Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : HB c Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, 2014 TSSDGSR 48

No d’appel : GT-87053

ENTRE :

H. B.

Demandeur :

et

Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences

Défendeur :


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section du revenu


Membre du tribunal de la sécurité sociale : Virginia Saunders
Date de la décision : Le 10 avril 2014

Sur cette page

Décision

[1] Le Tribunal juge que la demande n’a pas été faite dans le délai prévu à l’article 66 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et qu’elle est prescrite par la loi.

[2] Subsidiairement, le Tribunal estime que les renseignements présentés par le demandeur ne constituent pas des faits nouveaux et essentiels qui n’auraient pas pu être découverts au moment de l’audience de 2005 du tribunal de révision malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

Introduction

[3] Le demandeur a fait plusieurs demandes de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Celle qui fait l’objet de la présente instance a été horodatée par le défendeur le 27 février 2004. Celui-ci a rejeté la demande à l’étape initiale ainsi qu’à l’étape de la révision, et le demandeur a fait appel au Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR). Après une audience tenue le 21 décembre 2005, un tribunal de révision a établi que le demandeur n’était pas invalide au sens du RPC. Cette décision a été communiquée au demandeur le 8 février 2006.

[4] Le demandeur a demandé l’annulation ou la modification de cette décision au titre de l’article 84(2) du RPC. Une audience a été tenue le 29 septembre 2011 et une décision rejetant la demande a été rendue le 1er décembre 2011.

[5] Le 13 février 2012, le demandeur a présenté une deuxième demande pour faire annuler ou modifier la décision du tribunal de révision de 2005 au titre de l’article 84(2) du RPC.

[6] La Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 a modifié la procédure de demande d’annulation ou de modification des décisions des tribunaux de révision. Les demandes pour lesquelles aucune décision n’avait été rendue au 1er avril 2013 ont été transférées du BCTR au Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal).

[7] Comme aucune décision n’avait été rendue à ce sujet avant le 1er avril 2013, le Tribunal est maintenant saisi de la demande du 13 février 2012 du demandeur.

[8] Auparavant, les demandes présentées au titre de l’article 84(2) étaient traitées lors d’audiences en personne. Les articles 47 et 48 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoient maintenant que le Tribunal peut rendre une décision fondée sur les documents et les observations déjà déposés par les parties, à moins qu’il ne détermine qu’une autre audience est nécessaire.

[9] Après avoir examiné la preuve et les observations déposées par les parties dans le cadre de la demande, le Tribunal a décidé qu’une autre audience n’était pas nécessaire. Pour arriver à cette décision, le Tribunal a tenu compte des éléments suivants :

  1. a) le fait que chaque partie avait eu pleinement l’occasion de présenter ses arguments;
  2. b) le fait qu’aucune autre information n’était requise pour rendre une décision.

La loi avant le 1er avril 2013

[10] Avant le 1er avril 2013, une personne insatisfaite d’une décision rendue par l’intimé au titre du RPC pouvait faire appel auprès d’un tribunal de révision. Si elle n’était pas satisfaite de la décision du tribunal de révision, elle pouvait ensuite demander la permission de faire appel à la Commission d’appel des pensions.

[11] L’article 84(1) du RPC prévoyait que la décision d’un tribunal de révision était définitive et exécutoire, sauf si elle était renversée par la Commission d’appel des pensions. Toutefois, l’article 84(2) permettait à un tribunal de révision d’annuler ou de modifier une décision lorsque des « faits nouveaux » étaient présentés.

[12] Le critère des « faits nouveaux » a été établi par les tribunaux au moyen de la jurisprudence. Toutes les parties du critère devaient être respectées avant que l’information ne soit considérée comme un « fait nouveau ». Le critère était le suivant :

  1. a) La partie demanderesse devait démontrer que les renseignements existaient au moment de l’audience initiale du tribunal de révision, mais qu’il n’était pas possible de les découvrir malgré l’exercice d’une diligence raisonnable à ce moment-là.
  2. b) La partie demanderesse devait démontrer que, si les nouveaux renseignements avaient été disponibles au moment de l’audience initiale du tribunal de révision, on pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’ils aient eu une incidence sur l’issue (Canada (Procureur général) c MacRae, 2008 CAF 82).

