Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : TA c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1630

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : T. A.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante de l’intimée : Connie Davis

Décision portée en appel : Décision de révision rendue le 20 janvier 2020 par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Carol Wilton
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 3 novembre 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante du ministre
Date de la décision : Le 9 mars 2022
Numéro de dossier : GP-20-603

Sur cette page

Décision

[1] Le ministre avait le droit de cesser de verser la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada à compter d’avril 2009.

[2] La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant conteste la décision du ministre de mettre fin au versement de sa pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada à compter d’avril 2009.

[4] L’appelant est né en mars 1952. À partir de 1993 ou de 1994, il a commencé à recevoir du soutien financier d’un organisme provincial d’aide aux personnes handicapées (Programme ontarien de soutien aux personnes handicapéesNote de abs page 1). Il a reçu ce soutien jusqu’à ses 65 ansNote de abs page 2.

[5] En septembre 1998, le ministre lui a accordé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Elle prenait effet en juin 1997. Les principaux problèmes de santé de l’appelant étaient la polyarthrite rhumatoïde et la dépression. L’appelant a expliqué que la dépression était due à un syndrome de stress post-traumatique qu’il a développé à la suite d’un emprisonnement politique et de la torture subie au Pakistan dans les années 1980Note de abs page 3.

[6] À compter de 2004, l’appelant travaillait comme préposé dans un stationnement. En novembre 2017, le ministre a mis fin au versement de sa pension d’invalidité du Régime pour la période allant d’avril 2009 à juin 2016 (la période contestéeNote de abs page 4). L’appelant n’avait pas informé le Régime de pensions du Canada que ses gains dépassaient la somme annuelle permise. En date de juin 2016, il avait reçu 49 482,67 $ de trop en prestationsNote de abs page 5.

[7] L’appelant a demandé au ministre de ne pas mettre fin à sa pension d’invalidité à compter de mai 2009. Après avoir révisé le dossier, le ministre a rejeté la requête de l’appelant. Celui-ci a porté la décision de révision en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[8] L’appelant a expliqué qu’il ne devrait pas avoir à rembourser l’argent que, selon le Régime de pensions du Canada, il aurait reçu en trop. Même s’il travaillait à temps partiel, il était toujours invalide.

[9] De plus, il considérait le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées comme le principal organisme à tenir informé. Il lui a fait parvenir tous ses bulletins de paieNote de abs page 6. Il ne savait pas qu’il avait l’obligation de déclarer ses gains au programme de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[10] L’appelant a demandé au Tribunal d’ordonner au ministre de négocier une entente qui permettrait au Programme ontarien de rembourser au Régime l’argent déduit des sommes qu’il recevait du Programme ontarienNote de abs page 7.

[11] Selon le ministre, l’invalidité de l’appelant n’était plus grave ni prolongée à la fin d’avril 2009. Il avait la capacité régulière de travailler dans le cadre d’une occupation véritablement rémunératrice à compter de mai 2009.

Questions que je dois examiner en premier

[12] Le Tribunal a reçu le dossier de révision en avril 2020. En juillet 2020, l’appelant a déclaré qu’il était malade. Il a demandé le report de toute discussion avec le personnel du Tribunal jusqu’à la fin du mois d’août 2020Note de abs page 8.

[13] En mai 2021, une conférence préparatoire a eu lieu pour discuter du fait que l’appelant voulait que l’audience se déroule en personneNote de abs page 9.

[14] En juin 2021, une deuxième conférence préparatoire a eu lieu. Les parties ont convenu d’une date d’audience en août 2021Note de abs page 10.

[15] En juillet 2021, l’appelant a demandé que l’audience soit reportée d’au moins deux moisNote de abs page 11. En octobre 2021, l’appelant a de nouveau demandé le report de l’audience. Il était malade et avait besoin de temps pour trouver une avocate ou un avocatNote de abs page 12. L’audience a eu lieu en novembre 2021. Les parties ont déposé plusieurs documents après l’audience.

Question en litige

[16] Après avril 2009, les gains provenant d’un emploi permettaient-ils d’établir que l’appelant avait retrouvé la capacité régulière d’exercer un emploi véritablement rémunérateur?

