Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : NS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1763

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, Section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : N. S.
Représentant : G. G.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 12 janvier 2021 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Sarah Sheaves
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 juillet 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 19 août 2022
Numéro de dossier : GP-21-684

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, N. S., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a 56 ans. Elle a travaillé comme réceptionniste, dans le domaine de la vente au détail et du service à la clientèle. Elle a reçu un diagnostic d’anxiété et de dépression il y a plus de 20 ans. En 2016, elle a perdu l’ouïe à l’oreille droite, ce qui a aggravé ses symptômes d’anxiété et de dépression.

[4] Le 2 octobre 2019, l’appelante a demandé une pension d’invalidité du RPC. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a donc porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme qu’il y a une certaine inconstance dans ses antécédents de travail en raison de l’anxiété et de la dépression dont elle est atteinte depuis longtemps. Elle affirme qu’elle n’est pas capable de conserver un emploi rémunérateur et que ses problèmes de santé sont graves. Elle a tenté de retourner à différents emplois pour s’adapter à ses problèmes de santé, sans succès.

[6] Le ministre affirme que l’appelante a été capable d’occuper un emploi rémunérateur en 2018, ce qui montre que ses problèmes de santé ne sont pas graves. Il soutient que la plupart des preuves médicales portent sur des problèmes de santé qui sont apparus ou qui se sont aggravés après le 31 décembre 2015, ce qui signifie qu’ils ne sont pas pertinents pour déterminer si les problèmes de santé de l’appelante étaient graves et prolongés.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour obtenir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2015. Cette date est établie en fonction des cotisations que l’appelante a versées au RPCNote de bas page 1.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 2.

[10] Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de l’appelante pour voir leur effet global sur sa capacité de travail. Je dois aussi tenir compte de ses antécédents (y compris son âge, son niveau de scolarité, ses antécédents de travail et son expérience de vie). Ces éléments me permettent d’établir de façon réaliste si son invalidité est grave ou non. Si l’appelante est régulièrement capable d’effectuer un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie, ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas page 3.

[12] Par conséquent, il ne peut pas y avoir une date de fin prévue pour l’invalidité de l’appelante. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité tienne l’appelante à l’écart du marché du travail pendant longtemps.

[13] L’appelante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle soit invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2015. Bien qu’elle ait reçu un diagnostic de problème de santé avant le 31 décembre 2015, il n’y a aucune preuve médicale de limitations fonctionnelles à ce moment-là, et elle n’a pas eu besoin de recevoir de traitements réguliers.

L’invalidité de l’appelante était-elle grave?

[15] L’invalidité de l’appelante n’était pas grave. J’ai tiré cette conclusion en examinant plusieurs facteurs, que j’explique ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante n’ont aucune incidence sur sa capacité de travail

[16] L’appelante fait de l’anxiété et de la dépression.

[17] L’appelante a développé d’autres problèmes de santé, y compris une perte auditive à l’oreille droite et une aggravation de sa dépression et de son anxiété. Toutefois, ces circonstances sont survenues après le 31 décembre 2015 et ne sont pas pertinentes pour ma décision.

[18] Je ne peux pas me concentrer sur les diagnostics de l’appelanteNote de bas page 4. Je dois plutôt vérifier si elle avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas page 5. Pour ce faire, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelante (pas seulement le plus important) et je dois évaluer leurs effets sur sa capacité de travailNote de bas page 6.

[19] Je conclus que l’appelante n’avait pas de limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travail en date du 31 décembre 2015.

Ce que l’appelante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[20] L’appelante affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail. Voici ce qu’elle dit :

  • Elle dort seulement environ trois heures par nuit en raison de son anxiété.
  • Elle a peu d’énergie et doit dormir pendant la journée.
  • Elle n’a aucune motivation pour cuisiner ou faire le ménage. Elle reçoit de l’aide de sa mère.
  • Elle n’aime pas être avec les gens et se sent dépassée.
  • Lorsqu’elle fait une crise d’anxiété, cela ressemble à une crise cardiaque. Elle a l’impression qu’elle va mourir.
  • Elle a changé d’emploi plusieurs fois en raison de son anxiété.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[21] Je reconnais que l’appelante croit sincèrement être incapable de travailler.

