Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DH c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 625

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – Section de la sécurité du revenu

Décision

Appelante : D. H.
Représentant : J. M.
Intimé : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 13 juillet 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jackie Laidlaw
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 31 janvier 2023
Participants à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 13 février 2023
Numéro de dossier : GP-21-1829

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, D. H., n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). J’explique dans la présente décision pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a 51 ans. Elle a travaillé comme opératrice de contrôle de la qualité, un travail qui est exécuté à un bureau et à l’ordinateur. Elle a travaillé de décembre 2007 à avril 2016, date à laquelle elle a été mise à pied. Comme elle était atteinte du syndrome du canal carpien depuis 2004, elle a subi une intervention à la main droite en 2005 qui a été un échec. Elle a aussi des maux de tête, une bursite bilatérale ou une tendinite aux épaules et des douleurs chroniques au cou et au dos. Elle n’a pas tenté de travailler depuis avril 2016. L’appelante a assisté à l’audience sur Zoom depuis l’Égypte.

[4] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 22 octobre 2020. Le ministre de l’Emploi et du Développement social (ministre) a rejeté sa demande. L’appelante a porté en appel la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme qu’elle a été incapable de travailler en raison de migraines, de douleurs à l’épaule, du syndrome du canal carpien, de douleurs au cou et au dos et de crises de panique. Elle affirme ne pas posséder de compétences transférables.

[6] Le ministre dit qu’elle a reçu un traitement conservateur pour sa discopathie dégénérative et sa dépression. Les examens des spécialistes ne permettent pas de conclure à une déficience grave. Elle serait capable de travailler selon une analyse [traduction] « réaliste »Note de bas de page 1.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour obtenir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2018. Cette date est fondée sur ses cotisations au RPCNote de bas de page 2.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend l’appelant régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[10] Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de l’appelante pour voir quel effet ils ont sur sa capacité de travailler. Je dois également tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau de scolarité et son expérience professionnelle et personnelle. Ainsi, j’obtiendrai une image réaliste de la gravité de son invalidité. Si l’appelante est en mesure d’effectuer régulièrement un travail qui lui permettrait de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 4.

[12] Cela signifie que l’invalidité de l’appelante ne peut être assortie d’une date de rétablissement prévue. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité empêche l’appelante de travailler longtemps.

[13] L’appelante doit prouver qu’elle a une invalidité grave et prolongée. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2018.

L’invalidité de l’appelante était-elle grave?

[15] L’invalidité de l’appelante n’était pas grave. J’en suis arrivée à cette conclusion en tenant compte de plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci-après.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante ne nuisent pas à sa capacité de travailler

[16] Selon le rapport médicalNote de bas de page 5 de la médecin de famille, la Dre Gail Webber, en octobre 2020, l’appelante a les problèmes suivants :

  • Syndrome du canal carpien bilatéral depuis 2004.
  • Tendinite de la coiffe des rotateurs droite depuis 2012.
  • Douleurs chroniques au dos dues à l’arthrose depuis 2019.
  • Douleur chronique au cou (aussi appelé douleurs myofasciales régionales).
  • L’appelante elle-même a ajouté les crises de panique, la dépression et les maux de tête quotidiens chroniques comme problèmes de santé.

[17] Toutefois, je ne peux pas me concentrer sur les diagnostics de l’appelanteNote de bas de page 6. Je dois plutôt me demander si elle avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 7. Dans le cadre de cette démarche, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelante (pas seulement le problème principal) et réfléchir à leur incidence sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 8.

[18] Je conclus que l’appelante n’a pas de limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2018.

Ce que l’appelante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelante affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler.

[20] Elle dit avoir des engourdissements dans les mains en raison du syndrome du canal carpien (SCC). Son travail l’obligeait à feuilleter des pages dans un livre et sur l’ordinateur à l’aide d’une souris. Elle devait aussi retirer des agrafes de documents. Le SCC nuisait à sa capacité de le faire. Elle doit porter des attelles au poignet.

