Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : VC c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 450

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Appelante : V. C.
Représentant : S. C.
Intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 24 août 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lianne Byrne
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 19 janvier 2023
Participants à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 23 février 2023
Numéro de dossier : GP-21-1894

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, V. C., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). J’explique dans la présente décision pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante avait 51 ans le 31 décembre 2015. Elle travaillait comme cuisinière de repas-minute. Elle a écrit dans sa demande de prestations d’invalidité du RPC qu’elle ne pouvait plus travailler à compter de juin 2017 en raison de douleurs au dos causées par une forte pression des racines nerveuses, du remplacement bilatéral du genou, de l’arthrite terminale, d’une déchirure de l’épaule droite, d’une obésité sévère, de l’incontinence urinaire, du syndrome du canal carpien bilatéral, de la dépression et de l’anxiété.

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du RPC le 25 février 2021. Le ministre de l’Emploi et du Développement social (ministre) a rejeté sa demande. L’appelante a porté en appel la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme qu’elle a de multiples problèmes de santé qui l’ont rendue totalement invalide au 31 décembre 2015. Les rapports médicaux au dossier indiquent que tous ses problèmes de santé existaient à un certain niveau de gravité avant le 31 décembre 2015. Elle a travaillé comme cuisinière de repas-minute pendant de nombreuses années. Elle a cessé de travailler au début de 2015 en raison de ses problèmes de santé. Elle a tenté de reprendre le travail en 2017 sans succès. Elle n’a pas terminé ses études secondaires et ne possède pas de compétences transférables.

[6] Le ministre affirme qu’elle a de multiples problèmes de santé, qui ont progressé au fil des ans. Toutefois, la preuve fournie n’appuie pas la présence d’un problème de santé physique ou mentale gravement invalidant au moyen de diagnostics, de traitements, de médicaments, d’aiguillages vers des spécialistes ou d’évaluations de la capacité fonctionnelle qui la rendrait invalide indéfiniment à l’égard de toute activité professionnelle avant le 31 décembre 2015. En fait, elle a travaillé jusqu’en juin 2017.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour obtenir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2015. Cette date est fondée sur ses cotisations au RPCNote de bas de page 1.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend l’appelant régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2.

[10] Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de l’appelante pour voir quel effet ils ont sur sa capacité de travailler. Je dois également tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau de scolarité et son expérience professionnelle et personnelle. Ainsi, j’obtiendrai une image réaliste de la gravité de son invalidité. Si l’appelante est en mesure d’effectuer régulièrement un travail qui lui permettrait de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 3.

[12] Cela signifie que l’invalidité de l’appelante ne peut être assortie d’une date de rétablissement prévue. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité empêche l’appelante de travailler longtemps.

[13] L’appelante doit prouver qu’elle a une invalidité grave et prolongée. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2015.

L’invalidité de l’appelante était-elle grave?

[15] L’invalidité de l’appelante n’était pas grave. J’en suis arrivée à cette conclusion en tenant compte de plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci-après.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante n’ont pas nui à sa capacité de travailler à compter du 31 décembre 2015

[16] Les diagnostics de l’appelante sont les suivants :

  • douleur chronique, surtout au dos et aux genoux;
  • syndrome du canal carpien bilatéral;
  • obésité;
  • incontinence urinaire;
  • dépression;
  • anxiété.

[17] Toutefois, je ne peux pas me concentrer sur les diagnostics de l’appelanteNote de bas de page 4. Je dois plutôt me demander si elle avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 5. Dans le cadre de cette démarche, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelante (pas seulement le problème principal) et réfléchir à leur incidence sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 6.

[18] Je conclus que l’appelante n’avait pas de limitations fonctionnelles qui l’empêchaient d’occuper un emploi convenable au 31 décembre 2015.

Ce que l’appelante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelante affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler. Elle dit avoir des problèmes de santé depuis de nombreuses années.

[20] Elle a travaillé (de 7 h 30 à 13 h du lundi au vendredi) de 2012 à 2017 comme cuisinière de repas-minute dans la cafétéria d’une école secondaire. Ses tâches comprenaient la préparation, la cuisson et le service de la nourriture ainsi que la préparation de tables chauffantes. À partir de 2013 ou de 2014, elle avait des douleurs aux genoux, aux épaules et aux mains. Ses doigts s’engourdissaient au point qu’elle laisse tomber des objets. Au début de 2015, elle s’est absentée du travail pour tenter de se concentrer sur sa santé.

[21] Elle a repris des tâches légères comme caissière en 2017. Il s’agissait d’un travail assis, mais elle devait quand même se lever de temps en temps. Elle avait mal au dos. Ses genoux se bloquaient. Ses doigts s’engourdissaient Elle ne pouvait pas manipuler l’argent. Elle ne se souvient pas combien de temps elle a essayé de travailler, mais pense que ce n’était que quelques semaines. Elle a cessé de travailler et n’a repris aucun type de travail depuis.

