Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : EW c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1364

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse (requérante) : E. W.
Représentante ou représentant : M. W.
Partie mise en cause : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 16 août 2022
(GP-21-1691)

Membre du Tribunal : Kate Sellar
Date de la décision : Le 30 novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-835

Sur cette page

Décision

[1] Je refuse la permission de faire appel. L’appel n’ira pas de l’avant. Voici pourquoi.

Aperçu

[2] E. W. (requérante) recevait une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Le ministre de l’Emploi et du Développement social a cessé de verser la pension à partir de fin mars 2017.

[3] La requérante a fait appel de la décision de révision du ministre devant le Tribunal. La division générale a rejeté l’appel de la requérante. La division générale a jugé que le travail de la requérante à l’aéroport en tant qu’observatrice de conditions météorologiques en surface de 2016 à 2019 montrait qu’elle avait cessé d’avoir droit à la pension d’invalidité du RPC.

[4] La division générale a décidé que le travail à l’aéroport n’était pas une tentative de travail qui avait échoué en raison de l’invalidité de la requérante. Le travail n’était pas pour un employeur bienveillant. Le travail effectué a démontré que la requérante ne répondait pas à la définition d’une invalidité grave aux termes du RPC. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 1.

[5] La requérante a fait appel devant la division d’appel. Je dois décider si la division générale aurait commis une erreur au titre de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social qui justifierait d’accorder la permission de faire appel.

[6] La requérante n’a pas d’argument qui confèrerait à l’appel une chance raisonnable de succès. Je n’accorde pas la permission de faire appel.

Question en litige

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur (de droit ou de fait) en concluant que la décision de mettre fin à la pension d’invalidité le 8 janvier 2020 signifie que les prestations de la requérante devaient cesser d’être versées trois ans plus tôt, en mars 2017, ce qui a créé un trop-payé?

Analyse

[8] Dans les présents motifs, je vais expliquer l’approche que la division d’appel doit adopter pour réviser les décisions de la division générale. Ensuite, je vais expliquer comment j’ai décidé que l’appel de la requérante n’a aucune chance raisonnable de succès.

Examen des décisions de la division générale

[9] La division d’appel n’offre pas aux parties la possibilité de défendre à nouveau leur position pleinement. J’ai plutôt examiné les arguments de l’appel pour décider s’il était possible que la division générale ait commis des erreurs.

[10] Cet examen est fondé sur le texte de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social qui établit les « moyens d’appel ». Ceux-ci sont les raisons pour lesquelles l’appel est déposé. Pour accorder la permission de faire appel, je dois conclure qu’il est possible de soutenir que la division générale a fait au moins une des erreurs suivantes :

  • elle n’a pas agi de façon équitable;
  • elle n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher.
  • elle a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits au dossier;
  • elle a mal interprété ou mal appliqué la loiNote de bas de page 2.

[11] À l’étape de la permission de faire appel, la requérante doit démontrer que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3. Pour ce faire, il lui suffit de démontrer qu’il existe un moyen qui permettrait de soutenir que l’appel a une chance de succèsNote de bas de page 4.

Chronologie des conclusions de fait de la division générale

[12] J’ai créé une chronologie des interactions de la requérante avec le RPC. La chronologie reflète les conclusions de fait de la division générale dans l’appel de la requérante.

Novembre 2014 : La requérante cesse de travailler en raison de ses problèmes de santé.

Juin 2015 : Le ministre accorde à la requérante une pension d’invalidité du RPC, concluant que son invalidité a débuté en novembre 2014.

Août 2016 : La requérante commence à travailler dans une librairie.

Septembre 2016 : La requérante signale à Service Canada qu’elle a commencé à travailler. Service Canada l’informe que si elle gagne plus de 1 300 $ par mois, il devra examiner sa situation.

2016Note de bas de page 5 : La requérante reprend son travail à l’aéroport.

Mars 2017 : La requérante cesse de travailler à la librairie.

Fin de 2017 : La requérante a gagné 22 305 $ cette année-là.

Octobre 2018 : Le ministre informe la requérante que les informations de l’Agence du revenu du Canada indiquent qu’elle a gagné plus de 10 000 $ en 2016 et plus de 22 000 $ en 2017.

Décembre 2018 : Le ministre suspend les prestations d’invalidité du RPC de la requérante.

Fin de 2018 : La requérante a gagné 33 686 $ cette année-là.

