Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AR c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1420

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelante (requérante) : A. R.
Représentantes : Chantelle Yang
Allison Schmidt
Intimé : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentantes : Viola Herbert

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 9 février 2022
(GP-20-1549)

Membre du Tribunal : Kate Sellar
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentantes de l’appelante
Représentante de l’intimé
Date de la décision : Le 19 décembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-306

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur de droit. Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre : la requérante a droit à une pension d’invalidité.

Aperçu

[2] A. R. a commencé à travailler en mai 2009 comme soudeuse par points à la machine sur des pièces automobiles. Elle a commencé à ressentir des douleurs au pied en 2010. Elle avait également des douleurs aux épaules, au cou et dans le haut du dos. Parfois, elle demandait à des collègues de l’aider à effectuer des tâches qui l’amenaient à pousser et à soulever des objets. Elle n’a pas parlé de sa douleur à son employeur parce qu’elle a constaté que l’employeur traitait mal les autres travailleurs lorsqu’ils déclaraient des blessures.

[3] Pendant qu’elle travaillait, la requérante a tenté de maîtriser la douleur, mais elle est devenue trop importante. Elle a cessé de travailler en août 2012. Elle n’est pas retournée au travail depuis.

[4] La requérante a demandé une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC) à quelques reprises. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a refusé sa plus récente demande (la demande de mars 2019) tant au stade initial qu’après révision.

[5] La requérante a interjeté appel devant le Tribunal. La requérante devait démontrer que son invalidité était grave et prolongée au sens du RPC pendant sa période d’admissibilité ou avant la fin de celle-ci, le 31 décembre 2015 (le dernier jour de la période minimale d’admissibilité ou PMA)Note de bas de page 1.

[6] La division générale a rejeté l’appel de la requérante, concluant qu’elle n’était pas admissible à une pension d’invalidité. Elle avait une certaine capacité de travailler avant la fin de la PMA. Elle n’a pas démontré que ses efforts pour obtenir et conserver du travail ont échoué en raison de son invalidité.

[7] Je conclus que la division générale a commis une erreur de droit en vertu de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi) en omettant de discuter et d’établir si les diagnostics médicaux du début de 2016 ont aidé la requérante à démontrer que son invalidité était grave au plus tard le 31 décembre 2015.

[8] Pour corriger l’erreur, je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre : la requérante a droit à une pension d’invalidité.

Questions en litige

[9] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de droit en omettant de discuter et de décider si les diagnostics médicaux dont la date est à peine postérieure à la fin de la PMA ont aidé à démontrer que l’invalidité de la requérante était grave à la fin de la PMA ou avant?
  2. b) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de fait au sujet du moment où les symptômes de fibromyalgie, de fatigue chronique, de dépression et d’anxiété ont commencé à affecter la capacité de travailler de la requérante?
  3. c) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de droit en omettant de discuter de la preuve médicale portant sur les affections énumérées en b) ci-dessus dont la date est à peine postérieure à la fin de la PMA?
  4. d) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de fait en omettant de tenir compte du témoignage de la requérante sur sa fibromyalgie et ses problèmes de santé mentale avant la fin de la PMA?
  5. e) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de droit en omettant de fournir des raisons adéquates pour lesquelles elle n’a pas tenu compte du témoignage susmentionné à l’alinéa d)?
  6. f) La division générale a‑t‑elle commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de toutes les affections de la requérante ensemble?
  7. g) Si la division générale a commis une erreur, que dois‑je faire pour la corriger?

Analyse

[10] Dans cette décision, je décrirai l’approche adoptée par la division d’appel pour examiner les décisions de la division générale. Je vais ensuite expliquer comment j’ai décidé que la division générale avait commis une erreur de droit. En conclusion, je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre : la requérante est a droit à une pension d’invalidité.

Examen des décisions de la division générale

[11] La division d’appel ne donne pas à la requérante ou au ministre la possibilité de plaider de nouveau leur cause depuis le début. La division d’appel examine plutôt la décision de la division générale pour statuer si elle contient des erreurs.

[12] Cet examen repose sur le libellé de la Loi, qui énonce les « motifs d’appel ». Le défaut de suivre l’analyse juridique que le RPC et la jurisprudence exigent est une erreur de droit. C’est l’un des moyens d’appelNote de bas de page 2.

Erreur de droit

[13] La division générale a commis une erreur de droit en omettant de discuter et d’établir si la preuve médicale du début de 2016 a aidé la requérante à démontrer que son invalidité était grave au plus tard le 31 décembre 2015. L’approche adoptée par la division générale à l’égard de cette preuve n’est pas conforme aux exigences juridiques relatives aux rapports médicaux. Il s’agit également d’un défaut de fournir suffisamment de raisons sur une question clé qui nécessitait une explication.