[21] Elle a reçu une injection de cortisone à l’épaule droite l’an dernier, ce qui l’a aidée pour la mobilité de son épaule, mais la douleur est toujours présente.

[22] Sa douleur au cou provient de longues périodes en position assise devant l’ordinateur et d’une protrusion discale au cou. C’est peut-être l’une des causes de ses maux de tête. La douleur au cou est quotidienne depuis six ou sept ans.

[23] Elle doit porter un protège-dents la nuit pour ses maux de tête. Les migraines sont quotidiennes. Elle a expliqué qu’elle avait deux types de maux de tête. Lorsqu’elle travaillait, elle n’avait des migraines que de temps en temps, principalement en raison de l’écran d’ordinateur et parce qu’elle bougeait la tête de haut en bas. Elle a également déclaré que les maux de tête quotidiens au front ont commencé en 2012 et se sont aggravés.

[24] On lui a dit qu’elle avait été mise à pied en raison d’un manque de travail. Elle croit que c’est parce qu’elle n’était pas aussi productive au travail qu’elle l’avait été. Elle a affirmé avoir pris de trois à cinq jours de congé par mois au cours de la dernière année où elle a travaillé.

[25] Les médecins ont recommandé une évaluation ergonomique du lieu de travail, mais elle ne l’a jamais reçue. Elle a plutôt apporté son propre support dorsal et son repose-pieds au travail.

[26] Au fil des ans, elle a essayé de nombreux médicaments pour la douleur, la dépression et le sommeil. Elle est incapable de prendre la plupart des médicaments en raison de problèmes gastro-intestinaux.

[27] Elle a besoin de physiothérapie, mais n’a pas l’argent pour la payer.

[28] Elle a eu des douleurs au bas et au haut du dos avec sciatique au cours des trois ou quatre dernières années du fait qu’elle était assise pendant des quarts de huit à neuf heures. Elle a fait une chute dans les escaliers un mois avant d’être mise à pied, ce qui lui a également fait mal au dos.

[29] Ses difficultés émotionnelles ont commencé en raison d’un manque de sommeil. De 2016 à 2018, elle était déprimée parce qu’elle souffrait. Elle a aussi fait des crises de panique. Sa dépression est revenue récemment lorsque sa mère et son frère sont décédés.

[30] Sur le plan fonctionnel, elle trouve difficile de nettoyer la maison, principalement la baignoire. Elle a appris à la clinique de la douleur à étaler le nettoyage sur trois jours.

[31] Elle ne dort que deux à trois heures par nuit.

Ce que la preuve médicale révèle au sujet des limitations fonctionnelles de l’appelante

[32] L’appelante doit fournir une preuve médicale démontrant que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au 31 décembre 2018Note de bas de page 9.

[33] La preuve médicale ne permet pas de conclure que l’appelante est incapable de travailler en date du 31 décembre 2018.

[34] L’appelante m’a demandé d’examiner les notes cliniques de la Dre WebberNote de bas de page 10 au fil des ans. La Dre Webber est sa médecin de famille depuis 2002. Je conviens qu’il faut accorder du poids à ces notes

[35] Les notes de la Dre Webber font état de douleurs à l’épaule droite et au genou en août 2012. Il est question d’engourdissement aux mains et de douleur à la colonne thoracique en 2013. Je sais qu’elle a continué de travailler pendant des années tout en ayant ces problèmes.

[36] Les notes de la Dre Webber indiquent également que l’appelante a eu des maux de tête pendant quelques mois en 2014 et de nouveau en 2015.

[37] En juin 2015, elle devait effectuer des tâches modifiées pendant une semaine en raison d’une tendinopathie à l’épaule. Elle avait des maux de tête quotidiens et éprouvait des difficultés au travail en raison du stress. La physiothérapie ainsi que 10 mg d’Elavil lui ont été recommandés. Je décrirai ses traitements plus loin dans la présente décision.

