Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : AV c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1685

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : A. V.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 8 septembre 2020 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Adam Picotte
Mode d’audience : Sur la foi du dossier
Date de l’audience : Le 15 août 2022
Date de la décision : Le 16 août 2022
Numéro de dossier : GP-20-2073

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, A. V., n’est pas admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant est âgé de 39 ans. Il a cessé de travailler en juin 2017 lorsqu’il a trouvé son ami décédé dans l’appartement qu’ils partageaient. L’appelant a été traumatisé par la mort de son ami. Elle lui a causé beaucoup de chagrin et il a développé des idées suicidaires à la suite de celle-ci. L’appelant est demeuré incapable de travailler pendant une longue période. Il a demandé et obtenu des prestations d’invalidité de longue durée dans le cadre de son contrat de travail.

[4] L’appelant a demandé une pension d’invalidité du Régime le 19 août 2019. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelant a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelant a écrit que depuis le 1er juin 2017, il lui était extrêmement difficile de maintenir un horaire de sommeil adéquat. Ses périodes de sommeil variaient de deux à cinq heures et étaient interrompues par des rappels d’images et des cauchemars au cours desquels il retrouvait son ami décédé. Il a également écrit qu’il avait de la difficulté à être ponctuel et à demeurer concentrer et qu’il avait des problèmes de fatigue.

[6] Le ministre reconnaît que l’appelant a certaines limitations en raison de son état de santé et qu’il pourrait ne pas être en mesure de reprendre son emploi précédent. Toutefois, la preuve médicale ne montre aucune pathologie ou déficience grave qui pourrait l’empêcher d’exercer un emploi convenable adapté à ses limitationsNote de bas de page 1.

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Pour avoir gain de cause, l’appelant doit prouver qu’il avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2019. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’il a versées au Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 2.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[10] Ainsi, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelant pour évaluer quels effets ils ont sur sa capacité de travailler. Je dois aussi examiner sa situation, y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Ces éléments me permettront d’avoir un portrait réaliste de sa situation et de voir si son invalidité est grave. Si l’appelant est régulièrement capable d’effectuer un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à la pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 4.

[12] Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que l’appelant se rétablisse à une certaine date, mais plutôt à ce que son invalidité le tienne à l’écart du marché du travail pendant très longtemps.

[13] L’appelant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

Questions que je dois examiner en premier

L’appelant n’était pas présent à l’audience

[14] Une audience peut avoir lieu en l’absence de la partie appelante si elle a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 5. J’ai décidé que l’appelant a reçu l’avis d’audience parce qu’il a reçu par courriel, à l’adresse électronique qu’il avait fournie au Tribunal, une confirmation de l’audience du 25 juillet 2022. Cette confirmation a été suivie de rappels par téléphone faits à l’appelant les 10, 12 et 15 août 2022. Le personnel du greffe a laissé des messages vocaux détaillés rappelant à l’appelant le lieu et l’heure de l’audience ainsi que le numéro de téléphone à composer s’il n’était pas en mesure d’y participer.

[15] L’appelant n’a pas communiqué avec le Tribunal après avoir reçu l’avis d’audience ou l’un des appels du personnel du greffe. Compte tenu des efforts déployés par le personnel du greffe, je suis convaincu que l’appelant a été avisé de la tenue de l’audience, mais qu’il a choisi de ne pas s’y présenter pour des raisons personnelles.

[16] Je note également que j’ai attendu une heure que l’appelant arrive après le début prévu de l’audience au Centre Service Canada où celle-ci devait avoir lieu. Je l’ai fait parce que l’une des limitations fonctionnelles que l’appelant avait mentionnées dans sa demande était sa fatigue et son incapacité à se présenter aux réunions à l’heure. J’ai également demandé à deux reprises au personnel de Service Canada de vérifier si l’appelant se trouvait dans la file d’attente pour entrer dans l’établissement. Ce n’était pas le cas.