Ce que la loi dit au sujet des rapports médicaux

[14] Le Tribunal est tenu de se conformer à certaines décisions de la Cour fédérale lorsqu’il prend des décisions concernant l’accès aux pensions d’invalidité du RPC. Les Cours fédérales rédigent ces décisions lorsqu’une partie demande à la cour de décider si une décision du tribunal était raisonnable (contrôle judiciaire). Par conséquent, les décisions des Cours fédérales ne nous disent pas toujours tout ce que nous devons savoir sur l’application du critère d’une pension d’invalidité dans tous les cas. Cependant, ces décisions nous apprennent que :

  1. a) La situation personnelle de la requérante revêt de l’importance, mais une preuve médicale demeure nécessaire pour satisfaire au critère d’admissibilité à une pension d’invaliditéNote de bas de page 3.
  2. b) Les requérants ont besoin d’une preuve médicale objective à l’appui de leurs demandes de pension d’invaliditéNote de bas de page 4. Les requérants doivent fournir certains documents à l’appui de leur situation médicale au moment de la PMA.
  3. c) Les rapports médicaux ne doivent pas être rejetés d’emblée simplement parce qu’ils portent une date postérieure à la période minimale d’admissibilité (PMA), si ces rapports ont trait à l’invalidité de la requérante au moment de la PMANote de bas de page 5.
  4. d) La preuve concernant l’état de santé du requérant après la PMA n’est pas pertinente lorsque le requérant n’a pas prouvé qu’il avait une invalidité pendant la PMANote de bas de page 6.

Les rapports médicaux de la requérante

[15] La requérante avait une preuve objective d’une invalidité touchant ses pieds au moment de la PMA. Les effets de cet état étaient assez graves pour que la division générale ait conclu qu’il empêchait la requérante d’occuper son emploi régulier. La requérante avait également des rapports médicaux dont la date était postérieure à la PMA (de plusieurs mois seulement) contenant des diagnostics supplémentaires. Les rapports ne précisaient pas à quel moment les symptômes liés à ces diagnostics ont commencé. Toutefois, la requérante et son partenaire ont témoigné au sujet des symptômes qu’elle avait en 2015 (pendant la PMA) et des raisons pour lesquelles elle ne s’était pas concentrée sur ces symptômes aux rendez-vous chez le médecin jusqu’après la fin de la PMA, au début de 2016.

L’approche de la division générale à l’égard des rapports médicaux

[16] Dans la présente affaire, la division générale a décidé que :

  • La requérante avait des limitations fonctionnelles liées à l’état de son pied et à d’autres douleurs qui nuisaient à sa capacité d’accomplir son travail au 31 décembre 2015, mais son invalidité n’était pas grave à ce moment‑làNote de bas de page 7.
  • L’état général de la requérante s’est aggravé avec sa fibromyalgie, sa fatigue chronique, une dépression et de l’anxiété. Ces affections ont commencé après le 31 décembre 2015Note de bas de page 8.

L’approche de la division générale à l’égard des rapports médicaux est une erreur

[17] Selon moi, la division générale a commis une erreur de droit.

[18] La requérante avait la preuve d’un trouble de santé grave pendant la PMA. Ce trouble de santé a affecté ses pieds. Il était suffisamment grave pour que la division générale ait convenu qu’en raison des limitations fonctionnelles de la requérante découlant de ce trouble de santé, la requérante ne pouvait pas effectuer son travail régulier à la fin de la PMA ou avant. Cette preuve ne suffisait pas en soi pour que la division générale juge que l’invalidité de la requérante était grave. La division générale a trouvé une preuve d’une certaine capacité de travailler dans les rapports médicaux.

[19] La division générale a décidé que les limitations de la requérante se sont aggravées en raison de sa fibromyalgie, de sa fatigue chronique, de sa dépression et de son anxiété. Sans explications ou analyse suffisantes, la division générale a décidé que ces troubles avaient commencé après le 31 décembre 2015Note de bas de page 9. Je ne le souligne pas parce que j’ai intérêt à réévaluer la preuve pour la division générale au sujet du moment où les troubles ont commencé à influer sur la capacité de travailler de la requérante. Il manque plutôt d’explication dans la décision quant à la façon dont la division générale a établi que les troubles avaient commencé plus précisément après décembre 2015.

[20] Dans la présente affaire, il s’agissait :

  • des témoignages sur des symptômes en 2015 qui, à leur face même, correspondent à certains des troubles diagnostiqués par les médecins en 2016
  • d’une explication de la raison pour laquelle la requérante n’a pas consulté un médecin pour obtenir un diagnostic avant la fin de la PMA.

[21] Les raisons pour lesquelles la division générale a décidé que les limitations fonctionnelles s’étaient aggravées avec les troubles de santé et pour lesquelles cette aggravation s’était produite après la fin de la PMA n’étaient pas claires.

[22] La preuve médicale à elle seule n’a pas besoin d’établir l’apparition de l’invalidité. Les diagnostics ont eu lieu plusieurs mois après décembre 2015. Les notes du médecin et les rapports après la fin de la PMA ne fournissent pas de date d’apparition des affections diagnostiquées au début de 2016. Il n’y avait aucune mention de symptômes associés à ces affections dans les dossiers médicaux au plus tard en décembre 2015. La requérante n’avait pas de preuve médicale indiquant que les symptômes qu’elle a éprouvés au plus tard le 31 décembre 2015 étaient liés aux diagnostics qu’elle a reçus en mars et avril 2016.