[38] En mars 2016, elle a fait une chute dans les escaliers et s’est absentée du travail pendant une semaine, puis a été affectée pendant une semaine à des tâches modifiées, c’est-à-dire qu’elle ne soulevait pas de charges de plus de 10 lb et changeait souvent de position. Elle a été touchée par une réduction d’effectif en avril 2016. Cela a provoqué d’autres crises d’anxiété et de panique, ces dernières ayant cessé en octobre 2016.

[39] L’appelante a travaillé pendant neuf ans malgré son syndrome du canal carpien.

[40] Le stress au travail, souligné dans les dossiers de la Dre Webber, a causé bon nombre de ses symptômes, selon le Dr Strike qui travaille avec la Dre WebberNote de bas de page 11. L’appelante s’appuie sur la conclusion d’invalidité permanente de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (WSIB). La décision de la WSIB est fondée sur son emploi antérieur et sur sa responsabilité concernant l’état de santé de l’appelante. Les renseignements médicaux montrent que l’emploi ne convenait pas à ses problèmes de santé et qu’il a causé d’autres symptômes. La décision de la WSIB ne me convainc pas qu’elle satisfait au critère de l’invalidité du RPC.

[41] Dans son rapport médical d’octobre 2020, la Dre WebberNote de bas de page 12 ne diagnostique pas de dépression, de crise de panique ou de problèmes de santé mentale. Elle ne diagnostique pas non plus de migraines. Elle pose un diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs droite depuis 2012 et de douleurs chroniques au cou. Elle prend du Tylenol depuis 2012 et du Naprosyn depuis 2020. La Dre Webber a diagnostiqué un canal carpien bilatéral depuis 2004 et remarque qu’elle ne prend aucun médicament pour ce problème. Elle a posé un diagnostic de douleurs chroniques au dos dues à l’arthrose depuis 2019, ce qui la rend incapable de s’asseoir, de marcher ou de se tenir debout pendant plus de 20 minutes.

[42] Je conviens avec le ministre que l’absence de médicamentsNote de bas de page 13, de traitements et d’interventions pour ces diagnostics n’indique pas un état [traduction] « grave ». J’observe que les douleurs au dos ont été diagnostiquées après la fin de sa PMA.

[43] La Dre Webber n’a pas recommandé à l’appelante de cesser de travailler.

[44] En 2020, la Dre Webber ne s’attendait pas à ce qu’elle reprenne quelque travail que ce soit, et les problèmes de santé cumulatifs que sont l’arthrose et le SCC font en sorte qu’il est peu probable qu’elle occupe un emploi. Cette opinion est formulée deux ans après la fin de sa PMA et quatre ans après qu’elle a cessé de travailler. Je n’accorde pas beaucoup de poids à cette opinion parce que les images diagnostiques n’indiquent aucune arthrose grave et que l’appelante travaille et vit avec le SCC depuis 2004. Les rapports médicaux ne montrent pas que son SCC a progressé et elle n’a pas subi d’autres opérations depuis 2005. Je vais l’expliquer.

[45] L’appelante souffre d’arthrose légère de la colonne cervicale. Une IRM de 2017 a montré de légers changements et une légère déformation due à une protrusion discale du côté droit. Sa colonne lombaire montrait une légère formation d’ostéophyte en 2018. En 2019, une IRM de sa colonne lombo-sacrée a révélé un léger renflement du disque lombaire et l’IRM finale de sa colonne cervicale en 2019 a montré une légère protrusion discale avec de légers changements spondylotiquesNote de bas de page 14. Les imageries diagnostiques n’indiquent aucune arthrose grave.

[46] L’appelante a travaillé pendant neuf ans malgré son syndrome du canal carpien. En 2015, alors qu’elle travaillait, elle a eu un électromyogramme (EMG) et un examen de conduction nerveuse de ses deux mains. Le résultat de l’examen de conduction nerveuse était normal. Il y avait une neuropathie dans son nerf droit, mais celle-ci n’avait pas progressé depuis 2013. La douleur était principalement de nature myofasciale, et on l’a encouragée à faire des étirements réguliers au travail et à la maison et à porter des attelles au poignetNote de bas de page 15. L’appelante a fait l’objet d’une évaluation en ergothérapie en août 2022. Elle a indiqué qu’aucun problème de mobilité fonctionnelle n’avait été signaléNote de bas de page 16.

