Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Résumé :

Le requérant est un ancien psychothérapeute. En 1999, il a subi des blessures dans un accident de la route. En 2009 et en 2010, sa mère s’est aussi blessée dans une suite d’accidents de la route. Il a dû prendre soin d’elle jusqu’à ce qu’elle décède en 2014. Après 2003, le requérant a travaillé de façon intermittente. En 2016, il avait complètement cessé de travailler. Cela a engendré une situation inhabituelle, car il y avait une longue interruption dans la couverture contre l’invalidité que lui offrait le Régime de pensions du Canada.

En juin 2016, le requérant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pension du Canada. Le ministre a rejeté la demande. Le requérant a fait appel de cette décision devant la division générale. Celle-ci a accueilli l’appel et accordé la pension d’invalidité. Elle a conclu que le requérant était invalide depuis septembre 2011. Elle a ordonné que les paiements commencent en juillet 2015, soit 11 mois avant la date de la demande, ce qui représente habituellement le paiement rétroactif maximal permis par la loi.
Le 5 avril 2019, en réponse à une demande du ministre, la division générale a corrigé sa décision pour modifier la date à laquelle le requérant remplissait le critère de l’invalidité, c’est-à-dire en avril 2014 plutôt qu’en septembre 2011.

Le requérant a demandé la permission de faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Il a fait valoir, entre autres, que la division générale n’avait pas expliqué les modifications figurant dans la décision corrigée. Il a ajouté qu’avant de rendre la décision corrigée, la division générale ne lui avait pas donné le temps de déposer des observations. La division d’appel a refusé de donner au requérant la permission de faire appel, car elle estimait qu’aucun argument n’était défendable. Par la suite, le requérant a demandé à la Cour fédérale de réviser la décision de la division d’appel. La Cour fédérale a conclu que la décision de la division d’appel était déraisonnable et elle a renvoyé l’affaire à la division d’appel pour réexamen.

Après avoir réexaminé l’affaire, la division d’appel était convaincue que la division générale avait mal interprété les dispositions régissant le principe du calcul proportionnel et qu’elle avait commis une erreur en ne donnant pas au requérant la possibilité de présenter des observations à ce sujet.

La division d’appel a aussi conclu que rien ne prouvait que le requérant était devenu invalide à la date déterminée par la division générale. En raison du caractère unique de la situation du requérant (découlant de la longue interruption dans sa couverture d’invalidité) et de la mauvaise application de la disposition sur le calcul proportionnel, la division générale avait d’abord conclu que le requérant était devenu invalide pendant une période où il n’était pas couvert contre l’invalidité par le Régime de pensions du Canada. Par la suite, dans la décision corrigée, la date de l’invalidité a été repoussée à un moment où le requérant ne bénéficiait pas de la couverture d’invalidité du Régime de pension du Canada, ce qui a engendré des incohérences avec les conclusions tirées ailleurs dans la décision. Ainsi, la division d’appel a conclu que la décision de la division générale comportait une erreur de droit avant la correction, mais au lieu de réparer l’erreur dans la décision corrigée, elle a simplement fait une autre erreur de droit, ce qui a rendu le reste de la décision contradictoire.

La division d’appel a aussi conclu que la division générale avait modifié injustement le fond de sa décision sans en aviser le requérant. C’était un manquement aux règles de l’équité procédurale parce qu’il n’a pas eu la possibilité de se faire entendre. Avant de modifier de façon aussi importante sa décision, la division générale aurait dû d’abord demander au requérant de présenter des observations sur la question étudiée.

Par conséquent, la division d’appel a accueilli l’appel. Elle a conclu que la division générale avait fait une erreur de droit et avait enfreint une règle d’équité procédurale. Dans le but de déterminer la réparation appropriée, la division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale, car celle-ci était mieux placée pour évaluer la preuve et tirer des conclusions de fait.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MG c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1434

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : M. G.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Viola Herbert

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 24 janvier 2019 et corrigée le 5 avril 2019 (GP-18-252)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 15 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 12 décembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-487

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale a fait une erreur lorsqu’elle a corrigé sa décision sans donner à l’appelant la chance de présenter des observations supplémentaires. Je renvoie l’affaire à la division générale pour une autre audience.

Aperçu

[2] L’appelant est un ancien psychothérapeute de 67 ans. En 1999, il a été blessé dans un accident de la route. En 2009 et en 2010, sa mère a été blessée dans des accidents de la route successifs. Il s’est donc occupé d’elle jusqu’à son décès en 2014. L’appelant a travaillé de façon intermittente après 2003 et a complètement cessé de travailler en 2016.