[23] Par conséquent, le ministre soutient qu’il n’était pas nécessaire de discuter de cette preuve médicale datée d’après la PMA parce que rien ne laissait croire que la fibromyalgie, la fatigue chronique, la dépression et l’anxiété diagnostiquées après la fin de la PMA ont entraîné des limitations fonctionnelles ou une invalidité grave en vertu du RPC pendant la PMA. Le témoignage sur les troubles de la requérante n’était pas assez important pour que la division générale ait besoin d’en discuter. Le ministre soutient qu’il n’y a eu aucun autre rapport de douleur généralisée ou diffuse avant la fin de la PMA qui aurait signalé une fibromyalgie.

[24] Toutefois, à mon avis, la division générale a commis une erreur de droit de deux façons connexes.

[25] Premièrement, la division générale a écarté les diagnostics de la requérante dans les notes médicales quelques mois seulement après la PMA en omettant d’établir s’ils appuyaient l’existence de ces affections en décembre 2015. La division générale l’a fait même si la preuve était très proche de la fin de la PMA et que des témoignages indiquaient des symptômes compatibles avec ces affections pendant la PMA.

[26] Deuxièmement, la division générale n’a pas fourni de motifs sur une question clé dans des circonstances qui nécessitaient une explicationNote de bas de page 10. Compte tenu de la mesure dans laquelle les diagnostics ont été donnés proche de la période d’admissibilité, la division générale devait discuter de la façon dont elle a décidé que l’état général de la requérante était pire en raison de ces problèmes de santé, mais que cette aggravation n’a eu lieu que quelque temps après la fin de la PMA (malgré les témoignages qui laissent croire que la requérante avait des limitations fonctionnelles associées à ces problèmes de santé en décembre 2015).

Rejeter les diagnostics médicaux d’une manière contraire à la loi

[27] La requérante a besoin d’au moins une certaine preuve médicale d’invalidité pendant la PMA. La requérante avait cette preuve. Il y avait des preuves médicales concernant son état grave qui affectait ses pieds. La loi n’exige pas de preuve médicale documentant toutes les limitations fonctionnelles pendant la PMA.

[28] La division générale a déclaré que la requérante doit fournir une preuve médicale démontrant que ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travailler à la fin de la PMANote de bas de page 11. La division générale a convenu avec le ministre que la requérante ne disposait pas de preuve médicale démontrant que ses problèmes de fibromyalgie, de fatigue chronique, d’anxiété et de dépression étaient graves à la fin de la PMANote de bas de page 12. La division générale a déclaré que ces problèmes contribuent à sa douleur et aggravent son état général : « La preuve médicale démontre que ces affections ont commencé après décembre 2015. Par conséquent, elles ne peuvent pas être considérées comme graves au moment de sa période minimale d’admissibilitéNote de bas de page 13. »

[29] La division générale n’a pas expliqué comment elle a décidé que la preuve médicale démontrait que ces problèmes avaient commencé après décembre 2015. La preuve médicale concernant la dépression, l’anxiété et la fibromyalgie figure dans les dossiers médicaux, alors que le médecin en a discuté avec la requérante plusieurs mois après la fin de la période d’admissibilitéNote de bas de page 14. Le médecin n’a jamais établi la date d’apparition des symptômes associés aux nouveaux diagnostics. La preuve médicale démontre donc certainement que le médecin a diagnostiqué ces problèmes peu après décembre 2015, mais la division générale n’a pas expliqué comment cette preuve a établi que ces problèmes avaient commencé plus précisément après décembre 2015.

[30] Toutefois, les notes sur le diagnostic de ces affections sont importantes en ce sens qu’elles peuvent contribuer à expliquer certaines des limitations fonctionnelles que la requérante avait pendant la PMA, comme il est indiqué dans son témoignage (même si ces affections n’étaient pas encore diagnostiquées).

[31] Les requérants peuvent établir la gravité d’une invalidité au moyen d’un témoignage sur les limitations fonctionnelles associées à des troubles de santé qui ne sont finalement diagnostiqués que peu après la fin de la PMA. Les dispositions législatives régissant la preuve médicale n’interdisent pas de le faire. La preuve médicale n’indiquait pas le début de l’invalidité, de sorte qu’on ne sait trop comment la division générale a décidé que la preuve médicale démontrait que les problèmes de santé avaient commencé après décembre 2015.

[32] En fait, des preuves écrites et des témoignages laissaient croire que les limitations fonctionnelles associées à ces problèmes avaient une incidence sur la requérante en 2015, plus précisément :

  • La requérante a mentionné des limitations fonctionnelles en lien avec son sommeil dans le questionnaire rempli peu après la fin de la PMA et dans son témoignage à l’audienceNote de bas de page 15.
  • La témoin de la requérante a déclaré que lorsqu’elles consultaient des médecins, elles se concentraient sur les problèmes à la jambe et au pied de la requérante pour des raisons d’assurance. Toutefois, elle ressentait toujours de la douleur dans d’autres parties de son corps. Vers la fin de 2015, la requérante était déprimée et irritable. Elle ne faisait presque rien et ressentait souvent de la fatigueNote de bas de page 16.

[33] La division générale a mentionné cette preuve dans sa décision. Toutefois, la division générale avait déjà décidé que la preuve médicale démontrait que ces problèmes de santé avaient commencé après la fin de la PMA, de sorte qu’ils ne pouvaient pas être pris en compte. Il s’agit d’une erreur de droit. La division générale devait expliquer ou concilier les témoignages sur la dépression et l’irritabilité de la requérante, sa quasi-inaction et sa fatigue fréquente, avec la preuve médicale d’un diagnostic de dépression, de fatigue chronique, d’anxiété et de fibromyalgie au début de 2016.