Physiothérapie et médicaments

[47] L’appelante a fait valoir qu’elle a fait l’essai de nombreux médicaments au fil des ans et qu’elle est incapable de prendre des médicaments en raison de ses problèmes gastro-intestinaux.

[48] Elle a également fait valoir qu’elle ne peut se permettre de faire de la physiothérapie. La Dre Webber a souligné qu’il s’agit d’un problème ou a sous-entendu qu’il s’agit d’une raison pour laquelle son état l’empêche de travailler.

[49] J’aimerais aborder ces deux questions.

Physiothérapie

[50] Il est important de souligner que le Dr Boate, rhumatologue, a indiqué que la physiothérapie ne lui avait apporté aucun soulagement soutenu. Ceci est important pour deux raisons. L’appelante s’est fondée sur le fait qu’elle n’a pas les fonds nécessaires pour poursuivre la physiothérapie et qu’elle demeure donc [traduction] « invalide ». De plus, la Dre Webber a déclaré en 2020 qu’elle n’avait pas la couverture pour la physiothérapie, ce qui sous-entend que c’est l’une des raisons pour lesquelles elle est [traduction] « invalide ».

[51] La physiothérapie a été prescrite au fil des ans pour des douleurs chroniques, des maux de tête et des douleurs à l’épaule droite. En mai 2016, la physiothérapeute a demandé un appareil de neurostimulation transcutanée (TENS) pour l’aider à diminuer sa douleur et à réduire ses séances de physiothérapieNote de bas de page 17. La Dre Webber a appuyé cette démarche.

[52] L’appelante a présenté une demande de physiothérapie financée par l’Assurance-santé de l’Ontario sur recommandation de la Dre Webber. En janvier 2017, elle n’était pas admissible au financement.

[53] La physiothérapie consiste à enseigner des étirements et des exercices au patient pour qu’il puisse ensuite les faire à la maison. Ceux-ci lui ont été enseignés et un appareil TENS lui a également été fourni pour diminuer sa douleur et réduire ses séances de physiothérapieNote de bas de page 18. Si le Dr Boate a constaté qu’elle n’avait pas reçu d’indemnisation pour la physiothérapie en 2013, le fait qu’elle n’en ait pas les moyens n’est pas pertinent parce que cela ne faisait aucune différence. De plus, l’appelante a reçu un appareil TENS pour réduire ses séances de physiothérapie et faire des traitements à la maison.

[54] Je n’accorde pas de poids à l’observation selon laquelle, parce qu’elle n’a pas les moyens de payer la physiothérapie, elle ne peut pas traiter ses problèmes de santé.

Médicaments

[55] L’appelante a fait valoir qu’elle a essayé de nombreux médicaments depuis 2012 et qu’elle ne peut pas prendre la plupart d’entre eux à cause de son estomac. J’admets qu’elle a eu des problèmes gastro-intestinaux avec de nombreux médicaments qu’elle a essayés une fois. L’appelante a des problèmes gastro-intestinaux depuis de nombreuses années, qui sont antérieurs à son SCC, et les médecins devraient être au courant des médicaments qui ne seraient pas tolérés.

[56] Je retiens davantage le fait qu’on lui a prescrit de l’Elavil à de nombreuses reprises depuis 2014 pour ses maux de tête, son stress et ses douleurs. Les derniers renseignements médicaux montrent qu’elle le tolère bien.

