Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : BA c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 707

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : B. A.
Représentante ou représentant : M. S
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 26 octobre 2021
rendue par le ministre de l’Emploi et du
Développement social (communiquée par Service
Canada)

Membre du Tribunal : George Tsakalis
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 19 janvier 2023
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Dre M. S. (témoin)
Date de la décision : Le 6 février 2023
Numéro de dossier : GP-22-195

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, B. A., n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante est née en 1962. Elle a un diplôme d’études secondaires et a étudié le travail social à l’université pendant un an. Elle a cessé ses études pour entrer sur le marché du travail et avoir un revenu. Elle travaille chez le même employeur depuis 1981. Elle est commis d’unité dans un hôpital. Elle travaille encore. Cependant, elle le fait avec beaucoup de difficulté en raison de ses problèmes de santé.

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du RPC le 5 janvier 2021. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme avoir droit à une pension d’invalidité du RPC parce qu’elle ne peut pas travailler à temps plein. Elle prend des congés de maladie, des jours de vacances ou des congés sans solde quand elle ne peut pas travailler. Elle se sent épuisée, a de la difficulté à se concentrer et elle cherche ses mots. De plus, elle a de la difficulté à garder l’équilibre et a des vertiges.

[6] Le ministre affirme que l’appelante n’a pas droit à une pension d’invalidité du RPC parce qu’elle travaille toujoursNote de bas de page 1.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour avoir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date de l’audienceNote de bas de page 2.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[10] Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de l’appelante pour voir leur effet global sur sa capacité de travail. Je dois aussi tenir compte de ses antécédents (y compris son âge, son niveau de scolarité, ses antécédents de travail et son expérience de vie). Ces éléments me permettent de voir de façon réaliste si son invalidité est grave ou non. Si l’appelante est régulièrement capable d’effectuer un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner le décèsNote de bas de page 4.

[12] Par conséquent, l’invalidité de l’appelante ne peut pas avoir une date de rétablissement prévue. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité tienne l’appelante à l’écart du travail pendant longtemps.

[13] L’appelante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date de l’audience.

L’invalidité de l’appelante était-elle grave?

[15] L’invalidité de l’appelante n’était pas grave. J’ai tiré cette conclusion en examinant plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante ne nuisent pas à sa capacité de travailler, peu importe l’emploi

[16] L’appelante est atteinte de sclérose en plaques, de dépression, d’anxiété et de problèmes cardiaques.

[17] Cependant, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de l’invaliditéNote de bas de page 5. Je dois plutôt voir ses limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 6. Pour ce faire, je dois tenir compte de tous les problèmes de santé de l’appelante (pas juste du plus important) et de leurs effets sur sa capacité à travailler, peu importe l’emploi Note de bas de page 7.

[18] Je conclus que l’appelante n’a pas de limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler, peu importe l’emploi.

Ce que l’appelante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelante affirme que son état de santé a entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail.

[20] L’appelante a déclaré dans sa demande de prestations d’invalidité qu’elle estimait ne plus pouvoir travailler en mars 2018. Elle dit qu’elle travaille toujours. Mais elle trouve cela très difficile. Le rythme est rapide à son travail de commis d’unité. Elle répond au téléphone. Elle classe des documents. Elle fixe des rendez-vous. Elle transfère des dossiers médicaux d’un endroit à l’autre dans l’hôpital. Elle travaille à l’ordinateur. Elle range des fournitures. Cependant, elle ne peut plus faire de travail physique. Ses collègues se chargent de l’aspect physique de son travail. L’appelante a de la difficulté à marcher. Elle ressent constamment des douleurs. Elle est anxieuse. Elle est atteinte de dépression et de sclérose en plaques.

