Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1569

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : D. S.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 9 février 2021 rendue
par le ministre de l’Emploi et du Développement
social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Pierre Vanderhout
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 30 novembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 5 décembre 2022
Numéro de dossier : GP-21-2428

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, D. S., n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant a actuellement 58 ans. Il est monteur d’installations au gaz certifié, et il a occupé un large éventail d’emplois. Il attribue le début de son invalidité à un accident de travail survenu en janvier 2011Note de bas de page 1. Il est tombé et s’est blessé au dos. Il a ensuite essayé de nombreux emplois, sans être en mesure d’en occuper un très longtemps. Ses symptômes comprenaient des maux de dos, un mauvais sommeil, de la faiblesse et de l’essoufflement. Il avait aussi d’autres problèmes de santé, comme la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC).

[4] L’appelant demande une pension d’invalidité du RPC pour la deuxième fois. Il a fait sa première demande en 2015. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté cette demande. L’appelant n’a pas porté la décision en appel au Tribunal de la sécurité sociale. L’appelant a présenté une nouvelle demande le 9 octobre 2019. Le ministre a rejeté sa demande. L’appelant a fait appel de la décision du ministre à la division générale du Tribunal.

[5] À l’audience, l’appelant a déclaré qu’il est incapable de travailler depuis son accident de travail de 2011. Il a dit qu’il avait essayé de nombreux emplois depuis, sans jamais réussir à en garder un. Il a dit qu’il prenait beaucoup d’antidouleurs, mais que ce n’était pas suffisant. Son problème de dos a continué de s’aggraver et d’autres problèmes de santé sont apparus. Il n’a pas travaillé du tout dans les deux ou trois dernières années. L’appelant a donné plusieurs autres dates de début d’invalidité, aucune d’entre elles ne venait avant son accident de travail de 2011.

[6] Le ministre dit qu’il est possible que l’appelant soit incapable de travailler maintenant, mais il n’était pas invalide à la fin de 2002. C’est à ce moment-là que sa période d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC a pris fin. Le ministre fait remarquer que l’appelant a beaucoup travaillé depuis, y compris pendant une longue période en 2018, lorsque sa rémunération a dépassé 20 000 $. Aux moments pertinents, ses problèmes de santé ne l’empêchaient pas d’occuper tout type d’emploi convenable. Le ministre fait remarquer que l’appelant ne prétend pas être invalide depuis la fin de 2002. L’appelant a plutôt affirmé avoir été invalide seulement en 2016.

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Pour gagner son appel, l’appelant doit prouver qu’il avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2002. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’il a versées au RPC. Elle est aussi appelée la date de fin de la PMANote de bas de page 2.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[10] Par conséquent, je dois examiner l’effet global des problèmes de santé de l’appelant sur sa capacité de travailler. Habituellement, je dois aussi tenir compte de ses antécédents (y compris son âge, son niveau de scolarité, ses antécédents de travail et son expérience de vie). Ces éléments me permettent de voir de façon réaliste si son invalidité est grave ou non. S’il peut régulièrement faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner le décèsNote de bas de page 4.

[12] Autrement dit, l’invalidité de l’appelant ne peut pas avoir une date de rétablissement prévue. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité le tienne à l’écart du marché du travail pendant très longtemps.

[13] L’appelant doit prouver qu’il a une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’il est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2002.

L’invalidité de l’appelant était-elle grave?

[15] L’invalidité de l’appelant n’était pas grave en date du 31 décembre 2002. J’ai tiré cette conclusion en examinant plusieurs facteurs. Les voici.

Ses limitations fonctionnelles n’ont pas nui à sa capacité de travailler

[16] En 2015, les problèmes de santé de l’appelant comprenaient des douleurs chroniques au bas du dos, une hernie discale aux vertèbres L5-S1, une consommation chronique de narcotiques, une MPOC, un problème de prostate et des déchirures/tendinites aux deux coiffes des rotateursNote de bas de page 5.

[17] Cependant, des diagnostics ne suffisent pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 6. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 7. Pour ce faire, je dois examiner tous ses problèmes de santé (pas seulement le plus important) et évaluer leurs effets sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 8. Il est important de noter que mon examen porte sur la situation en date du 31 décembre 2002.

[18] Je conclus que l’appelant n’avait pas de limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler à la fin de 2002.

Ce que l’appelant dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelant affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler. Cependant, il ne dit pas que ces limitations fonctionnelles existaient à la fin de 2002 (et de façon continue depuis).

[20] Selon l’appelant, ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travailler à différents moments. Il a donné plusieurs dates. Il a déclaré à l’audience qu’il était incapable d’occuper un emploi depuis l’accident de travail survenu en janvier 2011.

[21] Avant l’audience, l’appelant parlait de dates plus tardives. En septembre 2015, il a déclaré qu’il était incapable de travailler depuis le 21 mars 2015. Ses douleurs au dos nuisaient à son sommeil et à sa capacité de se tenir debout et de soulever des objets. Il était essoufflé, fatigué et faible en raison de sa MPOCNote de bas de page 9.

[22] En octobre 2019, l’appelant a déclaré qu’il était incapable de travailler depuis août 2016. Il avait de la difficulté à respirer. Il avait aussi des douleurs constantes au dos et aux jambesNote de bas de page 10.

[23] En juin 2020, l’appelant a déclaré que son invalidité l’empêchait de travailler depuis 2016. Selon lui, la situation était causée par l’aggravation de sa MPOC et de ses maux de dos. Il avait plus de difficulté à conserver un emploi en raison de ces problèmes. Il a dit qu’il ne prétendait pas être invalide depuis 2002Note de bas de page 11.