La loi après le 1er avril 2013

[13] La Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012a modifié la procédure de demande d’annulation ou de modification des décisions des tribunaux de révision de la façon suivante :

  1. La division générale du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) a été établie au titre de l’article 44 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), anciennement la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences.
  2. L’article 229 de la Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable a abrogé l’article 84(2) du RPC, de sorte qu’à compter du 1er avril 2013, le RPC ne contient plus de disposition permettant de demander l’annulation ou la modification d’une décision d’un tribunal de révision. Ces demandes sont maintenant présentées à un tribunal au titre de l’article 66 de la Loi sur le MEDS.
  3. L’article 261(1) de la Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable porte sur les demandes faites au titre de l’article 84(2) avant son abrogation, lorsqu’aucune décision n’avait été rendue avant le 1er avril 2013. Il prévoit qu’une telle demande est réputée être une demande présentée le 1er avril 2013 au titre de l’article 66 de la Loi sur le MEDS.
  4. L’article 66(1) de la Loi sur le MEDS prévoit que le Tribunal peut annuler ou modifier une décision qu’il a rendue s’il présente un nouveau fait important qui n’aurait pas pu être découvert au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. L’article 66(2) prévoit que ces demandes doivent être présentées dans l’année suivant la communication de la décision à la partie appelante, et l’article 66(3) prévoit que chaque personne visée par la décision peut seulement présenter une demande d’annulation ou de modification de la décision.
  5. L’article 68 de la Loi sur le MEDS dit que la décision du Tribunal à l’égard de toute demande présentée au titre de la Loi est définitive et qu’à l’exception du contrôle judiciaire au titre de la Loi sur les Cours fédérales, elle ne peut faire l’objet d’un appel ou d’un examen par une cour.

Question en litige

[14] Voici les questions dont le Tribunal est saisi :

  1. La demande du demandeur d’annuler ou de modifier la décision du tribunal de révision est-elle prescrite par la loi (la « question du délai prévu »)?
  2. Si le Tribunal a tort sur la question du délai prévu, alors :
    1. a) La preuve présentée par le demandeur à l’appui de sa demande est-elle un nouveau fait important qui n’aurait pas pu être découvert au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable?
    2. b) Si la preuve satisfait au critère énoncé à l’article 2(a), le Tribunal doit alors décider, en se fondant sur l’ensemble de la preuve, y compris la preuve jugée comme un nouveau fait important, si le demandeur était atteint d’une invalidité au sens du RPC au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA).

Preuve

[15] Le demandeur a été membre des Forces armées canadiennes (FAC) de 1975 à 1992. Dans sa demande de prestations d’invalidité de 2004, le demandeur a déclaré qu’il ne pouvait plus travailler depuis le 31 août 1992 parce qu’il était atteint d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT), du phénomène de Raynaud dans les mains et les pieds, du syndrome discal cervical, de discopathie dégénérative de la colonne thoracique et d’une tendinite de l’épaule gauche. Il a déclaré : [traduction] « C’est un travail en soi de gérer mon TSPT, ma douleur chronique et ma dépression [sic] très débilitants. » Entre autres limitations fonctionnelles, il a noté qu’il avait des problèmes de mémoire et qu’il avait de la difficulté à se concentrer lorsqu’il faisait froid ou qu’il avait de la douleur. Il a déclaré avoir travaillé pour la dernière fois dans une scierie à soulever du bois d’œuvre du 16 mai au 22 juin 2001, et avant cela de mai à septembre 1999.

[16] Dans sa lettre demandant la révision de la décision de rejeter sa demande de prestations d’invalidité (pages GT1-506 à GT1-510), le demandeur a déclaré ce qui suit : [traduction] « En 1983, j’étais au bout du rouleau. Je ne savais pas quoi faire. À ce moment-là, je ne comprenais pas [...] le TSPT […] ». Il a expliqué qu’il s’était tourné vers la drogue et l’alcool pour essayer de gérer la situation, mais qu’après être allé à un centre de désintoxication en 1983, il a arrêté de consommer et il est demeuré sobre pour le reste de sa carrière. Il avait de la difficulté avec le froid, et on lui a imposé une restriction médicale de ne pas travailler dans des environnements où la température était inférieure à 5 °C, mais cela n’a pas été pris en compte. Il a pris sa retraite de l’armée en 1992 et a essayé de continuer à travailler parce qu’il avait l’impression qu’il n’avait pas le choix. Il a recommencé à consommer de la drogue et de l’alcool en 1997, puis il a commencé une cure de désintoxication, puis a réessayé de travailler de nouveau en 1999. Il a affirmé qu’il avait de la difficulté lors des journées froides et pluvieuses, et qu’il avait été mis à pied. Il a expliqué qu’il travaillait maintenant avec son médecin pour gérer son stress.

