Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : KP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1426

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelante : K. P.
Représentant : E. M.
Intimé : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante : Rebekah Ferriss

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 14 mars 2022 (GP-20-2074)

Membre du Tribunal : Kate Sellar
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 20 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Représentante de l’intimé
Date de la décision : Le 20 décembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-366

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel. La division générale a commis des erreurs. Je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre : le requérant a droit à une pension d’invalidité.

Aperçu

[2] K. P. travaillait comme soudeur. Il s’est blessé au dos au travail en octobre 2010. Il a travaillé brièvement de nouveau en novembre 2010. Il n’a pas travaillé depuis. Les médecins ont donné divers diagnostics à différents moments pour le requérant, y compris un trouble d’adaptation avec humeur dépressive, un trouble anxieux, un problème de consommation de cannabis, des symptômes du trouble de stress post-traumatique (TSPT) ainsi qu’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH).

[3] Le requérant a demandé une pension d’invalidité en mai 2020. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande tant au stade initial qu’après révision. Le requérant a interjeté appel devant le Tribunal.

[4] La division générale a rejeté l’appel du requérant. Ce dernier devait démontrer que son invalidité était grave et prolongée au sens du Régime de pensions du Canada (RPC) au plus tard le 31 décembre 2011. La division générale a rejeté l’appel en se fondant sur la preuve concernant les efforts de traitement du requérant.

[5] Je dois décider si la division générale a commis une erreur en vertu de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi).

[6] La division générale a commis une erreur de droit et une erreur de fait au sujet du traitement du requérant. Je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre : le requérant a droit à une pension d’invalidité.

Questions en litige

[7] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de droit ou de fait au sujet du traitement du requérant?
  2. b) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de fait en ignorant la preuve médicale fournie par le requérant en provenance de plusieurs de ses médecins?
  3. c) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de fait en ignorant la preuve médicale portant sur les médicaments que prenait le requérant?

Analyse

[8] Dans cette décision, je décrirai l’approche adoptée par la division d’appel pour examiner les décisions de la division générale. J’expliquerai ensuite comment j’ai décidé que la division générale a commis une erreur de droit et une erreur de fait au sujet du traitement du requérant. Je vais ensuite rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

Examen des décisions de la division générale

[9] La division d’appel ne donne pas au requérant ou au ministre la possibilité de plaider de nouveau leur cause depuis le début. La division d’appel examine plutôt la décision de la division générale pour décider si elle contient des erreurs.

[10] Cet examen repose sur le libellé de la Loi, qui énonce les « motifs d’appel ». Un requérant a un moyen d’appel si la division générale commet une erreur de fait importante en ignorant ou en comprenant mal la preuve (de sorte que la conclusion n’est pas étayée par la preuve)Note de bas page 1.

[11] On présume que la division générale a tenu compte de l’ensemble de la preuve, même si elle ne traite pas de tous ces éléments de preuve dans sa décision. Toutefois, l’appelant peut renverser cette présomption en démontrant que la preuve était suffisamment importante pour que la division générale soit tenue d’en discuterNote de bas page 2.

Erreurs au sujet du traitement du requérant

Ce que dit la loi sur le traitement

[12] Les efforts de traitement d’un requérant sont pertinents pour décider si une invalidité est grave de deux façons. Le traitement est important parce que la division générale doit examiner :

  • si le requérant a déployé des efforts pour traiter ses problèmes de santéNote de bas page 3
  • si le requérant a refusé le traitement (s’il l’a fait, alors la division générale doit décider si le refus de traitement était raisonnable et si le traitement aurait eu une incidence sur son statut d’invalidité)Note de bas page 4

[13] Dans l’arrêt Sharma, la Cour d’appel fédérale semble d’accord avec la façon dont la division d’appel a mentionné que le traitement requis exigeait que les requérants déploient des efforts raisonnables pour suivre les conseils médicaux ou pour fournir une explication raisonnable pour laquelle ils ne l’ont pas fait.

Décision de la division générale au sujet du traitement du requérant

[14] La division générale a conclu que le requérant n’avait pas suivi les conseils médicaux. La division générale a décrit de la façon suivante ce que dit la loi au sujet du traitement :

Pour recevoir une pension d’invalidité, un appelant doit suivre les conseils médicaux. S’il ne le fait pas, il doit avoir une explication raisonnable. Je dois également examiner l’effet, le cas échéant, que les conseils médicaux auraient pu avoir sur son invaliditéNote de bas page 5.

[15] La division générale a déclaré que le requérant avait essayé de suivre un programme de réadaptation dans le cadre du programme d’indemnisation des accidents du travail et que l’équipe de traitement l’avait libéré du programme parce que ses efforts et sa participation laissaient à désirerNote de bas page 6. La division générale a décidé que si le requérant avait participé plus activement au programme, il aurait pu en profiter pour ses maux de dosNote de bas page 7. Le requérant [traduction] « n’a pas suivi de conseils médicaux qui auraient pu avoir une incidence sur son invalidité. Cela signifie que son invalidité n’était pas grave »Note de bas page 8.