[17] Compte tenu de ces faits, j’ai décidé que l’affaire devait aller de l’avant en l’absence de l’appelantNote de bas de page 6.

Motifs de ma décision

[18] Je juge que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2019.

L’invalidité de l’appelant était-elle grave?

[19] L’invalidité de l’appelant n’était pas grave. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné plusieurs éléments. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de l’appelant ne nuisent pas [sic] à sa capacité de travailler

[20] L’appelant a reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique, d’anxiété, de trouble dépressif majeur, d’insomnie et de cauchemars.

[21] Je ne peux cependant pas m’arrêter à ses diagnosticsNote de bas de page 7. Je dois plutôt vérifier s’il a des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 8. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leurs effets sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 9.

[22] J’estime que l’appelant a des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler.

Ce que l’appelant dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[23] L’appelant affirme qu’il a des limitations fonctionnelles découlant de ses problèmes de santé qui nuisent à sa capacité de travailler. Il dit avoir les limitations fonctionnelles suivantes :

  • Fatigue – L’appelant a écrit qu’il a du mal à respecter ses rendez-vous. Il s’endort régulièrement au cours de la journée. Il a du mal à dormir la nuit parce qu’il a des visions de son ami en train de mourir.
  • S’adapter aux changements inattendus
  • Gérer son anxiété
  • Composer avec le fait d’être présent dans les lieux publics
  • Apprendre de nouvelles choses
  • Persévérer pour accomplir des tâches difficiles

Ce que la preuve révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelant

[24] L’appelant doit fournir des éléments de preuve médicale attestant que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au plus tard le 31 décembre 2019Note de bas de page 10.

[25] La preuve médicale appuie les propos de l’appelant.

[26] En février 2019, le Dr Palfy a rempli un formulaire Déclaration du médecin traitant – Demande de prestations d’invalidité de longue durée de la Financière Sunlife. Il a écrit que l’appelant souffrait d’un trouble de stress post-traumatique, d’anxiété, d’un trouble dépressif majeur, d’insomnie et de cauchemarsNote de bas de page 11.

[27] Le Dr Palfy a écrit que l’appelant se sentait responsable de la mort de son colocataire. À la suite du décès de celui-ci, l’appelant a éprouvé une fatigue extrême. Cette fatigue est restée son principal obstacle au retour au travail. Le Dr Palfy a écrit que l’appelant éprouvait de la fatigue chronique et était incapable de penser clairementNote de bas de page 12.

[28] Le Dr Palfy a écrit que l’appelant n’était capable de dormir que par intermittence et souvent seulement au milieu de la journée. De ce fait, il n’avait pas confiance en sa capacité à accomplir son travailNote de bas de page 13.

[29] Dans son rapport à titre de médecin consultant, le Dr Heath a écrit que l’appelant avait un certain nombre de problèmes de santé mentale antérieurs au suicide de son ami qui avaient probablement eu une incidence sur son pronostic de rétablissement et de retour au travailNote de bas de page 14.

[30] Le Dr Heath a noté que l’appelant présentait des symptômes graves tels que le sentiment d’être puni, le dégoût de soi, de fortes pensées suicidaires et de la difficulté à prendre des décisionsNote de bas de page 15.

[31] Dans un formulaire de suivi médical daté du 8 août 2019, le Dr Ho a écrit que l’appelant avait de graves problèmes de concentration et des problèmes modérés en ce a trait au raisonnement analytique, à la mémoire et au fonctionnement multitâcheNote de bas de page 16.

[32] La preuve médicale appuie le fait que les maladies mentales de l’appelant confirment l’existence d’une invalidité. Ces problèmes de santé, et en particulier sa fatigue, l’ont empêché d’effectuer son travail habituel pour X.

[33] Je vais maintenant chercher à savoir si l’appelant a suivi les conseils des médecins.