Janvier 2019 : L’enquête du ministre aboutit à une conclusion concernant les revenus de la requérante pour 2018 (voir l’entrée ci-dessus). Les revenus sont légèrement supérieurs à 33 500 $.

Août 2019 : La requérante est retournée à l’université et a commencé à travailler à la librairie de l’université.

Fin de 2019 : La requérante a gagné 20 660 $ cette année-là.

Janvier 2020 : Le ministre décide que la requérante a cessé d’être invalide aux termes du RPC à la fin de mars 2017. Le ministre explique à la requérante qu’elle doit environ 16 000 $ en raison d’un trop-payé de sa pension d’invalidité du RPC depuis avril 2017.

Aucune erreur de droit ou de fait possible quant au moment où le ministre a décidé de mettre fin aux prestations

[13] La division générale n’a pas commis d’erreur (de fait ou de droit) quant au moment où le ministre a décidé de mettre fin aux prestations.

[14] La requérante soutient qu’il doit y avoir un problème avec la décision de la division générale parce qu’elle confirme la décision du ministre de mettre fin à ses prestations en 2020, mais la décision prend effet en 2017, ce qui crée un trop-payé. La requérante ne comprend pas pourquoi ses revenus de 2018 et de 2019 sont pertinents si la décision de mettre fin à ses prestations est prise en 2020Note de bas de page 6.

[15] Je ne vois aucune preuve ni aucun argument voulant que la division générale se soit trompée dans les faits concernant le moment où la réclamante a travaillé, le montant de son salaire ou la communication entre la requérante et le ministre pendant que la requérante recevait la pension d’invalidité du RPC.

[16] La question est donc de savoir si la division générale a commis une erreur de droit en ne trouvant aucune erreur dans la décision rendue par le ministre en 2020, selon laquelle la requérante a cessé d’être invalide en avril 2017, et en concluant que par conséquent, la requérante n’avait pas droit aux prestations qu’elle a reçues à partir d’avril 2017.

[17] Il n’y a pas de raison de penser que la division générale a fait une erreur de droit dans cette affaire.

[18] Le ministre a seulement le pouvoir de rendre des décisions sur les pensions d’invalidité qui sont conformes au RPC et à son règlement. Dans la présente affaire, on ne prétend pas que le ministre n’a pas respecté ces règles. C’est une combinaison de plusieurs règles qui permet au ministre d’enquêter sur le travail de la requérante, de décider de mettre fin aux prestations à partir du jour où elle a cessé d’être invalide (même si cette date est dans le passé), et ensuite de réclamer un trop-payé pour les montants de pension que la requérante a reçus alors qu’elle n’y avait pas droit.

Le ministre peut mettre fin à une pension d’invalidité lorsque la partie requérante n’est plus invalide

[19] Le RPC énonce les règles générales concernant le début et la fin du versement d’une pension d’invalidité. Il prévoit qu’une pension d’invalidité cesse d’être versée avec le paiement qui concerne le mois au cours duquel la partie requérante cesse d’être invalideNote de bas de page 7. Cela a permis au ministre de conclure que la requérante a cessé d’être invalide en 2017, au moment où elle était capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 8. L’arrêt des prestations est lié au moment où la requérante retrouve la capacité de travailler et cesse d’être invalide, et non au moment où le ministre rend une décision à ce sujet. Le RPC ne permet pas au ministre de choisir une autre date pour mettre fin à la pension simplement parce qu’une partie requérante a cessé d’être invalide à un moment donné avant que le ministre ne rende sa décision.

Si une partie requérante retourne au travail, elle doit en informer le ministre sans délai  

[20] Le Règlement sur le Régime de pensions du Canada prévoit que le ministre peut exiger d’une partie requérante qu’elle fournisse une déclaration indiquant son emploi et ses gains pour toute périodeNote de bas de page 9. Le règlement prévoit également que si une personne qui reçoit la pension d’invalidité du RPC retourne travailler, elle doit en informer le ministre sans délaiNote de bas de page 10.

[21] Cette règle permet au ministre d’avoir des renseignements à jour qui peuvent éclairer toute décision qu’il prend quant à l’arrêt des prestations d’invalidité de la personne.