Erreur de droit concernant le traitement du requérant

[16] La division générale a commis une erreur de droit au sujet du traitement du requérant. Il me semble que la division générale a décidé que la libération du requérant du programme dans sa situation équivaut à un refus de traitement. Toutefois, aucune analyse n’appuie la conclusion selon laquelle la participation à un programme, puis la libération de celui-ci s’inscrivent dans les critères juridiques pour prendre des mesures raisonnables visant à traiter les problèmes de santé ou à refuser un traitement de façon déraisonnable. Le fait d’occulter une partie du critère juridique signifie que le décideur n’applique plus le critèreNote de bas page 9.

[17] Le ministre soutient que la division générale n’a commis aucune erreur de droit et que, puisque le requérant a été libéré du programme pour mauvais rendement et efforts insuffisants, il a manqué à l’obligation de prendre des mesures pour traiter ses problèmes de santé et de suivre les conseils médicauxNote de bas page 10.

[18] Je conviens avec le ministre qu’il existe deux questions juridiques distinctes en l’espèce au sujet du traitement.

[19] En voici une description :

  • Premièrement, qu’est-ce que la participation du requérant, ses efforts, puis sa libération du programme nous disent quant aux mesures prises pour traiter ses problèmes de santé?
  • Deuxièmement, compte tenu de l’ensemble de la preuve disponible, le défaut par le requérant de terminer le programme parce qu’il a été libéré équivalait-il à un refus déraisonnable de traitement qui aurait eu une incidence sur son statut d’invalidité?

[20] Refuser un traitement n’est pas nécessairement la même chose que donner un mauvais rendement dans un programme de traitement particulier, ce qui aurait pour effet qu’une équipe de traitement libère un requérant à un moment donné. À première vue, le personnel médical qui libère un requérant d’un programme laisse croire que c’est l’équipe de traitement qui lui refuse un traitement particulier, plutôt que le patient qui refuse le traitement. Il importe en outre de noter que le requérant a poursuivi ses efforts de traitement à l’extérieur du programme et qu’il a ensuite été réadmis au programme.

[21] En premier lieu, la division générale n’a pas vraiment analysé si le requérant a assez participé au programme pour satisfaire à l’exigence de base visant à atténuer l’incidence de son invalidité ou à traiter ses problèmes de santé. Bien entendu, la division générale n’a pas à remettre en question les renseignements médicaux contenus dans le rapport de congé, mais elle doit décider si le non-respect de la norme établie par ce programme particulier de huit semaines signifie également qu’il n’a pas pris de mesures raisonnables pour atténuer ses problèmes de santé.

[22] Deuxièmement, la division générale n’a pas vraiment répondu à la question de savoir si la participation et le rendement du requérant au programme (qui ont mené à la libération) étaient assez importants pour équivaloir à un refus de traitement. La division générale semble avoir examiné si le refus était raisonnable sans avoir d’abord décidé si les circonstances entourant la libération du programme équivalaient réellement à un refus.

[23] Par conséquent, je ne peux dire si la division générale a appliqué le cadre juridique pour examiner le traitement du requérant. Il faut conclure que le requérant a refusé le traitement recommandé avant de pouvoir décider si ce refus était raisonnable ou d’établir quelle incidence aurait pu avoir le traitement sur l’invalidité. Cette partie des motifs ne suffit pas parce qu’il n’y a pas de conclusion sur ce qui constitue un refus dans ce contexte unique du programme auquel le requérant a participé. Par conséquent, il semble que la division générale n’ait pas suivi tous les volets de l’analyse juridique requise au sujet du traitement.

[24] Si je fais erreur à ce sujet et que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit dans son analyse du traitement du requérant, elle a tout de même commis une erreur de fait au sujet du traitement du requérant.

Erreur de fait au sujet du traitement du requérant

[25] La division générale a ignoré certains éléments de preuve importants sur la question de savoir si le « refus » du requérant était raisonnable. Il importait de tenir compte de certains éléments de preuve concernant les limites du requérant, son pronostic et le changement dans ses diagnostics avant de décider si le « refus » du requérant était raisonnable. Dans la présente affaire, la division générale devait prendre en compte davantage que les seuls propos du requérant au sujet du programme à l’audience pour décider s’il a refusé un traitement de façon déraisonnable.

[26] La division générale a reconnu qu’avant que le requérant commence, l’équipe de traitement du requérant croyait qu’il serait un bon candidat pour le programme. Cependant, la division générale n’a pas tenu compte d’autres éléments de preuve présentés avant, pendant et après le programme qui laissaient entendre que le programme pourrait ne pas se révéler fructueux pour le requérant en raison de la nature même de ses limitations fonctionnelles liées à son invalidité.

[27] Par exemple, avant de commencer le programme, le score de l’évaluation globale du fonctionnement (EGF) du requérant variait entre 60 et 65. Un chirurgien orthopédiste a souligné le rôle que l’anxiété jouait dans les symptômes physiques du requérantNote de bas page 11.

