Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : DW c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 832

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : D. W.
Représentante ou représentant : J. S.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 19 novembre 2021 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Selena Bateman
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 27 juillet 2022
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Représentant et témoin de la partie appelante
Date de la décision : Le 3 août 2022
Numéro de dossier : GP-22-159

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] D. W., l’appelante, est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), payable à partir d’octobre 2019. Cette décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a 52 ans. Elle travaillait pour les forces armées. Après avoir été libérée pour motifs médicaux en raison de ses genoux, elle a travaillé sur une base en tant qu’employée civile dans le domaine de la budgétisation financière. Elle possède un diplôme en comptabilité. Sa demande de prestations d’invalidité est fondée sur sa mauvaise santé mentale. En octobre 2018, elle est partie en congé. Elle estime ne plus pouvoir travailler depuisNote de bas de page 1.

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du RPC le 17 septembre 2020. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a donc fait appel de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme que son invalidité est grave. Son état de santé mentale ne lui permet pas de travailler. Elle a de la difficulté à se concentrer ainsi que des tremblements au niveau des mains. Après être partie en congé, elle a tenté à de nombreuses reprises de retourner travailler à son emploi habituel. Elle n’y arrivait pas en raison de ses problèmes de santé. Par la suite, elle a tenté de se recycler et de travailler pour un autre employeur. Ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler, peu importe l’emploi. Par conséquent, elle n’a pas été en mesure de travailler pour son nouvel employeur non plusNote de bas de page 2.

[6] Le ministre, lui, affirme que les problèmes de santé mentale de l’appelante ont été causés par son ancien milieu de travail. Donc, elle devrait être en mesure d’effectuer un travail quelconque ailleurs. Le ministre affirme que l’appelante possède des compétences transférables et qu’elle peut se recycler pour exercer un autre travailNote de bas de page 3.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour gagner son appel, l’appelante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le jour de l’audienceNote de bas de page 4.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 5.

[10] Pour décider si l’invalidité de l’appelante est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de certains facteurs, dont son âge, son niveau d’éducation, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si l’appelante est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 6.

[12] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de l’appelante doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[13] L’appelante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, elle doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date d’octobre 2018. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité de l’appelante est-elle grave?
  • L’invalidité de l’appelante est-elle prolongée?

L’invalidité de l’appelante est-elle grave ?

[15] L’appelante est atteinte d’une invalidité grave. J’ai fondé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisent à sa capacité de travailler

[16] L’appelante est atteinte des problèmes de santé suivants :

  • problèmes de santé mentale, plus précisément un trouble dépressif, un trouble d’anxiété et un trouble de stress post-traumatique (TSPT);
  • problèmes de santé physique, plus précisément l’hypertension artérielle et les séquelles découlant d’une opération au genou droitNote de bas de page 7.

[17] Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 8. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 9. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas seulement du plus important) et de leurs effets sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 10.

[18] Je conclus que l’appelante a effectivement des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler.

Ce que l’appelante dit de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelante affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler.

[20] Elle a fourni les explications suivantes :

  • En raison de sa douleur aux genoux, elle ne peut pas se tenir debout pendant plus de 10 minutes et elle ne peut pas s’agenouiller. Elle doit prendre des pauses lorsqu’elle fait des courses. Elle ne peut pas faire d’entretien ménager. Sa douleur aux genoux l’empêche de bien dormir et de se sentir reposée.
  • Ses mains tremblent. Elle a de la difficulté à taper une seule phrase à l’ordinateur. Le stress empire son état.
  • Elle est atteinte d’hypertension artérielle. Il s’agit d’ailleurs de l’une des raisons pour lesquelles l’appelante s’est absentée du travail en 2018.
  • En raison de son trouble dépressif, elle a souvent les larmes aux yeux. Il est donc difficile de se concentrer.
  • En raison de son trouble d’anxiété et de son TSPT, elle s’inquiète beaucoup. Elle fait des crises de panique.

[21] Le conjoint de l’appelante a témoigné. Ils habitent ensemble depuis 22 ans. Il s’est exprimé au sujet de l’état de santé de l’appelante avant que ses problèmes de santé lui nuisent. Elle était très sportive. Dans son régiment, elle était considérée comme « la » personne-ressource. Elle était alors capable d’écrire à la main et de taper à l’ordinateur. Elle avait de la difficulté à courir en raison de ses problèmes aux genoux, qui ont commencé en 2002 ou 2003.

