Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DH c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 581

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : D. H.
Représentante ou représentant : J. L.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 12 janvier 2021 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Selena Bateman
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 4 janvier 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 9 janvier 2023
Numéro de dossier : GP-21-415

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, D. H., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant a 51 ans. Il a travaillé comme préposé d’escale dans un aéroport jusqu’en 2016. Il a des problèmes de santé mentale, des douleurs aux genoux et au bas du dos et est atteint d’obésité morbide. Il estimait qu’il ne pouvait plus travailler à partir de septembre 2016 en raison de ses problèmes de santé.

[4] L’appelant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 29 août 2019. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelant a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelant affirme que ses capacités physiques et mentales sont faibles. Il est essoufflé après avoir fait de l’activité physique et a des problèmes aux genoux et au bas du dos. Il est peu motivé et a de la difficulté à gérer son anxiété et ses émotions. Il a du mal à s’occuper de son hygiène personnelle et des tâches ménagèresNote de bas de page 1.

[6] Le ministre affirme que la preuve médicale ne démontre pas que l’appelant ne pouvait plus travailler en raison de ses problèmes de santé à la fin de l’année 2019. Il n’a pas eu besoin de soins psychiatriques continus. Il n’a pas fait état d’hospitalisations, de médicaments ou de traitements en coursNote de bas de page 2.

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Pour gagner son appel, l’appelant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2019. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’il a versées au Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 3.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 4.

[10] Pour décider si l’invalidité de l’appelant est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de facteurs, comme son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si l’appelant est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 5.

[12] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de l’appelant doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps. 

[13] L’appelant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, il doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

Questions que je dois examiner en premier

L’appelant a demandé un ajournement (que l’audience soit reportée)

[14] L’appelant m’a demandé d’ajourner l’audience, c’est-à-dire d’en changer la date, parce qu’il avait un nouveau représentant. J’ai accepté pour lui donner le temps de préparer son appelNote de bas de page 6.

Motifs de ma décision

[15] Les limitations de l’appelant sont graves. Il a un certain nombre de limitations et ne pouvait plus travailler dans un contexte réaliste en 2019. Cependant, je ne peux pas conclure que son invalidité est prolongée. Des traitements restent à sa disposition. Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2019.

L’invalidité de l’appelant était-elle grave?

[16] L’appelant était atteint d’une invalidité grave. J’ai basé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de l’appelant nuisent à sa capacité de travailler

[17] L’appelant est atteint des problèmes de santé suivants :

  • Obésité
  • Diabète de type II
  • Dépression et anxiété

[18] Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 7. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 8. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 9.

[19] Je conclus que l’appelant a des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler.

Ce que l’appelant dit de ses limitations fonctionnelles

[20] L’appelant affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler. Il dit ce qui suit :

Il fait une dépression et de l’anxiété. Il a des sautes d’humeur et ses émotions sont difficiles à contrôler. Il n’arrive pas à se motiver. Parfois, il ne prend pas de douche pendant des semaines. Il n’arrive pas à s’endormir tant qu’il n’est pas épuisé.

  • Il est atteint d’obésité, ce qui le rend essoufflé après des activités exigeantes. Il ne peut pas marcher longtemps et a de la difficulté à se pencher.
  • Il a des douleurs aux genoux et au bas du dos et de l’arthrite dans les articulations.
  • Il souffre de neuropathie dans les pieds à cause du diabète.

[21] L’appelant dit avoir consulté un conseiller dans le cadre de son programme d’aide aux employés avant d’arrêter de travailler en 2016. Par la suite, il a commencé à recevoir des services de counselling en août 2022 dans le cadre d’un programme provincial d’aide au revenu.

Ce que la preuve révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelant

[22] L’appelant doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2019Note de bas de page 10.

[23] La preuve médicale confirme en grande partie la version des faits de l’appelant.

[24] L’appelant est atteint de diabète. Il n’a eu aucune complication liée à ce problème de santéNote de bas de page 11. J’estime que le diabète n’a pas nui à sa capacité de travailler à la fin de 2019.

[25] L’appelant est atteint d’obésité morbide. Ce problème de santé entraîne des limitations physiques lorsqu’il s’agit de marcher, de se pencher et de monter les escaliers. Il se sent fatigué après être resté debout pendant 30 minutes. Il a de la difficulté à prendre soin de lui-même. Il a dit à son médecin qu’il était intéressé par la chirurgie bariatriqueNote de bas de page 12.