[28] Pendant le programme, il y avait des éléments de preuve au sujet du pronostic du requérant (qui n’était que réservé). Le requérant a déclaré faillite pendant le programme et le score de son EGF était de 60. Il prenait du Percocet et du lorazépam. Il avait une compréhension limitée de son étatNote de bas page 12.

[29] À la quatrième semaine du programme, les rapports indiquaient que son pronostic de retour au travail était mauvais et qu’il ne progressait pas assezNote de bas page 13. Il s’absentait du programme pour se rendre à l’urgence de l’hôpital en raison de douleurs. L’équipe médicale a décidé que ses efforts étaient médiocres et le requérant a soutenu qu’il déployait beaucoup d’efforts. L’équipe de traitement a libéré le requérant du programmeNote de bas page 14.

[30] Après le programme, le requérant a vu le même psychiatre lié au programme. Ce psychiatre a modifié ses médicaments, mis à jour son diagnostic pour inclure le TDAH et a commencé à traiter ce TDAH pour la première foisNote de bas page 15.

[31] Après avoir été libéré du programme, le requérant a également suivi une thérapie cognitivo-comportementale avec le même psychologue qu’il a vu pendant le programme. Le psychologue a déclaré que le requérant faisait face à des obstacles cliniquement importants à son retour au travailNote de bas page 16. Les documents mentionnent les symptômes du requérant comme l’impulsivité, l’irritabilité et l’impatience qui s’améliorent avec les nouveaux médicaments.

[32] À mon avis, tous ces éléments de preuve au sujet du traitement du requérant étaient assez importants pour faire l’objet de discussions avant qu’il soit décidé que le requérant avait refusé le traitement de façon déraisonnable.

[33] Le ministre soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur de fait parce que ses conclusions au sujet de la participation insuffisante du requérant au programme reposaient sur la preuve. La division générale a examiné la preuve contenue dans le rapport de libération et les détails qu’elle a fournis au sujet du manque d’effort et de participation du requérant comme raison pour laquelle il n’a pas poursuivi le programme de réadaptationNote de bas page 17.

[34] Le ministre soutient que la division générale n’a commis aucune erreur lorsqu’elle a décidé que le requérant avait refusé le traitement de façon déraisonnable. Le ministre fait valoir que les requérants sont tenus de prendre des mesures pour traiter la gravité de leurs problèmes de santé et ont la responsabilité personnelle de coopérer à leurs soins de santéNote de bas page 18.

[35] Toutefois, bien que ce rapport de libération indique qu’il n’y avait aucune raison médicale pour laquelle le requérant ne pouvait progresser dans le programme de réadaptation, d’autres éléments de preuve contredisaient cette conclusion selon laquelle la division générale aurait dû discuter de la question et la soupeser. Si la division générale préférait la preuve du rapport de libération à la preuve postérieure à la libération qui a permis de cerner des obstacles psychologiques clairs au retour au travail, elle devrait fournir des motifs pour expliquer cette décision.

[36] La division générale devait établir le manque de participation du requérant au programme était déraisonnable ou non. La preuve dont j’ai discuté avant, pendant et après le programme était pertinente et la division générale aurait dû en discuter. Il y avait des signes avant‑coureurs des difficultés auxquelles le requérant pourrait faire face pendant le programme et des éléments de preuve sur ce que l’équipe médicale considérait comme un manque d’effort et de participation (comme le manque de temps consacré au programme en raison de visites à l’hôpital pour des douleurs) que la division générale devait prendre en considération.

[37] La preuve postérieure à la libération était également si importante parce que le requérant a reçu plus de traitements, y compris de certains des mêmes professionnels qui l’ont traité pendant qu’il participait au programme. Ils ont relevé des obstacles psychologiques au retour au travail. Le psychiatre a peaufiné ses diagnostics et modifié ses médicaments. La division générale n’a pas abordé tous les éléments de preuve pertinents concernant la participation du requérant au programme. Les preuves de limitations psychologiques peuvent se révéler très pertinentes pour prendre des décisions au sujet des efforts de traitementNote de bas page 19.

Réparation des erreurs

[38] Une fois que je conclus que la division générale a commis une erreur, je peux décider comment y remédier.

[39] Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, ou je peux renvoyer cette affaire à la division générale pour réexamenNote de bas page 20. Je peux trancher toute question de droit nécessaire pour traiter un appelNote de bas page 21.

[40] Le requérant et le ministre ont tous deux convenu que si je trouvais une erreur, je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[41] Rendre la décision que la division générale aurait dû rendre constitue un moyen efficace d’aller de l’avant dans de nombreux casNote de bas page 22.

[42] J’adopte les motifs de la division générale dans la plupart des constatations et résumés clés, à savoir :

  • Les limitations fonctionnelles du requérant affectent effectivement sa capacité de travailler. En janvier 2011, il avait un gonflement de disque L4-5 et on lui a diagnostiqué un trouble d’adaptation, un trouble anxieux, un trouble de consommation de cannabis et un TDAH (trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité) au 31 décembre 2011Note de bas page 23.
  • La preuve médicale confirme que le requérant avait des limitations fonctionnelles en matière de flexion, de douleurs au dos et d’anxiété qui l’empêchaient d’effectuer son travail habituel de soudeur au 31 décembre 2011Note de bas page 24.