[22] La requérante a supposé que le fait de déclarer son revenu à l’Agence du revenu du Canada chaque année était suffisant pour que le gouvernement fédéral sache de manière générale qu’elle était de retour au travail. Toutefois, le RPC est conçu de manière à ce que les parties requérantes soient tenues d’informer directement le ministre lorsqu’elles reprennent le travail. Dans cette affaire, le ministre désigne le ministre de l’Emploi et du Développement social par l’intermédiaire de Service Canada. Il ne s’agit pas du gouvernement fédéral en général ou de l’Agence du revenu du Canada en particulier.

Le ministre peut récupérer des paiements après coup si la partie requérante n’y avait pas droit

[23] Lorsqu’une personne a reçu une pension d’invalidité à laquelle elle n’avait pas droit, elle est tenue de rembourser le montant immédiatement. Cela crée une dette pour laquelle le gouvernement peut ensuite prendre des mesures de recouvrementNote de bas de page 11.

[24] Le ministre peut annuler la totalité ou une partie de la somme due (dans ce cas, le trop-payé fondé sur les paiements de pension d’invalidité que la requérante a reçus à partir d’avril 2017) dans l’une des situations suivantes :

  • La somme due ne peut pas être récupérée dans un avenir suffisamment rapproché.
  • Les coûts administratifs de la collecte du trop-payé sont égaux ou supérieurs à la somme due.
  • Le remboursement causerait un préjudice injustifié à la partie requérante.
  • La somme due est le résultat d’une erreur ou d’un mauvais conseil du ministreNote de bas de page 12.

[25] Le Tribunal n’a pas le pouvoir de décider si une somme due doit être remboursée. Les parties requérantes doivent demander au bureau de Service Canada qui a émis la pension d’invalidité l’annulation du trop-payé.

Les règles sont imparfaites, mais je ne peux pas les changer

[26] Ces règles ne sont pas parfaites. Le fonctionnement de la loi actuelle fait en sorte que des parties requérantes, pour diverses raisons, ne déclarent pas qu’elles ont repris le travail. Souvent, les parties requérantes présument que le fait de déclarer leur revenu à l’Agence du revenu du Canada, en produisant une déclaration de revenus, suffit à indiquer qu’elles travaillent tout en recevant une pension d’invalidité. Cependant, ce n’est pas le cas. Cela entraîne des enquêtes de la part du ministre, parfois des années après que les parties requérantes ont cessé d’être invalides. Dans certaines situations, les enquêtes concluent que les parties requérantes n’ont pas été invalides au sens du RPC pendant des années, et cela peut donner lieu à des trop-payés que les parties requérantes auront du mal à rembourser.

[27] Je prends acte officiellement du fait que le seuil de faible revenu après impôt en dollars courants en 2017 pour une personne seule était de 17 758 $ dans les populations de 100 000 à 499 000 habitantsNote de bas de page 13. La somme maximale de la pension d’invalidité du RPC qu’une personne pouvait recevoir cette année-là était d’environ 15 700 $Note de bas de page 14. Ainsi, le « revenu véritablement rémunérateur » aux fins du RPC est proche du seuil de faible revenu dans cette situation. La requérante a gagné 22 305 $ en 2017Note de bas de page 15.

[28] Autrement dit, en 2017, la requérante a touché une somme tout juste supérieure à ce que le RPC considère comme étant « véritablement rémunératrice ». Mais pour le contexte, cette rémunération est également très proche du seuil de faible revenu pour cette année-là. La requérante a également reçu une pension d’invalidité du RPC en 2017, soit 758,82 $ par mois. Les règles sont claires : le ministre peut légalement récupérer les 6 829,38 $ qu’il a versés sur neuf mois en 2017 à la requérante.

[29] Il me semble que la véritable question soulevée par la requérante concerne les préjudices causés. Le fait de percevoir, des années plus tard, des trop-payés auprès de personnes en phase terminale qui ont gagné juste au-dessus du seuil de faible revenu (même si cette somme est qualifiée de « véritablement rémunératrice » aux fins du RPC) risque fort de causer des difficultés à ces personnes.

[30] La requérante peut communiquer avec le bureau de Service Canada avec lequel elle fait affaire pour demander l’annulation de la totalité ou d’une partie du trop-payé. Faire appel à la division d’appel n’est pas la bonne façon de demander une annulation.

[31] La décision de la division générale ne concerne que la pension d’invalidité du RPC de la requérante d’avril 2017 à décembre 2018. La requérante peut refaire une demande de pension d’invalidité si son état de santé change.

Conclusion

[32] Je refuse la permission de faire appel. L’appel ne passera donc pas à l’étape suivante.

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