Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : Ministre de l’Emploi et du Développement social c DP, 2022 TSS 1050

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Ian McRobbie
Partie intimée : D. P.
Représentante ou représentant :

S. S.


Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 3 mars 2022
(GP-21-1449)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience :

Représentant de l’appelante
Intimé
Représentant de l’intimé

Date de la décision : Le 11 octobre 2022
Numéro de dossier : AD-22-354

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille le présent appel. La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a accordé au requérant une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Pour corriger cette erreur, je rends la décision que la division générale aurait dû rendre. Je conclus que le requérant n’a pas d’invalidité grave et prolongée.

Aperçu

[2] L’intimé (que j’appellerai le requérant) est un ancien réserviste de l’armée et plongeur commercial âgé de 40 ans qui a développé un trouble de stress post-traumatique (TSPT) à la suite d’une période de service en Afghanistan. Il a été employé pour la dernière fois comme plongeur d’inspection et d’entretien pour Ontario Power Generation (OPG). Il a quitté cet emploi en mai 2018 après avoir vécu de l’anxiété et des rappels d’images en raison de ce qu’il décrit comme du harcèlement au travail.

[3] En décembre 2020, le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC. La ministre a refusé la demande parce qu’à son avis, le requérant n’avait pas démontré qu’il avait une invalidité grave et prolongéeNote de bas de page 1.

[4] Le requérant a fait appel du refus de sa demande par la ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience par voie de téléconférence et a accueilli l’appel. La division générale a conclu que, même si le requérant était relativement jeune et avait une bonne éducation, il était néanmoins régulièrement incapable d’avoir une occupation véritablement rémunératrice.

Les motifs d’appel de la ministre

[5] La ministre demande maintenant la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Elle soutient que la division générale a commis les erreurs de droit suivantes :

  • Elle n’a pas analysé pleinement l’obligation du requérant de tenter un retour au travail.
  • Elle n’a pas déterminé si la situation « réaliste » du requérant l’empêchait d’exercer toutes les professions.

[6] Plus tôt cette année, j’ai accordé à la ministre la permission de procéder parce que je croyais que son appel avait une chance raisonnable de succès. Le mois dernier, j’ai tenu une audience par téléconférence pour discuter intégralement des allégations de la ministre.

[7] Maintenant que j’ai entendu les observations des deux parties, j’ai conclu que la décision de la division générale ne peut être maintenue.

Question en litige

[8] Il existe quatre moyens d’appel à la division d’appel. Un appelant doit démontrer que la division générale :

  • a agi de manière injuste;
  • a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les utiliser;
  • a mal interprété la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 2.

[9] Mon travail consiste à déterminer si l’une ou l’autre des allégations de la ministre relève d’un ou de plusieurs des moyens d’appel autorisés et, le cas échéant, si l’un d’eux est fondé. Dans le présent appel, je dois répondre aux questions suivantes :

  • La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’analyser correctement l’obligation du requérant de tenter un retour au travail?
  • La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’examiner correctement la capacité du requérant de travailler dans le « monde réel »?

Si je décide que la division générale a commis une erreur, je dois également décider comment corriger cette erreur.

Analyse

[10] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et la preuve qu’elle a invoquée pour rendre cette décision. J’ai conclu que la division générale a commis une erreur de droit en évaluant mal les efforts du requérant de reprendre le travail. Puisque la décision de la division générale ne relève que de ce seul motif, je ne vois pas la nécessité de traiter de l’autre motif d’appel de la ministre.

La division générale a mal analysé ce que le requérant a fait pour retourner au travail

[11] Pour avoir droit à une pension d’invalidité, le requérant doit démontrer qu’il avait une invalidité grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la requérante ou le requérant régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[12] Selon un arrêt de la Cour d’appel fédérale intitulé Inclima, les demandeurs d’une prestation d’invalidité doivent faire ce qu’ils peuvent pour trouver un autre emploi mieux adapté à leurs déficiences :

En conséquence, un demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santéNote de bas de page 4.

[13] Ce passage laisse croire que si un requérant conserve au moins une certaine capacité de travail, la division générale doit effectuer une analyse pour déterminer : (i) s’il a tenté de trouver un autre emploi et (ii) si ses déficiences l’ont empêché d’obtenir et de conserver cet emploi.