Défaut de fournir des motifs suffisants sur une question clé

[34] À mon avis, la division générale devait expliquer comment elle a conclu que la preuve démontrait que la fibromyalgie, la fatigue chronique, l’anxiété et la dépression avaient commencé après décembre 2015, compte tenu de la preuve que renferme le questionnaire se rapprochant le plus de la PMA et du témoignage du témoin de la requérante, qui décrit des symptômes compatibles avec ces affections vers la fin de 2015.

[35] La division générale semble en déduire que les diagnostics supplémentaires prononcés au début de 2016 ont aggravé son état de santé général et que cette aggravation ne s’est pas produite pendant la PMA. Si la division générale est convaincue que la requérante éprouvait les problèmes de santé au moins un certain temps avant le diagnostic, comment ou pourquoi a-t-elle établi que c’était après décembre 2015 (surtout compte tenu de la preuve au sujet des limitations fonctionnelles de 2015)?

[36] Le ministre soutient que pour comprendre si les motifs sont suffisants, il faut les examiner dans leur ensemble. Je suis d’accord.

[37] Dans la présente affaire, les motifs de la division générale précisaient comment elle avait décidé que la douleur et les problèmes de mobilité que la requérante éprouvait avec ses pieds signifiaient qu’elle ne pouvait pas accomplir son ancien travail en décembre 2015. Toutefois, compte tenu de l’ensemble des motifs, le cheminement suivi pour en arriver à la conclusion que certaines limitations fonctionnelles comme la concentration et la mémoire avaient une incidence sur la requérante au moment de la PMA, mais que les problèmes de santé se sont aggravés quelque temps après la fin de la PMA et peut-être avant qu’ils ne soient diagnostiqués au début de 2016 semble moins clair. La division générale a mentionné un témoignage selon lequel la requérante éprouvait des problèmes importants d’humeur et de sommeil en décembre 2015. Elle ne faisait pratiquement rien, elle était déprimée et irritable et elle était souvent fatiguée. La division générale n’a pas concilié ce témoignage avec sa conclusion selon laquelle elle avait la capacité de travailler à ce moment‑là et selon laquelle son état général s’est aggravé avec les problèmes de santé diagnostiqués en 2016, mais cette aggravation n’a pas eu lieu au plus tard à la fin de décembre 2015.

[38] Étant donné que ces erreurs sont au cœur de la question de savoir si l’invalidité de la requérante était grave, je vais maintenant examiner la façon de corriger l’erreur.

Réparation des erreurs

[39] Une fois que je conclus que la division générale a commis une erreur, j’ai le choix de la façon de la réparer. Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, ou je peux renvoyer le dossier à la division générale pour qu’elle réexamine sa décisionNote de bas de page 17. Je peux statuer sur toute question de droit nécessaire pour trancher un appelNote de bas de page 18.

[40] Le ministre ne s’est pas opposé à ce que je rende la décision que la division générale aurait dû rendre. Il s’agit d’une façon efficace d’aller de l’avant dans bien des cas.

[41] Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. J’ai écouté l’audience de la division générale et examiné les documents dans la présente affaire. J’ai les renseignements dont j’ai besoin pour décider si la requérante a droit à une pension d’invalidité. Il est équitable, efficace et juste de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre dans les circonstances.

La requérante a une invalidité grave

[42] Pour avoir droit à une pension d’invalidité, la requérante doit avoir une invalidité grave au sens du RPC. Une personne ayant une incapacité grave est « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice »Note de bas de page 19.

[43] Chaque partie de cette définition a un sens. Une invalidité grave dans le contexte du RPC est liée à ce qu’une personne peut et ne peut pas accomplir (sur le plan du travail). Ce que les personnes ne peuvent pas effectuer en raison d’un handicap est parfois appelé « limitations fonctionnelles ».

[44] À mon avis, la requérante a prouvé qu’elle a une invalidité grave et prolongée au sens du RPC. J’ai examiné :

  • les problèmes de santé de la requérante (ce qui comprend l’évaluation des affections dans leur ensemble – toutes les déficiences possibles qui pourraient affecter la capacité à travailler)Note de bas de page 20
  • les antécédents de la requérante (y compris son âge, son niveau de scolarité, sa langue, son expérience de travail et de vie antérieure)Note de bas de page 21
  • les mesures prises par la requérante pour traiter ses problèmes de santé, et la question de savoir si elle a refusé de façon injustifiée un traitementNote de bas de page 22.

Problèmes de santé

La preuve médicale démontre un problème de santé grave à la fin de la PMA ou avant celle-ci

[45] La requérante a besoin d’une preuve médicale pour démontrer qu’elle éprouvait un problème de santé grave au plus tard le 31 décembre 2015Note de bas de page 23.

[46] Je conclus qu’en décembre 2015, la requérante ressentait des douleurs au pied droit. Je conclus également qu’elle avait au moins certains des symptômes de fibromyalgie, de douleur chronique, de dépression et d’anxiété qui ont été diagnostiqués au printemps 2016.