[21] Selon l’appelante, ses symptômes de sclérose en plaques ont commencé en 2007. La sclérose en plaques ne nuit pas beaucoup à sa vision. Cependant, elle nuit à son équilibre. Ainsi, l’appelante a fait des chutes. Une de ses chutes a entraîné une fracture du genou et une déchirure du biceps. Elle a moins de force. Elle a des étourdissements. Elle dit qu’elle ne dort pas. Elle se réveille tout le temps la nuit. Elle se sent désespérée. Elle a de la difficulté à contrôler ses intestins. Elle a fait de l’incontinence au travail.

[22] L’appelante a des problèmes de santé mentale. Elle vivait de la violence conjugale. Son ex-conjoint la menaçait. Elle a déjà bénéficié de services de consultation psychologique. Elle s’est rendue à l’hôpital en novembre 2022 en raison de douleurs à la poitrine et au dos. Elle a vu un cardiologue. Elle a un problème d’hypertension et de cholestérol. Elle a une petite obstruction à deux artères. Elle a reçu un diagnostic de cancer de l’endomètre en 2021 et a subi une opération. Son cancer est en rémission.

[23] L’appelante dit avoir de la difficulté à rester assise et debout. Elle peut seulement marcher sur de courtes distances avec une canne. Elle a de la difficulté à soulever des objets. Elle a de la difficulté à se pencher. Elle a de la difficulté à se concentrer. Elle a des problèmes de mémoire. Elle a de la difficulté à entrer dans une voiture et à en sortir. Elle compte sur ses enfants pour l’aider à faire l’entretien ménager. Elle fait très peu de choses dans la maison. Elle utilise une chaise à roulettes pour cuisiner. Elle ne fait aucun entretien extérieur. Elle doit tenir une barre pour prendre une douche. Elle dit que son état de santé s’aggrave avec le temps. Elle a consulté un neurologue en novembre 2022. Le neurologue lui a dit que son côté gauche était plus faible qu’avant.

[24] L’appelante affirme qu’elle prend des médicaments pour sa dépression et sa sclérose en plaques. Elle a essayé la physiothérapie et la massothérapie. Elle a essayé les exercices à la maison. La gravité de son problème de santé est imprévisible. Elle a des maux de tête. Elle dit qu’elle aurait pris sa retraite maintenant. Elle travaille seulement parce qu’elle n’a pas les moyens d’arrêter. Elle utilise tous ses jours de vacances pour compenser ses absences.

[25] La Dre M. S. est psychiatre. Elle n’a pas traité l’appelante, mais elle la connaît bien. Elles ont travaillé ensemble pendant 13 ans.

[26] La Dre M. S. n’était pas d’accord avec les observations du ministre selon lesquelles l’appelante n’a pas de problème de santé grave. Elle a dit que l’appelante ne va pas bien. L’appelante a utilisé une chaise et un fauteuil roulant pour se déplacer au travail. Elle pense que l’appelante est atteinte d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT) chronique selon ses observations. L’appelante se fige et devient silencieuse quand des événements traumatisants se produisent à l’hôpital. La Dre M. S. croit que l’insomnie de l’appelante pourrait être reliée au TSPT causé par les mauvais traitements de son ex-conjoint. L’appelante fait des cauchemars et vit des retours en arrière.

[27] La Dre M. S. a dit que l’appelante est une personne discrète qui ne cherche pas à suivre de traitement. Elle a décrit l’appelante comme étant une personne désorganisée. Elle ne croit pas que l’appelante devrait travailler dans son état.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[28] L’appelante doit fournir des éléments de preuve médicale qui montrent qu’elle avait une invalidité grave au plus tard à la date de l’audienceNote de bas de page 8.

[29] La preuve médicale a certainement démontré que l’appelante a de graves problèmes de santé. Cependant, elle ne démontre pas qu’elle avait une invalidité grave au sens du RPC qui la rendait régulièrement incapable d’exercer une occupation véritablement rémunératrice.