[14] De plus, les demandeurs de pension d’invalidité doivent faire des tentatives significatives de reprendre le travailNote de bas de page 5. Ils ne peuvent pas limiter leur recherche d’emploi au type de travail qu’ils faisaient avant d’avoir une déficience. En effet, ils doivent démontrer qu’ils sont régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 6. Les requérants qui ne cherchent pas d’autres formes d’emploi n’ont peut-être pas droit aux prestations. 

[15] L’ampleur de l’effort d’un demandeur pour trouver du travail n’est pas seulement une question secondaire; cette question fait partie intégrante de toute analyse de l’invalidité. Un décideur, qu’il s’agisse de la ministre ou du Tribunal, doit avoir une preuve concrète de la capacité d’un demandeur à fonctionner – ou non – dans divers milieux de travail. C’est une erreur de droit de ne pas effectuer cette analyse lorsqu’on traite avec un demandeur qui a au moins une certaine capacité résiduelleNote de bas de page 7.

[16] En l’espèce, la décision de la division généralene mentionnait pas du tout l’arrêt Inclima. Il ne s’agirait pas en soi d’un problème si la division générale avait effectivement analysé les efforts de recherche d’emploi du requérant conformément aux principes de l’arrêt Inclima. Or, elle n’en a rien fait. La division générale a plutôt mentionné les efforts de recherche d’emploi du requérant seulement au passage.

[17] Une explication s’impose.

[18] Dans sa décision, la division générale a explicitement conclu que, malgré ses limitations, le requérant conservait une capacité de travailler ou de se recycler :

Je partage l’opinion de la ministre. Je juge que les preuves médicales établissent que l’appelant a des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler. Celles-ci montrent également qu’il ne peut pas reprendre son travail habituel, mais qu’il pourrait exécuter un travail différent ou se recycler en raison de ses limitations [mis en évidence par le soussigné]Note de bas de page 8.

Plus loin, la division générale a écrit ce qui suit :

La ministre affirme que le [requérant] est jeune, qu’il a une bonne éducation et des compétences qui favoriseraient le recyclage. Je suis d’accord. J’estime que l’appelant a des caractéristiques positives qui lui permettraient de se recycler ou d’effectuer d’autres tâches [mis en évidence par le soussigné]Note de bas de page 9.

La conclusion de la division générale sur la capacité résiduelle a déclenché une obligation d’effectuer une analyse de l’arrêt Inclima. À mon avis, la division générale ne s’est pas acquittée de cette obligation.

[19] Comme l’a souligné la division générale, le requérant a songé à travailler, à se recycler et à faire du bénévolat. Toutefois, la division générale a également conclu qu’il avait fait très peu d’efforts pour donner suite à ces réflexions :

Le [requérant] a songé à retourner travailler pour ses parents à titre de livreur. Ça lui donnerait de la flexibilité. Toutefois, il craint de nuire encore davantage à ses relations personnelles existantes. Il ne pouvait pas non plus livrer les meubles dans les maisons des gens en raison de sa crainte du publicNote de bas de page 10.

[20] Il importe de retenir en l’espèce que le requérant n’a pas réellement fait d’effort pour livrer des meubles pour ses parents, de sorte que nous n’avons aucun moyen de savoir si son incapacité de le faire était attribuable à son état de santé. Pourtant, la division générale a négligé le défaut du requérant de tenter d’occuper le poste, même si elle avait reconnu plus tôt sa capacité de travail résiduelle. De plus, il n’est apparemment pas venu à l’esprit de la division générale que le requérant aurait pu chercher un certain nombre d’autres possibilités d’emploi. Après tout, d’autres emplois offrent de la flexibilité et comportent un contact minimal avec le public et d’autres employeurs potentiels ne sont pas ses proches.

[21] La division générale a appliqué la même logique erronée aux idées de bénévolat et de recyclage du requérant :

Il a demandé à la société de protection des animaux et à la banque alimentaire de sa ville s’il existait des possibilités de bénévolat. Il a rempli la demande de bénévolat, puis a paniqué et n’a pas pu donner suite au processus. Il a envisagé de se recycler grâce au programme professionnel pour vétérans, mais ses symptômes l’ont empêché de donner suite à ce projetNote de bas de page 11.

