Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : CL c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1607

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : C. L.
Représentante ou représentant : P. B.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 6 mai 2021 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Sharon Buchanan
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 25 octobre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Témoins de l’appelante
Date de la décision : Le 16 novembre 2022
Numéro de dossier : GP-21-1299

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. L’appelante, C. L., est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), payable à compter de novembre 2018.

Aperçu

[2] L’appelante a 60 ans et est diplômée en théologie. En 1998, elle s’est jointe à un organisme sans but lucratif. Dans son travail de missionnaire, en Pologne, elle dirigeait une école enseignant l’anglais comme langue seconde au moyen d'un programme d’études bibliques qu’elle concevait elle-même. Elle travaille toujours pour cet organisme; elle vit et travaille en Pologne depuis 20 ans. L’appelante est cofondatrice du ministère de l’organisme.

[3] À cause d’une dégénérescence touchant la partie inférieure de sa colonne vertébrale, l’appelante a commencé à avoir des problèmes de mobilité et des maux de dos. Elle a été opérée pour une discopathie en 2016, en 2018 et en 2021. L'opération de 2018 a cependant aggravé son état. Même si elle travaille encore, ses responsabilités et ses heures ont été réduites.

[4] Le 30 octobre 2019, l’appelante a demandé une pension d’invalidité du RPC. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a toutefois rejeté sa demande. Selon lui, bien que l’appelante n’ait plus nécessairement toutes les capacités fonctionnelles que suppose son emploi de directrice locale, des tâches modifiées lui permettent de maintenir ce poste au sein de l’église missionnaire et de gagner un salaire véritablement rémunérateur.

[5] L’appelante a fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. L’appelante dit être invalide. Bien qu’elle soit alerte du point de vue intellectuel, elle est incapable de travailler ou d’assumer les activités de la vie quotidienne sans un soutien constant.

Ce que l’appelante doit prouver

[6] Pour avoir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date de l’audienceNote de bas page 1.

[7] Le RPC définit les termes « grave » et « prolongée ».

[8] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 2. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas page 3. Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être anticipé.

[9] L’appelante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, elle doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[10] Je conclus que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en juillet 2018.

L’invalidité de l’appelante est grave

[11] L’invalidité de l’appelante est grave. J’ai tiré cette conclusion en examinant plusieurs facteurs, que j’explique ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisent à sa capacité de travail

[12] L’appelante est atteinte d’une sténose lombaire, d’une douleur au pied droit, d’une déformation du pied droit et d’un éléphantiasis chronique de la jambe droite, d’arthrose cervicale et d’hypothyroïdie (maladie de Hashimoto).

[13] Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas page 4. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas page 5. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité à travaillerNote de bas page 6.

Ce que l’appelante dit de ses limitations fonctionnelles

[14] L’appelante affirme qu’elle avait certaines limitations avant son opération de 2018. Elle utilisait un cadre de marche et avait de la difficulté à travailler de longues heures. Elle affirme que ses handicaps sont toutefois devenus beaucoup plus prononcés après l’opération de juillet 2018. Son pied et sa cheville de droite sont fortement déformés. Elle utilise maintenant un fauteuil roulant. Voici ce qu’elle rapporte :

  • Elle dort chaque après-midi pour pouvoir terminer sa journée.
  • Elle ne dort plus dans un lit. Elle utilise un fauteuil inclinable.
  • Elle a besoin d’aide avec ses attelles de jambe pour sortir du lit et pour se coucher.
  • Elle a besoin d’aide pour s’habiller et mettre ses bas de contention.
  • Elle a besoin d’aide pour se rendre à la toilette et y aller.
  • Elle ne peut pas faire les repas, la lessive ou le ménage.
  • Elle ne peut pas quitter son appartement du deuxième étage sans que quelqu'un l'aide avec le monte-escalier. Elle ne peut pas monter un escalier sans qu'on la pousse et la soutienne par derrière, car elle se tire vers le haut en faisant passer ses deux mains une par-dessus l’autre sur la rampe.
  • Elle ne peut plus conduire. Elle ne peut plus offrir de soins pastoraux dans sa communauté.
  • Elle a besoin d’aide en classe : pour récupérer du matériel de l’imprimante, distribuer et rassembler des feuilles, transporter son ordinateur portable et ses livres, configurer sa table d’enseignement et sa salle de classe et écrire et afficher du matériel au tableau.
  • Elle éprouve des problèmes de dextérité manuelle. Même avec un clavier ergonomique, elle trouve qu’elle bouge la souris de l’ordinateur et tape très lentement. Elle ne parvient pas à couper seule de la viande.