[43] Je terminerai l’analyse en :

  • Examinant la situation personnelle du requérant, puisqu’il avait effectivement des limitations fonctionnelles qui ont nui à sa capacité de travaillerNote de bas page 25. Les antécédents du requérant (y compris son âge, son niveau de scolarité, ses capacités linguistiques et son expérience professionnelle et personnelle antérieure)Note de bas page 26 font partie du critère visant à établir si son invalidité est grave.
  • Tenant compte des mesures prises par le requérant pour traiter ses problèmes de santé et de la question de savoir s’il a refusé un traitement de façon déraisonnable, en ce qui concerne les parties du dossier qui, selon mes conclusions, ne faisaient pas partie de l’analyse de la division généraleNote de bas page 27.

Les antécédents du requérant

[44] Au moment de décider si le requérant a des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler, je dois prendre en compte la mesure dans laquelle le requérant est employable dans le monde réel, compte tenu des facteurs suivants :

  • son âge
  • son niveau de scolarité
  • sa capacité de parler, de lire et d’écrire en anglais
  • son expérience de travail et de vie antérieureNote de bas page 28

[45] En décembre 2011 (à la fin de sa PMA), le requérant n’avait que 35 ans. Il lui restait 15 ans avant même de pouvoir prendre une retraite anticipée en vertu du RPC. L’âge n’est pas un obstacle à sa participation au marché du travail.

[46] Le requérant a terminé sa neuvième année, puis a fréquenté une école de formation professionnelle Note de bas page 29. Il a complété un programme de soudage et a reçu un certificat. Au fil des ans, il a suivi les certifications de sécurité requises pour travailler en soudage.

[47] Le requérant peut parler, lire et écrire en anglais. À l’audience, il a expliqué à quel point il est mal à l’aise de lire les rapports des médecins et les documents juridiques de son appel, particulièrement à voix haute, car il estime ne pouvoir le faire qu’à un niveau de neuvième année.

[48] L’expérience professionnelle et de vie antérieure du requérant est particulièrement pertinente dans la présente affaire. Une fois son certificat obtenu, il est passé de son emploi en restauration rapide à la soudure à l’âge de 17 ans. Le requérant travaillait exclusivement comme soudeur. Le travail était exigeant physiquement sur le plan du transport d’équipement, de la marche sur un terrain accidenté, de la soudure avec précision (il était soudeur à pression) et de la concentration requise.

[49] Il n’a jamais fait d’autre travail de quelque nature que ce soit depuis qu’il a commencé à souder. Le requérant a témoigné qu’il n’y a pas de travail sédentaire ou modifié pour les soudeurs. À mesure que les soudeurs des équipes vieillissent, ils transportent moins d’équipement.

[50] À l’audience, le requérant était très bouleversé par l’idée d’un autre emploi que le soudage. Il me semble qu’il n’a pas bien compris la question. La scolarité du requérant dans tout domaine autre que le soudage se termine à la neuvième année. Il n’a exécuté aucun autre type de travail depuis son adolescence. À mon avis, le requérant possède une excellente expérience dans un domaine spécialisé pour lequel il n’a plus les capacités physiques ou psychologiques. Je conclus que l’expérience de travail limitative du requérant constitue un obstacle à son retour au travail en ce sens qu’il devra probablement se recycler pour accéder au travail dans les limites de ses restrictions physiques. De façon réaliste, il pourrait devoir d’abord améliorer son niveau de scolarité pour obtenir une équivalence d’études secondaires, puis se recycler.

[51] Je conclus également que les comportements liés à l’invalidité du requérant documentés dans son dossier médical au cours de l’année, y compris l’irritabilité et l’impulsivité, peuvent nuire à sa capacité de se recycler. J’accepte la preuve présentée par la division générale au sujet des débordements émotionnels du requérant. Il ne travaille pas bien avec les gens (avant et après sa PMA). Malgré les traitements, il est facilement frustré et il se dispute en publicNote de bas page 30. À mon avis, ce genre de limitations fonctionnelles en ce qui concerne l’humeur du requérant pourrait compliquer ses efforts de recyclage. Même la relation du requérant avec l’équipe de traitement médical des programmes démontre les défis auxquels il fait face lorsqu’il traite avec d’autres personnes dans des milieux professionnels.

[52] De plus, le requérant avait des limitations physiques au cours des mois précédant la fin de la PMA. Il pouvait s’asseoir pendant 25 minutes, se tenir debout pendant 20 minutes et marcher pendant 5 minutes. Au 31 décembre 2011, il pouvait marcher 30 minutes. Les efforts de recyclage peuvent nécessiter que le requérant alterne entre la position debout et la position assise, ce qui n’est pas nécessairement un obstacle insurmontable. Il s’agit toutefois d’un autre défi du processus de recyclageNote de bas page 31.

Étapes pour traiter les problèmes de santé

[53] Le requérant a pris des mesures raisonnables pour traiter ses affections et il n’a refusé aucun traitement de façon déraisonnable.

