Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : AP c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1134

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Partie demanderesse : A. P.
Représentante ou représentant : G. S.

Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 17 juillet 2022
(GP-20-2016)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 28 octobre 2022

Numéro de dossier : AD-22-730

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Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est refusée. Il n’y a à mon avis aucune raison que cet appel aille de l’avant.

Aperçu

[2] Le requérant est un ancien opérateur de machine âgé de 60 ans qui s’est fracturé le poignet droit dans un accident de la route survenu en octobre 2014. Il n’a pas travaillé depuis.

[3] En août 2018, le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC)Note de bas de page 1. Il a affirmé qu’il ne pouvait plus travailler en raison de douleurs continues à l’épaule et au poignet droits, ainsi que d’autres problèmes de santé comme le syndrome de douleur chronique, le trouble de stress post-traumatique et le trouble dépressif majeur.

[4] La ministre a refusé la demande du requérant parce qu’à son avis, ce dernier n’avait pas démontré qu’il avait une invalidité grave et prolongée pendant sa période minimale d’admissibilité (PMA), qui a pris fin le 31 décembre 2015Note de bas de page 2. La ministre n’a également trouvé aucune preuve d’une invalidité qui avait commencé au cours de la période de « calcul au prorata » du requérant, qui s’étendait du 1er janvier 2017 au 31 juillet 2017Note de bas de page 3.

[5] Le requérant a fait appel du refus de la ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience par voie de téléconférence et a rejeté l’appel. Elle a conclu à une preuve insuffisante que le requérant était régulièrement incapable d’exercer une occupation véritablement rémunératrice. Entre autres facteurs, la division générale a conclu que le requérant n’avait pas déployé assez d’efforts pour chercher un autre emploi que ses capacités lui auraient permis d’exercer.

[6] Le requérant demande maintenant la permission de faire appel devant la division d’appel. Il maintient qu’il est invalide et allègue qu’en arrivant à sa décision, la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • Elle a présumé qu’il n’était pas invalide en raison de l’absence de preuve à l’appui de certains de ses problèmes de santé allégués.
  • Elle n’a pas tenu compte de l’ensemble de son état.
  • Elle n’a pas tenu compte de ses antécédents et de ses caractéristiques personnelles.

Question en litige

[7] Il existe quatre moyens d’appel à la division d’appel. Le requérant doit démontrer que la division générale :

  • a agi de manière injuste;
  • a excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  • a mal interprété la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 4.

[8] Un appel ne peut être instruit que si la division d’appel accorde d’abord la permission de faire appelNote de bas de page 5. À ce stade, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 6. Il s’agit d’un critère relativement facile à satisfaire, et cela signifie qu’un requérant doit présenter au moins un argument défendableNote de bas de page 7.

[9] Je dois décider si le requérant a soulevé un argument défendable qui relève d’un ou de plusieurs des moyens d’appel permis.

Analyse

[10] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et la preuve qu’elle a invoquée pour rendre cette décision. J’ai conclu que le requérant n’a pas d’argument défendable.

La division générale était en droit de tirer des conclusions de la preuve ou de l’absence de preuve

[11] Le requérant reproche à la division générale de déduire la capacité des lacunes dans les renseignements médicaux à l’appui.

[12] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument.

[13] En l’espèce, la division générale a conclu que le requérant ne s’était pas acquitté du fardeau de prouver qu’il était devenu invalide pendant la PMA ou la période du calcul au prorata. La division générale a noté que, bien que le requérant ait pu avoir de la difficulté à utiliser sa main droite, il n’existait aucune preuve qu’il était incapable d’occuper des emplois qui ne nécessitaient pas l’utilisation de machinerie lourde.

[14] Dans les cas d’invalidité visés par le RPC, il incombe aux requérants de démontrer que tout bien considéré, ils sont incapables d’occuper un emploi régulier. Il incombait au requérant de présenter une preuve de son invalidité, et la division générale pouvait tirer des conclusions raisonnables de cette preuve ou de l’absence de preuveNote de bas de page 8.

La division générale a examiné l’état du requérant dans son ensemble

[15] Le requérant allègue que la division générale a commis une erreur en s’en remettant aux aspects individuels de ses déficiences sans adopter une vision « globale » de son état.

[16] Encore une fois, je ne vois aucun argument défendable à cet égard.