Motifs de ma décision

[17] Pour mettre fin à une pension d’invalidité, le ministre doit établir qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la personne a cessé d’être invalide. La pension d’invalidité cesse d’être payable le mois au cours duquel la personne cesse d’être invalideNote de abs page 13.

[18] Pour répondre aux critères requis, l’invalidité doit être grave et prolongée. Elle est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de abs page 14. Si la personne est régulièrement capable d’effectuer un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à la pension d’invalidité.

[19] L’invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinieNote de abs page 15. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité tienne la personne à l’écart du marché du travail pendant très longtemps.

[20] Le ministre s’appuie sur le salaire que l’appelant a gagné de 2009 à 2016 pour établir que, malgré ses problèmes de santé, il avait retrouvé la capacité régulière d’exercer un emploi véritablement rémunérateur.

Problèmes de santé de l’appelant

[21] L’appelant a déclaré que son invalidité était grave et prolongée. Il a soutenu que sa santé s’est détériorée graduellement de 2008 à 2016Note de abs page 16. Par conséquent, il ne devrait pas avoir à rembourser l’argent que, selon le ministre, il aurait reçu en trop.

[22] De 2010 à 2013, les notes cliniques du Dr John Thomson, rhumatologue, montrent que l’appelant faisait toujours de la polyarthrite rhumatoïdeNote de abs page 17. De plus, à compter de mai 2010, l’appelant a reçu un traitement contre la forme latente de la tuberculoseNote de abs page 18.

[23] L’appelant a précisé que son problème de santé s’était [traduction] « rapidement détérioré » à compter de novembre 2014. Il a développé de l’arthrite septique au coude droit et a pris des antibiotiques par voie intraveineuse pendant environ un moisNote de abs page 19. En août 2015, il a passé la nuit à l’hôpital parce qu’on soupçonnait une infection septique au coude droit et une attaque de goutteNote de abs page 20. Pendant les trois semaines qui ont suivi, il a pris des antibiotiques par voie intraveineuseNote de abs page 21.

[24] À la fin du mois d’octobre 2015, l’appelant a eu une autre crise d’arthrite septique au coude droitNote de abs page 22. En décembre 2015, il avait encore des douleurs au coude droitNote de abs page 23. Il a pris des antibiotiques jusqu’en février 2016Note de abs page 24.

[25] En décembre 2015, l’appelant a rempli un questionnaire de réévaluation de l’admissibilité aux prestations d’invalidité. Il a écrit qu’il avait de nouveaux problèmes de santé : de l’hypertension artérielle, une augmentation du volume de la prostate, de l’arthrite septique, la goutte, des kystes à la vésicule biliaire, des engourdissements aux doigts et aux orteils, un accident ischémique transitoire en 2004Note de abs page 25.

[26] En novembre 2021, le Dr Thomson a écrit [traduction] « À qui de droit » que l’appelant souffrait de polyarthrite rhumatoïde depuis plus de 30 ans. Il avait fait de nombreuses crises au fil des ans. Ses articulations étaient très détériorées. L’appelant avait eu de la difficulté à conserver un emploiNote de abs page 26.

[27] Le ministre a reconnu que d’avril 2009 à juin 2016, l’appelant était atteint d’une maladie chronique. Elle entraînait des restrictions au travail et limitait ses activités quotidiennes.

[28] Comme l’appelant l’a souligné, le ministre n’a pas tenu compte de son syndrome de stress post-traumatique et de sa dépression lorsqu’il a décidé que l’appelant avait cessé d’être invalideNote de abs page 27.

[29] Malgré cela, la principale question à trancher dans un appel lié à la pension d’invalidité est l’effet de la maladie sur la capacité fonctionnelle de travailNote de abs page 28. Pour vérifier si une invalidité est « grave », il faut savoir si elle « empêche [la personne] de gagner sa vieNote de abs page 29 ». C’est la capacité à travailler, et non le diagnostic d’une maladie, qui détermine la gravité de l’invalidité au sens du Régime de pensions du CanadaNote de abs page 30.

Gains provenant d’un emploi

[30] Comme le ministre a mis fin à la pension d’invalidité de l’appelant en mai 2009, je dois me concentrer sur sa capacité à travailler après le mois d’avril 2009.