Les efforts de traitement du requérant

[54] Les requérants sont tenus de déployer des efforts pour traiter leurs problèmes de santéNote de bas page 32.

[55] Le requérant a pris de nombreuses mesures pour traiter ses problèmes de santé. Il a participé à des tests pour diagnostiquer la cause de ses maux de dos et a consulté plus d’un chirurgien. Il a subi un tomodensitogramme de la colonne lombaireNote de bas page 33. Il a pris les médicaments qui lui étaient prescrits pour ses douleurs. Il assistait régulièrement à des séances de physiothérapie. Il a subi une évaluation psychiatrique en mars 2011.

[56] Rappelez-vous qu’avant de commencer le programme, le score du requérant sur l’EGF était de 60 à 65Note de bas page 34. Je prends acte du fait qu’un score de 51 à 60 sur l’EGF témoigne d’un symptôme modéré ou d’une difficulté modérée en fonctionnement professionnel social ou en fonctionnement social (par exemple, la personne a peu d’amis et vit des conflits avec des collègues). Le score du requérant sur l’EGF concorde avec les observations formulées lors du témoignage au sujet de sa difficulté à interagir avec les gens en public et dans un milieu de travail. Un chirurgien orthopédiste a souligné le rôle que l’anxiété jouait dans les symptômes du requérantNote de bas page 35.

[57] À la fin de 2011, il a été accepté dans un programme de 8 semaines par un médecin, un physiothérapeute et un psychologue clinicien. Le programme comporte des objectifs précis que les patients doivent atteindre d’ici la fin du programme. On met l’accent sur le traitement plutôt que sur l’élimination des symptômes et l’amélioration du fonctionnement afin de reprendre le travailNote de bas page 36.

[58] L’équipe a suivi de près la participation du requérant au programme et l’a libéré avant la fin des huit semaines.

[59] Pendant le programme, il y avait des éléments de preuve au sujet du pronostic du requérant (qui n’était que réservé). Le requérant a déclaré faillite pendant le programme et le score de son EGF était de 60. Il prenait du Percocet et du lorazépam. Il avait une compréhension limitée de son étatNote de bas page 37. À la quatrième semaine du programme, les rapports indiquaient que son pronostic de retour au travail était mauvais et qu’il ne progressait pas assezNote de bas page 38. Il s’absentait du programme pour se rendre à l’urgence de l’hôpital en raison de douleurs. L’équipe de traitement a libéré le requérant du programmeNote de bas page 39.

[60] Plus précisément, le rapport du médecin indiquait que le requérant se concentrait sur sa douleur, était en colère et soupçonneux, n’était pas engagé à reprendre le travail et était convaincu qu’il avait un problème de dos invalidant. Le congé professionnel reposait sur son rendement dans les circuits de force et d’entraînement fonctionnel qui était bien inférieur aux objectifs d’entraînementNote de bas page 40.

[61] Les notes de congé psychosocial sont un peu moins clairesNote de bas page 41. Elles concluent qu’aucun obstacle psychologique n’empêche le requérant de reprendre son emploi. Toutefois, parallèlement, les notes mentionnent que lorsque le personnel a averti le requérant au sujet de son comportement au sein du programme, il a demandé un rendez‑vous avec le psychologue. Il a accepté d’être aiguillé vers un psychiatre parce qu’il se sentait irritable et stressé. Il a accepté de participer à des séances psychologiques hebdomadaires pour l’aider à maîtriser la douleur.

[62] Le psychiatre a déclaré [traduction] « à long terme, bien que les symptômes d’anxiété [du requérant] puissent continuer de nuire à ses efforts de réadaptation, les symptômes d’anxiété eux-mêmes ne devraient pas l’empêcher de participer à des efforts de réadaptation ou de retourner au travail »Note de bas page 42. Je juge que le rapport psychosocial conclut (pour une raison qui n’est pas entièrement précisée) que les limitations psychologiques du requérant ne devraient pas entraîner un obstacle au traitement, tout en reconnaissant qu’elles l’ont fait.

[63] En fin de compte, l’équipe a semblé décider que le requérant se limitait lui‑même et que même s’il souffrait d’anxiété, de difficultés d’humeur et d’antécédents chroniques de difficultés à composer avec des facteurs de stress, il ne s’agissait pas d’obstacles « importants » à l’atteinte de l’objectif déclaré d’un retour au travail soutenu. L’équipe de traitement a décidé qu’une absence à une séance de traitement psychologique parce qu’il était allé à l’hôpital la veille et qu’il n’avait pas dormi signifiait qu’il n’était « pas pleinement engagé dans le programme »Note de bas page 43.

[64] Selon le rapport [traduction] « à l’heure actuelle, l’obstacle principal résiderait dans la motivation [du requérant] à retourner au travail ». Toutefois, le même document mentionne que d’un point de vue psychologique, il progressait lentement dans le programme et qu’une combinaison de [traduction] « son anxiété, de sa compréhension de ses symptômes et de son niveau de motivation (qui se refléterait dans ses efforts) semble avoir contribué aux progrès limités [du requérant] dans le programme »Note de bas page 44.