[30] La preuve médicale montre que l’appelante a rempli un rapport médical pour le ministre en décembre 2020. Le rapport dit que les symptômes de sclérose en plaques de l’appelante ont commencé en avril 2007. L’appelante ressentait de la faiblesse et de la fatigue. Elle faisait une dépression depuis 2008. L’appelante était incapable d’accomplir des tâches en raison de problèmes de concentration. On ne pouvait pas prévoir quand l’appelante serait en mesure de retourner au travail en raison de ses symptômes.

[31] Toutefois, je ne crois pas que les commentaires du médecin de famille signifient que l’appelante est atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC. Elle a ajouté que l’appelante ne pouvait pas accomplir ses tâches en raison de sa charge de travail et de ses tâchesNote de bas de page 9. Ce commentaire donne à penser que l’appelante a de la difficulté à travailler. Cependant, le critère d’invalidité du RPC n’est pas fondé sur la difficulté à travailler. Il est fondé sur le fait de ne pas avoir la capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. La preuve de l’appelante, la preuve de la Dre M. S. et la preuve médicale montrent que l’appelante continue de travailler.

[32] Une note clinique de la médecin de famille en juin 2021 indique que l’appelante voulait cesser de travailler en raison de son état de santé. La médecin soupçonnait que l’appelante était atteinte de sclérose en plaques cyclique. Cette note clinique montre que l’appelante continuait de travailler.

[33] Une note clinique de la médecin de famille rédigée en juillet 2021 confirmait que l’appelante avait de la difficulté à travailler en raison du stress au travail et de la sclérose en plaques. L’appelante sentait qu’elle était victime d’intimidation depuis qu’elle envisageait une retraite anticipée. Cependant, l’appelante n’avait pas les moyens de cesser de travailler. La médecin de famille de l’appelante a déclaré qu’une pension d’invalidité du RPC n’était pas suffisante pour répondre à ses besoins mensuels. L’appelante ne pouvait pas faire des tâches modifiées parce qu’elle avait besoin d’un revenu completNote de bas de page 10.

[34] La preuve médicale a confirmé que l’appelante a reçu un diagnostic de cancer de l’endomètre en octobre 2021Note de bas de page 11. Elle a subi une opération en décembre 2021Note de bas de page 12. En février 2022, une oncologue a déclaré que l’appelante avait bien récupéré après son opération et qu’il y avait peu de chances que l’appelante ait une rémission [sic] du cancer de l’endomètreNote de bas de page 13.

[35] En août 2022, la médecin de famille de l’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas vu l’appelante depuis septembre 2021 et qu’elle ne pouvait pas commenter la capacité de l’appelante à travaillerNote de bas de page 14. Elle a aussi mentionné que l’appelante vivait du stress au travail. Elle a dit que l’appelante était épuisée. Elle a discuté des options de consultation psychologique avec l’appelanteNote de bas de page 15.

[36] La Dre M. S. a fourni une lettre d’appui en plus de fournir des éléments de preuve à l’audience. Elle a écrit dans sa lettre que l’appelante travaillait dans un environnement toxique. Elle a dit que l’appelante avait de nombreux problèmes de santé, dont des douleurs chroniques, des problèmes de mobilité et des difficultés cognitives et émotionnelles causées par la sclérose en plaques chronique. La Dre M. S. était certaine que le stress vécu au travail contribuait aux problèmes de santé de l’appelante. Elle a dit que l’appelante travaillait seulement pour des raisons financièresNote de bas de page 16.

[37] Une psychologue qui connaissait l’appelante a également rédigé une lettre d’appui. La psychologue a dit qu’elle n’avait pas traité l’appelante. Cependant, elle la connaissait depuis 30 ans et connaissait son état de santé. Elle a dit que l’état physique de l’appelante s’est détérioré en raison de la sclérose en plaques. Elle a dit que la santé mentale de l’appelante s’est aussi détériorée. Selon elle, la sclérose en plaques avait un effet négatif sur l’appelante et avait causé une dépression et de l’anxiété. Cependant, elle a confirmé que l’appelante continuait à travailler. Elle a dit que l’appelante était souvent incapable de fonctionner au travail. Cependant, elle devait travailler pour des raisons financières.