Ce que la codirectrice de l’appelante dit de ses limitations fonctionnelles

[15] La collègue et amie de l’appelante a expliqué qu’elle et l’appelante sont codirectrices du programme. Depuis 20 ans, elles partagent le travail de la mission et de l’église. Elles habitent aussi ensemble. Jusqu’à récemment, la témoin fournissait elle-même à l’appelante la majeure partie du soutien dont elle avait besoin.

[16] La témoin a déclaré que l’appelante a besoin d’aide dans tous les aspects physiques de ses activités quotidiennes, jour et nuitNote de bas page 7. L’appelante quitte seulement l’appartement si elle a de l’aide. Il faut donc normalement qu’une femme soit avec elle, parce qu’elle aura toujours besoin d’aide pour aller aux toilettes.

[17] La témoin a dit que l’appelante ne peut plus enseigner sans personne de soutien. Elle a dit que l’appelante ne peut plus visiter sa communauté pour fournir des soins pastoraux et qu’elle a beaucoup moins de vigueur, tant pour écrire que dans son leadership.

[18] J’ai trouvé l’appelante et sa témoin très crédibles. J’admets que cette témoin est dans une excellente position pour observer et commenter la situation de l’appelante.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[19] L’appelante doit fournir des éléments de preuve médicaux qui corroborent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travail en date de l’audienceNote de bas page 8.

[20] La preuve médicale confirme en partie les propos de l’appelante.

[21] Il y a eu peu d’éléments qui se rapportent à l’arthrose cervicale et à l’hypothyroïdie (maladie de Hashimoto) de l’appelante et à leurs répercussions sur elle. J’admets que les références à ces problèmes de santé dans des notes d’hôpital confirment leur existenceNote de bas page 9. Toutefois, ces éléments de preuve ne précisent pas leur effet sur l’appelante. Je ne dis pas que je mette en doute sa parole. Toutefois, l’appelante est tenue de fournir des éléments de preuve médicaux qui attestent ses limitations.

[22] La preuve médicale fournie par l'appelante confirme ses limitations en matière de mobilité réduite, telles qu'elle et sa codirectrice les ont décrites.

[23] En décembre 2019, le docteur Alant, neurochirurgien, a déclaré que la sténose lombaire de l’appelante affectait sa mobilité, qu’elle avait de la difficulté à marcher de façon autonome et que ses membres inférieurs étaient faibles et douloureux. Il a expliqué qu’elle avait donc besoin d’aide pour se déplacer, cuisiner et faire le ménageNote de bas page 10.

[24] En novembre 2019, l’appelante a dû se procurer une orthèse comme son pied droit continuait à se déformer de plus en plus. Le rapport fait état d’éléphantiasis du membre inférieur droit, d’une douleur au pied droit et d’un mouvement considérablement restreint de l’articulation de la cheville droite. Le diagnostic : contracture, déformation croissante de la cheville et du pied droits, et paralysie.Note de bas page 11

[25] En octobre 2020, l’appelante a appris qu’il lui faudrait une attelle de jambe sur mesure pour soutenir les articulations de son genou et de sa cheville, atténuer sa douleur et améliorer ses mouvements et sa mobilitéNote de bas page 12.

[26] La preuve médicale soutient que les limitations physiques liées aux problèmes touchant le bas du dos et les membres inférieurs de l'appelante, en particulier le bas de sa jambe et son pied droits, limitent sa capacité à travailler et à prendre soin d’elle-même. Les limitations physiques de l’appelante ont une incidence sur sa capacité à vivre de façon autonome ainsi que sur la nature et le volume de travail qu’elle peut accomplir.