[47] Plus précisément, le rapport médical du RPC indique qu’en novembre 2015, la requérante avait une ténosynovite fibulaire, touchaient la souche fibulaire droite et avait une fasciite plantaire avec réparation infructueuse du tendon fibulaire. Elle éprouvait des douleurs continues à la cheville et sa mobilité était réduiteNote de bas de page 24.

[48] Immédiatement après la fin de la PMA en janvier 2016, un consultant en réadaptation a noté que la requérante faisait état de douleurs et de difficultés constantes à dormir en raison de la douleur. Elle pouvait marcher sur de courtes distances, mais elle éprouvait de la difficulté avec les escaliers. Elle comptait sur son mari pour les activités importantes et les tâches lourdesNote de bas de page 25. Elle pouvait s’occuper de ses soins personnels, effectuer des tâches légères dans la maison et conduire sur de courtes distances. En physiothérapie, elle a signalé des progrès limités et des douleurs continuesNote de bas de page 26.

[49] Compte tenu de cette preuve, je conviens avec la division générale qu’au 31 décembre 2015, la douleur au pied droit et les problèmes de santé de la requérante l’ont empêchée d’accomplir son travail régulier.

[50] Toutefois, je conclus que certains de ses symptômes étaient probablement liés aussi aux diagnostics qu’elle a examinés avec son médecin au début de 2016, soit la fibromyalgie, la douleur chronique, la dépression et l’anxiété. Par conséquent, le travail sédentaire aurait également excédé les limitations fonctionnelles de la requérante. Elle avait de la difficulté à dormir en raison de la douleur. Elle était fatiguée. Elle a déclaré que vers la fin de 2015, la requérante était déprimée et irritable, qu’elle ne faisait presque rien et qu’elle était fatiguée. La physiothérapie avait un succès limité. À mon avis, la douleur mentionnée par la requérante et les symptômes associés à ces affections décrits dans le témoignage signifiaient qu’elle n’était pas régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La division générale a également reconnu l’effet de la douleur sur la capacité de la requérante de dormir et de se concentrer. Les emplois sédentaires exigent que les travailleurs soient reposés et capables de se concentrer.

Le témoignage de la requérante explique davantage les limitations fonctionnelles qu’elle avait avant la fin de la PMA

[51] La division générale a décrit les limitations fonctionnelles dont la requérante a témoigné :

  • Elle ressent une douleur constante au pied droit qui remonte dans son tibia jusqu’au genou. Elle qualifie la douleur de 8 à 9 sur 10.
  • Elle ressent des douleurs au dos, au cou et aux épaules. Cette douleur est constante. Elle décrit la douleur comme un 7 sur 10.
  • Sa douleur est pire maintenant qu’elle ne l’était en décembre 2015.
  • Elle ne peut pas marcher ou se tenir debout plus de 15 minutes.
  • Elle ne peut pas rester assise plus de 30 minutes.
  • Elle est allongée la plupart du temps.
  • Elle a de « bonnes journées » deux jours par semaine. Ces jours-là, elle peut faire un petit ménage ou aider à préparer le souper.
  • Elle a de « mauvaises journées » quatre jours ou plus par semaine. Ces jours-là, elle ne peut pas faire grand-chose. Entre autres, elle ne peut prendre une douche, se laver les cheveux ou effectuer la plupart des activités quotidiennes.
  • Elle a peu d’énergie, est de mauvaise humeur et est facilement fatiguée.
  • Sa douleur la rend peu fiable. Elle éprouve de la difficulté à conserver ses plans comme prévu avec ses amis ou sa famille parce qu’elle ignore à quoi ressembleront ses journées.
  • Son partenaire fait la plupart des travaux ménagers et de garde d’enfants.
  • Son partenaire ou d’autres membres de sa famille doivent la conduire.
  • Son anxiété fait en sorte qu’elle a de la difficulté à sortir de la maison ou à se trouver dans une voiture.
  • Parfois, si elle passe une mauvaise journée et que personne d’autre n’est disponible, elle ne peut pas emmener ses enfants à l’école. Cela se produit de 10 à 15 fois par année.

[52] On peut difficilement savoir de façon certaine laquelle de ces limitations fonctionnelles la requérante avait au moment de la PMA et dans quelle mesure elle les avait. Toutefois, au moins certaines de ces limitations, comme la faible énergie, la mauvaise humeur et la fatigue, concordent avec les diagnostics de fatigue chronique, de dépression, d’anxiété et de fibromyalgie qu’elle a reçus en mars 2016. Je prends acte du fait que les sentiments d’anxiété à l’idée de quitter la maison, d’être déprimée et irritable, d’être de mauvaise humeur et d’avoir peu d’énergie sont des symptômes couramment associés à la fatigue chronique, à l’anxiété ou à la dépression.

Le questionnaire de la requérante fournit des renseignements supplémentaires sur les limitations fonctionnelles en 2015 qui pourraient avoir été liées aux diagnostics médicaux de 2016

[53] Le questionnaire que la requérante a rempli le plus près de la fin de la PMA indiquait qu’elle éprouvait des problèmes de sommeil, de conduite automobile, en position assise, de marche, de levage, de transport et d’étirementNote de bas de page 27 Je souscris à la conclusion de la division générale selon laquelle, de surcroît, la douleur qu’elle a ressentie aurait également affecté sa concentration et sa mémoire.