[22] Encore une fois, la preuve démontre que le requérant a déployé peu ou pas d’efforts pour exercer ces activités. Il a seulement envisagé cette possibilité. Cependant, en vertu de la loi, dans le cas d’un requérant ayant une capacité résiduelle, il ne suffit pas d’envisager cette possibilité. Le requérant doit déployer un effort et celui-ci doit être significatifNote de bas de page 12.

[23] La conclusion de la division générale selon laquelle les symptômes du requérant l’ont empêché de donner suite à ce qu’il envisageait contredit son autre conclusion selon laquelle le requérant avait une capacité résiduelle. La division générale a conclu ce qui suit :

Le [requérant] a tenté de chercher du travail et du bénévolat, mais il a échoué en raison de ses conditions. Ses expériences montrent qu’il ne peut pas régulièrement accomplir de travail qui lui permettrait de gagner sa vieNote de bas de page 13.

À la lecture de la décision de la division générale, on ne peut savoir quelle norme de la décision raisonnable, le cas échéant, la division générale a appliqué aux tentatives du requérant de reprendre son emploi, telles qu’elles étaient. La division générale n’a pas effectué une véritable analyse des efforts de travail du requérant, mais s’est contentée de le croire sur parole lorsqu’il a dit qu’il n’avait pas la capacité de faire du bénévolat, de se recycler ou d’occuper un emploi, même un emploi relativement exempt de stress. C’était une erreur de droit.

Réparation

Il existe deux façons possibles de corriger les erreurs de la division générale

[24] La division d’appel possède le pouvoir de régler les erreurs de la division généraleNote de bas de page 14. Je peux renvoyer cette affaire à la division générale pour réexamen ou rendre la décision qu’elle aurait dû rendre.

[25] Le Tribunal est tenu de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus expéditive et la plus équitable que les circonstances permettent. Il y a près de deux ans que le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité. Renvoyer les parties à la division générale ne ferait que prolonger le dossier et entraînerait probablement une décision qui ne différerait pas de la mienne.

Le dossier est complet

[26] Je suis convaincu que je peux trancher cette affaire moi-même. Les deux parties ont eu une possibilité adéquate de présenter leurs arguments respectifs devant la division générale. J’ai accès à un enregistrement complet de l’audience de la division générale, au cours de laquelle le requérant a longuement témoigné de sa vie et de sa carrière, de ses problèmes de santé et de ses limitations fonctionnelles. Comme le présent appel porte surtout sur des questions de droit et sur une mauvaise interprétation de la preuve disponible, je dispose d’assez de renseignements pour évaluer le bien-fondé de la demande de prestation d’invalidité du requérant.

[27] Par conséquent, je suis en mesure de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. À mon avis, si la division générale avait dûment tenu compte des efforts déployés par le requérant pour obtenir et conserver un autre emploi, elle aurait conclu que le requérant n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience devant la division générale.

La preuve médicale ne démontre pas l’existence d’une invalidité grave

[28] Il incombe aux demandeurs d’une prestation d’invalidité de prouver qu’ils avaient une invalidité grave et prolongéeNote de bas de page 15. J’ai examiné le dossier et j’ai conclu que le requérant ne s’était pas acquitté de ce fardeau selon le critère énoncé dans le Régime de pensions du Canada. Je n’ai aucun doute que le requérant souffre de problèmes psychologiques importants. Cependant, je n’ai tout simplement pas trouvé assez d’éléments de preuve pour suggérer que les symptômes associés à ces problèmes l’ont empêché de chercher régulièrement un emploi véritablement rémunérateur.

[29] Le requérant a reçu le diagnostic de TSPT, d’anxiété et de dépression. Il dit être invalide en raison parce qu’il a peu d’énergie, de concentration et de motivation. Il fait des crises de panique. Il ne parvient pas à dormir. Il est hypervigilant et il a de la difficulté à côtoyer d’autres personnes.

[30] Bien que le requérant puisse avoir l’impression qu’il est incapable de travailler, je dois fonder ma décision sur plus que sa seule vision subjective de sa capacité. En l’espèce, la preuve, examinée dans son ensemble, ne suggère pas qu’une déficience grave l’empêche d’exercer régulièrement une profession quelconque. Le requérant est assujetti à certaines limitations, mais il n’est pas inapte à exercer tous les types de travail.