[22] Le conjoint de l’appelante a déclaré que, autour de 2011, alors qu’elle travaillait en tant qu’employée civile, ses mains ont commencé à trembler. Elle était stressée et distraite en raison de son environnement de travail. Elle pleurait presque toutes les nuits. Elle ne dormait pas beaucoup.

[23] Depuis que l’appelante a cessé de travailler, elle a de la difficulté à sortir du lit. Elle laisse des listes partout dans la maison en raison de ses problèmes de mémoire. Elle est épuisée. Son conjoint doit lui donner des indications et prendre des décisions simples pour elle. Elle renverse du café ou du thé parce que ses mains tremblent trop. Il remarque aussi que, certains jours, elle peut bégayer et être anxieuse. Elle craint d’aller en ville, car elle a peur de croiser d’anciens collègues.

[24] Lorsque l’appelante voit des personnes portant un uniforme militaire en public, un sentiment de panique s’empare d’elle. Elle se demande qui sont ces personnes et craint de les connaître. Étant donné qu’elle habite près d’une grande base militaire, elle ne peut pas éviter de voir des militaires en public.

[25] Je crois aux faits énoncés par l’appelante et son conjoint au sujet de l’état de santé de l’appelante. Ils m’ont fourni des éléments de preuve honnêtes et plausibles sur les problèmes de santé qui lui nuisent.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[26] L’appelante doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date du 27 juillet 2022 (la date de l’audience)Note de bas de page 11.

[27] La preuve médicale confirme la plupart des faits énoncés par l’appelante.

[28] J’ai questionné l’appelante au sujet de ses tremblements de mains. Elle a affirmé avoir des « tremblements essentiels ». Il n’existe aucun traitement. La preuve médicale n’appuie pas ce diagnostic. Je ne dis pas que je ne crois pas l’appelante et son conjoint. Je précise seulement qu’aucune preuve médicale ne traite de plaintes ou d’observations au sujet de mains tremblantesNote de bas de page 12. Toutefois, le témoignage de l’appelante ne m’a pas convaincue que ce problème de santé nuisait à sa capacité d’exercer son emploi habituel.

[29] La preuve médicale confirme une opération au genou droit et de l’arthrose avec le syndrome fémoro-patellaire. Elle confirme aussi que l’appelante a été libérée des forces armées pour raisons médicales à la suite des blessures à son genouNote de bas de page 13. Bien que la preuve médicale ne précise pas les limitations découlant de ses problèmes de genoux, elle corrobore ces problèmes. J’accepte le témoignage de l’appelante selon lequel elle a des limitations découlant de ces problèmes. Par exemple, elle ne peut pas marcher longtemps ni s’agenouiller. Elle était capable d’exercer son emploi habituel, malgré ses problèmes de genoux.

[30] L’appelante est aussi traitée pour l’hypertension artérielle. La preuve médicale confirme que sa tension artérielle est élevée. Elle prend du Coversyl, un médicament qui sert à traiter l’hypertensionNote de bas de page 14.

[31] L’appelante a des troubles de santé mentale. En octobre 2018, elle a consulté son médecin de famille. Elle subissait alors un stress important au travail. Elle avait les larmes aux yeux, elle ne s’adaptait pas bien, elle avait de la difficulté à se concentrer, elle ne dormait pas beaucoup et elle avait une humeur maussade. Elle s’est absentée du travail en raison de ses problèmes de santé. Son médecin de famille lui a donné un certificat médical pour son congé du travail. L’appelante a tenté un retour progressif à son emploi habituel en 2018 et en 2019Note de bas de page 15.

[32] L’appelante a consulté un psychologue agréé ainsi que deux psychiatres. Ils ont noté les limitations suivantes par rapport à ses troubles de santé mentale :

  • Ses troubles de santé mentale ont une incidence importante sur ses prises de décision, sa socialisation, sa concentration, son humeur et son autocritique. Ils ont une incidence modérée sur son sommeil, son jugement et son énergieNote de bas de page 16.
  • Elle a des souvenirs traumatisants et ressent de la culpabilité par rapport à son travailNote de bas de page 17.
  • Elle a de la difficulté à sortir en public en raison de son anxiété causée par son environnement de travailNote de bas de page 18.