[57] L’Elavil lui avait été prescrit par le Dr Boate en mai 2014 pour ses douleurs causées par le SCC et ses maux de tête. En décembre 2015, la Dre Webber lui a prescrit ce médicament pour ses maux de tête, et a souligné qu’elle avait cessé de le prendre auparavant. Le neurologue, le Dr Nguyen, a prescrit ce médicament en avril 2016 pour ses maux de tête de tension, qu’elle a pris et a cessé de prendre en juin 2016. En novembre 2016, elle a essayé le Cymbalta pendant une semaine, puis est retournée à l’Elavil. En 2018, l’appelante a indiqué qu’elle prenait de l’Elavil pour des douleurs, des maux de tête et de la dépression. La Dre Webber a souligné qu’elle ne prenait aucun médicament en 2020 pour son SCC et qu’elle n’avait pris que du Tylenol et du Naprosyn pour sa douleur. Puis, en novembre 2022, on lui a prescrit de nouveau l’Elavil et elle le tolère bienNote de bas de page 19.

[58] La preuve démontre qu’elle n’a pas donné le temps aux médicaments de prouver leur efficacité. Les notes indiquent qu’elle a pris tous les médicaments pendant seulement une semaine environ. Habituellement, une période d’au moins six semaines suffit pour qu’un médicament donne des résultats. Invariablement, l’Elavil lui a été prescrit par le Dr Boate, la Dre Webber et la clinique de la douleur, et l’appelante n’a pas continué à le prendre. En 2022, lors d’une séance de trois semaines sur la douleur chronique, il est observé qu’elle prend de nouveau de l’Elavil et qu’elle le tolère bien.

[59] Rien n’explique pourquoi elle peut tolérer l’Elavil maintenant, ou qu’elle ne pouvait pas le tolérer il y a des années. Il n’est pas raisonnable que ces médecins continuent tous de prescrire de l’Elavil s’il a été établi qu’elle ne peut pas tolérer le médicament. L’Elavil semble être le médicament qui pourrait être efficace à la fois pour sa douleur et son anxiété, et elle le tolère bien. Je conclus qu’elle n’a pas pris l’Elavil comme elle le devait au fil des ans. Cela aurait pu changer son état il y a des années, car il est souligné aujourd’hui qu’il est efficace pour son anxiété et sa douleur.

Les traitements sont conservateurs

[60] Je conviens avec le ministre qu’au fil des ans les traitements de ses divers symptômes ont été conservateurs.

Syndrome du canal carpien

[61] En 2013, elle a consulté la Dre Amelia Barry, spécialiste en physiatrie, pour le SCC. L’avis était une neuropathie légère à modérée du poignet droit et, comme mesures conservatrices, des attelles devraient être portées des deux côtés. Le Dr Barry a également souligné qu’à l’avenir elle pourrait envisager des injections de stéroïdes pour soulager ses symptômes. Elle n’a jamais demandé ni reçu d’injections de stéroïdes pour son SCC.

[62] Comme il a été mentionné précédemment, l’appelante a subi un examen de neurophysiologie en 2015 et un EMG bilatéral des mains. Le résultat de l’examen de conduction nerveuse était normal. La neuropathie était présente du côté droit, mais n’avait pas progressé depuis 2013. Encore une fois, on l’a encouragée à porter ses attelles et à faire des étirements réguliers au travail et à la maisonNote de bas de page 20.

[63] Le Dr Boate a également recommandé des attelles au poignet en 2014. De plus, une adaptation ergonomique de son poste de travail a été soulignée comme étant la seule gestion requiseNote de bas de page 21. Bien qu’elle n’ait pas obtenu l’adaptation ergonomique, elle a apporté son propre support dorsal et son repose-pieds au travail à titre d’appareils fonctionnels.

[64] Les traitements pour son syndrome du canal carpien, après la chirurgie du poignet droit de 2004, sont demeurés conservateurs, soit porter l’attelle, faire des étirements réguliers à la maison et au travail, et obtenir une adaptation ergonomique de son poste de travail. Des injections de stéroïdes pourraient être envisagées au besoin.

[65] L’appelante n’a jamais reçu d’injections de stéroïdes pour ses poignets. Elle continue de porter des attelles, un traitement conservateur. Elle a essayé la physiothérapie et prend de l’Elavil pour la douleur. Elle n’a pas demandé d’autres chirurgies depuis 2004.