Aucun des fournisseurs de traitement du requérant n’a écarté le travail

[31] Le requérant a été évalué et traité par plusieurs professionnels de la santé mentale. Bien que tous aient confirmé que le requérant est assujetti à des restrictions, aucun n’a exclu l’emploi :

  • En janvier 2019, le Dr William Ammons, psychologue clinicien, a écrit que le requérant souffrait d’anxiété et de paranoïa, exacerbées par du harcèlement et des exigences professionnelles. Le Dr Ammons a conclu que le retour à son poste précédent semblait irréaliste compte tenu de son manque de confiance envers ses collègues de travail. Le Dr Ammons a exhorté le requérant à envisager un « autre poste au travail »Note de bas de page 16.
  • En juin 2019, Roseanne VanHoof, infirmière praticienne, a noté que le requérant avait refusé plusieurs autres options de travail chez OPG, y compris retourner à son ancien poste, occuper un autre poste à salaire inférieur ou se recycler au sein de l’entreprise. Mme VanHoof a conclu que la troisième option semblait « équitable », à condition que le requérant ne soit pas [traduction] « placé dans un endroit où il est exposé quotidiennement à des éléments déclencheurs, notamment sous la forme de personnel directement impliqué dans la plainte de harcèlement »Note de bas de page 17.
  • En octobre 2019, Chris Hill, conseiller psychologique, a écrit que l’intimidation ciblée et un environnement de travail toxique ont eu une incidence négative sur les progrès thérapeutiques du requérant : [Traduction] « Si la culture en milieu de travail de l’équipe de plongée n’avait pas été toxique [le requérant] n’aurait pas eu besoin de partir en congé au départNote de bas de page 18.

[32] Ces rapports, ainsi que d’autres, indiquent que le requérant répondait au traitement et [traduction] « progressait bien » jusqu’à ce qu’il subisse du harcèlement au travail à son dernier lieu d’emploiNote de bas de page 19. La preuve laisse croire que les difficultés du requérant étaient propres à son emploi exigeant et stressant à OPG et à sa combinaison particulière de collègues agressifs et de patrons peu sympathiques. Bien que ses fournisseurs de traitement aient convenu à l’unanimité que le requérant n’était plus capable de retourner à son ancien emploi de plongeur, aucun d’entre eux n’a exclu la possibilité pour le requérant d’occuper d’autres emplois pour d’autres employeurs. En fait, le Dr Ammons, psychologue, et Mme VanHoof ont explicitement envisagé la possibilité que le requérant puisse occuper une autre forme d’emploi.

Les antécédents et les caractéristiques personnelles du requérant ne sont pas des obstacles au travail

[33] Les demandeurs de prestation d’invalidité doivent être évalués dans un contexte réaliste. Selon un arrêt de principe intitulé Villani, les décideurs doivent considérer les requérants comme des personnes entières, en tenant compte de facteurs de base comme l’âge, la scolarité, les compétences linguistiques et l’expérience de travail et de vieNote de bas de page 20. Ce principe a été confirmé dans des arrêts comme l’arrêt Bungay,Note de bas de page 21 selon lequel l’employabilité ne doit pas être évaluée dans le résumé, mais à la lumière de « toutes les circonstances », y compris les antécédents et l’état de santé du requérant.

[34] Le requérant possède de nombreux atouts qui, toutes choses étant égales par ailleurs, l’aideraient sur le marché de l’emploi. Il n’a que 40 ans. Il est donc à des années de l’âge typique de la retraite et il est assez jeune pour s’adapter à des circonstances changeantes. D’origine anglophone, il est diplômé du secondaire. Il a reçu une formation postsecondaire et a une longue expérience professionnelle dans des postes à responsabilités. Le requérant a sans aucun doute des problèmes psychologiques, mais je ne vois pas comment, lorsqu’ils sont évalués dans le contexte de ses antécédents et de ses caractéristiques personnelles, ces problèmes l’empêcheraient de tenter de travailler ou de se recycler.

Le requérant n’a pas tenté de travailler ou de se recycler

[35] La preuve médicale du requérant laisse ouverte la possibilité qu’il puisse gérer un emploi moins stressant que ceux qu’il a eus auparavant. Ses antécédents et ses caractéristiques personnelles le positionnent bien pour chercher une autre carrière. Ces facteurs me convainquent que le requérant, malgré ses déficiences, a une capacité résiduelle.

