Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Résumé :

Le requérant avait droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) parce qu’il a prouvé que son invalidité était grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2017 (soit la date correspondant au dernier jour de sa période de couverture). Il a expliqué à la division générale (DG) qu’il souhaitait que ses versements remontent jusqu’en 2017. Elle a décidé que l’appel du requérant était en retard et qu’il ne pouvait pas obtenir de prolongation du délai pour faire appel parce qu’il n’avait pas de cause défendable. Le requérant a fait appel de la décision de la DG auprès de la division d’appel (DA).

La DA a tenu une conférence de règlement, et les parties ont convenu du résultat de l’appel. La DA a accepté le résultat proposé. Elle a estimé que la DG avait commis une erreur en n’offrant pas un processus équitable et qu’elle avait commis une erreur de fait.

Premièrement, la DA a conclu que la DG n’avait pas offert au requérant un processus équitable. La DG a invité le requérant à une conférence préparatoire à l’audience parce qu’elle avait des préoccupations au sujet du dossier du requérant. L’invitation à cette conférence préparatoire ne faisait pas mention de l’exception à la règle en matière d’incapacité. Au cours de la conférence préparatoire, le membre de la DG a donné quelques explications au sujet de la notion d’incapacité. Cependant, la représentante du requérant ne possédait pas de formation juridique. La DA a jugé que le membre de la DG n’avait pas expliqué assez clairement au requérant comment la notion d’incapacité s’inscrivait dans le cadre de la conférence préparatoire et des autres étapes de l’appel. Le membre de la DG n’a pas expliqué clairement au requérant quelles étaient ses options s’il soutenait qu’il avait été incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de pension d’invalidité plus tôt.

Deuxièmement, la DA a conclu que la DG avait commis une erreur de fait en ignorant certains éléments de preuve fournis par le requérant. Ces éléments provenaient de son psychologue et étaient importants pour la question de l’incapacité. Dans la décision relative à la prolongation du délai, la DG a déclaré que la preuve médicale au dossier démontrait maintenant une incapacité aux termes du RPC. La DG n’a toutefois pas mentionné la lettre du psychologue du requérant. La question de savoir si le document médical du psychologue était une preuve médicale pertinente pour vérifier si le requérant avait une cause défendable relativement à une incapacité au titre du RPC n’était toujours pas tranchée. Cette question portait clairement sur les fonctions mentales du requérant dans la vie de tous les jours. Le fait que la DG ne l’ait pas mentionné pendant la discussion sur la question de savoir si le requérant avait une cause défendable en appel permet de déduire que la DG l’a ignoré.

La DA a accordé la permission de faire appel. Elle a rendu la décision que la DG aurait dû rendre. Elle a établi que le requérant avait une cause défendable et a donc accordé la prolongation du délai pour faire appel devant laDG. Elle a renvoyé l’affaire à la DG pour que celle-ci décide si le requérant avait été incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations d’invalidité du RPC plus tôt qu’il ne l’a fait.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1358

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie demanderesse (requérant) : D. S.
Représentante ou représentant : J. S.
Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 19 octobre 2022 (GP-22-1068)

Membre du Tribunal : Kate Sellar
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 22 novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-778

Sur cette page

Décision

[1] J’accorde la permission de faire appel. J’accueille également l’appel. La division générale a commis des erreurs. Pour corriger les erreurs, je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre en accordant la prolongation du délai au requérant. L’affaire sera ensuite renvoyée à la division générale pour une audience qui tranchera la question de savoir si le requérant était incapable de former une intention de présenter une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) plus tôt.

Aperçu

[2] D. S. (requérant) a vécu beaucoup de traumatismes au cours de sa vie.

[3] Le requérant était admissible à une pension d’invalidité parce qu’il a prouvé que son invalidité était grave et prolongée le 31 décembre 2017 (le dernier jour de sa période de protection) ou avant cette date.  

[4] Peu importe la date à laquelle l’invalidité du requérant a véritablement commencé, le versement des prestations d’invalidité ne peut pas commencer plus de 11 mois avant le mois où le requérant a présenté sa demande (la règle des 11 mois). Le requérant a présenté sa demande le 7 janvier 2021, ce qui signifie que ses paiements peuvent commencer au plus tôt 11 mois avant cette date, soit en février 2020Note de bas de page 1.

[5] Le requérant a fait appel de la décision du ministre d’accorder sa pension d’invalidité. Il a expliqué à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale qu’il voulait que ses versements commencent en 2017.

[6] La division générale a décidé que l’appel du requérant était en retard. Elle a tenu une conférence préparatoire (une réunion) où elle a évoqué une exception à la règle des 11 mois : celle-ci s’applique lorsqu’une personne n’a pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de présenter plus tôt une demandeNote de bas de page 2. La division générale n’a pas tenu d’audience sur cette question. Elle a décidé que le requérant ne pouvait pas bénéficier d’une prolongation du délai d’appel parce qu’il n’avait pas de cause défendable en appel. Cela signifie que son appel visant à ce que ses prestations d’invalidité commencent plus tôt qu’en février 2020 n’avait aucune chance raisonnable d’être accueilli.