Douleurs chroniques à l’épaule et au cou

[66] En 2022, elle a reçu sa première injection de cortisone à l’épaule droite. Le problème existait depuis 2015. L’injection a augmenté ses capacités fonctionnelles, mais n’a pas dissipé la douleur. Le fait qu’elle a attendu sept ans pour recevoir une injection qui a été bénéfique n’indique pas que l’état de son épaule était suffisamment grave pour l’empêcher de travailler en 2018.

[67] Sa douleur au cou a été évaluée par le Dr Sach, neurochirurgien, en octobre 2017, plus d’un an après qu’elle a cessé de travaillerNote de bas de page 22. Le Dr Sachs a indiqué qu’une IRM présentait une spondylose légère sans compression importante. Aucune chirurgie ne serait bénéfique, et des injections de stéroïdes épidurales ont été recommandées. L’Elavil a été prescrit au fil des ans. En ce moment, elle prend à nouveau de l’Elavil et le tolère bien.

[68] Elle n’a pas encore reçu d’injections de stéroïdes pour son cou, ce qui signifie que son état peut être géré de façon conservatrice au moyen de médicaments. Si sa douleur au cou s’aggrave, elle peut toujours essayer les injections de stéroïdes. Depuis l’intervention chirurgicale, son SCC a fait l’objet de traitements conservateurs.

Maux de tête chroniques

[69] Pour ses maux de tête, dont elle souffrait lorsqu’elle travaillait, seuls des médicaments avaient été prescrits au fil des ans. Le Dr Boate a prescrit l’Elavil (amitriptyline) en mai 2014 pour une dépression, des douleurs aux mains et des maux de tête quotidiens. En décembre 2015, elle s’est rendue chez le dentiste et a obtenu le protège-dents, mais elle ne le portait pas régulièrement. L’Elavil lui a de nouveau été prescrit en décembre 2015Note de bas de page 23. Elle a affirmé qu’elle n’avait pris que du Tylenol pendant qu’elle travaillait et qu’elle continuait d’en prendre deux toutes les trois heures.

[70] En avril 2016, elle a consulté le Dr Nguyen, neurologue. Aucun rapport n’a été fourni. On lui a dit qu’il s’agissait de maux de tête de tension et, encore une fois, on lui a prescrit 10 mg d’Elavil. Elle ne l’a pris que pendant une courte période et a continué d’avoir des maux de tête après avoir cessé de prendre l’Elavil en juin 2016.

[71] Elle s’est inscrite à un programme de gestion de la douleur de trois semaines en 2022. Aucun déficit neurologique clinique n’a été constatéNote de bas de page 24.

[72] Je conviens qu’elle avait des maux de tête chroniques à différents moments pendant qu’elle travaillait et je remarque que la Dre Webber ne l’a pas retirée du travail pour ce problème. Je constate également qu’elle s’est fait prescrire de l’Elavil à quelques reprises par différents spécialistes et qu’elle n’a pas continué à le prendre. À l’heure actuelle, elle prend à nouveau de l’Elavil et le tolère bien, ce qui indique que cela peut avoir une certaine efficacité. Elle n’a pas eu d’examen approfondi concernant ses maux de tête depuis 2016, la seule recommandation étant l’Elavil.

[73] Le traitement de ses maux de tête continue d’être conservateur.

Anxiété et stress

[74] La Dre Webber a observé de l’anxiété et du stress causés par le travail en 2015. Elle n’a demandé aucune thérapie. La Dre Webber n’a pas fait état d’anxiété, de stress ou de dépression dans son rapport médical de 2020.

[75] Apparemment, la Dre Webber l’a aiguillée vers le Dr Joseph, psychologue, en 2017. Il n’y a aucun document au dossier. L’appelante l’a vu pendant trois mois à raison d’une fois par semaine et il lui a appris à gérer la douleur. Les seuls autres psychologues qu’elle a consultés sont le Dr Lefebvre, pendant une semaine en août 2022 pour une évaluation, et trois semaines de traitement hebdomadaire à la suite de l’évaluation avec la Dre Christine Boisvert. L’appelante avait perdu sa mère et son frère au cours des trois dernières années, ce qui s’ajoute à la dépression modérée et graveNote de bas de page 25. Je remarque que les trois semaines de traitement avec la Dre Boisvert ont eu lieu quatre ans après la fin de la PMA et six ans après qu’elle a cessé de travailler.