[3] En juin 2016, l’appelant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Il a dit qu’il ne pouvait plus travailler en raison d’une dépression grave et de douleurs chroniques, entre autres problèmes de santé. Le ministre a rejeté la demande.

[4] En appel, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale lui a accordé la pension d’invalidité. Dans sa décision du 24 janvier 2019, la division générale a conclu que l’appelant était atteint d’une invalidité depuis septembre 2011 et a ordonné que ses versements commencent en juillet 2015, soit 11 mois avant la date de la demande. Il s’agit du paiement rétroactif maximal habituellement permis par la loi.

[5] Le 5 avril 2019, en réponse à une demande du ministre, la division générale a publié une décision corrigée, officiellement appelée corrigendum. Le corrigendum n’a pas modifié le résultat de l’affaire : la pension est demeurée payable à compter de juillet 2015. Cependant, la division générale a conclu que l’appelant avait satisfait au critère d’invalidité en avril 2014 plutôt qu’en septembre 2011.

[6] L’appelant a demandé la permission de faire appel de la décision corrigée de la division généraleNote de bas de page 1. Il a présenté les observations suivantes : 

  • La division générale aurait dû déclarer qu’il était atteint d’une invalidité à compter de décembre 2003.
  • La division générale n’a pas expliqué pourquoi elle avait modifié la date de début de son invalidité de septembre 2011 à avril 2014.
  • La division générale ne lui a pas donné l’occasion de présenter des observations avant de changer la date de début de son invalidité.
  • Si la division générale avait l’intention de conclure qu’il était invalide à compter de septembre 2011, elle aurait dû ordonner que sa pension lui soit payée à partir de cette date.

[7] En octobre 2020, la division d’appel a refusé d’accorder la permission de faire appel à l’appelant parce qu’elle ne voyait aucun argument défendable dans ses observations.

[8] L’appelant s’est ensuite adressé à la Cour fédérale pour lui demander de réviser la décision de la division d’appel. Le 28 juillet 2022, la Cour a conclu que la décision de la division d’appel était déraisonnable et a ordonné qu’elle soit annulée. La Cour a renvoyé l’affaire à la division d’appel pour réexamenNote de bas de page 2.

[9] En septembre, j’ai accordé à l’appelant la permission de faire appel parce que je croyais qu’il avait une cause défendable selon laquelle la division générale avait enfreint une règle d’équité procédurale lorsqu’elle a publié son corrigendum. Le mois dernier, j’ai tenu une audience pour discuter en détail des allégations de l’appelant.

Questions préliminaires

[10] Le 12 octobre 2022, j’ai tenu une conférence préparatoire avec les parties pour discuter des questions en litige, et plus précisément des implications de la décision de la Cour fédérale de renvoyer l’affaire à la division d’appel.

[11] Le 28 octobre 2022, l’appelant a demandé l’ajournement de l’audience qui était sur le point d’avoir lieu parce qu’il n’avait pas encore reçu, comme demandé, l’enregistrement de la conférence préparatoire. Il a dit qu’il ne pouvait pas présenter d’autres observations avant de l’avoir écouté.

[12] J’ai rejeté la demande d’ajournement. J’ai remarqué que l’appelant était présent à la conférence préparatoire et qu’il avait pleinement participé à la discussion. J’ai également informé l’appelant que le Tribunal lui avait déjà envoyé l’enregistrement par la poste et que s’il ne l’avait pas déjà reçu, il le recevrait probablement sous peu, avant l’audience.

[13] Dans des observations écrites déposées le 4 novembre 2022, le ministre a reconnu que la division générale avait commis une erreur et lui a recommandé de renvoyer l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience.

[14] En réponse, l’appelant a envoyé un courriel au Tribunal pour lui demander si, compte tenu de la concession du ministre, il était même nécessaire de tenir une audience. Il a de nouveau demandé un ajournement, affirmant qu’il était psychologiquement incapable de faire face aux exigences d’une audience. Il a également joint une lettre à l’appui rédigée par sa psychologue, la Dre Lisa Keith.

[15] J’ai de nouveau rejeté la demande de l’appelant et déclaré que l’audience se déroulerait comme prévu. J’ai expliqué que la concession du ministre ne tranchait pas l’affaire parce que même si l’appelant y consentait, la division d’appel devait quand même approuver un tel accord. J’ai clairement indiqué que j’avais encore des questions sur la nature des erreurs que la division générale pourrait avoir commises. J’ai également dit que je voulais entendre les observations des parties sur la réparation qui, le cas échéant, serait la plus appropriée dans les circonstances.