[54] Je conviens avec la division générale que ses symptômes se sont aggravés en raison de sa fatigue chronique, de sa dépression et de sa fibromyalgie. Toutefois, j’en déduis que la requérante éprouvait au moins certains symptômes associés à ces affections en décembre 2015. La concentration, la mémoire, la douleur, les problèmes de sommeil et la fatigue seraient tous compatibles avec les diagnostics qu’elle a finalement reçus en mars 2016. Ces symptômes, en plus des conclusions que la division générale a déjà tirées au sujet de la douleur constante et de la mobilité limitée de la requérante, signifient qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Ses limitations fonctionnelles étaient également imprévisibles, ce qui signifiait qu’elle n’était pas suffisamment fiable pour travailler.

Le témoignage de la requérante et de son témoin indiquait clairement qu’elle avait en 2015 des symptômes d’affections diagnostiquées au début de 2016

[55] J’accepte le témoignage du témoin de la requérante au sujet de ses symptômes en 2015Note de bas de page 28. Il a déclaré que vers la fin de 2015, l’espoir de la requérante que les choses s’améliorent était disparu et qu’elle était [traduction] « en quelque sorte – très déprimée » et [traduction] « beaucoup plus irritable ». Il a déclaré qu’elle ne faisait pratiquement aucune des choses qu’elle aurait normalement faites. Il a déclaré qu’elle était souvent sur le divan avec un coussin chauffant pour essayer de soulager son cou et son dos, et qu’en ce qui concerne sa jambe, elle [traduction] « venait d’abandonner – ça faisait toujours mal de toute façon ».

[56] Lorsque le représentant a interrogé le témoin de la requérante au sujet de sa fibromyalgie et de sa dépression avant 2016, le conjoint de la requérante a déclaré que l’accent était mis sur sa jambe et sur une intervention chirurgicale : [Traduction] « Je ne pense pas que l’on examinait beaucoup les autres symptômes. Les autres symptômes étaient là, mais je pense – nous et peut-être les médecins pensions que c’était, vous savez, une partie de la douleur, des problèmes et de la frustration causés par la jambe »Note de bas de page 29.

[57] De plus, j’accepte le témoignage de la requérante au sujet de ses problèmes de santé avant la fin de sa période d’admissibilité. Elle a témoigné au sujet de symptômes d’anxiété en 2015. Elle a notamment dit qu’elle commençait à éprouver de la difficulté à se trouver dans une voiture, et que si elle devait être à l’extérieur de la maison pour un rendez-vous, elle [traduction] « éprouvait certainement des difficultés ».

[58] La requérante a témoigné qu’elle ne comprenait pas bien la cause de certains de ses symptômes, affirmant qu’elle avait des problèmes d’humeur en 2015, mais qu’elle croyait à tort que c’était situationnel. Autrement dit, elle pensait que ses problèmes d’humeur découlaient du stress causé par son inquiétude à l’égard d’un membre de la famille à ce moment-là et de l’aide apportée à celui-ci. Lorsque la situation du membre de la famille s’est améliorée et que son humeur n’a pas changé, elle a remarqué que ce qu’elle ressentait ne disparaissait pasNote de bas de page 30.

La preuve sur laquelle le ministre s’appuie pour démontrer que la requérante n’avait pas de limitations fonctionnelles en 2015 associées aux diagnostics de 2016 n’est pas convaincante

[59] Le ministre soutient qu’il existe des preuves à l’appui de l’idée que la requérante ne présentait pas de symptômes en 2015 des affections diagnostiquées par le médecin au début de 2016. Plus précisément, le ministre souligne ce qui suit :

  • La requérante a dit à son physiothérapeute qu’elle était [traduction] « par ailleurs en bonne santé » lorsqu’elle l’a consulté en janvier 2016Note de bas de page 31.
  • Le même physiothérapeute a également noté que les médicaments de la requérante étaient du Tylenol et du tramadol au besoin, mais qu’elle en prenait rarementNote de bas de page 32.
  • Les premiers documents relatifs à la demande en octobre 2018 ne mentionnent que les problèmes au pied et au bas de la jambe.
  • Un an après la fin de la PMA en décembre 2016, le médecin de la requérante a écrit que la requérante était généralement en bonne santéNote de bas de page 33.
  • Le médecin de la requérante a déclaré que la requérante devrait suivre une nouvelle formation dans une carrière sédentaireNote de bas de page 34.

[60] La requérante avait des limitations fonctionnelles en 2015 des problèmes de santé diagnostiqués par ses médecins au début de 2016. Je ne crois pas que les éléments de preuve susmentionnés constituent une preuve convaincante du contraire.

[61] Je ne m’attendrais pas à ce que les requérants conseillent les physiothérapeutes au sujet des diagnostics de santé mentale qui peuvent ou non être pertinents pour le rôle du physiothérapeute d’améliorer la fonction physique et les mouvements. J’accorde plus de poids aux aspects du rapport du physiothérapeute relatifs au traitement fourni par le physiothérapeute. La requérante a demandé l’aide de son médecin pour les problèmes diagnostiqués par le médecin en 2016. Son médecin est un professionnel compétent à qui il convient de communiquer cette information une fois qu’elle a eu suffisamment de connaissances pour demander de l’aide.