[24] En novembre 2021, l’appelant a affirmé qu’une hernie discale est apparue à la suite d’une blessure subie au travail. Il a expressément nié qu’il prétendait avoir une invalidité depuis 2002 et a indiqué 2016 comme date cléNote de bas de page 12.

[25] L’appelant ne prétend pas que les limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler existent depuis le 31 décembre 2002. Son appel semble donc n’avoir aucune chance de succès. Je vais tout de même examiner la preuve médicale qui date de cette époque pour voir si des limitations fonctionnelles existaient alors.

Ce que la preuve médicale révèle sur ses limitations fonctionnelles

[26] L’appelant doit fournir des éléments de preuve médicale pour démontrer que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au plus tard le 31 décembre 2002. Le Règlement sur le Régime de pensions du Canada exige qu’une personne fournisse la preuve de toute limitation résultant d’une invaliditéNote de bas de page 13. La Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale ont examiné cette règle (dans des décisions intitulées Warren et Dean) et ont confirmé qu’une partie appelante doit fournir une preuve d’invalidité au plus tard à la fin de la PMANote de bas de page 14. Aux termes du RPC, une « invalidité grave » est définie par la façon dont la santé d’une personne nuit à sa capacité de travailler. La Cour fédérale a également confirmé que l’employabilité est une mesure clé de l’invalidité grave. Ainsi, pour prouver qu’il avait une invalidité grave, l’appelant doit présenter des éléments de preuve médicale pour démontrer comment ses problèmes de santé ont probablement nui à son employabilité au plus tard à la fin de 2002.

[27] Les preuves médicales qui datent de cette époque sont minimes. Je vois seulement trois documents médicaux qui datent de 1999 à 2002. Ces documents ne laissent pas croire que l’appelant avait des limitations fonctionnelles à la fin de 2002.

[28] Le premier document date d’août 2001, lorsque l’appelant a subi une radiographie gastroduodénale. Elle a révélé une petite hernie avec un certain reflux et une duodénite (inflammation du duodénum) probableNote de bas de page 15. Au moment de la production du prochain document, en novembre 2001, la duodénite avait disparuNote de bas de page 16. Le troisième document fait état d’une visite au Dr Kelton (médecin de famille) en novembre 2002, alors que l’appelant présentait des symptômes de rhumeNote de bas de page 17.

[29] Les préoccupations médicales de l’appelant jusqu’à la fin de 2002 semblent avoir été simplement passagères. Je ne peux pas raisonnablement conclure qu’il avait des limitations fonctionnelles importantes à cette époque. Je fais aussi remarquer qu’en février 2011, le Dr Kelton a déclaré qu’il n’y avait pas d’antécédents de maux de dos de 1997 au début de 2011Note de bas de page 18.

[30] Un document médical beaucoup plus récent fait allusion à un autre problème vers 2002. Dans un rapport que le Dr Goldman (psychologue) a rédigé en juin 2014, je vois une référence à l’abus d’alcool de l’appelant de 2001 à 2003. Le Dr Goldman a aussi mentionné des blessures datant d’avant 2011. Toutefois, le Dr Goldman a ajouté qu’il n’y avait pas de déficiences fonctionnellesNote de bas de page 19. Toujours en juin 2014, l’appelant a déclaré que sa consommation antérieure d’alcool n’avait pas [traduction] « nui à ses responsabilitésNote de bas de page 20 ». Encore une fois, cela indique que la consommation d’alcool n’a pas nui à sa capacité de travailler.

[31] La preuve médicale ne démontre pas que l’appelant avait des limitations fonctionnelles nuisant à sa capacité de travailler au plus tard le 31 décembre 2002. Par conséquent, il n’a pas prouvé qu’il avait une invalidité grave à cette date.

[32] Pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois habituellement tenir compte de ses caractéristiques personnelles. Sa capacité de travailler est ainsi évaluée sous un angle réalisteNote de bas de page 21.

[33] Je n’ai pas à le faire ici parce que les limitations fonctionnelles de l’appelant n’ont pas nui à sa capacité de travail en date du 31 décembre 2002. Il n’a pas prétendu avoir été invalide au plus tard le 31 décembre 2002. Il n’a donc pas prouvé que son invalidité était grave à ce moment-là. Les décisions de la Cour d’appel fédérale intitulées Giannaros et Sharma appuient le fait que je n’ai pas à évaluer les caractéristiques de l’appelant sous un angle réalisteNote de bas de page 22.

[34] Les décisions Giannaros et Sharma établissent que lorsqu’une personne n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave, il n’est pas nécessaire de tenir compte de ses caractéristiques personnelles. La décision intitulée Dean précise aussi qu’il est possible que l’existence d’une invalidité grave ne soit pas prouvée parce qu’une personne a omis de fournir une preuve médicale pour la date clé (le 31 décembre 2002 ici)Note de bas de page 23. Les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale lient le Tribunal. Comme une autre membre du Tribunal l’a souligné, il n’est pas logique de tenir compte du contexte « réaliste » lorsque cela n’a aucune incidence sur le résultatNote de bas de page 24.

Conclusion

[35] Je conclus que l’appelant n’a pas droit à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité n’était pas grave au 31 décembre 2002. Comme j’ai conclu que son invalidité n’était pas grave, je n’ai pas eu à vérifier si elle était prolongée.

[36] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.