[27] Je vais maintenant vérifier si l’appelante a suivi les conseils médicaux.

L’appelante a suivi les conseils médicaux

[28] Pour recevoir une pension d’invalidité, une personne doit suivre les traitements recommandésNote de bas page 13. Si les conseils des médecins ne sont pas suivis, une explication raisonnable doit être fournie. Je dois aussi examiner les effets potentiels de ces conseils sur l’invalidité de la personneNote de bas page 14. L’appelante a ici suivi les conseils médicauxNote de bas page 15.

[29] L’appelante a subi trois interventions chirurgicales pour tenter d’atténuer sa douleur et d'améliorer sa mobilité. Elle a dit que son chiropraticien avait laissé entendre qu’elle pourrait avoir besoin d’une autre opération.

[30] L’appelante continue de voir un chiropraticien et un physiothérapeute tous les mois. Elle se soumet à l'ensemble de la réadaptation recommandée. Deux fois par semaine, elle fait de la physiothérapie dans une unité spéciale de réadaptation neurologique. Elle fait des exercices à la maison pour stimuler ses nerfs.

[31] Je dois maintenant décider si l’appelante est régulièrement capable d’effectuer d’autres types de travail. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement la rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas page 16.

L’appelante est incapable de travailler dans un contexte réaliste

[32] L’appelante fait un certain travail et gagne un salaire véritablement rémunérateur. Cependant, cette situation est seulement possible grâce à l’aide considérable de ses collègues, et grâce à un employeur bienveillant. Je suis convaincue que l’employeur de l’appelante accepte qu’elle ne puisse pas travailler à un niveau concurrentiel. L’employeur a modifié ses conditions de travail et continue de réduire ses attentes envers l'appelante à mesure que son état se détérioreNote de bas page 17.

[33] L’appelante estime que son travail représente maintenant 50 % de sa charge d’autrefois. Ses témoins jugent toutefois que sa charge est bien moindre. Je suis d’accord.

[34] Avant juillet 2018, l’appelante enseignait huit cours par semaine et un cours pour adolescents. Chaque été, elle mettait au point et publiait elle-même le nouveau programme de l’année. Elle dirigeait l’équipe et supervisait les bénévoles tous les joursNote de bas page 18. Elle était pasteure dans la communauté et dirigeait l’église communautaire. L’appelante a dit que ce travail nécessitait alors au moins 60 heures par semaine.

[35] L’appelante a décrit sa semaine de travail modifiée de cinq jours. Elle passe une journée à la maison pour préparer le reste de sa semaine. Le lendemain, elle enseigne des cours le matin et le soir. Les deux jours suivants, elle se rend d’abord à une clinique de neurologie spéciale pour suivre un traitement. Elle aide ensuite à donner un cours ou assiste à une réunion de fin de journée. Pour son dernier jour de travail, elle passe un peu de temps à l’église principale ou rencontre des étudiants de l’universitéNote de bas page 19.

[36] L’appelante a dit qu’elle a besoin de pauses de plus en plus longues. Elle dort chaque après-midi. Ses week-ends sont tranquilles. Elle a davantage besoin de repos. Elle essaie de gérer son temps différemment et conserve de l’énergie pour son imagination. Par exemple, le personnel avait passé l’été dernier à écrire une pièce. Le simple fait d’écrire est maintenant trop fatigant pour elle. Elle était cependant capable de leur donner des idées.

[37] L’appelante a toujours été responsable de la rédaction et de la publication du programme d’études de l’école. C’est ce qu’elle faisait durant l’été, quand l’école était fermée. Cette année, elle n’avait pas l’énergie nécessaire pour cette tâche. L’école a dû acheter un programme d’études pour la première foisNote de bas page 20.

[38] L’appelante fait maintenant son travail de pastorale depuis son appartement. Une ou deux fois par semaine, elle reçoit des visiteurs pour partager un café ou un souper ou discuter. Elle garde contact avec sa communauté en utilisant la messagerie texte.