[17] Cette lettre figurait au dossier du demandeur et avait été soumise au tribunal de révision en 2005, tout comme les documents qui l’accompagnaient.

[18] Un rapport médical du Dr Braganza, le médecin de famille du demandeur, a été présenté à l’appui de la demande d’invalidité au tribunal de révision en 2005. Le Dr Braganza y répète les diagnostics énumérés par le demandeur dans sa demande de prestations d’invalidité et y ajoute une perte auditive et des séquelles d’engelures. Les résultats cliniques et les limitations fonctionnelles pertinentes du demandeur étaient les suivantes : extrémités froides, diminution de la perception de la douleur dans les orteils, hyperesthésie au milieu des pieds, insuffisance des voies respiratoires nasales et diminution de la force dans l’épaule droite. Aucun autre examen n’a été prévu et les traitements recommandés consistaient à utiliser des couvre-jambes et des couvre-pieds supplémentaires pour le froid et de subir une possible septoplastie. Le pronostic du demandeur était mauvais pour les séquelles d’engelures et l’arthrose de la colonne.

[19] Les rapports médicaux présentés en preuve au tribunal de révision de 2005 comprennent le rapport du Dr Braganza tel qu’il est indiqué ci-dessus; des documents médicaux de 1976 à 2003; une lettre du Dr Joseph Harrison datée du 11 mai 2004; une lettre du Dr Conrad Doiron datée du 3 février 2005; deux photos; et une demande et une décision concernant l’instance devant le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

[20] Il n’y a aucune mention du TSPT ou d’autres problèmes de santé mentale dans ces preuves à l’exception de la mention du Dr Braganza et de ce qui suit :

  1. a) Mention de la consommation d’alcool et de drogues de 1980 à 1983, sans autre incident en date du 29 mai 1984, et mention du traitement de la toxicomanie en avril 1985 (pages GT1-444, GT1-570 et GT1-571);
  2. b) Les documents de fin d’emploi du demandeur de la CAF révèlent qu’en juillet 1992, ses problèmes de santé étaient énumérés comme étant l’alcoolisme, l’arthrose et le phénomène de Raynaud (page GT1-445).
  3. c) Le 5 mai 2005, le demandeur recevait une pension partielle des Anciens Combattants pour le phénomène de Raynaud aux mains et aux pieds, le syndrome discal cervical, la tendinite à l’épaule gauche et le TSPT.

[21] Le tribunal de révision de 2005 a fait remarquer que le demandeur avait présenté de multiples demandes de prestations d’invalidité du RPC. L’une d’elles a mené à une décision du tribunal de révision le 6 janvier 1995 selon laquelle le demandeur n’était pas atteint d’une invalidité à cette date. Le tribunal de révision de 2005 a donc conclu que son pouvoir se limitait à établir si le demandeur était devenu atteint d’une invalidité entre le 6 janvier 1995 et le 31 décembre 1997, lorsque sa PMA a pris fin.

[22] Dans sa décision de 2005, le tribunal de révision a pris note de l’allégation de TSPT du demandeur ainsi que de ses problèmes de longue date avec la drogue et l’alcool. Il a souligné le témoignage du demandeur selon lequel il n’avait pas eu de problèmes importants avec son emploi de 1999, mais qu’il avait démissionné parce qu’il [traduction] « en avait assez, et son épaule et son dos lui faisaient mal ». Le tribunal a également noté que l’employeur du demandeur à l’époque avait déclaré qu’il avait cessé de travailler en raison d’un ralentissement, qu’il n’avait aucune absence à son dossier et qu’il n’y avait aucune preuve de limitations liées à des problèmes de santé.

[23] À la lumière de ces éléments de preuve, le tribunal de révision de 2005 a conclu que le travail du demandeur en 1999 démontrait qu’il était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, et il a rejeté son appel.