[65] Après le programme, le requérant a consulté un psychiatre qui a modifié ses médicaments, mis à jour son diagnostic pour inclure le TDAH et commencé à traiter ce TDAH pour la première fois. Le requérant a suivi une thérapie cognitivo-comportementale avec le psychologue du programme. Le psychologue a déclaré que le requérant faisait face à des obstacles cliniquement importants à son retour au travailNote de bas page 45. Les documents font référence à l’amélioration des symptômes du requérant comme l’impulsivité, l’irritabilité et l’impatience grâce aux nouveaux médicaments.

[66] Le requérant est retourné au programme pour une deuxième fois. Il a subi des blessures physiques pendant le programme et n’a pas pu le terminerNote de bas page 46.

Le requérant a déployé des efforts pour traiter ses problèmes de santé

[67] À mon avis, le requérant a déployé des efforts raisonnables pour traiter ses problèmes de santé. Les dossiers médicaux du requérant sont volumineux. Ils démontrent des efforts soutenus pour obtenir des traitements auprès de divers fournisseurs de traitement. Il a consulté des médecins et des spécialistes pour son dos. Il a mis à l’essai de nombreux types de thérapies pour composer avec ses maux de dos et les atténuer, y compris des efforts soutenus en physiothérapie. Il a subi des traitements psychiatriques et psychologiques. Il a pris divers médicaments prescrits.

[68] Il a tenté de prendre part à un programme de réadaptation au cours duquel il a progressé lentement. Le personnel l’a libéré. Toutefois, à mon avis, sa participation à ce programme satisfaisait à l’exigence minimale de déployer des efforts pour traiter ses problèmes de santé.

[69] Le défaut du requérant d’atteindre les cibles fonctionnelles de ce programme ne signifie pas qu’il n’a pas pris de mesures pour s’occuper de ses propres soins de santé. Ses résultats n’étaient pas ce qu’ils auraient dû être. J’accepte la preuve médicale selon laquelle il s’était lui‑même limité, mais je reconnais également qu’il avait des obstacles psychologiques à son retour au travail qui n’étaient pas résolus lorsque les médecins l’ont libéré du programmeNote de bas page 47. Il me semble que certains comportements liés à une incapacité qui étaient à l’origine de l’irritation et de la frustration au sein de l’équipe médicale dans le rapport de libération ont également fait l’objet d’un traitement continu après la libération. Le requérant est finalement retourné au programme et n’a cessé que lorsqu’il s’est de nouveau blessé.

[70] Le requérant n’a pas montré un manque de participation à ses propres soins de santé. Il a défendu sa propre cause à divers moments pour s’assurer d’avoir accès aux traitements dont il avait besoin. Il n’a pas atteint tous les objectifs de traitement, mais il a déployé des efforts.

[71] La prochaine question à examiner consiste à établir si le requérant a refusé un traitement.

La libération du requérant du programme n’équivaut pas à un refus de traitement

[72] Le fait d’être libéré d’un programme de traitement équivaut-il à refuser un traitement? Dans la présente affaire, je réponds non.

[73] À mon avis, la libération d’un programme multidisciplinaire de réadaptation en tant que travailleur blessé n’équivaut pas à un refus de traitement. Le requérant réalisait des progrès, mais ceux‑ci étaient plus lents que prévu. Il était évident qu’il ne satisferait pas aux exigences de ce programme particulier de huit semaines.

[74] Je ne peux conclure que la libération du programme équivaut à un refus de traitement. En soi, il ne s’agissait pas d’une décision prise directement par le requérant. Il n’a pas abandonné ni refusé de participer.

[75] Le ministre soutient que le défaut du requérant de terminer le programme est semblable à la situation dans une affaire intitulée l’affaire BrownNote de bas page 48 Dans cette affaire, la division générale a décidé que le requérant n’avait pas suivi les conseils médicaux parce qu’il n’avait pas fait de l’exercice ni perdu du poids. Le requérant a fait valoir qu’il ne pouvait pas faire de l’exercice en raison de ses douleurs aux genoux et au dos et qu’il comparait son état à celui de conduire une voiture avec deux crevaisons.

[76] La division d’appel a décidé que, bien que M. Brown ait pris ses analgésiques comme ses médecins l’avaient prescrit, la division générale n’a commis aucune erreur en concluant que le requérant avait refusé de façon déraisonnable le traitement en omettant de faire de l’exercice et de perdre du poids. La Cour d’appel fédérale a conclu que la décision de la division d’appel était raisonnable.

[77] Le ministre soutient que la situation du requérant est semblable à celle du requérant dans l’arrêt Brown. Le requérant a pris ses médicaments, y compris le Percocet, mais il n’a pas terminé une autre partie de son traitement, soit le programme. Il était donc loisible à la division générale de décider qu’il n’a pas suivi les conseils médicaux de façon raisonnable. Il n’y a pas d’erreur de droit.

[78] Je conviens que l’arrêt Brown est semblable à la situation du requérant en ce sens qu’ils se conformaient tous deux à la médication. Toutefois, il s’agit de décider si la libération du requérant du programme diffère du refus de Brown de faire de l’exercice pour perdre du poids.