[62] Le physiothérapeute a noté l’utilisation de tramadol (un opioïde) au besoin, mais plutôt rarement. Il s’agit d’une preuve que la requérante ressentait de la douleur et qu’elle prenait parfois des médicaments puissants (opioïdes) pour atténuer cette douleur. Je ne crois pas que cette preuve appuie l’idée qu’elle avait une capacité de travailler en 2015.

[63] La requérante n’avait pas encore de diagnostic et ignorait l’existence de ses problèmes de santé mentale en 2015, de sorte qu’elle ne les a pas énumérés dans ses documents de demande en 2015. Cette conclusion concorde avec la preuve selon laquelle la requérante s’est concentrée sur les incapacités liées à ses pieds en 2015. Son mari a remarqué des problèmes de sommeil et d’humeur en 2015. Elle est parvenue à mieux comprendre ces problèmes en 2016 après avoir observé l’amélioration de la santé de son fils grâce à une thérapie. J’accepte le témoignage selon lequel la requérante s’est concentrée sur ses problèmes de pieds en 2015.

[64] Le médecin de la requérante a déclaré que la requérante était généralement en bonne santé en 2015. Toutefois, j’accepte l’argument de la requérante selon lequel cette observation s’inscrivait dans le contexte d’une évaluation pour une autre intervention chirurgicale au pied.

[65] La requérante soutient qu’il faut du temps pour établir un diagnostic de troubles de santé mentale et de fibromyalgie. Elle ajoute que les documents de mars 2016 sont assez contemporains avec la PMA de la requérante pour que la division générale en tienne compte.

[66] Je suis d’accord. Étant donné qu’il y a eu des témoignages au sujet de l’humeur et du sommeil de la requérante en 2015 juste avant qu’elle reçoive son diagnostic au début de 2016, des éléments de preuve soumis ici laissent croire que les problèmes de santé de la requérante l’empêchaient de détenir une occupation véritablement rémunératrice en 2015. Certaines des affections qui expliquent ces symptômes n’ont été diagnostiquées qu’au début de 2016.

[67] À mon avis, le recyclage n’était pas une véritable possibilité compte tenu de l’ensemble des problèmes de santé de la requérante, y compris les problèmes diagnostiqués en 2016 qui comprenaient la douleur chronique, la fatigue, la dépression et l’anxiété.

Les antécédents de la requérante

[68] Au moment de décider si la requérante a des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler, je dois tenir compte de la mesure dans laquelle la requérante est employable dans le monde réel compte tenu des facteurs suivants :

  • son âge
  • son niveau de scolarité
  • sa capacité de parler, de lire et d’écrire en anglais
  • son expérience de travail et de vie antérieureNote de bas de page 35

[69] La requérante n’avait que 38 ans à la fin de sa PMA. Il lui reste de nombreuses années avant d’atteindre l’âge de la retraite, même anticipée, en vertu du RPC.

[70] Elle a une douzième annéeNote de bas de page 36. Elle a déclaré qu’elle avait toujours eu de la difficulté à l’école et que, comme l’a souligné la division générale, elle se décrit comme une étudiante « B » ou « C ».

[71] Elle n’a pas de difficulté à communiquer en anglais.

[72] Son expérience de travail comprend la garde d’enfants (comme nounou) et le travail sur des chaînes de montage. Son dernier emploi était le soudage par points à la machine sur des pièces automobiles.

[73] Je conclus que le principal obstacle de la requérante à l’employabilité dans le monde réel est qu’elle n’avait fait que des études secondaires et que son expérience de travail se rapporte à des emplois plus exigeants physiquement qu’elle ne peut pas occuper en raison de ses restrictions physiquesNote de bas de page 37.

[74] Il n’est pas trop tard pour qu’elle se recycle compte tenu de son âge. Toutefois, il y aurait des limites aux types d’emplois pour lesquels la requérante pourrait se recycler compte tenu de son témoignage sur les difficultés qu’elle a eues sur le plan scolaire, ce qui constitue à mon avis un obstacle supplémentaire.

Étapes pour traiter les problèmes de santé

[75] Pour recevoir une pension d’invalidité, un requérant doit prendre des mesures pour traiter ses problèmes de santéNote de bas de page 38. Je dois également déterminer si la requérante a refusé un traitement de façon déraisonnable. Je dois également examiner l’effet, le cas échéant, que les conseils médicaux auraient pu avoir sur son invalidité.

[76] Mes conclusions reflètent celles de la division générale sur cette question. La requérante a mis à l’essai divers médicaments pour traiter ses affections. Ils lui ont procuré peu ou pas de bienfaits, lui ont causé des douleurs au ventre et des nausées, ou ils ont entraîné une trop forte dépendance. Ces médicaments comprennent le tramadol, la cyclobenzaprine, l’amitriptyline, le Cymbalta et le Lyrica. Elle utilise maintenant du Tylenol extra-fort pour mieux maîtriser sa douleur. Elle utilise également du lorazépam pour mieux maîtriser son anxiétéNote de bas de page 39.