[24] Le demandeur a présenté un rapport du Dr Njoku, un psychiatre, daté du 23 avril 2011, qui, selon lui, contient de nouveaux faits importants qui justifient l’annulation ou la modification de la décision du tribunal de révision de 2005. Ce rapport se trouve aux pages GT1-199 à GT1-199-202.

[25] Le Dr Njoku a déclaré que le demandeur avait été dirigé à son bureau pour une évaluation psychiatrique le 23 avril 2011. Le demandeur lui a dit qu’il avait reçu un diagnostic de TSPT lié à sa peur du froid, qui découlait de graves engelures qu’il avait subies en 1976. Le Dr Njoku déclare qu’il ne sait pas quand le demandeur a reçu un diagnostic de TSPT ou qui a posé ce diagnostic. Il a déclaré que le TSPT du demandeur était probablement en rémission, car il ne répondait pas actuellement aux critères d’un tel diagnostic.

[26] Le Dr Njoku a noté que le demandeur avait principalement été au chômage depuis qu’il avait quitté l’armée [traduction] « à l’exception d’une brève tentative infructueuse de retour au travail ».

[27] Le Dr Njoku a discuté des problèmes antérieurs du demandeur avec l’alcool et la drogue et a déclaré qu’ils semblaient être principalement liés à des périodes de stress importantes dans sa vie. Il a conclu ce qui suit :

[traduction]
« En résumé, en ce qui concerne son aptitude à se réadapter et à travailler par la suite, je considère que cet ancien combattant demeure très vulnérable aux rechutes s’il est confronté à un facteur de stress important et qu’il a donc très peu de chances de bien réussir dans une forme quelconque d’emploi régulier à long terme. »

Observations

[28] Les parties ont été invitées à déposer des documents ou des observations répondant aux exigences de l’article 66 au plus tard le 5 novembre 2013.

[29] Le demandeur n’a présenté aucune observation sur la question de la prescription.

[30] Le demandeur a soutenu que le rapport du 23 avril 2011 du Dr Njoku constitue un nouveau fait important pour les raisons suivantes :

  1. a) Au moment de l’audience initiale, beaucoup de choses étaient inconnues au sujet de son état de santé, et s’il avait été au courant de ses répercussions, il en aurait fourni des preuves.
  2. b) Il montre que sa tentative de travail après la fin de sa PMA a échoué.

[31] Le défendeur a fait valoir ce qui suit :

  1. a) La présente demande est prescrite par la loi parce qu’elle est réputée avoir été présentée le 1er avril 2013, soit plus d’un an après que la décision du tribunal de révision a été communiquée au demandeur le 8 février 2006.
  2. b) La présente demande est prescrite par la loi parce qu’il s’agit de la deuxième demande présentée en lien avec la décision du tribunal de révision.
  3. c) Le critère permettant de déterminer si la preuve est un nouveau fait important qui n’aurait pas pu être découvert au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable est le même que le critère qui était utilisé pour les « faits nouveaux » au titre de l’article 84(2) du RPC, et la preuve présentée par le demandeur ne répond pas à ce critère.
  4. d) Si la preuve répond à ce critère, elle n’appuie pas la conclusion selon laquelle le demandeur était atteint d’une invalidité au sens du RPC à la fin de sa PMA.

Analyse

La demande du demandeur d’annuler ou de modifier la décision du tribunal de révision de 2005 est-elle prescrite par la loi?

[32] Avant le 1er avril 2013, l’article 84(2) du RPC permettait un nombre illimité de demandes fondées sur de nouveaux faits pour toute décision, et ne fixait aucun délai pour leur présentation. Lorsque le demandeur a demandé, le 13 février 2012, à un tribunal de révision d’annuler ou de modifier la décision du 8 février 2006, la demande a été dûment présentée au titre de l’article 84(2), et le demandeur avait le droit de demander qu’une audience soit tenue et qu’une décision soit rendue.

[33] Le défendeur soutient que l’article 261(1) de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable et l’article 66 de la Loi sur le MEDS ont pour effet de supprimer ce droit et d’interdire effectivement la demande parce qu’elle a été présentée au-delà du nouveau délai d’un an et parce qu’il s’agit de la deuxième demande du demandeur.

Article 66(2) :

[34] La loi ne peut pas être interprétée d’une manière qui supprime des droits existants, à moins que l’intention du Législateur ne soit claire. Si le sens ordinaire et évident de la loi exige qu’elle soit rétrospective et qu’elle porte atteinte aux droits acquis, elle est valide, indépendamment de toute injustice perçue (Tabingo c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2013 CF 377).