[39] J’ai tenu compte du témoignage de sa collègue, qui rapporte que l’appelante est capable mentalement, et qu’elle une enseignante et une cheffe spirituelle d’exceptionNote de bas page 21. Elle a cependant un problème de santé physique invalidant. Elle est incapable de faire quoi que ce soit sans aide. Elle ne peut pas enseigner sans l’aide d’un bénévole ou d’un autre enseignant de l’école.

[40] J’estime que l’appelante est capable d’assumer son rôle professionnel seulement parce qu’elle bénéficie d’un soutien physique constant de la part de la communauté dans laquelle elle vit et travaille. Elle peut faire des pauses, se reposer, travailler à son propre rythme et alléger sa charge de travail. Même si ce soutien atténue les obstacles importants que posent ses limitations physiques, ses capacités demeurent considérablement réduites. De plus, le soutien nécessaire à ses besoins continue de s’accroître à mesure que son état se détériore.

[41] La capacité de travail de l’appelante est également rendue possible en partie à cause de ses conditions de logement uniques. Elle vit et travaille dans le même immeuble que des collègues qui l’aident. Ses déplacements pour le travail sont longs et difficiles, et elle n’y parvient qu’en étant aidée à chaque étapeNote de bas page 22.

L’appelante a un employeur bienveillant

[42] L’appelante a un employeur bienveillant.

[43] Pour être graves, les limitations fonctionnelles de l’appelante doivent l’empêcher régulièrement d’exercer une occupation véritablement rémunératrice, et pas seulement son emploi habituelNote de bas page 23. Selon le RPC, une occupation véritablement rémunératrice est une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur au montant annuel maximal qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invaliditéNote de bas page 24. Pour 2022, ce montant est d’environ 17 600 $Note de bas page 25.

[44] L’appelante gagne davantage. Sa rémunération a régulièrement dépassé le maximum du RPC, avec de légères augmentations chaque année. Son T4 pour 2020 indique un revenu d’emploi de 30 300 $Note de bas page 26. Le deuxième témoin de l’appelante a déclaré que cela comprend l’avantage fiscal du logement fourni par l’employeur.

[45] Le deuxième témoin de l’appelante était un ancien membre du conseil d’administration canadien de l’organisme pour lequel elle travaille. Il a affirmé que l’organisme sera incapable de maintenir à long terme les ressources de soutien nécessaires à l’appelante. Cette situation n’est pas une viable et a un coût sur la productivité globale de la mission. D’autres enseignants, particulièrement la cofondatrice et colocataire de l’appelante, négligent leurs fonctions pour aider l’appelante à s'occuper de ses soins personnels et de ses activités professionnelles. Parallèlement, leur charge de travail s’est alourdie du fait qu’ils assument des tâches qui relevaient autrefois de l’appelante.

[46] L’appelante est handicapée au point où l’organisme de bienfaisance a récemment créé un poste à temps plein d’un an, pour une réfugiée. Elle vit sur place, reçoit un salaire décent et apprend de nouvelles compétences. Elle a le rôle de préposée aux services de soutien de l’appelante.

[47] L’ancien membre du conseil d’administration a déclaré que le salaire de l’appelante n’avait pas été réduit puisque l’organisation chrétienne, à ce titre, se sent moralement responsable de continuer à la payer. L’organisme veut la soutenir au-delà de ce que les lois canadiennes exigent. Il a expliqué que le ministère n’avait pas revu son salaire à la suite des changements à sa charge de travail parce qu’il n’était déjà pas bien élevé. Le ministère est reconnaissant pour toutes ses années de service. Il était donc prêt à lui fournir ce soutien, dans ce moment critique. À ses yeux, c’était un petit geste de bienveillance au regard de ses années de dévouementNote de bas page 27.

[48] Ce n’est toutefois pas la seule raison pour laquelle la mission continue de payer l’appelante. L’appelante et la cofondatrice sont [traduction] « le visage de l’organismeNote de bas page 28 ». En Pologne, l’appelante est reconnue comme la directrice polonaise. L’ancien membre du conseil d’administration a affirmé que l’organisme souhaitait qu’elle continue d’assumer son rôle de fondatrice. Il a dit qu’elle fait partie intégrante de l’organisme et fait partie de son ADNNote de bas page 29. Le maintien de la relation de l’appelante avec l’organisme est important, car les donateurs connaissent cette relation, lui font confiance et comptent sur elle. Sa relation avec les églises dure depuis des décennies; c’est une relation d’amitiéNote de bas page 30.

