Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : RS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 126

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-1584

ENTRE :

R. S.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Connie Dyck
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 23 février 2021
Date de la décision : Le 25 février 2021

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Décision

[1] La requérante, R. S., a droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Les versements prennent effet à compter de juillet 2017. J’expliquerai pourquoi j’accueille l’appel dans la présente décision.

Aperçu

[2] La requérante a 57 ans. Elle a cessé de travailler en tant qu’aide-soignante en mars 2016 lorsqu’elle s’est blessée au genou au travail. La requérante dit qu’elle est incapable de marcher ou de rester debout plus de 10 minutes sans éprouver de la douleur et que toutes ses activités sont limitées à cause de la douleur.

[3] La requérante a fait une demande de pension d’invalidité du RPC le 20 juin 2018Footnote 1. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande parce que la preuve médicale ne démontrait pas qu’elle avait une invalidité au sens du RPC. Le ministre a également estimé que même si la requérante n’était peut-être pas en mesure de reprendre son travail d’aide-soignante, elle avait la capacité de faire un autre type de travail. La requérante a fait appel de cette décision auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La fille de la requérante, I. S., a témoigné lors de l’audience devant le Tribunal.

Ce que la requérante doit prouver

[4] Pour obtenir gain de cause, la requérante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2019. Cette date est fondée sur les cotisations qu’elle a versées au RPCFootnote 2.

[5] Le RPC définit ce qu’est une invalidité « grave » et « prolongée ». Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceFootnote 3. Elle est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner le décèsFootnote 4.

[6] La requérante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle soit invalide.

Motifs de ma décision

[7] Je conclus que la requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2019. Je suis parvenue à cette décision en examinant les questions qui suivent.

L’invalidité de la requérante était grave

Les limitations de la requérante ont une incidence sur sa capacité à travailler

[8] La requérante est atteinte de diabète, d’anxiété, de dépression et d’arthrite au genouFootnote 5. Je ne me concentre cependant pas sur le diagnostic de la requéranteFootnote 6. Je dois plutôt me pencher sur la question de savoir si ses limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieFootnote 7. Je dois donc examiner tous les problèmes de santé de la requérante (pas seulement le problème principal) et réfléchir à la manière dont ces problèmes ont une incidence sur sa capacité à travaillerFootnote 8.

[9] J’estime que l’anxiété et la dépression ainsi que le diabète de la requérante ne nuisent pas à sa capacité à travailler. Je dis cela parce que la Dre Sarai (médecin de famille) ne signale aucune limitation fonctionnelle causée par le diabète de la requérante pendant sa PMAFootnote 9. Aussi, la requérante ne suit pas de traitement psychiatrique ni tout autre traitement psychologique. De plus, elle prend de l’escitalopram pour traiter son anxiété et sa dépression depuis 2019Footnote 10. La requérante a dit qu’elle trouvait ce médicament efficace.

[10] Cependant, j’estime que l’arthrite au genou de la requérante interfère avec sa capacité à travailler. Voici ce dont j’ai tenu compte.

Ce que la requérante affirme au sujet de ses limitations

[11] La requérante affirme que son arthrite au genou lui impose des limitations qui ont une incidence sur sa capacité à travailler de la manière qui suit.

  • Elle ressent une douleur intense dans ses deux genoux lorsqu’elle est assise, debout ou qu’elle marche.
  • Elle ne peut pas rester debout ou marcher pendant plus de 10 minutes.
  • Elle doit gérer sa douleur avec du naproxène, du Tylenol et du repos.
  • Elle ressent de la douleur à longueur de journée ainsi que la nuit lorsqu’elle s’allonge.
  • Sa douleur s’aggrave de plus en plus.
  • Elle ne peut pas soulever des objets lourds, s’étirer ou se pencher sans ressentir de la douleur.
  • Elle compte sur sa famille pour faire les courses et les tâches ménagères.

[12] La preuve de la requérante confirme qu’elle a des limitations fonctionnelles. Cependant, je dois aussi tenir compte de ce que révèle la preuve médicale.

Ce que la preuve médicale révèle au sujet des limitations de la requérante

[13] J’estime que la preuve médicale démontre que la requérante a des limitations fonctionnelles qui ont eu une incidence sur sa capacité à travailler au 31 décembre 2019Footnote 11. La preuve médicale confirme ce que dit la requérante.

[14] La requérante a fait une chute et s’est blessée au genou en mars 2016. Son genou est douloureux depuis ce temps. Une radiographie effectuée en septembre 2016 a révélé de l’arthrose modérée à l’articulation de son genou gaucheFootnote 12. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) réalisée en 2017 a révélé de l’arthrite modérée à avancée au niveau du compartiment médial de son genouFootnote 13.

[15] La requérante a consulté un chirurgien orthopédiste en décembre 2017Footnote 14 en raison d’une douleur continue au genou droit. La douleur s’aggravait lors d’efforts excessifs, comme marcher de 15 à 20 minutes ou monter des escaliers. Le Dr Schweigel, chirurgien orthopédiste, a dit que la requérante avait de l’arthrite dans son genou.