[16] L’audience s’est déroulée en l’absence de l’appelant.

Ce que l’appelant devait prouver

[17] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. L’appelant doit démontrer que la division générale a commis au moins l’une des erreurs suivantes :

  • elle a agi de façon injuste;
  • elle a excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  • elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 3.

[18] Mon rôle consistait à décider si la division générale avait commis une erreur qui correspondait à un ou plusieurs de ces moyens d’appel.

Analyse

[19] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a pris en considération pour en arriver à cette décision. Je suis convaincu que la division générale a mal interprété la loi régissant la disposition portant sur le calcul au prorata. J’estime également qu’en tentant de corriger cette interprétation erronée, la division générale a modifié de façon importante sa décision sans donner à l’appelant l’occasion de présenter des observations.

Rien ne prouve que le requérant est devenu invalide lorsque la division générale l’a déclaré

[20] Le cas de l’appelant est inhabituel, car il y a eu une longue interruption de sa couverture d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[21] Le Régime de pensions du Canada est une police d’assurance financée par le gouvernement qui offre une couverture à la population canadienne qui, pour diverses raisons, ont une perte de revenu. La couverture est établie en travaillant et en cotisant au Régime de pensions du Canada, mais il y a certaines restrictions.

[22] Les personnes qui demandent une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada doivent démontrer que leur invalidité grave et prolongée est apparue pendant leur période minimale d’admissibilité ou, dans l’alternative, pendant leur période calculée au prorata. 

[23] Une période minimale d’admissibilité est établie lorsqu’une personne a reçu une rémunération et a fait des cotisations valides pendant quatre ans sur toute période de six ans. L’appelant a accumulé quatre années de rémunération et de cotisations valides : en 1998, en 1999, en 2002 et en 2003. Ces quatre années lui ont donné une période minimale d’admissibilité se terminant le 31 décembre 2003.

[24] En plus de sa période minimale d’admissibilité, la rémunération et les cotisations de l’appelant lui ont permis d’obtenir une autre période de couverture au titre de la disposition portant sur le calcul au prorata.

[25] La disposition portant sur le calcul au prorata est conçue de manière à ce que les personnes qui demandent une pension d’invalidité et qui ont reçu une rémunération et fait des cotisations valides pendant trois ans ne soient pas désavantagées si elles deviennent invalides au cours de ce qui aurait autrement été une quatrième année valide. Selon le calcul au prorata, la rémunération et les cotisations requises par une partie prestataire sont réduites proportionnellement au nombre de mois pendant lesquels elle a été en mesure de travailler au cours de la dernière année de sa période de cotisationNote de bas de page 4.

[26] La difficulté pour les parties prestataires qui veulent bénéficier de la disposition portant sur le calcul au prorata est qu’elles doivent démontrer que leur invalidité est apparue pendant cette quatrième année, où elles ont reçu une rémunération et fait des cotisations pour la dernière fois.

[27] Dans la présente affaire, l’appelant avait trois années supplémentaires de rémunération et de cotisations valides, soit en 2009, en 2010 et en 2011. Il a également eu une année de rémunération et de cotisations partielles en 2014Note de bas de page 5. Pour bénéficier de sa période calculée au prorata, l’appelant devait démontrer que l’apparition de son invalidité grave et prolongée s’est produite pendant la période relativement courte du 1er janvier 2014 au 30 avril 2014.

[28] Toutefois, cette deuxième période de couverture a eu lieu 10 ans après la période minimale d’admissibilité de l’appelant. Cela signifie qu’il n’a pas bénéficié d’une couverture d’invalidité du Régime de pensions du Canada pendant 10 ans.

[29] Dans sa décision datée du 24 janvier 2019, la division générale a conclu que l’appelant était devenu invalide en septembre 2011. Le problème est que, selon la loi, l’appelant n’était pas couvert à ce moment-là.

[30] Cela a incité le ministre à demander un corrigendum. Le membre de la division générale qui a présidé l’audience s’est exécuté en modifiant la date du début de l’invalidité – et rien d’autre – de septembre 2011 à avril 2014.

[31] Cependant, cela a entraîné un autre problème. Dans sa demande de prestations d’invalidité, l’appelant a déclaré qu’il n’était plus en mesure de travailler à compter de septembre 2011. Dans sa décision, le membre de la division générale a convenu de ce qui suit :

[…] [M]ême si le requérant a repris le travail après la date de sa demande en septembre 2011, j’ai décidé que son retour au travail avait été essentiellement infructueux. De plus, je suis d’accord avec la date de sa demande de septembre 2011Note de bas de page 6.