[22] Je reconnais également que l’appelante a développé des problèmes de santé après le 31 décembre 2015 qui lui causent des limitations fonctionnelles et qui nuisent probablement à sa capacité de travail.

[23] Toutefois, l’appelante doit fournir des preuves médicales qui démontrent que ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travail au plus tard le 31 décembre 2015Note de bas page 7.

[24] La preuve médicale n’est pas conforme à ce que dit l’appelante.

[25] L’appelante a déjà présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC en août 2016. Dans la présente demande, elle a dit qu’elle n’était plus capable de travailler à compter du 1er mars 2016. C’est à ce moment-là qu’elle a soudainement perdu l’ouïe à l’oreille droite.

[26] Dans sa demande de 2016, l’appelante a écrit qu’elle avait cessé de travailler en raison de [traduction] « quarts de travail qui se terminaient tard, d’un nombre d’heures insuffisant, du fait que ses enfants étaient seuls à la maison et de problèmes de santéNote de bas page 8 ».

[27] Lorsqu’elle a parlé des effets de sa perte auditive dans sa demande de 2016, elle a dit qu’elle était atteinte d’anxiété et de dépression depuis 20 ans et que depuis le début [de la perte auditive], sa dépression était grave et elle avait recommencé à prendre des médicamentsNote de bas page 9.

[28] Le ministre a rejeté la demande de 2016 et l’appelante n’a pas fait appel de la décision.

[29] Dans sa demande actuelle de prestations d’invalidité du RPC, l’appelante a déclaré qu’elle n’était pas en mesure de travailler à compter de novembre 2019 en raison de son invaliditéNote de bas page 10.

[30] J’ai interrogé l’appelante au sujet des déclarations dans ses deux demandes, car elle a confirmé à deux reprises qu’elle était capable de travailler après le 31 décembre 2015. Elle a dit qu’elle ne se rappelait pas ce qu’elle avait écrit et pourquoi.

[31] La Dre Kryshtalskyj a été la médecin de famille de l’appelante de 1992 à 2021. Ses dossiers fournissent la quasi-totalité de la preuve médicale avant le 31 décembre 2015.

[32] Le 13 juillet 2016, la Dre Kryshtalskyj a rempli un rapport médical pour la demande de prestations du RPC de 2016. Elle a dit que l’appelante a des antécédents d’anxiété et de dépression depuis 2001 et qu’elle a été traitée avec le médicament Paxil jusqu’en 2011. Elle a noté que la perte auditive de l’appelante a commencé en mars 2016, et que cela a entraîné une rechute de sa dépressionNote de bas page 11.

[33] La Dre Kryshtalskyj a dit que l’appelante était devenue dépressive en raison de sa perte auditive et qu’elle avait récemment recommencé à prendre du Paxil pour traiter la dépression.

[34] Dans la demande de prestations du RPC de 2016, l’appelante et la Dre Kryshtalskyj ont toutes deux confirmé que sa dépression s’était aggravée après sa perte auditive. Les deux ont également confirmé qu’elle avait dû recommencer à prendre ses médicaments lorsque sa dépression s’est aggravée après sa perte auditive.

[35] J’estime que cet élément de preuve est utile et fiable parce qu’il a été rédigé par l’appelante et sa médecin beaucoup plus près du 31 décembre 2015, et qu’il s’agit de la période pertinente pour ma décision.

[36] L’appelante a fourni des copies d’ordonnances pour démontrer qu’elle avait besoin de médicaments avant le 31 décembre 2015.

[37] Les ordonnances montrent que l’appelante est allée faire remplir une ordonnance pour 30 jours de Paxil le 14 octobre 2015. Sa dernière ordonnance date du 27 avril 2015Note de bas page 12.

[38] Cela m’indique qu’il a fallu 170 jours à l’appelante pour utiliser 30 jours de médicaments. Elle ne prenait pas ses médicaments comme prescrit.

[39] L’appelante a dit qu’elle arrêtait de prendre ses médicaments pendant des mois et qu’elle recommençait à les prendre à mesure que ses symptômes augmentaient.

[40] Lors d’un renouvellement d’ordonnance le 3 août 2016 pour 60 pilules, le pharmacien a noté que l’appelante avait rempli son ordonnance pour la dernière fois le 20 février 2016 et qu’il lui restait quelques pilules qu’elle avait l’intention de jeter dans les toilettesNote de bas page 13.

