Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Résumé :

Auparavant, l’appelante avait un emploi saisonnier dans une chocolaterie. Elle travaillait habituellement de juillet à janvier. Elle était en congé lorsqu’elle a reçu un diagnostic de cancer du sein en juin 2011. Elle a commencé la chimiothérapie presque immédiatement. Il était aussi prévu qu’elle subisse une opération et des traitements de radiothérapie. En raison de ceux-ci, elle n’est pas retournée au travail comme prévu à l’été 2011.

L’appelante a commencé à toucher une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) en octobre 2011. Le ministre a accordé la pension à l’appelante parce que son traitement serait très long et qu’elle aurait besoin de temps pour se rétablir. Elle risquait d’être incapable de retourner travailler pendant plus d’un an. En mai 2021, le ministre a réévalué la situation de l’appelante pour vérifier si elle était toujours invalide. Il a décidé que l’appelante n’était pas admissible à continuer de recevoir une pension d’invalidité après janvier 2021. Le ministre a exigé que l’appelante rembourse les sommes qu’elle avait reçues en pension d’invalidité de février 2021 à août 2021. L’appelante a fait appel de la la décision du ministre devant la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale.

Le ministre doit prouver que le problème de santé de l’appelante a cessé d’être grave, ou qu’il a cessé d’être prolongé, mais pas les deux. La DG a conclu que puisque l’appelante a eu un cancer, son invalidité est demeurée grave. Malgré les améliorations constatées par rapport au cancer du sein de l’appelante, la DG a jugé que le ministre n’avait pas prouvé qu’elle était capable de travailler dans un contexte réaliste depuis décembre 2020. S’attendre à ce que l’appelante travaille dans un endroit où elle pourrait contracter une maladie grave équivaut à s’attendre à ce qu’une personne ayant de sérieux problèmes de dos travaille dans des conditions difficiles. Il est peu probable que ces personnes puissent travailler, car les conditions de travail mettent leur santé à risque.
La DG a reconnu que le traitement du cancer de l’appelante avait pris fin. Cependant, le ministre n’a déposé aucune preuve pour montrer que le risque que pose la COVID-19 pour l’appelante n’est pas prolongé. Par conséquent, la DG a accueilli l’appel et a conclu que l’appelante pouvait continuer de recevoir une pension d’invalidité du RPC.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : CY c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 840

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : C. Y.
Représentante ou représentant : Z. Z.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision rendue le 3 décembre 2021 par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Virginia Saunders
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 27 juillet 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante

Date de la décision : Le 15 août 2022
Numéro de dossier : GP-22-253

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] Le ministre de l’Emploi et du Développement social n’a pas prouvé que l’appelante, C. Y., a cessé d’être invalide. Cela signifie que l’appelante continue d’être admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

[3] Cette décision explique pourquoi j’accueille l’appel. 

Aperçu

[4] L’appelante avait un emploi saisonnier dans une chocolaterie. Elle travaillait normalement de juillet à janvier. Elle s’est absentée du travail après avoir reçu un diagnostic de cancer du sein en juin 2011. Elle a commencé la chimiothérapie presque aussitôt. Elle devait aussi subir une intervention chirurgicale et suivre une radiothérapie. En raison de son traitement, elle n’est pas retournée au travail comme elle le prévoyait, à l’été 2011.

[5] L’appelante a commencé à recevoir une pension d’invalidité du RPC en octobre 2011. Le ministre a accordé la pension à l’appelante parce que son traitement durerait longtemps et qu’elle aurait ensuite besoin de temps pour se rétablir. On s’attendait à ce qu’elle ne puisse probablement pas retourner au travail pendant plus d’un anNote de bas de page 1.

[6] L’appelante avait subi une intervention chirurgicale, suivi une chimiothérapie et des traitements de radiothérapie en février 2012. Elle a commencé une thérapie au tamoxifène, qui devait durer 10 ans.

[7] L’appelante n’est jamais retournée à son ancien emploi et n’a jamais travaillé par la suite.

[8] En mai 2021, le ministre a examiné la situation de l’appelante pour évaluer si elle était toujours invalide. En août 2021, le ministre a décidé que l’appelante n’était plus admissible à la pension d’invalidité depuis janvier 2021. Le ministre a exigé que l’appelante rembourse les 5 645, 36 $ qu’elle avait reçus en pension d’invalidité de février 2021 à août 2021Note de bas de page 2.

[9] L’appelante a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[10] L’appelante affirme qu’elle est toujours invalide parce qu’elle a une maladie mentale et parce qu’elle est vulnérable à la COVID-19. Elle affirme également qu’il est injuste que la ministre décide rétroactivement qu’elle a cessé d’être invalide ou qu’il s’attende à ce qu’elle retourne travailler alors que le taux de chômage était si élevé pendant la pandémie. Elle n’a pas les moyens de rembourser la somme fixée par le ministre.

