Tribunal, l’appel est présumé déposé à la date qui figure sur le timbre apposé par le Tribunal.
  • Selon l’article 23, l’appel doit être déposé à l’adresse fournie par le Tribunal sur son site Web.
  • Selon l’article 24, l’appel doit être présenté selon la forme prévue par le Tribunal sur son site Web et doit contenir certains renseignements.

[25] L’appelante n’a pas suivi ces règles. Elle a rempli le formulaire de demande de révision fourni par Service CanadaNote de bas de page 12. Dans le formulaire, on demande à peu près les mêmes renseignements que ceux demandés par le Tribunal. Si l’appelante avait fait parvenir ce formulaire au Tribunal, il aurait été accepté comme un appel. Malheureusement, l’appelante a envoyé le formulaire à Service Canada plutôt qu’au Tribunal. Le ministre a reconnu que Service Canada avait reçu le document d’appel le 2 décembre 2020Note de bas de page 13. Cependant, Service Canada a informé l’appelante qu’elle devait acheminer ce document au Tribunal près de 10 mois après l’avoir reçu.

Circonstances spéciales

[26] Je ne peux pas ignorer le délai prescrit pour déposer un appel, car il s’agit d’une disposition de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. Toutefois, s’il existe des circonstances spéciales, je peux modifier une disposition du Règlement ou exempter une partie appelante de son application. Autrement dit, la disposition ne s’appliquerait pas à la partie appelanteNote de bas de page 14.

[27] J’estime qu’il existe des circonstances spéciales dans cette affaire.

[28] Pour décider s’il existe des circonstances spéciales, je dois tenir compte du facteur primordial, soit celui visant à servir l’intérêt de la justiceNote de bas de page 15. Je dois aussi interpréter la loi de façon libérale et généreuseNote de bas de page 16. Après avoir appliqué ces principes, j’estime qu’il existe des circonstances spéciales.

[29] Les circonstances spéciales sont les suivantes : il a fallu plus de neuf mois à Service Canada pour retourner à l’appelante le document d’appel. Le document a été retourné le 23 septembre 2021Note de bas de page 17, et l’appelante l’a reçu en octobre 2021Note de bas de page 18. Jusqu’alors, l’appelante pensait avoir suivi les bonnes procédures pour appeler de la décision de révision. Elle n’avait aucun moyen de savoir qu’elle avait commis une erreur lorsqu’elle a déposé son appelNote de bas de page 19, alors que Service Canada le savait. Même si, dans la décision de révision rendue en septembre 2020, on explique que l’appel doit être déposé auprès du Tribunal, il aurait dû être évident pour Service Canada que l’appelante n’avait pas bien compris cette directive. Toutefois, aucune mesure n’a été prise pour informer l’appelante avant qu’il ne soit trop tard et qu’elle ne puisse plus régler le problème dans le délai prescrit.

[30] Je ne dis pas que Service Canada a agi de façon délibérée. Cependant, le ministre ne devrait pas être avantagé par un délai prescrit alors que Service Canada a autant tardé à communiquer avec l’appelante. Si le ministre avait communiqué avec l’appelante ou lui avait retourné le document d’appel à temps, l’appelante aurait été en mesure de déposer l’appel auprès du Tribunal avant la fin du délai prescrit d’un an.

[31] Compte tenu de ces circonstances spéciales, il serait injuste d’exiger de l’appelante qu’elle respecte le Règlement à la lettre si cela fait en sorte qu’elle ne puisse pas respecter un délai.

[32] En raison de ces circonstances spéciales, je m’en remets à l’article 3(1)(b) du Règlement pour modifier les articles 7, 23 et 24 du Règlement et pour conclure que l’appel a été déposé le 2 décembre 2020. Il s’agit de la date à laquelle Service Canada a reçu le document d’appel acheminé par l’appelante.

[1] Le document d’appel envoyé par l’appelante n’était pas conforme aux articles 23 et 24 du Règlement, mais je dispense l’appelante des dispositions prévues à ces articles. Je modifie ces dispositions afin que l’on considère que l’appelante a déposé son appel auprès du Tribunal à temps, soit à la date à laquelle Service Canada a reçu le document d’appel acheminé par l’appelante (le 2 décembre 2020).

[33] Par conséquent, l’appel a été déposé auprès du Tribunal le 2 décembre 2020.

L’appel a été déposé à temps

[34] La décision de révision a été communiquée à l’appelante le 9 septembre 2020. Elle avait donc jusqu’au 8 décembre 2020, soit 90 jours suivant la réception de la décision de révision, pour porter la décision en appel devant le Tribunal.

[35] L’appelante a porté la décision en appel le 2 décembre 2020. Par conséquent, son appel a été déposé à temps.

[36] Je dois aussi modifier les dispositions prévues aux articles 27 et 28 du Règlement. Selon ces dispositions, les parties ont 365 jours après que l’appel a été déposé pour soumettre d’autres documents et observations. Ensuite, le Tribunal doit rendre une décision ou convoquer une audience s’il juge qu’il est nécessaire de le faire.

[37] Dans cette affaire, la date de fin du délai de 365 jours aurait dû être le 1er décembre 2021. Cependant, aucune des parties concernées n’a pu bénéficier de ces 365 jours pour soumettre d’autres documents ou observations si elles souhaitent le faire.

[38] Le 21 février 2022, soit le même jour où la décision confirmant que l’appel avait été déposé à temps a été rendue, le Tribunal a fait parvenir une lettre aux parties concernées. Cette lettre décrivait les prochaines étapes, et elle mentionnait que les parties avaient jusqu’au 17 février 2023 pour faire parvenir au Tribunal la documentation nécessaire.

[39] Je ne vois aucune raison de modifier cette date. Je modifie donc les articles 27 et 28 du Règlement afin que la date de fin du délai prescrit pour soumettre d’autres documents et observations soit fixée au 17 février 2023 plutôt qu’au 1er décembre 2021.

Conclusion

[40] L’appel a été déposé à temps.

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