[26] L’appelant a des douleurs intermittentes aux genoux et au bas du dos. Il a de la difficulté à marcher plus de quelques pâtés de maisons, et à se pencher et à soulever des objets de façon fréquente. Ses douleurs épisodiques au dos font en sorte qu’il ne peut pas rester debout plus de 20 minutes et rester assis plus de 30 minutes. Toutefois, la preuve médicale n’appuie pas le fait qu’il avait de l’arthrite aux genoux avant la fin de 2019Note de bas de page 13.

[27] L’appelant fait une dépression et de l’anxiété. Il est fatigué, peu motivé et fait de l’insomnie. Ses capacités d’attention, de concentration et de mémoire étaient réduites. Pour faire face à ses problèmes de santé mentale, il mangeait tropNote de bas de page 14. La preuve médicale ne montre pas qu’il faisait de l’apnée du sommeil à la fin de 2019.

[28] En août 2019, il a vu le Dr Birdi, où il a reçu un diagnostic de dépression. Le Dr Birdi lui a conseillé de suivre un programme de jour à l’hôpital. Il a commencé, mais le programme a cessé en raison de la pandémie de COVID-19Note de bas de page 15. La preuve n’indique pas qu’il se soit inscrit à d’autres programmes de traitement en santé mentale.

[29] La preuve médicale confirme que les limitations physiques et mentales de l’appelant l’empêchaient d’occuper son emploi habituel en date du 31 décembre 2019.

[30] Je vais maintenant chercher à savoir si l’appelant a suivi les conseils médicaux.

L’appelant a suivi la plupart des conseils médicaux

[31] Pour avoir droit à une pension d’invalidité, une personne doit suivre les traitements recommandésNote de bas de page 16. Si les conseils des médecins n’ont pas été suivis, une explication raisonnable doit être fournie. Je dois aussi examiner les effets potentiels de ces conseils sur l’invalidité de la personneNote de bas de page 17.

[32] L’appelant a fait part de ses préoccupations concernant la prise de médicaments psychiatriques en raison d’un effet secondaire antérieur et de préoccupations liées à des problèmes génétiques. De plus, le Dr Cait a souligné que l’appelant n’avait pas les moyens de se payer des médicaments psychiatriques. Le Dr Birdi a recommandé un programme de traitement de jour pour la dépression et l’anxiétéNote de bas de page 18. L’appelant a commencé à suivre ce programme jusqu’à ce que la pandémie de COVID-19 l’interrompe prématurémentNote de bas de page 19.

[33] Je suis convaincue que l’appelant a tenté de suivre un traitement pour ses problèmes de santé mentale, sous la supervision du Dr Birdi. Je juge que sa décision de ne pas prendre de médicaments psychiatriques est raisonnable pour les raisons qu’il a énumérées.

[34] À présent, je dois chercher à savoir si l’appelant est régulièrement capable d’occuper d’autres types d’emplois. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement le rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas de page 20.

L’appelant était incapable de travailler dans un contexte réaliste

[35] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes médicaux et à leur effet fonctionnel. Pour décider si l’appelant est capable de travailler, je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau de scolarité;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • son expérience de travail et de vie.

[36] Ces facteurs m’aident à savoir si l’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 21 ?

[37] Je conclus que l’appelant était incapable de travailler dans un contexte réaliste en date du 31 décembre 2019.

[38] L’appelant avait 51 ans. Il n’a pas de difficultés à communiquer en anglais. Il dit avoir une déficience de lecture. Il a terminé sa 10e année et dit avoir arrêté ses études parce qu’il a été expulsé. Il n’a pas fait d’autres études ni obtenu de certificat.

[39] L’appelant se heurte à des obstacles en ce qui concerne certains emplois en raison de son éducation limitée et des difficultés d’apprentissage qu’il a signalées. Pour cette raison, il n’a pas non plus de bonnes chances de se recycler.

[40] L’appelant a travaillé après avoir quitté l’école secondaire. Il a occupé des emplois dans un bureau de poste, comme répartiteur, camionneur et préposé d’escale dans un aéroport. Dans le cadre de ce dernier emploi, il chargeait des avions et des conteneurs à bagages. Il possède une expérience variée dans des postes de premier échelon.

[41] L’appelant a d’importantes limitations physiques dues à l’obésité. Ces limitations ont une incidence régulière sur sa capacité à effectuer un travail physique. Ses problèmes de santé mentale nuisent à sa capacité à se concentrer et à interagir adéquatement avec les autres. Il n’a pas de bonnes chances de trouver un emploi sédentaire en raison de ses problèmes de santé mentale, de sa fatigue et de son manque de sommeil.

[42] J’estime que l’appelant était incapable de gagner sa vie, peu importe son emploi, en date du 31 décembre 2019. Il est donc dispensé de l’obligation de démontrer qu’il a essayé de trouver un autre emploi et qu’il a été incapable de le garder en raison de son invalidité.