[33] Un psychiatre a noté que l’appelante avait des crises de panique lorsqu’elle faisait son épicerie, mais elle n’en aurait pas eu de janvier 2021 à octobre 2021Note de bas de page 19. J’ai questionné l’appelante au sujet de ses antécédents de crises de panique. Elle a expliqué qu’elle pensait que le psychiatre parlait seulement des crises de panique liées à son ancien travail. En fait, elle continue d’avoir des crises de panique, et elle en a eu une la semaine précédant l’audience. La fréquence de ses crises de panique varie de chaque semaine à toutes les deux semaines. Les crises de panique ont commencé avant qu’elle parte en congé pour cause de stress. J’accepte l’explication de l’appelante concernant la question du psychiatre et concernant le fait que ses crises de panique se manifestent dans des situations qui ne sont pas liées à son ancien travail.

[34] La preuve médicale confirme que les troubles de santé mentale de l’appelante ont une incidence sur son fonctionnement cognitif et social, ce qui l’empêchait d’exercer son emploi habituel.

[35] Je vais maintenant chercher à savoir si l’appelante a suivi les conseils médicaux.

L’appelante a suivi les conseils médicaux

[36] Pour avoir droit à une pension d’invalidité, la personne doit suivre les traitements recommandésNote de bas de page 20. Si les conseils des médecins n’ont pas été suivis, une explication raisonnable doit être fournie. Je dois aussi examiner les effets potentiels de ces conseils sur l’invalidité de la personneNote de bas de page 21.

[37] L’appelante a suivi les conseils médicauxNote de bas de page 22.

[38] L’appelante a consulté des psychologues et des personnes offrant des conseils en santé mentale au fil des années. Son psychologue actuel a noté qu’il avait vu l’appelante plus de 30 fois depuis novembre 2018. Elle s’est rendue à cette clinique pour la première fois en 2009. Elle était suivie par d’autres spécialistes à cette époqueNote de bas de page 23.

[39] L’appelante a consulté son médecin de famille ainsi que des psychiatres. Elle a pris des médicaments. Son psychiatre a noté que les médicaments avaient amélioré son humeurNote de bas de page 24.

[40] L’appelante a aussi consulté un ergothérapeute pour apprendre des techniques d’adaptation.

[41] À présent, je dois chercher à savoir si l’appelante est régulièrement capable d’occuper d’autres types d’emplois. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement la rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas de page 25.

L’appelante est incapable de travailler dans un contexte réaliste

[42] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes médicaux et à leur effet fonctionnel. Pour décider si l’appelante est capable de travailler, je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau d’éducation;
  • ses capacités linguistiques;
  • son expérience de travail et son expérience personnelle.

[43] Ces facteurs m’aident à savoir si l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 26?

[44] Je conclus que l’appelante est incapable de travailler dans un contexte réaliste.

[45] L’appelante a 52 ans. Elle parle anglais. Elle possède un diplôme en comptabilité. Ses antécédents professionnels sont majoritairement stables depuis 1988. Ces caractéristiques favorisent l’employabilité et la capacité de se recycler.

[46] J’ai demandé à l’appelante si ses tremblements de mains nuisaient à sa capacité de travailler. Elle a expliqué qu’elle n’avait pas besoin de taper beaucoup à l’ordinateur dans le cadre de son emploi. Elle travaillait principalement avec des feuilles de calcul et les payes. Pour cacher ses tremblements de mains, elle déposait les feuilles sur la table de travail plutôt que de les tenir dans ses mains. D’après les renseignements qui m’ont été communiqués, je ne pense pas que ses tremblements de mains nuisaient à sa capacité de faire des budgets et du repérage financier dans le cadre de son travail.

[47] J’ai tenu compte de toutes les limitations découlant des problèmes de santé de l’appelante. L’appelante a des limitations lorsqu’elle doit marcher ou s’agenouiller en raison de ses problèmes de genoux. Elle a des limitations cognitives en raison de ses troubles de santé mentale. Elle a de la difficulté à prendre des décisions, à se concentrer et à faire preuve de patience. Son sommeil est perturbé, ce qui a une incidence modérée sur son niveau d’énergie. Les situations sociales la rendent très anxieuse.

[48] L’appelante a rejoint les forces armées après avoir terminé l’école secondaire. Après avoir quitté les forces armées en 2007, elle a travaillé en tant qu’employée civile sur une base pendant 10 ans, de 2010 à 2020. Elle a travaillé dans un environnement militaire pendant 30 ans. Il s’agit d’un environnement très structuré et hiérarchique. Elle savait à quoi s’attendre. Pendant plusieurs années, elle était considérée comme « la » personne-ressource. Elle a continué d’occuper son rôle, malgré le taux de roulement élevé au fil des années. Cependant, lorsqu’elle a commencé à travailler pour le programme d’impôt sur le revenu, elle n’a pas été capable de s’adapter à l’environnement de travail détendu. Elle trouvait le comportement de ses collègues ainsi que de la personne responsable de sa formation difficile à gérer.