[79] Le requérant n’a pas refusé le programme. Il y a participé. Il n’a pas réalisé les progrès attendus par l’équipe et ils l’ont libéré pour manque d’effort et de participation. Toutefois, l’équipe de traitement l’a laissé réintégrer le programme plus tard. Il était loisible à la division générale de se demander si le requérant avait refusé un traitement, mais elle n’a pas assez expliqué cette partie de la décision puisqu’il n’y a pas d’analyse établissant s’il y avait eu un refus en l’espèce comme dans l’arrêt Brown.

[80] Je conclus qu’il est raisonnable de s’absenter d’une séance chez le psychologue après être allé à l’hôpital la nuit précédente. Je soulève cette question parce que cette absence semble constituer la preuve clé de non‑participation dans le rapport de libération. Le requérant s’est absenté de la séance du 7 septembre 2011 chez le psychologue. Le lendemain, l’équipe l’a rencontré pour lui dire qu’il ne fait pas les efforts nécessaires pour réussir et que [traduction] « de plus, il n’était pas pleinement engagé dans le programme, comme en témoigne sa décision de ne pas se présenter à sa séance de traitement psychologique du 7 septembre 2011 »Note de bas page 49.

[81] Le requérant n’a pas refusé un traitement de façon déraisonnable. Ses résultats ne satisfaisaient pas aux exigences d’un programme de retour au travail très précis. Le requérant avait une bonne raison pour cela. L’opinion psychologique fournie après la fin du programme a permis de cerner des obstacles psychologiques importants au retour au travail. Le personnel a réadmis le requérant au programme plus tard. Le requérant ne répondait pas à toutes les attentes de ce traitement particulier, mais il ne le refusait pasNote de bas page 50.

[82] Cependant, si je fais erreur et que dans les circonstances, la libération équivaut à un refus de traitement parce que la libération était très liée à un manque d’effort, je devrais établir s’il existe une explication raisonnable de la libération du requérant.

Si la libération pour manque d’effort et de participation correspondait à un refus de traitement, le refus était raisonnable

[83] Lorsque j’examine tous les facteurs qui ont influé sur la libération du requérant du programme, je conclus que tout « refus » de traitement que représente la libération était raisonnable.

[84] Le personnel a fondé la libération du requérant sur son mauvais rendement, sa participation et ses efforts dans le cadre du programme. Toutefois, des obstacles psychologiques ont nui au rendement, à la participation et aux efforts du requérant au programme. J’examinerai la preuve écrite et le témoignage du requérant au sujet de ces facteurs ayant mené à la libération.

[85] Les rapports d’étape montrent qu’à la cinquième semaine, il était clair que le requérant n’atteindrait pas les cibles fonctionnelles établies par le programme très précis auquel il participait. Le programme était multidisciplinaire. Certaines des conclusions concernant le rôle que les difficultés psychologiques du requérant ont joué dans sa participation à la partie fonctionnelle du traitement n’étaient pas claires, tant dans le résumé de la libération lui‑même que dans les suivis psychologiques et psychiatriques après la libération du requérant. Comme je l’ai mentionné plus tôt, certains termes laissent croire qu’il y avait des obstacles psychologiques, ou qu’il n’y en avait pas, ou qu’ils n’étaient pas importants ou qu’il n’aurait pas dû y en avoir.

[86] À mon avis, la reprise de la collaboration du psychologue avec le requérant après sa libération et la documentation des obstacles psychologiques importants au retour au travail revêtent de l’importance. Il en va de même pour la documentation du psychiatre après le programme au sujet du TDAH du requérant et d’autres diagnostics qui ont entraîné de l’irritabilité et de l’impulsivité. Le requérant connaissait mal son état. Cette preuve postérieure au programme montre que la preuve du programme au sujet des efforts du requérant doit être comprise à la lumière des obstacles psychologiques et des limitations fonctionnelles du requérant.

[87] Je conclus que l’absence à une séance psychologique après être allé à l’hôpital la veille est raisonnable et ne constitue pas le genre d’omission de participer qui devrait rendre une personne inadmissible à une pension d’invalidité. Je ne considère pas cela comme un refus de traitement déraisonnable.

[88] Le rendement du requérant ne satisfaisait pas aux exigences d’un programme de retour au travail très précis. Le requérant avait une bonne raison pour cela. L’opinion psychologique fournie après la fin du programme a permis de cerner des obstacles psychologiques importants au retour au travail. Il a été réadmis au programme plus tard. Le requérant échouait au traitement, mais il ne le refusait pas.

[89] Il n’est pas illogique de conclure ici que les limitations psychologiques du requérant ont nui au succès du traitementNote de bas page 51. Le ministre soutient que la seule raison pour laquelle le requérant n’a pas progressé dans le programme de réadaptation était son manque de motivation à retourner au travail, mais cette conclusion n’est tout simplement pas étayée par les dossiers de santé mentale du requérantNote de bas page 52.