[43] Je conclus que l’invalidité de l’appelant était grave en date du 31 décembre 2019.

L’invalidité de l’appelant était-elle prolongée?

[44] L’appelant n’était pas atteint d’une invalidité prolongée. Il reste des options de traitement pour ses problèmes de santé physique et mentale. Pour cette raison, je ne peux pas conclure que ses limitations vont durer pendant longtemps.

Pontage gastrique

[45] L’appelant était candidat à la chirurgie bariatrique en 2021. Il voulait subir une chirurgie bariatrique pour accroître sa mobilité, améliorer sa santé et prévenir de futurs problèmes de santéNote de bas de page 22. L’appelant a déclaré qu’il y avait 80 % de chances que la chirurgie bariatrique soit bénéfique.

[46] L’appelant a reçu l’approbation pour aller de l’avant avec la chirurgie, puis il a suspendu l’opération. Il avait du stress dans sa vie. On lui a dit de téléphoner d’ici novembre 2022 pour [traduction] « réactiver » le processus. Il n’a pas fait de suivi concernant l’opération. À l’audience, il a dit qu’il allait éventuellement présenter une nouvelle demande.

[47] L’appelant a également déclaré qu’il ne peut pas se permettre les dépenses liées à la chirurgie bariatrique. Il devra prendre [traduction] « des vitamines et des pilules » pour le reste de sa vie. Il ne sait pas combien ils coûteront. Il dit que sa sœur aurait payé, mais il estime que ce serait injuste.

[48] La preuve m’indique qu’il reste des traitements à essayer pour traiter les limitations liées à l’obésité. L’appelant était candidat à une intervention chirurgicale qui avait de bonnes chances de succès. Ses médecins étaient en faveur de la perte de poids. Le Dr Cait pensait que la perte de poids aiderait l’appelant à trouver du travail. Le Dr Khan, endocrinologue, pensait aussi que l’appelant avait besoin d’une thérapie de perte de poids, mais il n’a pas expressément suggéré un pontage gastriqueNote de bas de page 23.

[49] La preuve laisse croire que l’appelant prévoit de surmonter les obstacles financiers liés à l’opération. Le Dr Cait a noté qu’il était prévu que l’appelant subisse l’opération. Cela donne à penser que les questions financières connues ont déjà été traitées. On ne sait pas trop comment l’appelant a décidé que les médicaments étaient trop chers sans d’abord en connaître le coût. De plus, bien qu’il ait suspendu l’intervention chirurgicale, il a l’intention de présenter une nouvelle demande.

Traitement en santé mentale

[50] L’appelant a décidé de ne pas prendre de médicaments psychiatriques. Je respecte sa décision. Il a décidé de suivre un programme de jour à l’hôpital pour la dépression et l’anxiété. Je comprends que le programme a pris fin en raison de la pandémie de COVID-19.

[51] En novembre 2019, le Dr Cait a écrit que l’appelant [traduction] « se portait mieux sur le plan de la santé mentale. Le programme de jour fonctionne bien ». Par la suite, le Dr Cait a noté que les symptômes de l’appelant s’atténuaient avec le programme. Comme le programme a été annulé, ses symptômes sont revenus à leur niveau initialNote de bas de page 24. Aucun rapport rédigé dans le cadre du programme n’était disponible. Lors de l’audience, l’appelant a déclaré qu’il a acquis certaines compétences, comme celle de reconnaître ses déclencheurs.

[52] Il est trop tôt pour affirmer que le traitement a permis d’améliorer la santé mentale de l’appelant. La preuve du Dr Cait semble indiquer que le traitement en santé mentale a été bénéfique pour l’appelant. Cependant, la preuve ne démontre pas qu’il a fait des démarches pour effectuer d’autres évaluations ou traitements en santé mentale avant de commencer à recevoir des services de counselling en août 2022.

[53] J’ai également examiné le rapport psychiatrique rédigé par le Dr Sockalingman en mars 2022. Il a fait une évaluation dans le cadre du processus de chirurgie bariatrique. Le Dr Sockalingman ne pensait pas que l’appelant satisfaisait aux critères de dépression ou d’anxiété à ce moment-làNote de bas de page 25. Ces éléments de preuve donnent à penser que ses limitations liées à la santé mentale n’ont pas duré longtemps. Peu importe s’il n’a pas cherché à se faire traiter ou si ses problèmes de santé mentale ne sont pas à la fois graves et continus, il ne peut pas satisfaire à la partie prolongée du critère relatif à ses limitations liées à la santé mentale.

Conclusion

[54] Je conclus que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce que son invalidité était grave, mais qu’elle n’était pas prolongée.

[55] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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