[49] Le ministre a dit que l’employeur de l’appelante avait choisi de s’adapter à ses limitations parce qu’elle était une employée estimée. Je suis convaincue que les mesures d’adaptation et les modifications aux conditions de travail agréées par l’employeur surpassent largement celles qu’exige un marché du travail concurrentiel. Je suis convaincue que l’employeur accepte que l’appelante est incapable de travailler à un niveau concurrentiel. Cela dit, je crois que le maintien d'une relation très visible avec l’appelante a une réelle valeur pour l'organisme. Cependant, le fait que l’organisme tire cet avantage du maintien de cette relation ne doit pas être confondu avec la valeur de l’appelante dans un milieu de travail concurrentiel. Cette valeur n'existe que pour cet organisme précis.

[50] L’appelante a 60 ans et est atteinte d’une invalidité physique grave. Elle a une certaine capacité de travail, mais seulement grâce à son employeur. On ne pourrait s’attendre à ce qu’elle bénéficie de mesures d’adaptation analogues ailleurs, dans un milieu de travail concurrentiel. La communauté religieuse dans laquelle elle vit et travaille lui offre de l’aide dans presque tous les aspects de sa vie personnelle et professionnelle.

[51] Je conclus que l’invalidité de l’appelante est devenue grave en juillet 2018, à la suite de son opération.

L’invalidité de l’appelante est-elle prolongée?

[52] L’invalidité de l’appelante est prolongée. Les déficiences de l’appelante sont présentes depuis longtemps et se détériorent malgré trois interventions chirurgicales. Elle n’est pas capable de travailler dans un contexte réaliste depuis juillet 2018. Ses problèmes de santé perdurent depuis cette date, et il est plus que probable qu’ils dureront indéfiniment.

[53] Le ministre a déclaré que l’appelante devait encore subir une autre opération au dos qui pourrait diminuer ses douleurs et améliorer son équilibre et sa stabilité. L’appelante a subi sa troisième opération de décompression lombaire en juin 2021Note de bas page 31. L’appelante a affirmé que son niveau de douleur avait considérablement diminué depuis cette opération et qu’elle pouvait maintenant s’asseoir plus droit dans sa chaise. Cependant, elle a dit que son invalidité devient de plus en plus chronique avec le temps. Elle dit qu’elle continue de ralentir et qu'elle a l’impression de rétrécir d'un point de vue fonctionnel.

[54] Il n’y a pas d’autre preuve médicale que les notes de son congé suivant cette opération. J’accorde toutefois de l’importance aux opinions formulées par deux chirurgiens qui avaient évalué l’appelante précédemment.

[55] En 2019, le docteur Alant, neurochirurgien, a déclaré que les résultats des opérations de 2016 et de 2018 étaient restreints et temporaires, et que l’état de santé de l’appelante s’était détérioréNote de bas page 32.

[56] En mars 2021, lors d’une consultation neurologique précédant sa troisième opération, le neurochirurgien a noté que l’appelante dépendait d’un fauteuil roulant et présentait une paralysie partielle ou totale des deux membres inférieurs, plus intense du côté droit. Selon lui, même si l’appelante remplissait les conditions requises pour subir une troisième opération de décompression, ses symptômes neurologiques pouvaient être permanents compte tenu du temps qui avait passéNote de bas page 33.

[57] Je conclus que l’appelante a une invalidité prolongée depuis sa deuxième intervention chirurgicale, en juillet 2018.

Début du versement de la pension

[58] L’invalidité de l’appelante est devenue grave et prolongée en juillet 2018. Un délai de quatre mois doit être observé avant le versement des prestationsNote de bas page 34. Sa pension est donc versée à partir de novembre 2018.

Conclusion

[59] Je conclus que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité du RPC parce qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Par conséquent, l’appel est accueilli.

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