[11] Le ministre affirme que l’invalidité de l’appelante était moins importante à la fin de décembre 2020, lorsque son état de santé s’est amélioré de façon mesurable. Le ministre affirme que l’appelante n’a pas signalé avoir d’importants problèmes de santé mentale avant juin 2021 et qu’il n’en existait aucune preuve médicale.

Ce que le ministre doit prouver

[12] Une pension d’invalidité du RPC n’est plus payable après le mois où une personne cesse d’être invalideNote de bas de page 3.

[13] Le ministre doit prouver que l’appelante a cessé d’être invalideNote de bas de page 4 selon la prépondérance des probabilités, ce qui veut dire que cela est plus probable qu’improbable.

Motifs de ma décision

[14] J’estime que le ministre n’a pas prouvé que l’appelante a cessé d’être invalide.

[15] Voici les motifs qui expliquent ma décision.

Le critère d’invalidité du Régime de pensions du Canada

[16] Selon le RPC, une personne est invalide si elle a une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongéeNote de bas de page 5.

[17] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 6.

[18] Cela signifie que si l’appelante est régulièrement en mesure de faire un travail qui lui permettrait de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[19] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 7.

[20] Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que l’appelante se rétablisse à une certaine date. Il faut plutôt s’attendre à ce que son invalidité la tienne à l’écart du marché du travail pendant longtemps.

[21] Il faut que l’invalidité soit à la fois grave et prolongée. Cela signifie que le ministre doit prouver que le problème de santé de l’appelante a cessé d’être grave ou qu’il a cessé d’être prolongé. Le ministre n’a pas à prouver les deux.

Je dois fonder ma décision sur la loi

[22] Je reconnais que la décision rétroactive du ministre a causé des inquiétudes et des difficultés financières à l’appelante et à sa famille. Je reconnais également qu’en 2021, il aurait été très difficile pour l’appelante de trouver un emploi, car de nombreux lieux de travail ont été fermés en raison de la pandémie de COVID-19.

[23] Toutefois, je ne peux pas fonder ma décision sur ce qui me semble juste ou ce qui pourrait aider l’appelante dans des circonstances difficiles. Je ne peux pas non plus fonder ma décision sur les conditions de chômageNote de bas de page 8.

[24] Je dois suivre la loi. Si le ministre prouve que l’appelante a cessé d’être invalide, je dois conclure qu’elle n’est plus admissible à une pension d’invalidité du RPC.

Les problèmes de santé mentale de l’appelante n’étaient pas « graves » en décembre 2020

[25] Je suis d’accord avec le ministre au sujet des problèmes de santé mentale de l’appelante. Rien n’indique qu’ils étaient « graves » à la fin de décembre 2020 ni à aucun moment.

[26] L’appelante et son époux m’ont dit que l’appelante était dépressive, qu’elle [traduction] « manquait de vitalité », qu’elle se mettait vite en colère et qu’elle manquait de confiance depuis son diagnostic de cancer. Elle ne dormait pas bien et n’arrivait pas à se concentrer pendant la journée.

[27] Je comprends que c’est ce dont l’appelante se souvient. Toutefois, les preuves médicales ne corroborent pas ce qu’elle dit.

[28] Aucune preuve médicale n’indique qu’elle avait des problèmes de santé mentale avant juillet 2021. C’est alors que l’appelante a dit à son médecin de famille, le Dr Li, qu’elle se sentait dépressive. Elle a alors fait état d’insomnie récente (problèmes de sommeil) et d’anhédonie (incapacité de jouir de la vie ou de ressentir du plaisir)Note de bas de page 9. L’appelante a vu le Dr Li ou lui a parlé à plusieurs reprises en 2020 et au début de 2021, mais elle n’a pas mentionné ces problèmesNote de bas de page 10.

[29] De plus, en décembre 2020, l’oncologue de l’appelante, le Dr Xing, a souligné que l’appelante a nié avoir tout nouveau problème de santéNote de bas de page 11. Les rapports antérieurs du Dr Xing ne mentionnaient aucun problème de santé mentale non plusNote de bas de page 12.

[30] L’appelante m’a dit que le Dr Li et le Dr Xing n’avaient pas été à l’écoute de ses préoccupations. Mais elle m’a aussi dit qu’elle était préoccupée par la santé de sa mère. Ce n’est que lorsqu’elle a commencé à avoir des saignements postménopause qu’elle s’est rendu compte qu’elle devait commencer à s’occuper d’elle-même. Elle n’a signalé ces saignements au Dr Li qu’en mars 2021Note de bas de page 13.

[31] J’estime qu’il est probable que, si la santé mentale de l’appelante était suffisamment mauvaise pour l’empêcher de travailler, elle l’aurait signalée au Dr Li ou au Dr Xing plus tôt qu’elle ne l’a fait.

L’incapacité de l’appelante est toujours grave

[32] Parce qu’elle a eu le cancer, l’incapacité de l’appelante demeure grave.