[38] J’ai estimé que l’appelante était une témoin crédible. Elle a une éthique de travail rigoureuse. Je conviens qu’elle a de graves problèmes de santé et qu’elle continue de travailler malgré sa détresse physique et mentale. Je reconnais également la valeur du témoignage de la Dre M. S. à l’audience, de sa lettre d’appui ainsi que de la lettre d’appui de la psychologue. Cependant, je ne peux pas accorder une pension d’invalidité à l’appelante, car elle continue d’occuper son emploi.

L’appelante peut travailler dans un contexte réaliste

[39] Pour décider si l’appelante est capable de travailler, je ne peux pas me contenter d’examiner ses problèmes de santé et leurs effets sur sa capacité. Je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • âge
  • niveau de scolarité
  • aptitudes linguistiques
  • antécédents de travail et expérience de vie

[40] Ces éléments m’aident à décider si l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste, c’est-à-dire s’il est réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 17.

[41] J’estime que l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste. L’appelante a maintenant 60 ans. Elle a suivi des cours universitaires. Elle comprend l’anglais et travaille depuis 1981. Elle a confirmé qu’elle continue de travailler dans un hôpital comme commis d’unité. La Dre M. S. a confirmé qu’elle continue de travailler. La psychologue a confirmé qu’elle travaille.

[42] Le registre des gains de l’appelante montre qu’elle a exercé régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Le Règlement sur le Régime de pensions du Canada a été modifié en 2014 et contient une définition de l’expression « véritablement rémunératrice » qui décrit une occupation qui procure un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invaliditéNote de bas de page 18. Le relevé d’emploi de l’appelante montre qu’elle a gagné plus de 52 500 $ par année depuis 2014. Ces sommes sont beaucoup plus élevées que la somme maximale qu’elle aurait pu recevoir en pension d’invaliditéNote de bas de page 19.

[43] Le ministre a également fourni au Tribunal un questionnaire que l’employeur de l’appelante a rempli en juillet 2022Note de bas de page 20. Le questionnaire indiquait que l’appelante trouvait difficile de travailler cinq jours par semaine et prenait des vacances et des congés de maladie. Son assiduité a été décrite comme étant seulement passable. Elle avait besoin de l’aide de ses collègues pour transporter les dossiers médicaux et les fournitures. L’appelante devait se déplacer avec une canne. L’employeur a dit que l’appelante faisait de son mieux lorsqu’elle travaillait. Cependant, l’employeur a confirmé que l’appelante était capable de répondre aux exigences de son emploi. Il a décrit son rendement au travail comme étant satisfaisant. L’employeur a confirmé que l’appelante travaillait à temps plein et gagnait 30,68 $ de l’heure.

[44] Je conclus que l’appelante occupe actuellement un emploi véritablement rémunérateur à l’hôpital. Elle a de la difficulté au travail et bénéficie de mesures d’adaptation. Cependant, elle continue de travailler à temps plein.

[45] Je compatis énormément avec l’appelante. Je sais qu’elle a des problèmes de santé majeurs. J’ai aussi examiné la lettre de sa fille qui décrit les difficultés que sa vie quotidienne comporteNote de bas de page 21. Cependant, je ne peux pas lui accorder une pension d’invalidité pour des motifs de compassion. Elle n’est pas atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC parce qu’elle continue à occuper régulièrement un emploi véritablement rémunérateur.

[46] La Dre M. S. a dit qu’elle ne croit pas que l’appelante devrait travailler. Si l’appelante cesse de travailler en raison de son état de santé, elle pourra demander une pension d’invalidité après.

Conclusion

[47] Je conclus que l’appelante n’a pas droit à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité n’était pas grave. Comme j’ai conclu que son invalidité n’était pas grave, je n’ai pas eu à vérifier si elle était prolongée.

[48] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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