[32] Cette phrase est restée inchangée après la correction, ce qui la met en contradiction avec la conclusion révisée de la division générale, ailleurs dans la décision. Selon cette conclusion révisée, l’invalidité du requérant a commencé en avril 2014. De plus, après avoir examiné le dossier médical de l’appelant, je n’ai rien vu qui laisse croire qu’il est devenu invalide entre le 1er janvier 2014 et le 30 avril 2014.

[33] Lorsqu’il a fait appel à la division générale, l’appelant a affirmé qu’il ne pouvait plus travailler à compter de juin 2016Note de bas de page 7. Plus tard, il a affirmé être devenu invalide à la suite d’un accident de la route survenu en janvier 1999. Toutefois, la division générale a conclu explicitement qu’« [i]l y a aucune preuve médicale à l’appui du fait que cet accident l’a rendu invalide. En fait, le requérant est retourné travailler pendant de nombreuses années à la suite de cet accidentNote de bas de page 8 ».

[34] Selon la décision de la division générale, les périodes pendant lesquelles l’appelant était couvert (c’est-à-dire avant le 31 décembre 2003 et du 1er janvier 2014 au 30 avril 2014) étaient également des périodes pendant lesquelles il n’était pas atteint d’une invalidité.

[35] La décision de la division générale comportait une erreur de droit avant le corrigendum. Toutefois, le corrigendum n’a pas corrigé l’erreur; il a seulement entraîné une autre erreur de droit et, du même coup, a rendu le reste de la décision contradictoire. 

La division générale a injustement modifié le contenu de sa décision sans aviser l’appelant

[36] L’appelant a été surpris d’apprendre que la division générale avait changé d’avis au sujet de la date de début de son invalidité :

[traduction]

Je ne suis pas certain de la motivation de Service Canada et du rôle qu’il a joué dans la révision de [la division générale] de la date à laquelle je suis devenu invalide, qui est passée de septembre 2011 à avril 2016. Si Service Canada a envoyé une lettre au Tribunal pour demander ce changement, pourquoi n’en ai-je pas reçu une copieNote de bas de page 9?

L’appelant a toujours soupçonné que le changement nuisait à ses intérêts. Il estime qu’il n’a jamais reçu d’explication adéquate pour ce changement. Il affirme que la division générale aurait dû lui donner l’occasion de faire valoir son point de vue avant de réviser la date de début de l’invalidité.

[37] Je suis d’accord. La division générale a modifié le contenu de sa décision sans en aviser l’appelant. Cela constitue une violation des règles d’équité procédurale parce que l’appelant n’a pas eu la possibilité d’être entendu.

[38] Comme la Cour fédérale l’a souligné :

[traduction]

Je ne suis pas d’accord sur le fait que ce corrigendum « corrigeait une erreur », car je juge que la décision corrigée dans la présente affaire était une nouvelle décision et bien plus qu’une correction d’une coquille, d’une petite erreur ou d’une erreur syntaxique. Apporter une modification importante comme celle-ci à l’aide d’un corrigendum (même si, selon la division générale, elle n’a pas modifié la date à laquelle la pension d’invalidité était payable au demandeur) est une erreur de droit. Il ne s’agit pas d’une erreur d’écriture ni d’un quelconque type d’erreur qui devrait être corrigée au moyen d’un corrigendum [...]. Dans cette affaire, le fait de modifier la date de septembre 2011 (comme indiqué, l’année à laquelle les observations se rapportaient) à avril 2014 a changé une grande partie de la décision et a eu une incidence sur la rémunération du demandeur. Ce corrigendum était une nouvelle décision qui impliquait une conclusion complètement différenteNote de bas de page 10.

[39] Le corrigendum de la division générale ne portait pas sur une simple erreur. Il touchait plutôt à l’une des questions centrales de l’appel, à savoir le moment où, le cas échéant, l’appelant est régulièrement devenu incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Si la division générale allait apporter une modification aussi importante à sa décision, elle aurait dû d’abord demander à l’appelant de présenter des observations sur l’affaire. De cette façon, il aurait eu l’occasion de faire valoir que son invalidité a commencé pendant sa période minimale d’admissibilité se terminant le 31 décembre 2003 plutôt que pendant sa période de quatre mois calculée au prorata se terminant le 30 avril 2014.

Réparation

[40] Lorsque la division générale fait une erreur, la division d’appel peut la corriger de l’une des deux façons suivantes : i) en renvoyant l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience ou ii) en rendant la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 11.  