[35] L’article 261(1) de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable se lit comme suit :

261 (1) Toute demande présentée au titre du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 229, et non tranchée avant le 1er avril 2013 est réputée être une demande présentée le 1er avril 2013 au titre de l’article 66 de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences et viser :

  1. a) dans le cas où elle porte sur une décision rendue par un tribunal de révision, une décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale

[36] L’intention de l’article 261(1) est claire. Le sens ordinaire et évident de son libellé consiste à prévoir une transition pour les demandes présentées au titre de l’article 84(2) qui n’avaient pas été entendues par un tribunal de révision au plus tard le 1er avril 2013. Pour ce faire, il juge qu’elles ont été faites au titre de l’article 66 de la Loi sur le MEDS et qu’elles se rapportent à une décision rendue par un tribunal. Il prévoit en outre une date (le 1er avril 2013) à laquelle elles sont réputées avoir été faites.

[37] L’article 66(2) de la Loi sur le MEDS dit ce qui suit :

(2) La demande d’annulation ou de modification doit être présentée au plus tard un an après la date où l’appelant reçoit communication de la décision.

[38] L’article 27(5) de la Loi d’interprétation dit ce qui suit :

(5) Lorsqu’un acte doit être accompli dans un délai qui suit ou précède un jour déterminé, ce jour ne compte pas.

[39] L’effet combiné de ces dispositions est qu’une demande faite au titre de l’article 84(2) du RPC qui n’a pas été entendue au plus tard le 1er avril 2013 est traitée comme une demande faite au titre de l’article 66 de la Loi sur le MEDS qui a été présentée le 1er avril 2013. S’il s’agit d’une décision qui a été communiquée à une personne avant le 1er avril 2012, elle est prescrite par l’article 66(2) de la Loi sur le MEDS parce qu’elle n’a pas été rendue dans un délai d’un an.

[40] La décision du tribunal de révision de 2005 a été communiquée au demandeur le 8 février 2006. Par conséquent, sa demande d’annulation ou de modification de cette décision est prescrite par la loi.

[41] Aussi dures que ces dispositions puissent sembler aux personnes qui ont fait des demandes au titre de l’article 84(2) de bonne foi et qui avaient l’intention d’y donner suite, il n’y a pas d’autre façon de les interpréter, et le Tribunal doit s’y conformer.

Article 66(3) :

[42] Le Tribunal estime que la présente demande n’est pas prescrite par l’article 66(3), même si le demandeur a déjà présenté une demande au titre de l’article 84(2) du RPC pour faire annuler ou modifier la décision du 8 février 2006.

[43] Les règles d’interprétation des lois exigent que le législateur indique clairement tout effet rétroactif ou rétrospectif souhaité de la loi (Colombie-Britannique c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2005 CSC 49, [2005] 2 RCS 473, au para 71).

[44] L’article 66(3) dit ceci :

 (3) Il ne peut être présenté plus d’une demande d’annulation ou de modification par toute partie visée par la décision.

[45] Le terme « demande » n’est pas défini dans la Loi sur le MEDS ni dans les parties pertinentes de la Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable. L’article 261(1) de la Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable considère qu’une demande faite au titre de l’article 84(2) du RPC est une demande faite au titre de l’article 66 de la Loi sur le MEDS, mais seulement si aucune décision n’a été prise avant le 1er avril 2013. Il n’y a rien dans la loi qui juge qu’une demande faite au titre de l’article 84(2) du RPC constitue une « demande » si une décision a été rendue à cet égard avant cette date. Par conséquent, l’interprétation la plus logique du terme utilisé à l’article 66(3) de la Loi sur le MEDS est qu’il fait référence aux demandes d’annulation ou de modification d’une décision du Tribunal faites au titre de l’article 66(1) de la Loi sur le MEDS, y compris celles qui sont réputées être des demandes faites au titre de l’article 261(1) de la Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable. Le défaut de la législature d’inclure clairement les demandes faites au titre de l’article 84(2) du RPC qui ont été tranchées avant le 1er avril 2013 dans cette disposition déterminative signifie qu’elles doivent être exclues de la portée de l’article 66 de la Loi sur le MEDS, car ne pas le faire donnerait à la disposition un effet rétrospectif.