[22] Elle estime qu’elle n’a pas pu travailler à partir de 2015 en raison de l’effet combiné de ses problèmes de santé. Il s’agit notamment de graves douleurs au dos, d’une déchirure de la coiffe des rotateurs droite, du syndrome du canal carpien bilatéral (depuis 2012), de douleurs au genou et d’asthme (depuis plus de 15 ans).

[23] Sa douleur est constante et augmente avec l’activité. Elle ne peut pas s’asseoir, se tenir debout ou marcher longtemps. Ses genoux se bloquent souvent au point de la faire tomber. Elle s’est fracturé le genou droit lors d’une chute. Cette fracture a nécessité une chirurgie. Elle est incapable de se pencher ou de soulever des objets. Elle compte sur sa famille pour cuisiner et nettoyer.

[24] En février 2018, elle a subi une opération au genou droit. Elle a subi une intervention au genou gauche en octobre 2018. Sa douleur au genou ne s’est pas améliorée. Toute sa vie a changé en raison de ses problèmes de santé. Elle souffre maintenant d’anxiété et de dépression.

Ce que la preuve médicale révèle au sujet des limitations fonctionnelles de l’appelante

[25] L’appelante doit fournir une preuve médicale démontrant que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2015Note de bas de page 7.

[26] La preuve médicale ne permet pas de conclure que les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2015. Bien que j’admette que certains de ses problèmes médicaux ont commencé avant le 31 décembre 2015, elle est demeurée capable d’occuper un emploi convenable qui respectait ses limitations. L’état de santé de l’appelante s’est considérablement détérioré après le 31 décembre 2015.

[27] La Dre Sarah Rizk, médecin de famille, a écrit dans son rapport le 28 novembre 2020 qu’elle traite le principal problème de santé de l’appelante depuis février 2007. Elle souffre de douleurs lombaires avec une forte pression des racines nerveuses, d’arthrite bilatérale terminale au genou, d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), d’incontinence urinaire et d’obésité. Elle a des crises aiguës de difficulté à respirer. Elle a de la difficulté à marcher. La Dre Rizk ne lui a pas recommandé de cesser de travailler parce qu’elle a pris sa retraite par elle-même. La Dre Rizk n’indique pas quand chacun de ces problèmes de santé a commencé ni comment ceux-ci l’affectaient en date du 31 décembre 2015.

[28] Le dossier contient de nombreux rapports médicaux du Dr James Seligman, dont les suivants :

  • Le 23 novembre 2017, elle a subi une intervention chirurgicale pour réparer une déchirure méniscale. Il est indiqué qu’elle souffrait d’arthrose aux deux genoux.
  • Le 8 décembre 2017, il a été indiqué qu’elle souffrait d’arthrite importante aux deux genoux. Les déchirures méniscales ont été traitées, mais la douleur arthritique est intense. Elle aura une arthroplastie totale du genou droit.
  • Le 13 mars 2018, il est indiqué qu’elle a subi un remplacement total du genou droit en février 2018. Elle fait de la physiothérapie.
  • Le 9 avril 2018, il a été indiqué qu’elle allait bien.
  • Le 28 mai 2018, elle allait très bien. Elle veut que le côté gauche soit fait.
  • Le 16 octobre 2018, elle avait subi une arthroplastie totale du genou gauche.
  • Le 29 octobre 2018, il a été indiqué qu’elle faisait de la physiothérapie.
  • Le 26 novembre 2018, son amplitude de mouvement était bonne. Elle fait des activités selon son niveau de tolérance.
  • Le 6 janvier 2019, il a été indiqué qu’elle s’était fracturé la rotule.
  • Le 7 janvier 2019, il a été indiqué qu’elle faisait des activités selon son niveau de tolérance.
  • Le 8 juin 2019, elle a subi une excision de la rotule droite après l’avoir fracturée. Sa douleur s’est améliorée.
  • Le 5 mars 2020, il a été indiqué qu’elle souffrait d’une douleur accrue au genou droit.
  • Le 11 mai 2020, son genou droit continue d’être douloureux. Elle fonctionne bien et a des douleurs occasionnelles qui vont et viennent.
  • Le 1er juin 2020, il a été indiqué qu’elle souffrait de douleurs au genou droit. Elle pourrait avoir besoin d’une injection de cortisone.

[29] Il ressort clairement de ces rapports que l’appelante est aux prises avec ses problèmes de genou depuis au moins 2017. Cependant, ces rapports ne donnent aucun aperçu de la façon dont ses genoux l’affectaient en date du 31 décembre 2015. Ils montrent également que sa douleur s’est améliorée à la suite d’une intervention chirurgicale, mais qu’elle s’est de nouveau aggravée après sa fracture au genou droit.

[30] Le 1er février et le 18 septembre 2018, le Dr Beham Kashanian a observé qu’elle avait des antécédents de syndrome du canal carpien bilatéral. Le 1er février 2018, la Dre Golsa Sheykholeslami a indiqué qu’elle souffre d’asthme léger. Toutefois, rien n’indique comment ces problèmes l’affectaient au 31 décembre 2015.