[33] Je suis d’accord avec le ministre pour dire que le cancer du sein de l’appelante était mieux contrôlé en décembre 2020. C’est à ce moment-là que le Dr Xing a signalé qu’il n’y avait aucune preuve de récidive du cancer du sein. L’appelante [traduction] « se portait plutôt bien au cours de la dernière année ». Elle avait terminé un traitement actif à la B.C. Cancer Agency, et elle n’avait plus besoin de suivi à cet endroit. Elle devait subir un examen mammaire annuel et une mammographie, et elle devait continuer de prendre du tamoxifène jusqu’en février 2022Note de bas de page 14.

[34] Malgré cette amélioration, le ministre n’a pas prouvé que l’appelante était en mesure de travailler dans un contexte réaliste depuis décembre 2020.

[35] Je dois penser au contexte de façon réaliste lorsque je décide si une invalidité est grave. Je dois examiner les antécédents de l’appelante et son état de santé pour comprendre leur effet sur sa capacité de travailler. En examinant ses antécédents, je m’intéresse notamment à son âge, à son niveau de scolarité, à ses compétences linguistiques et à son expérience de travail et de vieNote de bas de page 15.

[36] En raison de la pandémie de COVID-19, le monde a changé. Je prends officiellement note des faits suivants, car ils sont si généralement acceptés qu’une personne raisonnable n’en débattrait pasNote de bas de page 16.

  • Depuis le début de 2020, les milieux de travail doivent gérer le risque de propagation du virus de la COVID-19. Beaucoup ne sont plus aussi sécuritaires qu’avant.
  • Les milieux de travail sont particulièrement dangereux pour de nombreuses personnes atteintes d’une maladie chronique ou d’une autre maladie, y compris certaines personnes ayant survécu au cancer, parce qu’elles courent un risque grave si elles contractent la COVID-19.

[37] C’est le cas de l’appelante. J’accepte son témoignage selon lequel le Dr Li lui a dit de rester à la maison pour se protéger. C’est ce qu’elle faisait, sauf lorsqu’elle devait se rendre à des rendez-vous médicaux. J’accepte sa preuve selon laquelle elle est entièrement vaccinée contre la COVID-19 avec deux doses initiales et deux doses de rappel. J’accepte également son témoignage selon lequel elle a reçu ses vaccins avant d’autres personnes de son âge parce qu’elle avait eu un cancer du sein.

[38] Je remarque que l’appelante a reçu ses deux premières doses de vaccin après qu’elle ait été exempte de cancer, et qu’elle a reçu ses doses de rappel après avoir cessé ses traitements. Le fait qu’on lui ait quand même accordé la priorité m’indique qu’elle demeure plus à risque de contracter une maladie grave si elle contracte la COVID-19.

[39] S’attendre à ce que l’appelante se rende à un lieu de travail où elle pourrait contracter une maladie grave est la même chose que s’attendre à ce qu’une personne ayant de graves problèmes de dos aille travailler sur des chantiers de construction. Il est peu probable que cette personne puisse travailler régulièrement, car les conditions de travail mettent à risque leur santé. Cela signifie que leur état est grave.

[40] Une autre personne atteinte du même problème de santé de l’appelante pourrait être en mesure de travailler de la maison. Mais l’appelante ne le peut pas. Bien qu’elle ait un diplôme universitaire, elle l’a obtenu en Chine. Depuis son arrivée au Canada en 2002, elle n’a travaillé que dans la production alimentaire et (brièvement) comme employée de bureau. Elle se débrouille en anglais. Elle a réussi dans ses emplois précédents parce qu’elle pouvait parler le mandarin dans son lieu de travail. Elle n’a pas de compétences en informatique ou en travail de bureau.

[41] Il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que l’appelante soit en mesure de travailler régulièrement dans un endroit où sa santé est à risque. Compte tenu de ses caractéristiques personnelles, il n’est pas réaliste de s’attendre à ce qu’elle puisse trouver du travail qu’elle pourrait faire à domicile.

[42] Cela ne signifie pas que toutes les personnes à risque élevé de la COVID-19 ont droit à une pension d’invalidité. Elles doivent prouver qu’elles ont une invalidité grave et prolongée. Mais dans ce cas-ci, c’est le ministre qui a le fardeau de la preuve.

[43] Le ministre doit prouver que l’état de l’appelante a cessé d’être grave ou prolongé. L’appelante a soulevé la question de son statut de personne vulnérable dans son avis d’appel et à l’audienceNote de bas de page 17. Elle a dit qu’elle était à risque élevé de contracter la COVID-19 parce qu’elle avait eu le cancer. Le ministre n’a présenté aucune observation à ce sujet.

[44] Par conséquent, le ministre n’a pas prouvé que l’état de l’appelante a cessé d’être grave.

L’invalidité de l’appelante est prolongée

[45] Je reconnais que le traitement de l’appelante contre le cancer est terminé. Toutefois, le ministre n’a déposé aucun élément de preuve démontrant que le risque que la COVID-19 pose pour l’appelante n’est pas prolongé.

[46] Par conséquent, le ministre n’a pas prouvé que l’invalidité de l’appelante a cessé d’être prolongée.

Conclusion

[47] Je conclus que l’appelante peut continuer de recevoir une pension d’invalidité du RPC.

[48] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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