[41] Cela m’indique qu’après au moins cinq mois en 2016, l’appelante n’avait pas rempli une ordonnance de 60 jours de Paxil et qu’elle ne prenait toujours pas ses médicaments comme prescrit.

[42] L’appelante a insisté pour que je reconnaisse qu’elle était atteinte d’une invalidité grave causée par l’anxiété et la dépression en date du 31 décembre 2015.

[43] L’appelante n’a pas consulté de psychiatre ou de psychologue avant décembre 2015 et rien ne prouve qu’elle a été dirigée vers un psychiatre ou un psychologue avant cette date. Son seul traitement était de voir sa médecin de famille et de prendre du Paxil au besoin. Cependant, elle ne prenait pas son Paxil de façon constante, comme sa médecin lui avait prescrit en 2015 ou en 2016. Cela donne à penser que ses symptômes n’étaient pas graves.

[44] L’appelante a consulté sa médecin de famille à sept reprises en 2015. Deux des visites mentionnent le mot « dépression », mais aussi d’autres préoccupations physiques liées à la santé reproductive et au rhumeNote de bas page 14.

[45] Les dossiers médicaux ne détaillent aucune limitation liée à l’anxiété ou à la dépression ni aucun type d’évaluation de la santé mentale. Aucune recommandation de traitement n’a été faite et aucun médicament n’a été discuté.

[46] Les dossiers médicaux ne mentionnent pas de symptômes, de difficultés au travail ou d'autres activités.

[47] L’appelante a également fait une légère crise cardiaque en 2011. Dans un rapport daté du 12 janvier 2021, la Dre Kryshtalskyj a déclaré que la crise cardiaque survenue en 2011 avait aggravé les problèmes de santé psychologique de l’appelanteNote de bas page 15.

[48] Toutefois, comme l’appelante n’a pas fait de thérapie ou subi d’évaluations de santé mentale et qu’elle ne prenait pas régulièrement de médicaments, je ne juge pas que son problème de santé était grave en date du 31 décembre 2015.

[49] L’appelante m’a dit que sa crise cardiaque n’avait pas entraîné de limitations fonctionnelles.

[50] Dans son rapport du 12 janvier 2021, la Dre Kryshtalskyj a confirmé que l’appelante était atteinte d’anxiété et de dépression depuis 2001, et qu’elle devait s’absenter du travail [traduction] « de temps en temps » pour cette raison.

[51] Toutefois, le rapport ne mentionne aucune limitation fonctionnelle autre qu’un diagnostic. Il n’indique pas non plus les moments où ces problèmes de santé l’ont empêchée de travailler, alors cela ne m’aide pas à décider si les problèmes de santé de l’appelante étaient graves au plus tard le 31 décembre 2015.

[52] Aucune des preuves médicales dont je dispose ne révèle de limitations fonctionnelles avant le 31 décembre 2015. La preuve confirme que l’appelante a reçu un diagnostic de dépression et d’anxiété, et qu’elle gérait ses symptômes à l’aide de médicaments qu’elle prenait depuis des années. Aucun autre traitement n’était requis et l’utilisation des médicaments n’était pas constante.

[53] Pour décider si une invalidité est grave, je ne peux pas me fier uniquement à un diagnostic. Je dois vérifier si le diagnostic entraîne des limitations fonctionnelles qui ont empêché l’appelante d’occuper un emploi qui lui permettait de gagner sa vie.

[54] La preuve médicale ne démontre pas que l’appelante avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travail au plus tard le 31 décembre 2015. Par conséquent, elle n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave.

[55] Pour décider si une invalidité est grave, je dois habituellement tenir compte des caractéristiques personnelles de la partie appelante.

[56] Cela me permet d’évaluer la capacité de travail d’une partie appelante de façon réalisteNote de bas page 16.

[57] Je n’ai pas à le faire ici parce que les limitations fonctionnelles de l’appelante n’ont pas nui à sa capacité de travail au plus tard le 31 décembre 2015. Cela signifie qu’elle n’a pas prouvé que son invalidité était grave à cette époqueNote de bas page 17.

Conclusion

[58] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité n’était pas grave. Comme j’ai conclu que son invalidité n’était pas grave, je n’ai pas eu à vérifier si elle était prolongée.

[59] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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