[76] Le seul traitement qu’elle a demandé pendant qu’elle travaillait était la médication. Encore une fois, le médicament le plus souvent recommandé était l’Elavil.

[77] La preuve médicale n’appuie pas un état de dépression, d’anxiété ou des crises de panique qui auraient empêché l’appelante de travailler en date du 31 décembre 2018 et de façon continue jusqu’à ce jour.

[78] La preuve médicale ne démontre pas que l’appelante avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2018. Par conséquent, elle n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave.

[79] Je dois maintenant décider si l’appelante peut occuper sur une base régulière d’autres types d’emploi. Pour pouvoir être qualifiées de graves, les limitations fonctionnelles de l’appelante doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, pas seulement dans son emploi habituelNote de bas de page 26.

L’appelante peut travailler dans un contexte réaliste

[80] Lorsque je décide si l’appelante peut travailler, je ne peux pas simplement examiner ses problèmes de santé et leur incidence sur ce qu’elle peut faire. Je dois également tenir compte de facteurs comme les suivants :

  • son âge;
  • son niveau de scolarité;
  • ses capacités linguistiques;
  • son expérience professionnelle et personnelle.

[81] Ces facteurs m’aident à décider si l’appelante peut travailler dans un contexte réaliste, c’est-à-dire s’il est réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 27.

[82] Je juge que l’appelante peut travailler dans un contexte réaliste. À la fin de sa PMA, elle avait 47 ans. Elle a terminé ses études secondaires en Égypte, a suivi des cours d’anglais langue seconde et s’est montrée très compétente dans la langue anglaise. Elle a suivi des cours en informatique. Elle a travaillé comme aide en diététique dans une maison de retraite et dans un emploi de bureau sédentaire en assurance de la qualité.

[83] Son emploi régulier ne convenait pas à son SCC. Malgré tout, elle a réussi à occuper son emploi pendant neuf ans avant d’être mise à pied. Elle possède des compétences transférables. À 47 ans, elle avait encore presque 20 ans avant d’atteindre l’âge habituel de la retraite. Ni son âge, ni son niveau de scolarité ou ses compétences linguistiques ne l’empêchaient de trouver du travail ou de se recycler. Ses expériences professionnelles et personnelles n’étaient pas des obstacles à l’obtention d’un emploi convenable.

L’appelante n’a pas tenté de trouver et de conserver un emploi convenable

[84] Si l’appelante peut travailler dans un contexte réaliste, elle doit démontrer qu’elle a essayé de trouver et de conserver un emploi. Elle doit également démontrer que ses démarches se sont révélées infructueuses en raison de ses problèmes de santéNote de bas de page 28. Les efforts pour trouver et conserver un emploi consistent notamment à se recycler ou à chercher un emploi qu’elle peut exercer en dépit de ses limitations fonctionnellesNote de bas de page 29.

[85] Après avoir été mise à pied en raison d’un manque de travail, elle n’a pas fait d’efforts pour trouver un emploi convenable.

Travailler malgré ses problèmes de santé

[86] L’appelante est atteinte du SCC depuis 2004. À l’époque, elle occupait son premier emploi après avoir été mère au foyer, comme aide en diététique dans une maison de retraite. Elle a subi une intervention chirurgicale à la main droite en 2005 qui ne l’a pas aidée. C’est pourquoi elle a refusé l’intervention à la main gauche. Elle n’est retournée au travail qu’en 2007, lorsqu’elle a obtenu l’emploi en assurance de la qualité. Il s’agissait d’un emploi sédentaire à un bureau et à l’ordinateur qui exigeait de soulever des boîtes. Il exigeait aussi beaucoup de dactylographie et une dextérité manuelle.