[36] Comme mentionné, les requérants qui ont une capacité résiduelle doivent démontrer que leurs efforts pour reprendre le travail se sont révélés infructueux en raison de leur état de santéNote de bas de page 22. En l’espèce, le requérant, qui a une capacité résiduelle, n’a pas tenté véritablement de travailler ou de se recycler. Pour cette raison, sa demande de prestation d’invalidité doit être rejetée.

Le requérant a refusé d’autres options de travail

[37] Le dossier contenait également des éléments de preuve selon lesquels le requérant a manqué une occasion d’occuper d’autres postes à OPG, loin de l’environnement toxique qui l’a amené à prendre un congé pour cause de stress.

[38] Dans sa lettre de juin 2019, Mme Roseanne VanHoof, infirmière praticienne, a noté que le requérant avait refusé plusieurs autres options de travail chez OPG, y compris retourner au statu quo de son ancien poste, occuper un poste à salaire inférieur ou se recycler au sein de l’entreprise.

[39] Toutefois, un demandeur de prestation d’invalidité ne peut se montrer trop sélectif dans ses efforts de travail. Les tribunaux ont statué que les requérants doivent être prêts à envisager des emplois qui tiennent compte de leurs déficiences, même si ces emplois sont à temps partiel, s’ils se trouvent à l’extérieur de leur domaine de prédilection ou s’ils paient moins que ce qu’ils obtenaient auparavantNote de bas de page 23.

Le requérant a témoigné qu’il n’avait pas vraiment essayé de chercher du travail

[40] Le requérant a reconnu à l’audience qu’il n’avait pas fait d’efforts importants pour chercher du travail : [Traduction] « Non, je n’ai pas essayé, à part y penser »Note de bas de page 24.

[41] Le requérant a expliqué qu’il n’avait pas été en mesure d’en faire plus parce qu’il était une « épave émotionnelle », incapable de faire quoi que ce soit d’autre que de remplir des demandes d’emploi sans les envoyer. Cependant, ce récit va à l’encontre de la preuve selon laquelle ses fournisseurs de traitement pensaient qu’il était capable d’une forme de travail quelconque. Ils ont également noté qu’il était réceptif à la thérapie et capable d’accomplir des activités de la vie quotidienneNote de bas de page 25.

Le défaut de faire une tentative raisonnable de retour au travail invalide une demande de prestations d’invalidité

[42] Les demandeurs ne peuvent obtenir gain de cause à moins de démontrer qu’ils ont déployé des efforts significatifs pour atténuer leur invaliditéNote de bas de page 26.

[43] En l’espèce, le requérant a occupé des emplois exigeants, d’abord comme agent de sécurité nucléaire armé, puis comme plongeur d’entretien et d’inspection pour un service public d’électricité nucléaire et hydroélectriqueNote de bas de page 27. Le requérant a été victime de harcèlement de la part des membres de son équipe et des chefs d’équipe, et il a pris un congé de maladie en mai 2018 Note de bas de page 28. Après que le requérant a présenté une demande de prestations d’invalidité de longue durée par l’entremise de son assureur en milieu de travail, OPG a offert de le recycler ou de le muter à un autre poste. Le requérant a rejeté les deux options. Par la suite, le requérant n’a pas fait grand-chose pour exercer une autre profession, qui aurait pu comporter des tâches moins stressantes, offrir un environnement de travail plus collégial ou mieux tenir compte de sa santé mentale fragile.

[44] En fin de compte, je n’ai pas été en mesure d’évaluer l’ampleur des déficiences du requérant parce qu’il n’a jamais déployé de véritables efforts pour retourner sur le marché de l’emploi.

Je n’ai pas à déterminer si le requérant a une invalidité prolongée

[45] Pour être admissible, l’invalidité doit être grave et prolongéeNote de bas de page 29. Comme le requérant n’a pas prouvé que son invalidité est grave, je n’ai pas besoin d’évaluer si elle est également prolongée.

Conclusion

[46] Je fais droit à cet appel et j’infirme la décision de la division générale. La division générale a commis une erreur de droit en omettant d’analyser les efforts de retour au travail du requérant conformément aux principes énoncés dans l’arrêt Inclima. Après avoir effectué ma propre évaluation de la preuve disponible, je ne suis pas convaincu que le requérant a une invalidité grave.

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