[17] La cause principale à ce sujet est l’arrêt Bungay, qui exige que les décideurs évaluent l’employabilité à la lumière de toutes les circonstances, y compris les antécédents du requérant et son état de santé général, et non seulement les déficiences « les plus importantes » ou « dominantes »Note de bas de page 9. En l’espèce, la décision de la division générale renferme un résumé complet du dossier médical du requérant, suivi d’une analyse qui traite de façon significative de ses déficiences dans le contexte de ses caractéristiques personnelles et de ses perspectives d’emploi « réelles ». Je suis convaincu que la division générale a examiné les plaintes principales du requérant – non seulement ses douleurs au poignet et à l’épaule, mais aussi ses autres problèmes physiques et psychologiques – individuellement et cumulativement.

[18] Il est bien établi en droit que les décideurs judiciaires et quasi judiciaires sont présumés avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve dont ils disposent et n’ont pas à discuter de chacun des aspects des observations des partiesNote de bas de page 10. En l’espèce, je ne vois aucune indication selon laquelle la division générale a ignoré la preuve disponible ou n’a pas tenu compte de celle-ci de façon adéquate.

La division générale a tenu compte des antécédents et des caractéristiques personnelles du requérant

[19] Le requérant suggère que la division générale a mal appliqué un arrêt important, l’arrêt Villani, qui exige que l’invalidité soit considérée dans un contexte « réaliste », en tenant compte de l’âge, de l’expérience de travail, du niveau de scolarité et de la compétence linguistique d’un requérant. Le requérant allègue expressément que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il demeure employable, même s’il avait plus de 50 ans et qu’il ne maîtrisait pas l’anglais au moment de sa PMA et de sa période de calcul au prorata.

[20] Encore une fois, je ne vois pas le bien-fondé de cet argument, qui constitue pour l’essentiel une demande de réévaluation de la preuve. À ce sujet, je reprends les propos que la Cour d’appel fédérale a tenus dans l’arrêt Villani :

[…] tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)i) [du RPC], il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenirNote de bas de page 11. Ce passage suggère que la division générale, dans son rôle de juge des faits, devrait disposer d’une certaine latitude dans la façon dont elle évalue les antécédents d’un requérant. Ce passage laisse également entendre que la question de savoir si le critère relatif à l’invalidité a été appliqué est plus importante que la façon dont il a été appliqué. Cette approche s’harmonise avec les décisions de la Cour d’appel fédérale qui empêchent la division d’appel d’intervenir relativement à des questions mixtes de fait et de droitNote de bas de page 12.

[21] Dans sa décision, la division générale a correctement cité l’arrêt Villani et analysé en détail l’incidence probable, compte tenu de ses déficiences, des antécédents et des caractéristiques personnelles du requérant sur ses perspectives d’emploi :

[Traduction]
En l’espèce, le requérant était âgé de 53 ans au 31 décembre 2015 (et de 54 ans au 31 juillet 2017). Il a fait ses études jusqu’à la 10e année en Inde. Il y travaillait comme opérateur de machine. Il a déménagé au Canada en 1984. Il a travaillé pour plusieurs employeurs au Canada comme opérateur de machine. Il a également travaillé dans un atelier de menuiserie comme superviseur/menuisier. Il est capable de parler et de comprendre l’anglais. Il sait lire et écrire un peu en anglais.

Le requérant était capable d’effectuer un travail sédentaire au 31 décembre 2015 et, en 2017, au 31 juillet 2017. Son niveau de scolarité et son expérience de travail peuvent présenter des obstacles à l’obtention de ce type de travail, mais il était assez jeune pour entreprendre un recyclage professionnel. Je conclus donc que le requérant peut travailler dans le monde réelNote de bas de page 13.

[22] À la lumière de cet extrait, on ne peut dire que la division générale n’était pas consciente de l’arrêt Villani ou qu’elle n’a pas tenté d’appliquer son grand principe. De ce point de vue, la division générale s’est acquittée de ses obligations en vertu de la loi. Elle a examiné le profil du requérant. Elle a constaté que, même à son âge et avec son anglais limité, il était encore capable d’essayer d’occuper un emploi physiquement peu exigeant. Elle a conclu que, comme il ne s’était pas acquitté de son devoir de faire de telles tentatives, il était impossible d’évaluer la gravité de son incapacité.

[23] Le requérant pourrait être en désaccord avec l’analyse de la division générale ou ne pas la juger raisonnable, mais ce n’est pas une raison suffisante pour annuler une décision. Le requérant devait expliquer en termes précis comment la division générale avait mal compris ou mal appliqué le critère de l’arrêt Villani. Il n’a pas réussi à le faire.

Conclusion

[24] Le requérant n’a invoqué aucun moyen d’appel qui aurait une chance raisonnable de succès en appel. La permission d’en appeler est donc refusée.

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