[46] La première demande du demandeur au titre de l’article 84(2) du RPC a été entendue par un tribunal de révision, et une décision a été rendue le 1er décembre 2011. Il ne s’agit donc pas d’une « demande » au titre de l’article 66(3), et la limitation contenue dans cette disposition ne s’applique pas à elle.

[47] Malheureusement pour le demandeur, cette conclusion ne lui est d’aucune utilité, car le Tribunal a conclu que le délai d’un an prévu à l’article 66(2) s’applique et que, par conséquent, sa demande est prescrite par la loi.

[48] Au cas où le Tribunal aurait mal interprété l’article 66(2) de la Loi sur le MEDS, il s’est demandé si la demande aurait été accueillie si elle avait été entendue au plus tard le 1er avril 2013.

La preuve présentée par le demandeur est-elle un nouveau fait important qui n’aurait pas pu être découvert au moment de l’audience de la Commission de révision de 2005 malgré l’exercice d’une diligence raisonnable ?

[49] L’article 66(1) dit qu’un Tribunal peut annuler ou modifier une décision si un nouveau fait important qui n’aurait pu être découvert au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable est présenté.

[50] Le Tribunal estime que, bien que le libellé ait été modifié, l’article 66(1) codifie le critère précédent pour établir ce qui constitue des « faits nouveaux » et que la jurisprudence qui a évolué autour de l’interprétation de l’article 84(2) s’applique également à l’interprétation de l’article 66(1).

[51] Pour satisfaire aux exigences de l’article 66(1) :

  1. a) Le demandeur doit démontrer que la preuve présentée comme un nouveau fait important est pertinente à l’état du demandeur à la fin de sa PMA (Murphy c Canada (Procureur général), 2008 CF 351).
  2. b) Le demandeur doit démontrer que les renseignements existaient au moment de l’audience initiale du tribunal de révision ou qu’ils révèlent un problème de santé qui n’était pas connu ou bien compris à l’époque (Canada (Procureur général) c MacRae,2008 CAF 82).
  3. c) Le demandeur doit démontrer que, si les nouveaux renseignements avaient été disponibles au moment de l’audience initiale du tribunal de révision, on pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’ils aient influé sur l’issue (MacRae, précité).
  4. d) Le demandeur doit démontrer que les renseignements n’auraient pas pu être découverts au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

[52] Si ces exigences sont respectées, le Tribunal peut alors établir si les nouveaux éléments de preuve sont suffisants pour annuler ou modifier la décision du tribunal de révision de 2005.

[53] Puisque la question devant le tribunal de révision de 2005 était de savoir si le demandeur était atteint d’une invalidité au plus tard le 31 décembre 1997, toute preuve présentée comme nouveau fait important doit être pertinente à la question de l’état de santé du demandeur à la fin de sa PMA.

[54] Bien que les éléments de preuve qui n’existaient pas au moment de la PMA du demandeur puissent être importants s’ils révèlent un problème de santé qui n’était pas connu ou bien compris à la fin de la PMA, si les éléments de preuve ne font que répéter ce qui est déjà connu ou a été diagnostiqué, on ne peut pas dire qu’ils auraient eu une incidence sur l’issue de l’audience précédente, et ils ne seraient pas considérés comme importants (Canada (Procureur général) c MacRae 2008 CAF 82).

[55] Le demandeur a soutenu que s’il avait été au courant des effets du TSPT au moment de l’audience, il aurait fourni des éléments de preuve à leur sujet. Le diagnostic de TSPT a été posé avant 2005. Le demandeur et son médecin de famille ont dit qu’il s’agissait d’un problème de santé invalidant dans la demande de prestations d’invalidité de 2004. Le rapport du Dr Njoku ne fournit pas de détails sur le TSPT ni de nouveaux éléments de preuve ou de renseignements sur la façon dont il aurait pu affecter le demandeur, qui étaient inconnus en 2005. Le demandeur n’a relevé aucun élément de preuve découlant de la discussion du Dr Njoku au sujet de son diagnostic de TSPT qu’il n’a pas été en mesure de fournir à l’audience du tribunal de révision de 2005.