[7] Le requérant a fait appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel.

Les parties s’entendent sur le résultat de l’appel

[8] J’ai convoqué les parties à une conférence de règlement. Lors de la conférence, les parties se sont mises d’accord sur les éléments suivants :

  1. 1. Le requérant avait une cause défendable dans son appel.
  2. 2. Je devrais accorder au requérant la permission de faire appel.
  3. 3. Je devrais accueillir l’appel du requérant.
  4. 4. Je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre en faisant deux choses :
  • Premièrement, je devrais accorder au requérant la prolongation du délai pour faire appel auprès de la division générale parce qu’il avait une cause défendable.
  • Deuxièmement, je devrais renvoyer l’appel à la division générale pour qu’elle tranche la question toujours en litige, c’est-à-dire pour décider si le requérant était incapable de former ou d’exprimer l’intention de demander la pension d’invalidité du RPC avant janvier 2021.  

J’accepte le résultat proposé

[9] J’accepte entièrement le résultat proposé.

[10] Les parties ne se sont pas entendues sur la nature de l’erreur commise par la division générale. Je devrai alors fournir mes propres raisons à ce sujet.

[11] À mon avis, la division générale a commis une erreur de fait et a omis d’offrir un processus équitable.

Erreur relative à l’équité procédurale

[12] Premièrement, la division générale n’a pas offert au requérant un processus équitable. Elle a convoqué le requérant à une conférence préparatoire parce qu’elle avait des préoccupations au sujet de son cas. Plus précisément, il semblait que le requérant avait déjà reçu les versements de pension d’invalidité le plus tôt possible, car il avait présenté sa demande en janvier 2021 (selon la règle des 11 mois). La convocation à la conférence préparatoire ne mentionnait pas l’exception à cette règle en ce qui concerne l’incapacité.

[13] Au cours de la conférence préparatoire, le membre de la division générale a donné quelques explications au sujet de l’incapacité. Le requérant n’était pas accompagné d’une personne ayant une formation juridique. Le membre de la division générale n’a pas expliqué clairement au requérant comment l’incapacité s’inscrit dans la conférence préparatoire et dans les étapes plus générales de l’appel.  

[14] Ce qu’exige l’équité dépend des circonstancesNote de bas de page 3. Dans ce cas-ci, le requérant n’avait pas de représentante ou de représentant légal lorsqu’il a assisté à la conférence préparatoire au sujet de l’appel tardif.

[15] À mon avis, la division générale n’a pas expliqué clairement au requérant quelles étaient ses options s’il soutenait qu’il était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter plus tôt une demande de pension d’invalidité. La division générale acceptait-elle les arguments présentés au cours de la conférence préparatoire en ce qui concerne la cause défendable du requérant sur la question de l’incapacité? La division générale accorderait-elle au requérant plus de temps (un ajournement) pour présenter des éléments de preuve sur cette question avant qu’elle ne rende sa décision sur la prolongation du délai?

[16] À mon avis, le requérant a manifesté un intérêt à présenter ces arguments au cours de la conférence préparatoire. Les options qui s’offraient au requérant dans le cadre du processus n’étaient pas claires, et la division générale venait tout juste de lui parler de l’exception relative à l’incapacité. La division générale a commis une erreur en omettant de fournir un processus équitable.

Erreur de fait : ignorer des éléments de preuve

[17] Deuxièmement, la division générale a commis une erreur de fait en ignorant certains éléments de preuve provenant du psychologue du requérant qui étaient importants pour trancher la question de l’incapacité.   

[18] Pour respecter la loi en ce qui concerne les erreurs de fait, je dois présumer que la division générale a examiné l’ensemble de la preuve, même si elle n’a pas tout mentionné dans sa décisionNote de bas de page 4. Dans cette affaire, toutefois, le requérant réfute cette hypothèse parce que cet élément de preuve était si important que le fait de ne pas en discuter m’amène à supposer que la division générale l’a ignoréNote de bas de page 5.

[19] Dans la décision de prolongation du délai, la division générale a dit que la preuve médicale au dossier ne démontre pas une incapacité selon le RPCNote de bas de page 6. Mais la division générale n’a pas fait mention de la lettre du psychologue du requérant. Celle-ci révélait ce qui suitNote de bas de page 7 :

  • L’ensemble de son profil diagnostique montre que son état de santé est défaillant.
  • Mon impression clinique est qu’il a connu un déclin cognitif en plus de son diagnostic principal.
  • Il a souvent des idées suicidaires.
  • Sa mémoire est très faible et il a beaucoup de difficulté à se concentrer.
  • En plus de son état de santé psychologique défaillant, il a d’importants problèmes médicaux qui sont sans doute bien documentés.
  • Il a de la difficulté à fonctionner au quotidien.
  • C’est surtout son épouse qui est responsable des tâches ménagères et des besoins familiaux.
  • L’exercice de la fonction mentale nécessaire pour la vie quotidienne est toujours très limité dans son cas.