[77] Le ministre a examiné les efforts déployés par la requérante de janvier 2016 à avril 2016 et a conclu qu’ils étaient au mieux de piètre qualité. Mon examen des mêmes documents montre une requérante qui était assez atteinte pour prendre des opioïdes tous les trois jours, pour consulter un spécialiste en réadaptation professionnelle et prendre ses médicaments. Elle a fait de la physiothérapie. Elle a eu recours à la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) pour le traitement de la douleur, mais en avril 2016 (juste après avoir reçu un diagnostic de fibromyalgie, de douleur chronique et de fatigue), elle a cessé de faire du bénévolat et a poursuivi une formation en informatique.

[78] Le ministre soutient que la requérante a abandonné ses efforts de réadaptation pour travailler. Je suis consciente de la décision rendue dans l’affaire Bulger, qui traite de l’évaluation équitable des efforts de traitement (comme la physiothérapie) compte tenu des défis particuliers associés à des conditions comme la fibromyalgieNote de bas de page 40. Dans les situations comportant de la fatigue chronique, une dépression, de l’anxiété et de la douleur chronique, les efforts objectivement (ou apparemment) insuffisants peuvent en fait être subjectivement assez importants pour la personne qui vit avec les défis associés à ces troubles.

[79] La requérante a également mis à l’essai des traitements non médicinaux décrits dans la décision de la division générale :

  • Elle a subi une intervention chirurgicale en septembre 2014 pour régler ses problèmes au pied droit, mais elle n’a obtenu aucun résultatNote de bas de page 41. Elle a continué à ressentir de la douleur au pied droit.
  • Elle a reçu des injections de cortisone et un traitement par ondes de choc, mais en vain.
  • Elle a suivi un programme de traitement de la douleur. Elle en a tiré des avantages.
  • Elle a fait de la physiothérapie. Parfois, ça l’a aidée et parfois, ça a aggravé
    sa douleur.
  • Maintenant, elle utilise un neurostimulateur transcutané, de la chaleur et de la glace pour traiter sa douleurNote de bas de page 42.

[80] Je suis convaincue que la requérante a pris des mesures pour traiter ses problèmes de santé et qu’elle n’a pas refusé un traitement.

L’invalidité de la requérante est prolongée

[81] L’invalidité de la requérante durera vraisemblablement pendant une période longue, continue et indéfinie. Cela signifie qu’elle est prolongée au sens du RPCNote de bas de page 43.

[82] En 2016, un chirurgien orthopédique indépendant a décrit les douleurs ressenties de longue date par la requéranteNote de bas de page 44. Cette douleur a commencé dans son pied droit et affecte maintenant tout son corps. La douleur était constante et s’aggravait lorsque la requérante était en position debout, marchait et se trouvait en position assise prolongée. Le pronostic de retour de la requérante à son ancien emploi était mauvais. La probabilité de réussite du retour sur le marché du travail était inférieure à 50 %.

[83] Un deuxième chirurgien orthopédiste a fourni un deuxième avis, également en 2016Note de bas de page 45. Il a déclaré que la requérante avait une irritation chronique de ses tendons fibulaires, car il n’y avait pas eu d’amélioration deux ans après l’intervention chirurgicale. Ses diagnostics de syndrome de douleur chronique et de fibromyalgie ont contribué à ses symptômes. Il pensait que l’intervention pourrait donner des réponses, mais qu’elle pourrait aussi aggraver sa douleur.

[84] Je conclus que la requérante a démontré qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2015. Bien que la requérante ait cessé de travailler en 2012, je conclus qu’en décembre 2015, ses problèmes de santé s’étaient aggravés et qu’elle présentait des symptômes associés à des problèmes de santé supplémentaires que les médecins ont diagnostiqués plusieurs mois plus tard, soit au début de 2016.

[85] Fait important, la douleur de la requérante a été décrite comme constante. Elle s’aggravait lorsque la requérante était debout et marchait. Ses problèmes de sommeil étaient bien documentés dans ses dossiers médicaux et dans les témoignages à l’audience. À mon avis, compte tenu de l’ensemble des affections et de leurs limitations fonctionnelles, la requérante était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la fin de sa PMA.

[86] À l’époque, elle prévoyait retourner au travail, mais comme je l’ai mentionné plus tôt, elle n’y est pas parvenue. Je conclus que ses incapacités physiques et psychologiques ainsi que certaines de ses circonstances personnelles signifiaient qu’elle n’était pas régulièrement capable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur, que ce travail soit de type actif ou plus sédentaire. À la fin de la PMA, elle manquait de renseignements sur certaines de ses affections observées par son mari et diagnostiquées par ses médecins au début de 2016. À la fin de la PMA, outre sa douleur constante, elle ne faisait presque rien et elle était déprimée et irritable. Les diagnostics subséquents ont expliqué pourquoi : elle éprouvait davantage de problèmes médicaux que ses seules affections aux pieds.

[87] La requérante a demandé une pension d’invalidité en mars 2019. Un requérant ne peut être considéré comme invalide aux fins de la pension d’invalidité que 15 mois avant le moment où il a présenté sa demandeNote de bas de page 46. Dans ce cas, ce serait décembre 2017. Les paiements commencent quatre mois plus tard, soit en avril 2018Note de bas de page 47.

Conclusion

[88] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur. La requérante a droit à une pension d’invalidité.

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