[49] J’ai tenu compte de l’expérience de travail de l’appelante dans les forces armées ainsi que de ses limitations fonctionnelles en ce qui a trait à son employabilité dans un contexte réaliste. Si l’on compare les fonctions et la culture militaires avec celles des milieux de travail civils, il existe un contraste. J’accepte qu’il puisse être difficile de s’adapter à un emploi civil après avoir connu une longue carrière militaire, en plus des défis additionnels que doit surmonter l’appelante en ce qui a trait à ses troubles de santé mentale.

[50] J’examine ensuite les tentatives de l’appelante de retourner travailler à son emploi habituel, d’occuper un poste différent chez son employeur, de se recycler et de se trouver un emploi à l’extérieur des forces armées. À mon avis, ses tentatives de retourner à son emploi habituel et de garder un autre emploi ont toutes deux été infructueuses. Ses déficiences fonctionnelles sont devenues trop importantes au fil du temps pour qu’elle puisse travailler de façon prévisible et fiable.

L’appelante a tenté de retourner travailler

[51] L’appelante a tenté à plusieurs reprises de retourner travailler :

  • Elle est partie en congé de maladie en octobre 2018 en raison de sa santé mentale, de son stress et de son hypertension artérielle. Elle a tenté un retour progressif au travail en mars 2019.
  • Elle est partie en congé de maladie en juin 2019 en raison de sa santé mentale. Elle a tenté un retour au travail progressif en octobre 2019. Elle travaillait alors trois heures par jour, deux jours par semaine. Ses heures travaillées augmentaient progressivement. Elle a travaillé jusqu’à environ Noël 2019 avant de retourner en congé maladie en raison de sa santé mentale. Elle n’est pas retournée travailler depuis.
  • Elle a tenté d’occuper un poste différent. Son psychiatre était d’accordNote de bas de page 27. Lors de son témoignage, l’appelante a déclaré que son employeur ne lui avait pas offert un poste différent.

[52] L’appelante affirme avoir subi du harcèlement au travail au cours des dernières années. Certains de ses collègues ont été transférés par la suite. Elle était dépassée par le stress et l’anxiété que le retour au travail lui causait. Lorsqu’elle a tenté de retourner travailler, le personnel avait changé. Elle espérait donc être capable de travailler. Cependant, la situation ne s’est pas amélioréeNote de bas de page 28.

[53] Je considère les tentatives de retour au travail comme infructueuses pour les raisons suivantes :

  • L’appelante n’était pas capable de s’adapter à un horaire à temps partiel, très réduit. Elle a tenté deux retours progressifs au travail. Elle commençait par travailler environ trois heures par jour, deux jours par semaine. Ses heures de travail augmentaient ensuite progressivement.
  • Lors de chacune de ses tentatives, elle a travaillé moins de trois mois avant de retourner en congé de maladie en raison de sa santé mentale.
  • Elle a essayé de changer de poste pour voir si elle parvenait à travailler dans un environnement différent. Cependant, son employeur ne lui a pas donné cette occasion.
  • Après la deuxième tentative de retour au travail, son psychiatre lui a signé un congé maladie d’une durée indéterminée à compter de janvier 2020. Cela me laisse croire que son spécialiste en santé mentale était d’avis qu’il serait néfaste pour sa santé mentale que l’appelante tente de retourner travailler à la suite de ses expériences précédentes.

L’appelante a tenté de se recycler et de garder un emploi convenable

[54] L’appelante s’est recyclée. Elle a suivi un cours d’impôt sur le revenu en septembre 2020. Elle a réussi le cours, mais elle a éprouvé des difficultés avec certains aspects interpersonnels du cours.

[55] Elle a été embauchée à temps partiel pour traiter les déclarations d’impôt sur le revenu. Elle a terminé la formation d’environ deux semaines offerte en ligne. Elle a travaillé un jour ou deux au bureau. Elle s’est sentie dépassée. Elle a cessé de travailler. Elle n’a pas travaillé depuis.

[56] Je considère que l’appelante a essayé de garder un emploi convenable, mais qu’elle n’a pas réussi parce que ses limitations ont nui à sa capacité de travailler plus d’un ou deux joursNote de bas de page 29. Sur le plan intellectuel, il ne s’agissait pas d’un travail trop difficile pour l’appelante. Elle possède les compétences et l’éducation nécessaires. Elle a obtenu de bons résultats à ses travaux de cours. Toutefois, elle n’était pas capable de travailler avec d’autres personnes ni dans cet environnement en raison de ses problèmes de santé mentale.