[87] L’appelante a accepté cet emploi, qui ne convenait pas à une personne atteinte du syndrome du canal carpien.

[88] L’appelante a déclaré qu’elle a accepté l’emploi parce qu’elle n’avait pas d’autre formation. À mon avis, cela n’est pas raisonnable. Elle n’était pas formée pour cet emploi et a donc dû suivre une formation. Elle aurait pu suivre une formation pour tout autre emploi convenable. Elle n’avait que 35 ans à l’époque et était en mesure de trouver un emploi convenable et de suivre une formation pour celui-ci. Elle avait déjà suivi des cours d’anglais langue seconde et des cours d’informatique.

[89] En 2014, l’appelante a consulté un rhumatologue, le Dr Boate, qui a constaté que les mouvements répétitifs de son emploi ont aggravé son SCC et ont causé son syndrome de douleur myofasciale locale du cou et du haut du dos. Cela montre que son emploi régulier n’a jamais convenu à son état. Il a empiré son SCC et lui a causé d’autres problèmes de santé.

[90] J’admets que l’appelante a occupé le mauvais emploi pendant neuf ans. Il ne convenait pas à son SCC. Il lui a causé des problèmes au cou et au dos. Le stress du travail lui a causé des maux de tête et de l’anxiété. J’admets qu’après sa mise à pied elle a continué à demander des consultations avec des spécialistes. Elle a reçu des traitements de physiothérapie pour ses maux de tête chroniques, et ses douleurs à l’épaule et au cou d’avril 2016 à mars 2017Note de bas de page 30.

[91] Curieusement, la Dre Webber a continué de fournir [traduction] « à qui de droit » des lettres de congé de maladie, alors que l’appelante ne travaillait pas. Lorsqu’elle a été questionnée à ce sujet, l’appelante a expliqué qu’elles visaient des prestations de maladie de l’assurance-emploi. L’appelante a reçu des prestations de maladie de l’assurance-emploi lorsqu’elle a été mise à pied. Lorsqu’elles ont pris fin, elle a commencé à recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La dernière note de la Dre Webber était celle de janvier 2017 selon laquelle elle devait cesser de travailler pour des [traduction] « raisons médicales » non précisées jusqu’au 1er mars 2017. C’était la date à laquelle ses prestations de maladie de l’assurance-emploi ont pris fin.

[92] Lorsqu’une personne reçoit des prestations d’assurance-emploi, elle convient qu’elle est disposée et apte à travailler.

[93] Les renseignements médicaux ne font état d’aucun problème de santé qui empêcherait l’appelante de travailler après qu’elle a cessé de recevoir des prestations de maladie de l’assurance-emploi en février 2017.

[94] Les diagnostics au sujet de sa colonne cervicale discutés précédemment ont révélé une légère dégénérescence en 2017. Sa colonne lombaire a été évaluée pour la première fois en septembre 2019, ce qui a révélé un léger renflement discal. Elle n’a reçu aucun traitement après mars 2017, et n’a pas non plus été prise en charge par un spécialiste, si ce n’est une séance de thérapie pour la douleur de trois mois avec un psychologue, le Dr Joseph en 2017Note de bas de page 31.

[95] Elle a été touchée par une réduction d’effectif en raison d’un manque de travail. L’appelante n’a fourni aucun élément de preuve démontrant qu’elle a été licenciée en raison de ses problèmes de santé.

[96] À la fin de sa PMA, aucun avis médical n’indiquait qu’elle était incapable de travailler. Les renseignements médicaux au dossier n’indiquent aucun problème de santé ni une vue d’ensemble de ses problèmes de santé qui l’auraient empêché de travailler à ce moment-là non plus.

[97] Par conséquent, je ne peux conclure qu’elle avait une invalidité grave au 31 décembre 2018.

Conclusion

[98] Je conclus que l’appelante n’a pas droit à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité n’était pas grave. Comme j’ai conclu que son invalidité n’était pas grave, je n’avais pas à me demander si elle était prolongée.

[99] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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