[41] Le Tribunal doit procéder aussi rapidement que l’équité le permet. Normalement, je serais enclin à rendre la décision que la division générale aurait dû rendre et à trancher moi-même cette question sur le fond, mais je ne pense pas que le dossier soit assez complet pour me permettre de le faire. En effet, la façon dont la division générale a mené ses procédures comportait des lacunes.

[42] Il y avait des lacunes parce que le membre de la division générale ne semblait pas comprendre la disposition portant sur le calcul au prorata. Comme nous l’avons vu, cela l’a amené à rendre une décision contenant une erreur de droit importante et, plus tard, à émettre un corrigendum rendant la décision incompréhensible.

[43] Il suffit de regarder la décision de la division générale pour soupçonner que le membre qui présidait l’audience ne savait pas que la couverture d’invalidité du Régime de pensions du Canada de l’appelant était divisée en deux parties, la première se terminant le 31 décembre 2003 et la seconde allant du 1er janvier 2014 au 30 avril 2014 :

[L]e requérant doit être réputé invalide, tel que défini dans le [Régime de pensions du Canada], au plus tard à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA repose sur les cotisations du requérant au [Régime de pensions du Canada]. À ma demande, l’intimé a soumis un registre des gains imprimé le 14 janvier 2019. Selon la loi, je dois considérer que le registre des gains de l’Agence du revenu du Canada comme s’il est exact. Par conséquent, j’estime que la PMA du requérant a pris fin le 30 avril 2014Note de bas de page 12. [C’est moi qui souligne.]

Ce passage donne à penser que le membre présidant l’audience a agi sous la fausse impression qu’il était libre d’établir que l’appelant était devenu invalide à quelque date que ce soit jusqu’au 30 avril 2014. La décision de la division générale ne contenait aucune mention de la disposition portant sur le calcul au prorata et ne semblait pas tenir compte du fait que l’appelant avait une interruption de 10 ans dans sa couverture d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[44] J’ai également écouté l’enregistrement audio de la division générale. Curieusement, il révèle que le membre présidant semblait être au courant de la disposition portant sur le calcul au prorata. En effet, on peut l’entendre expliquer correctement ses implications à l’appelant : [traduction] « Pour suivre cette voie, il faudrait que je trouve un événement déclencheur qui aurait eu lieu en 2014, avant la fin du mois d’avril. Mais je n’en trouve pasNote de bas de page 13. »

[45] Bien entendu, le membre a par la suite changé d’avis sur ce qui s’était passé pendant la période de quatre mois calculée au prorata. En fait, je ne sais donc pas s’il a bien compris la disposition et, en particulier, son effet sur l’admissibilité de l’appelant. Je crains également que le fait que le membre ait une compréhension variable de la disposition l’ait amené à négliger certaines pistes de recherche importantes.

[46] Je suis d’avis que la division générale avait le devoir d’offrir à l’appelant une audience devant une ou un membre qui maîtrisait les règles relatives à la couverture d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Je pense qu’il est préférable que l’appelant ait une autre occasion de raconter sa version des faits à une ou un membre du Tribunal qui est mieux outillé pour diriger une audience de ce genre. Je suis également conscient que, dans sa décision de renvoyer cette affaire au Tribunal, la Cour fédérale a formulé la requête suivante :

[traduction]
Je suis d’avis qu’à l’heure actuelle, la situation est tellement obscurcie par des erreurs qu’il est impossible d’examiner les faits sous-jacents pour avoir un aperçu de la situation réelle. J’espère qu’à un certain moment, l’affaire sera jugée sur le fond et que les parties pourront présenter pleinement leurs argumentsNote de bas de page 14.

[47] Cependant, je suis réticent à décider moi-même du fond de cette affaire. Contrairement à la division d’appel, le mandat principal de la division générale est de soupeser la preuve et de tirer des conclusions de fait. Par conséquent, elle est intrinsèquement mieux placée que moi pour évaluer la preuve médicale de l’appelant et pour entendre ce qu’il a à dire au sujet de ses déficiences et du moment où elles l’ont empêché de travailler. Dans la présente affaire, j’estime que la meilleure option est de renvoyer l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience.

Conclusion

[48] Pour les motifs mentionnés ci-dessus, je conclus que la division générale a commis une erreur de droit et a enfreint une règle d’équité procédurale. Comme le dossier n’est pas assez complet pour me permettre de trancher l’affaire sur le fond, je la renvoie à la division générale pour une nouvelle audience.

[49] L’appel est accueilli.

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