L’appelant a suivi les conseils des médecins

[34] Pour recevoir une pension d’invalidité, une personne doit suivre les conseils des médecinsNote de bas de page 17 ou fournir une explication raisonnable pour ne pas l’avoir fait. Je dois aussi examiner les effets potentiels de ces conseils sur l’invalidité de la personneNote de bas de page 18.

[35] L’appelant a suivi les conseils des médecinsNote de bas de page 19. Il a entrepris une thérapie cognitivo-comportementale et a suivi les recommandations de son médecin traitant et de son psychologue.

[36] Je dois maintenant décider si l’appelant est régulièrement capable d’effectuer d’autres types de travail. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie en effectuant n’importe quel type d’emploi, et pas seulement son travail habituelNote de bas de page 20.

L’appelant peut travailler dans un contexte réaliste

[37] Au moment de décider si l’appelant est capable de travailler, je ne dois pas seulement prendre en considération ses problèmes de santé et leur effet fonctionnel. Je dois aussi tenir compte des éléments suivants :

  • son âge;
  • son niveau d’instruction;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[38] Ces éléments m’aident à décider si l’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, ils me permettent de voir s’il est réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 21.

[39] Je juge que l’appelant peut travailler dans un contexte réaliste.

[40] L’appelant est jeune. Il a 39 ans. Il est titulaire d’un diplôme universitaire et a travaillé comme représentant au soutien réseau pour X. Ses études, son expérience professionnelle et son âge relativement jeune font de lui un candidat sérieux pour un autre emploi.

[41] Le problème dans cette affaire est que l’appelant n’a pas assisté à l’audience et que je ne dispose donc d’aucun élément de preuve des efforts qu’il a déployés pour obtenir un emploi convenable compte tenu de ses limitations fonctionnelles et de ses restrictions.

[42] Le 17 septembre 2020, le Dr Palfy a noté qu’il avait vu l’appelant quatorze fois depuis octobre 2019 et qu’il avait résisté à la restructuration cognitive. Le Dr Palfy a écrit que l’appelant avait fait des progrès considérables dans son rétablissement de sa maladie mentale. Le Dr Palfy a jugé qu’il avait toujours une déficience, mais qu’il pourrait être en mesure de travailler à domicileNote de bas de page 22.

[43] Je ne sais pas si l’appelant a pris des mesures pour trouver un emploi lui permettant de travailler à domicile. Dans le cadre d’un appel relatif à une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, il incombe à la partie appelante de prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave. Le fait que l’appelant n’ait pas assisté à l’audience et qu’il n’ait pas témoigné sur les commentaires du Dr Palfy m’amène à conclure qu’il a une capacité résiduelle de détenir une occupation véritablement rémunératrice et qu’il n’est donc pas atteint d’une invalidité grave au sens du Régime.

[44] Cela concorde avec l’opinion du Dr Ho, le médecin de famille de l’appelant. Le Dr Ho a écrit dans ses rapports médicaux destinés au fournisseur d’assurance-invalidité de longue durée de l’appelant qu’il croyait que celui-ci, avec des conseils et du temps, serait en mesure de retourner graduellement au travail à temps partiel. Cela appuie encore une fois la conclusion selon laquelle l’appelant a une capacité résiduelle de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 23.

[45] De plus, le Dr Ho a écrit dans sa lettre du 18 juin 2020 qu’il avait vu l’appelant pour la dernière fois en décembre 2019 et qu’aucun plan de traitement actif n’était prévu pour lui. Compte tenu de l’absence de traitement actif et de l’irrégularité des rendez-vous médicaux, il n’y a pas lieu de penser que l’appelant avait une invalidité grave au sens du Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 24.

[46] Pour ces raisons, je conclus que l’appelant n’a pas d’invalidité grave au sens du Régime.

[47] Je conclus que l’appelant n’est pas admissible à la pension d’invalidité du Régime parce qu’il n’est pas atteint d’une invalidité grave. Comme j’ai tiré cette conclusion, il n’était pas nécessaire de vérifier si l’invalidité était prolongée.

[48] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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