[16] La requérante a continué à éprouver de la douleur, ce qui a limité ses activités en avril 2018Footnote 15.

[17] La Dre Sarai, médecin de famille, a noté en octobre 2019 que la requérante était incapable de marcher pendant plus de 15 minutes et que sa capacité à rester debout pendant de longues périodes était limitéeFootnote 16. Elle a noté que les injections et la physiothérapie n’avaient apporté aucun soulagement à la requérante et qu’elle n’était pas une candidate pour un traitement chirurgical. Les options de gestion conservatrice de la douleur étaient les seules options de traitement.

[18] J’estime que la preuve médicale démontre que la requérante avait des limitations fonctionnelles qui ont eu une incidence sur sa capacité à travailler au 31 décembre 2019 et qui persistent encore aujourd’hui.

La requérante ne peut pas travailler dans un contexte réaliste

[19] Au moment de décider si la requérante est en mesure de travailler, je ne dois pas seulement tenir compte de ses problèmes médicaux et de l’incidence qu’ils ont sur ce qu’elle peut faire. Je dois également tenir compte de son âge, de son niveau d’instruction, de ses aptitudes linguistiques, de ses antécédents de travail et de son expérience de la vieFootnote 17. Ces facteurs m’aident à décider si la requérante a la capacité de travailler dans un contexte réaliste.

[20] J’estime que la requérante ne peut pas travailler dans un contexte réaliste. La requérante était âgée de 55 ans à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2019. Elle pourrait ainsi travailler pendant de nombreuses années avant d’atteindre l’âge normal de la retraite. Bien que l’anglais ne soit pas sa langue maternelle, elle a acquis des connaissances linguistiques en anglais et a suivi un cours de sécurité alimentaire et d’aide-soignante au CanadaFootnote 18. Elle a déclaré qu’elle parlait anglais avec ses collègues et les patients. Cependant, ces facteurs ne compensent pas le manque de compétences transférables de la requérante ni le fait que ses limitations fonctionnelles ont une incidence sur tout emploi qu’elle occupe.

[21] La requérante n’a pas de compétences transférables en raison de ses douleurs et de son manque de mobilité. Ses antécédents professionnels sont limités puisqu’elle a travaillé comme aide-soignante pendant la majeure partie de sa carrière. Cela a été son seul emploi pendant 24 ansFootnote 19. Ses fonctions étaient exigeantes sur le plan physique. Elles consistaient à soulever et à laver des patients, et à rester debout pendant de longues périodes. En raison de ses douleurs au genou et de son incapacité à rester debout pendant plus de 10 minutes, elle ne pourrait pas reprendre cet emploi et n’aurait pas de compétences transférables en raison de la nature physique de sa profession. La requérante n’a aucune compétence en informatique et n’a jamais travaillé dans une profession qui n’était pas exigeante sur le plan physique. Elle ne serait pas une candidate à un recyclage professionnel en raison de ses difficultés à se concentrerFootnote 20, ainsi que de la douleur qu’elle ressent lorsqu’elle est assise ou debout.

[22] Je suis convaincue que ses limitations fonctionnelles combinées à ses circonstances personnelles auraient une incidence sur sa capacité à régulièrement détenir un autre emploi sédentaire.

La requérante a suivi les recommandations médicales

[23] Pour toucher une pension d’invalidité, la requérante doit suivre les recommandations médicalesFootnote 21. Sinon, elle doit avoir une explication raisonnable pour ne pas avoir suivi les recommandations. Je dois également tenir compte de l’incidence qu’auraient pu avoir, le cas échéant, les recommandations sur l’invalidité de la personneFootnote 22.

[24] La requérante a suivi les recommandations médicalesFootnote 23. La recommandation médicale du Dr Schweigel, chirurgien orthopédiste, était que la requérante devait suivre un traitement conservateurFootnote 24. C’est ce que la requérante a fait. Elle utilise des médicaments anti-inflammatoires, des crèmes topiques et une attelle de genou. Elle a participé à des séances de réadaptation et a reçu des injections dans son genou, ce qui n’a apporté aucun effet bénéfiqueFootnote 25. La Dre Sarai envisageait de l’orienter vers la clinique d’acupuncture et de physiothérapie OasisFootnote 26. La requérante a déclaré que c’est là qu’elle reçoit des traitements de physiothérapie et d’acupuncture. Elle m’a dit que son traitement le plus récent avait eu lieu quatre jours avant l’audience. Elle a déclaré que la physiothérapie et l’acupuncture soulagent un peu la douleur, mais pas assez pour améliorer ses capacités fonctionnelles. La Dre Sarai a noté que la requérante avait déjà eu recours à la physiothérapie et que celle-ci avait eu peu d’effets bénéfiquesFootnote 27. Tous ces traitements ont eu une incidence minimale sur l’état de santé de la requérante.