[31] Le 26 octobre 2020, le Dr Vivek Panchapakesan a déclaré qu’elle avait subi une blessure au doigt droit environ un mois plus tôt. Cette blessure est survenue de nombreuses années après le 31 décembre 2015.

[32] Il existe également de nombreux rapports sur sa santé mentale qui datent de bien après le 31 décembre 2015. Ils comprenaient les documents suivants :

  • Le 23 novembre 2021, il est indiqué qu’elle a été aiguillée vers des services de soutien pour des symptômes d’anxiété chronique.
  • Le 6 janvier 2022, elle a fait l’objet d’une première évaluation dans laquelle elle a mentionné des exacerbations de symptômes d’anxiété et de dépression. Elle avait pu gérer ses symptômes jusqu’à tout récemment. On soupçonne que les répercussions de la COVID-19 ont contribué à la détérioration de son humeur.
  • Le 16 février 2022, elle a signalé une certaine amélioration de son humeur.
  • Le 16 mars 2022, elle voulait commencer un médicament contre l’anxiété légère.
  • Le 29 avril 2022, elle se sent mieux avec le beau temps.

[33] Ces rapports indiquent que la santé mentale de l’appelante s’est détériorée de nombreuses années après le 31 décembre 2015. Toutefois, ils ne donnent aucun aperçu de l’incidence de sa santé mentale sur sa capacité de travailler au 31 décembre 2015.

[34] De plus, un rapport de diagnostic daté du 4 juin 2012 montre qu’elle souffre d’une bursite ou d’un épanchement suprapatellaire bilatéral. Elle a toutefois pu travailler pendant de nombreuses années après la date de ce rapport malgré ce problème.

[35] La preuve médicale ne permet pas de conclure que les limitations fonctionnelles de l’appelante l’empêchaient d’effectuer des travaux légers, notamment son travail de cuisinière de repas-minute, en date du 31 décembre 2015.

[36] Compte tenu de l’absence de preuve médicale datant d’avant le 31 décembre 2015, je conclus qu’il existe une preuve de capacité de travailler. Je dois maintenant décider si l’appelante peut occuper sur une base régulière d’autres types d’emploi. Pour pouvoir être qualifiées de graves, les limitations fonctionnelles de l’appelante doivent empêcher cette dernière de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, pas seulement dans son emploi habituelNote de bas de page 8.

L’appelante pouvait travailler dans un contexte réaliste en date du 31 décembre 2015

[37] Lorsque je décide si l’appelante peut travailler, je ne peux pas simplement examiner ses problèmes de santé et leur incidence sur ce qu’elle peut faire. Je dois également tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau de scolarité;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • son expérience professionnelle et personnelle.

[38] Ces facteurs m’aident à décider si l’appelante peut travailler dans un contexte réaliste, c’est‑à‑dire s’il est réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 9.

[39] L’appelante avait 51 ans le 31 décembre 2015. Elle parle couramment l’anglais. Elle n’a pas terminé ses études secondaires. Elle a travaillé comme aide-enseignante dans une école X. Elle a ensuite travaillé comme cuisinière de repas-minute.

[40] Je conclus que l’appelante pouvait travailler dans un contexte réaliste en date du 31 décembre 2015. Malgré son niveau de scolarité et son expérience de travail, elle parle couramment l’anglais et est assez jeune pour poursuivre ses études ou se recycler en vue d’occuper un autre emploi. Ses limitations fonctionnelles ne l’empêchaient pas d’exercer un travail léger ou sédentaire en date du 31 décembre 2015.

L’appelante n’a pas tenté de trouver et de conserver un emploi convenable

[41] Si l’appelante peut travailler dans un contexte réaliste, elle doit démontrer qu’elle a essayé de trouver et de conserver un emploi. Elle doit également démontrer que ses démarches se sont révélées infructueuses en raison de ses problèmes de santéNote de bas de page 10. Les efforts pour trouver et conserver un emploi consistent notamment à se recycler ou à chercher un emploi qu’elle peut exercer en dépit de ses limitations fonctionnellesNote de bas de page 11.

[42] L’appelante a cessé de travailler au début de 2015. Elle n’a fait aucun effort pour reprendre cet emploi ou chercher un autre emploi qui ne l’obligeait pas à se tenir debout aussi longtemps avant le 31 décembre 2015. Elle a tenté de retourner au travail en 2017, mais son état de santé s’était aggravé à ce moment-là.

[43] Par conséquent, je ne peux conclure qu’elle avait une invalidité grave en date du 31 décembre 2015.

Conclusion

[44] Je conclus que l’appelante n’a pas droit à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité n’était pas grave. Comme j’ai conclu que son invalidité n’était pas grave, je n’avais pas à me demander si elle était prolongée.

[45] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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