L’argument du ministre

[57] Le ministre affirme que l’environnement de travail de l’appelante a déclenché ses troubles de santé mentale. Le ministre ajoute que rien n’indique que l’appelante a tenté d’occuper un autre emploiNote de bas de page 30. L’appelante a fourni une réponse écrite aux observations du ministre dans laquelle elle décrit son environnement de travail, ses tentatives de se recycler et ses tentatives de se trouver un emploi différent de son emploi habituelNote de bas de page 31. Je suis convaincue que ses problèmes psychologiques ne se limitent pas uniquement à son emploi habituel.

[58] Lorsque j’examine les limitations fonctionnelles de l’appelante ainsi que ses tentatives de retourner travailler, je suis convaincue que l’appelante ne peut pas travailler dans un contexte réaliste. Je conclus que l’appelante a fait des efforts raisonnables pour se recycler et trouver du travail à l’extérieur de la base militaire, soit en dehors de l’environnement qui a déclenché ses troubles de santé mentale. Ses tentatives ont été infructueuses en raison de ses problèmes de santé.

Je conclus que l’invalidité de l’appelante était grave en date d’octobre 2018, lorsqu’elle est partie en congé pour la première fois. Les efforts de l’appelante démontrent qu’elle n’est pas capable d’effectuer régulièrement un travail qui lui permet de gagner sa vie depuis.

L’invalidité de l’appelante est-elle prolongée ?

[60] L’appelante est atteinte d’une invalidité prolongée.

[61] Les troubles de santé mentale de l’appelante ont commencé à lui nuire un peu avant 2009. C’est à ce moment-là qu’elle a consulté des personnes offrant des conseils en santé mentale. Ces troubles de santé ont empiré au fil au temps, et ils continueront vraisemblablement pendant une période indéfinieNote de bas de page 32.

[62] Il est improbable que la santé mentale de l’appelante soit assez bonne pour qu’elle puisse retourner travailler dans l’avenir, même à temps partiel. La preuve et les expertises médicales sont complémentaires et cohérentes. L’appelante a suivi les recommandations de ses médecins.

[63] Le médecin de famille s’en est remis au psychiatre pour établir le pronostic de l’appelante. En janvier 2020, son psychiatre a indiqué sur un certificat médical que l’appelante était en arrêt de travail pour une durée indéterminéeNote de bas de page 33. En 2021, le psychologue agréé jugeait qu’il était peu probable que l’appelante puisse retourner travailler, même à temps partielNote de bas de page 34. J’accorde du poids à son opinion parce qu’il traite l’appelante depuis novembre 2018 et qu’il l’a vue plus de 30 fois pour lui offrir des traitements psychologiques.

[64] À ce stade-ci, l’appelante ne travaille plus depuis des années. Elle a tenté à plusieurs reprises de retourner travailler, sans succès. Ses médecins n’ont pas fourni de date prévue à laquelle l’appelante serait capable de retourner travailler. Elle est toujours atteinte de troubles de santé mentale.

[65] L’appelante continue de recevoir des traitements psychologiques, psychiatriques et d’ergothérapie. Ses fournisseurs de soins de santé n’ont pas recommandé d’autres types de traitement. L’appelante ne s’est toujours pas remise, bien qu’elle ne soit plus dans un environnement militaire. Les médicaments l’aident, mais elle continue de faire des crises de panique et elle souffre toujours d’anxiété et de dépression.

[66] Je conclus que l’invalidité de l’appelante était prolongée en date d’octobre 2018, lorsqu’elle a cessé de travailler en raison des limitations causées par ses troubles de santé mentale.

Début du versement de la pension

[67] L’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date d’octobre 2018.

[68] Par contre, selon le Régime de pensions du Canada, une personne ne peut pas être considérée comme invalide plus de 15 mois avant la date à laquelle le ministre a reçu sa demande de pensionNote de bas de page 35. Il y a ensuite un délai d’attente de quatre mois avant le versement de la pensionNote de bas de page 36.

[69] Étant donné que le ministre a reçu la demande de l’appelante en septembre 2020, elle est considérée comme invalide depuis juin 2019. Sa pension est donc versée à partir d’octobre 2019.

Conclusion

[70] Je conclus que l’appelante est atteinte d’une invalidité grave et prolongée et qu’elle est donc admissible à une pension d’invalidité du RPC.

[71] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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