[31] L’appelant a commencé à travailler pour son employeur en octobre 2008. Il a continué à travailler pour lui après juin 2016.

[32] L’appelant a déclaré qu’en 2010, en 2011, en 2015 et en 2016, son revenu était [traduction] « plus faible que les sommes calculées par le Régime de pensions du Canada pour satisfaire à l’exigence d’un emploi véritablement rémunérateurNote de abs page 31 ».

[33] Avant mai 2014, le critère d’une « occupation véritablement rémunératrice » était que le paiement pour les services rendus n’était pas simplement « modique, symbolique ou illusoire ». Il correspondait plutôt à la rémunération appropriée pour la nature du travail effectuéNote de abs page 32.

[34] Depuis la fin de mai 2014, une occupation « véritablement rémunératrice » est celle qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invaliditéNote de abs page 33. Cette définition fournit aussi des indications sur ce que l’on pouvait considérer comme un emploi véritablement rémunérateur avant la fin du mois de mai 2014.

[35]

Rémunération de l’appelant de 2009 à 2016 Pension d’invalidité maximale selon le Régime de pensions du CanadaNote de abs page 34
2009 : $16 563 $13 300
2010 : $11 375 $13 500
2011 : $12 870 $13 800
2012 : $18 232 $14 200
2013 : $15 977 $14 500
2014 : $15 568 $14 800
2015 : $13 847 $15 100
2016 : $15 006 Note de abs page 35 $15 500

[36] Jusqu’à la fin du mois de mai 2014, les gains de l’appelant n’étaient ni modiques, ni symboliques, ni illusoires. Ils reflétaient une rémunération appropriée pour le travail accompli. En 2009, en 2012, en 2013 et en 2014, ses gains étaient plus élevés que la somme maximale versée comme pension d’invalidité par le Régime. En 2016, ses gains étaient seulement 500 $ sous la somme maximale.

[37] En mars 2017, l’employeur de l’appelant a rempli un questionnaire fourni par le ministre. Le questionnaire précisait que l’appelant travaillait pour l’entreprise depuis octobre 2008. Son travail consistait à s’occuper des opérations du stationnement en argent comptant, par crédit et par débit. Il était un employé occasionnel jusqu’en juillet 2016, quand il a obtenu un poste à temps partiel. Il travaillait 20 heures par semaine à raison de 13,32 $ l’heure. Son travail était satisfaisant. Même s’il avait de nombreux rendez-vous, son assiduité au travail était bonne. Quand il s’absentait, ce n’était jamais pendant plus de deux semaines. Il travaillait de façon indépendante avec un minimum de supervision. Aucune mesure d’adaptation spéciale n’a été mise en place et il n’avait pas besoin de l’aide de ses collèguesNote de abs page 36.

[38] L’appelant a fait référence au Cadre d’évaluation de l’invalidité du Régime de pensions du Canada pour appuyer sa position, c’est-à-dire que ses gains au cours de la période contestée ne provenaient pas d’une occupation véritablement rémunératrice. Le Cadre d’évaluation guide le personnel du Régime quant à la façon d’évaluer les demandes de pension d’invalidité. Je suis cependant contraint de suivre les dispositions du Régime de pensions du Canada. Je ne peux pas me laisser guider par le Cadre d’évaluation pour rendre ma décision.

[39] La preuve ne démontre pas que l’appelant travaillait pour un employeur bienveillant. Une « employeuse bienveillante » ou un « employeur bienveillant » change les conditions de travail et modifie ses attentes en fonction des limitations de la personne qui fait le travailNote de abs page 37. Il n’y a aucune preuve que les conditions de travail de l’appelant ou les attentes quant à son travail de préposé au stationnement étaient différentes pour lui.

[40] L’appelant a affirmé que le ministre n’avait pas prouvé qu’il avait régulièrement exercé un [traduction] « emploi véritablement rémunérateur » au cours des années en questionNote de abs page 38. Par « emploi véritablement rémunérateur », il voulait dire qu’il gagnait un salaire égal au versement maximal d’une pension d’invalidité du Régime pour les années en question.

[41] Toutefois, le ministre n’a pas à faire une telle démonstration. Pour la période allant de mai 2009 à mai 2014, la question est de savoir si l’appelant, par le travail qu’il faisait pour son employeur, lui en donnait pour son argent. Rien ne prouve que non.