[20] Il s’agissait d’une question ouverte : ce document du psychologue constituait-il une preuve médicale pertinente pour décider si le requérant avait une cause défendable d’incapacité selon le RPC? Il portait précisément sur la fonction mentale du requérant au quotidien. Le fait que la division générale ne l’ait pas mentionné en discutant de la question de savoir si le requérant avait une cause défendable en appel m’amène à conclure que la division générale l’a ignoré.

Façons de corriger l’erreur

Rendre la décision relative à la prolongation du délai

[21] J’accorde la prolongation du délai au requérant. J’adopte l’analyse de la division générale concernant tous les facteurs justifiant l’octroi d’une prolongation du délai, sauf l’analyse concernant la cause défendable du requérant.

[22] À mon avis, la cause du requérant est défendable. Le psychologue du requérant a fourni des éléments de preuve au sujet de son état de santé mentale. L’exigence de la « cause défendable » est peu rigoureuse, et le requérant l’a respectée. La lettre du psychologue indiquait que le requérant avait un argument à présenter en appel concernant sa capacité à exécuter des tâches au quotidien nécessitant certaines fonctions mentales, ce qui pourrait comprendre une demande de prestations d’invalidité du RPC.

[23] À mon avis, la cause défendable est le facteur le plus important dans ce dossier pour décider de la prolongation du délai. Il est dans l’intérêt de la justice d’accorder la prolongation du délai pour cet appel.

Renvoyer l’affaire à la division générale pour une audience sur la question de la capacité

[24] Lorsque la division générale commet une erreur en omettant de mener un processus équitable, on rectifie cela d’habitude en permettant à la partie requérante de plaider sa cause à nouveau relativement à la part du processus qui était inéquitable.

[25] Maintenant que j’ai accordé la prolongation du délai, il faut corriger l’erreur en donnant au requérant la chance de se préparer à une audience complète au sujet de l’incapacité devant la division générale, puis en tenant cette audience.

[26] Les parties savent que la division générale peut faire les choses suivantes :

  • accepter le témoignage du requérant et de son épouse au sujet du genre d’activités qu’il était (et n’était pas) capable de faire avant de présenter sa demande de pension d’invalidité;
  • tenir compte de la preuve médicale qu’elle a déjà reçue du psychologue;
  • permettre au psychologue de témoigner;
  • permettre au psychologue (s’il le souhaite) de fournir plus d’éléments de preuve sur la capacité du requérant au moyen du formulaire de Service CanadaNote de bas de page 8.   

Dernière remarque

[27] Le requérant est atteint d’une invalidité grave et prolongée. La lettre de son psychologue indique que son invalidité est débilitante. La lettre explique comment son invalidité nuit à sa capacité de réfléchir, de se souvenir, de se concentrer et de fonctionner.  

[28] Il me semble que le requérant n’a pas trouvé le processus du Tribunal particulièrement facile à gérer ni à comprendre.

[29] Le requérant a accepté que son appel soit renvoyé maintenant à la division générale. Il était important pour lui de préciser que cela ne signifie pas qu’il a perdu son appel. Cela signifie qu’il a accepté d’avoir la chance de fournir au Tribunal tous les éléments de preuve nécessaires pour décider s’il était en mesure de former ou d’exprimer l’intention de présenter plus tôt une demande de pension d’invalidité.

[30] Le Tribunal travaille fort pour rendre son processus à la fois facile et équitable pour ceux et celles qui ont vécu des traumatismes. Si le requérant a besoin de quoi que ce soit à la prochaine étape de l’appel qui faciliterait sa préparation et sa participation à l’audience, j’espère qu’il en informera le Tribunal. Il a heureusement des gens à ses côtés qui l’appuient et qui l’aident dans cet appel.

[31] Compte tenu des défis que je viens de décrire, je tiens à remercier la personne qui a représenté le ministre ainsi que le requérant du travail qu’ils ont accompli ensemble pour parvenir à une entente devant la division d’appel.

Conclusion

[32] J’ai accordé la permission de faire appel. J’ai accueilli l’appel du requérant parce que la division générale avait commis des erreurs. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre : le requérant a une cause défendable et, par conséquent, la prolongation du délai d’appel à la division générale est accordée. L’affaire retourne maintenant à la division générale pour qu’elle décide si le requérant était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter plus tôt une demande de prestations d’invalidité du RPC.

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