[25] La Dre Sarai a dit que la requérante n’était pas une candidate pour un traitement chirurgicalFootnote 28. Le chirurgien orthopédiste a dit en décembre 2017 que si la douleur de la requérante s’aggravait, un remplacement du genou pourrait être une optionFootnote 29. J’ai demandé à la requérante ce qui en était à ce sujet. Elle m’a dit que son médecin de famille ne l’avait pas orientée vers un chirurgien orthopédique pour un suivi. Elle a expliqué que le Dr Schweigel lui avait dit qu’elle était trop jeune pour avoir un remplacement du genou parce que cela ne l’aiderait que pendant [traduction] « un petit moment et ne ferait pas une grande différenceFootnote 30 ». De plus, il a dit qu’il n’y avait aucune garantie que cela améliorerait ses capacités fonctionnelles. Bien qu’il puisse s’agir d’une option future, il n’est pas certain que la requérante puisse être candidate à un remplacement du genou ou que cela améliore son état. Je dis cela parce que le Dr Schweigel a déclaré  : [traduction] « une arthroplastie du genou pourrait être une option » (mis en évidence par la soussignée). J’estime que la requérante a satisfait à son obligation de suivre les options de traitement recommandées. Son état de santé ne s’est pas amélioré malgré sa forte motivation et l’observation rigoureuse de ses traitements.

[26] Je dois maintenant décider si la requérante peut régulièrement détenir d’autres types d’emploi. Pour que les limitations de la requérante soient graves, elles doivent l’empêcher de gagner sa vie en occupant tout type d’emploi, et pas seulement son emploi habituelFootnote 31.  

La requérante a essayé de trouver et de conserver un emploi

[27] Si la requérante peut travailler dans un contexte réaliste, elle doit démontrer qu’elle a essayé de trouver et de conserver un emploi. Elle doit également démontrer que ses efforts ont été infructueux en raison de son état de santéFootnote 32. Pour trouver et conserver un emploi, il faut notamment se recycler ou chercher un emploi qui tient compte de ses limitationsFootnote 33. La requérante a fait de tels efforts, et ceux-ci ont démontré que son invalidité l’empêche de gagner sa vie.

[28] La requérante a repris un travail modifié en tant qu’aide-soignante. Elle a déclaré que les spécialistes en réadaptation lui avaient recommandé de tenter un retour progressif au travail. On s’attendait à ce que cela puisse réduire sa douleur. Bien qu’il s’agissait du même employeur, ses fonctions étaient très différentes. Elle a expliqué qu’elle n’avait que des tâches légères et qu’elle n’était pas tenue de faire un travail physique. Elle aidait à nourrir les patients et les promenait dans un fauteuil roulant. Même si elle n’avait aucune tâche physique, la requérante a affirmé qu’elle n’était capable de travailler que par intervalles de dix minutes. Elle a expliqué qu’elle travaillait pendant dix minutes, puis devait s’asseoir et se reposer pendant dix minutes. Malheureusement, sa douleur n’a fait qu’augmenter, et elle n’était même plus en mesure d’effectuer des tâches légères en septembre 2018.

[29] Les efforts de la requérante démontrent qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au 31 décembre 2019. Par conséquent, j’estime que son invalidité était grave.

L’invalidité de la requérante était prolongée

[30] Les douleurs et le problème au genou de la requérante ont commencé en mars 2016 lorsqu’elle s’est blessée au travail. Cela perdure depuis cette date et va vraisemblablement se poursuivre indéfinimentFootnote 34. Le Dr Moetarbhan [sic], médecin de famille, a noté en avril 2018 que son arthrite allait probablement s’aggraver avec le tempsFootnote 35. La Dre Sarai a noté en octobre 2019 que la requérante aurait probablement besoin d’un remplacement du genou dans le futur, mais que cela dépendrait d’un avis orthopédiqueFootnote 36. Jusqu’à présent, la recommandation est que son problème de santé soit traité de manière conservatrice.

[31] Il n’est pas nécessaire qu’une invalidité soit permanente pour être prolongéeFootnote 37. Bien qu’il soit possible que l’état de santé de la requérante s’améliore à la suite d’une future intervention chirurgicale de remplacement du genou, il s’agit actuellement d’une option de traitement hypothétique. Il n’y a aucune preuve à l’appui du fait que la requérante aura une intervention chirurgicale au genou ou que cela améliorera son état de santé. Compte tenu du témoignage de l’appelante et des rapports médicaux, il est évident que son état de santé ne s’est pas amélioré malgré les traitements et la prise de médicaments. L’invalidité de la requérante durera vraisemblablement pendant une période longue, continue et indéfinie. J’estime que son invalidité était prolongée au 31 décembre 2019.

Début des versements de la pension

[32] La requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en mars 2016, lorsqu’elle n’a plus été capable de travailler. Cependant, le RPC prévoit qu’une personne ne peut être réputée invalide plus de 15 mois avant la date à laquelle le ministre a reçu sa demande de prestations d’invalidité. Après cela, il y a une période d’attente de quatre mois avant le début des versementsFootnote 38. Le ministre a reçu la demande de la requérante en juin 2018. Elle est donc considérée comme étant devenue invalide en mars 2017. Les versements de sa pension prennent effet à compter de juillet 2017.

Conclusion

[33] Je conclus que la requérante a droit à une pension d’invalidité du RPC, car elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée.

[34] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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