[56] Le demandeur a soutenu que le rapport du Dr Njoku est un nouveau fait important parce qu’il démontre que sa tentative de retour au travail en 1999 a échoué. Le demandeur n’était pas le patient du Dr Njoku avant 2011, et le rapport ne précise pas quels éléments de preuve ont servi de fondement à l’affirmation du Dr Njoku selon laquelle la tentative de retour au travail de 1999 avait échoué. Il est possible que le Dr Njoku ne faisait que répéter ce que le demandeur lui avait dit, et qu’il ne s’agissait pas d’une conclusion médicale. Même si c’était une conclusion, le Tribunal estime que la déclaration du Dr Njoku n’est pas un fait important nouveau parce qu’elle n’existait pas au moment de l’audience et qu’elle ne jette pas un nouvel éclairage sur les faits qui existaient à ce moment-là.

[57] Le Tribunal s’est demandé si les commentaires du Dr Njoku sur les problèmes d’alcool et les capacités d’adaptation du demandeur constituaient des preuves qui équivalaient à de nouveaux faits importants. Les problèmes de toxicomanie et d’alcoolisme du demandeur ont été notés dans la preuve médicale présentée devant le tribunal de révision de 2005, ainsi que dans les motifs de sa décision. Les motifs n’ont pas analysé précisément ces questions, mais ont dit que la décision était fondée sur un examen de l’ensemble de la preuve ainsi que sur le témoignage de vive voix du demandeur.

[58] Bien que le Dr Njoku affirme que les problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie du demandeur nuisent à sa capacité à conserver un emploi régulier à long terme, il ne déclare pas que c’était le cas en 1999. Le tribunal de révision de 2005 a examiné la preuve du rendement au travail et des limitations du demandeur en 1999, et a conclu que sa tentative de travail avait été suffisamment fructueuse pour conclure qu’il n’était pas atteint d’une invalidité à cette époque. Le rapport du Dr Njoku ne contient pas de diagnostic ni de preuve précise se rapportant à l’état de santé du demandeur en 1999, qui n’était pas déjà devant le tribunal de révision de 2005 ou qui n’aurait pas pu lui être fourni malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

[59] La décision du tribunal de révision de 2005 affirmait que la tentative de travail du demandeur en 1999 démontrait qu’il était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice après la fin de sa PMA. Le demandeur savait à l’époque qu’il était atteint d’un TSPT et qu’il avait des antécédents de toxicomanie et d’alcoolisme. Il a présenté des renseignements médicaux sur ces problèmes de santé ainsi que d’autres problèmes au défendeur et au tribunal de révision de 2005. Il semble qu’il n’ait pas fourni suffisamment de preuves des symptômes liés à ces problèmes pour convaincre le tribunal de révision de 2005 qu’il éprouvait des difficultés à travailler. De tels éléments de preuve auraient été fournis par le demandeur, son employeur, son médecin, ses amis ou des membres de sa famille, et ils auraient pu être découverts au moment de l’audience. La capacité du demandeur à cibler de tels symptômes ou limitations ne dépendait pas de la conclusion d’un psychiatre ou d’une meilleure compréhension du TSPT s’étant développée au cours des années subséquentes.

[60] Le Tribunal actuel n’a pas le pouvoir général de réexaminer les éléments de preuve qui ont été présentés au tribunal de révision de 2005, ou d’examiner de nouveaux éléments de preuve pour voir s’ils auraient mené à une conclusion différente. La loi permet seulement au Tribunal de rendre une décision différente quant à l’invalidité du demandeur à la fin de sa PMA s’il conclut que les nouveaux éléments de preuve constituent de nouveaux faits importants qui existaient au moment de la première audience, mais qui n’auraient pas pu être découverts malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. On peut raisonnablement s’attendre à ce qu’un fait important ait une incidence sur l’issue de la première audience. Aucun des renseignements présentés par le demandeur ne satisfait à ce critère.

Conclusion

[61] La demande est prescrite par la loi parce qu’elle n’a pas été faite dans l’année qui a suivi la communication de la décision du tribunal de révision de 2005 au demandeur. Même si elle n’avait pas été prescrite par la loi, la demande serait rejetée, car aucun des éléments de preuve présentés n’est un nouveau fait important qui existait au moment de l’audience du tribunal de révision de 2005, mais qui n’aurait pas pu être découvert malgré l’exercice d’une diligence raisonnable, comme l’exige la loi.

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