[90] Le requérant a également témoigné de son expérience du programme. Il a fait valoir ce qui suit :

  • Il n’a pas terminé le programme parce qu’il prenait des médicaments et qu’il ne pouvait pas atteindre les objectifs fonctionnels établis par le programme.
  • La documentation sur sa participation au programme était unilatérale. Par exemple, le psychiatre n’essayait pas de l’aider.
  • Le programme ne l’aidait pas à se préparer à son ancien emploi parce que les tests physiques ne correspondaient pas aux exigences de cet emploi (comme les tests de soudage).

[91] Si le requérant doit fournir une explication raisonnable pour ne pas avoir terminé le programme, je conclus qu’il l’a fournie.

[92] Le personnel l’a libéré du programme parce qu’il était clair qu’il n’atteindrait pas les objectifs fonctionnels après huit semaines et que ses efforts et sa participation ne suffisaient pas. Je n’ai pas de preuve médicale à l’appui de la déclaration du requérant selon laquelle ses médicaments ont nui à ses capacités physiques dans le programme, mais je n’écarterai pas entièrement son expérience subjective de la prise de médicaments.

[93] Le requérant a raison de souligner que la relation qu’il entretenait avec l’équipe de traitement était « unilatérale ». Je suppose que le requérant fait référence à l’idée qu’il s’agit d’un programme de traitement de réadaptation existant pour les travailleurs blessés. C’est un programme précis comportant des objectifs de durée limitée pour les travailleurs blessés, et le requérant n’a pas atteint ces objectifs.

[94] Au moins une partie de la raison pour laquelle le requérant a échoué résidait dans ses limitations (psychologiques) liées à son invalidité. Le psychologue a documenté ces limitations après la libération et avant que le personnel réintègre le requérant au programme.

[95] Le requérant croyait constamment que le programme n’était pas adapté à ses besoins de retour au travail. Le ministre me renvoie à la décision de la Cour fédérale dans CvetkovskiNote de bas page 53. Dans cette affaire, le requérant n’a pas participé à certains traitements pour ses troubles de santé mentale parce qu’il croyait qu’ils ne seraient pas efficaces. La division générale a conclu que cette explication n’était pas raisonnable parce qu’elle n’était pas fondée sur une justification médicale; elle reposait seulement sur sa propre croyance. La division générale n’a pas accepté cette explication comme une explication raisonnable et la division d’appel n’a pas autorisé le requérant à interjeter appel. La Cour fédérale a conclu que les décisions de la division d’appel et de la division générale étaient raisonnables.

[96] Dans la présente affaire, le requérant a également exprimé sa conviction personnelle quant au type de traitement qui aurait été préférable pour lui (en mettant l’accent sur le soudage en particulier). S’il s’agissait de la seule preuve concernant l’expérience du requérant dans le cadre du programme, je serais d’accord avec le ministre. Croire qu’il existait un meilleur traitement que le programme n’est pas un motif raisonnable en soi de refuser un traitement.

[97] Les explications du requérant soulignent la nature unique du programme en tant que composante des efforts de traitement plus vastes d’un travailleur blessé. Prises seules, elles ne constituent pas une justification suffisante de l’échec du traitement, mais compte tenu des renseignements psychologiques versés au dossier, le requérant a une explication raisonnable de son échec au programme de huit semaines.

L’invalidité est grave

[98] Je partage les conclusions de la division générale au sujet des limitations fonctionnelles du requérant à la fin de la PMA ou avant cette date. Il n’était pas capable d’occuper son emploi régulier à ce moment‑là. Lorsque je tiens également compte de sa situation personnelle, je conclus que son expérience de travail restreinte l’obligerait probablement à améliorer son niveau de scolarité ou à se recycler, et que les limitations psychologiques et physiques du requérant constitueraient un obstacle supplémentaire.

[99] Le requérant était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la fin de sa PMA. Ses incapacités prises ensemble, combinées à sa situation personnelle, signifient que son invalidité était grave au sens du RPC.

[100] De plus, je suis convaincue que ses efforts de traitement ne le rendent pas inadmissible au bénéfice d’une pension d’invalidité.

L’invalidité est prolongée

[101] L’invalidité du requérant durera vraisemblablement pendant une période longue, continue et indéfinie. Cela signifie qu’elle est prolongée au sens du RPCNote de bas page 54.

[102] Je conclus que le requérant a démontré qu’il avait une invalidité grave et prolongée au 30 décembre 2011. À ce moment‑là, il affichait encore des comportements douloureux importants, le personnel l’a libéré du programme et un psychologue a noté les obstacles psychologiques à son retour au travail.

[103] Toutefois, un requérant ne peut être considéré comme invalide plus de 15 mois avant de présenter une demande de pension d’invaliditéNote de bas page 55. Le requérant n’a présenté une demande de pension d’invalidité qu’en mai 2020Note de bas page 56. Par conséquent, aux fins de la pension d’invalidité, le requérant ne peut être considéré comme invalide avant février 2019. Les paiements commencent quatre mois après le début de l’invalidité, soit en juin 2019Note de bas page 57.

Conclusion

[104] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur de droit. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre : le requérant a droit à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada.

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