[42] De plus, pour que l’invalidité soit considérée comme prolongée, il faut s’attendre à ce qu’elle s’étende sur une période indéfinie. Il est vrai que, pour certaines années, l’appelant n’a pas gagné un salaire équivalent à la somme maximale versée en pension d’invalidité par le Régime. Mais il n’y a pas assez d’éléments de preuve pour montrer que cette situation se poursuivrait indéfiniment. En fait, l’appelant a gagné le plus d’argent en 2019Note de abs page 39.

[43] L’appelant a été capable de travailler de 2009 à 2016. Pour la moitié de cette période, il gagnait plus que la somme maximale de la pension d’invalidité du Régime. Il n’avait besoin d’aucune mesure d’adaptation spéciale. Rien ne prouve que la valeur marchande de ses services n’était pas semblable à celle de ses collègues faisant le même travail. Rien ne laisse croire que son employeur n’en avait pas « pour son argent ». Ce n’était donc pas un employeur bienveillant.

Raisons fournies par l’appelant pour expliquer pourquoi il n’a pas dit au Régime de pensions du Canada qu’il gagnait de l’argent

[44] L’appelant a déclaré qu’il n’était pas au courant de l’obligation de déclarer ses gains au ministre.

[45] Selon le ministre, de 2000 à 2005, l’appelant a eu de nombreux échanges avec des gestionnaires de cas en réadaptation professionnelle au Régime de pensions du Canada. Un tel suivi impliquait des conseils sur l’obligation de déclarer certaines choses lors d’un retour au travail. De plus, pour chaque année d’imposition, le ministre a informé l’appelant qu’il devait aviser Service Canada si ses gains dépassaient un certain montantNote de abs page 40.

[46] Le ministre a ajouté qu’étant donné le niveau d’instruction de l’appelant (maîtrise en sciences politiques et diplôme en journalisme), on pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’il comprenne son obligation de déclarer au Régime de pensions du Canada les activités professionnelles qu’il a effectuées pendant cette période.

[47] L’appelant a expliqué qu’il avait des problèmes cognitifs à cause du syndrome de stress post-traumatique. Ces problèmes l’ont empêché de déclarer son revenu aux responsables du Régime, d’autant plus qu’on ne lui a pas dit de le faire. Toutefois, comme je l’ai mentionné plus haut, chaque année, le ministre lui faisait parvenir des renseignements pour lui dire de lui déclarer ses revenus. De plus, comme le ministre l’a souligné, le travail de l’appelant consistait à faire le suivi de sommes d’argent. Ce travail exigeait un degré important de conscience cognitive.

[48] Je juge que les arguments du ministre sont convaincants. L’appelant a été informé régulièrement de son obligation de déclarer ses revenus au ministre. Il ne l’a pas fait.

[49] L’appelant a demandé au Tribunal d’ordonner au ministre de négocier une entente qui permettrait au Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées de rembourser au Régime de pensions du Canada l’argent déduit des prestations que le Programme ontarien lui versaitNote de abs page 41. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de faire une telle chose. Le ministre a expliqué que si le Programme ontarien réexamine le dossier de prestations et constate que des sommes sont dues à l’appelant, le Programme pourrait envoyer l’argent soit directement au Régime ou bien à l’appelant, qui pourrait alors rembourser le RégimeNote de abs page 42.

[50] Je suis sensible à la situation de l’appelant. Il a continué à travailler pendant de nombreuses années même s’il avait des problèmes de santé. Cependant, mon pouvoir décisionnel découle de la loi. Je peux seulement rendre des décisions qui sont fondées sur le Régime de pensions du Canada. Je ne peux pas appuyer mes décisions sur la compassion ou sur des circonstances atténuantes.

[51] L’appelant peut toujours demander au ministre d’annuler la totalité ou une partie de sa dette aux termes de l’article 66(3) du Régime.

Conclusion

[52] Je conclus que le ministre a établi qu’il y a plus de chances que l’appelant a cessé d’être invalide avant la fin d’avril 2009. Le ministre avait le droit de mettre fin à sa pension d’invalidité à compter de mai 2009.

[53] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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