Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : ND c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 107

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : N. D.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 3 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jackie Laidlaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 17 janvier 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
M. D., témoin
D. D., témoin
Date de la décision : Le 26 janvier 2023
Numéro de dossier : GP-22-484

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, N. D., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante est atteinte d’une maladie grave, une hypertension pulmonaire sévère. Elle a ressenti des symptômes en 2003 alors qu’elle était congé de maternité. Elle est retournée au travail en 2004 et on lui a diagnostiqué une hypertension pulmonaire. Elle a commencé des traitements et a continué à travailler pendant cinq ans. En 2009, elle a été mise à pied en raison d’une réduction des effectifs. Elle a alors choisi de rester à la maison pour s’occuper de sa fille. Elle prévoyait de retourner au travail lorsque sa fille aurait atteint l’âge 16 ans. Cependant, sa maladie s’est entretemps transformée en hypertension pulmonaire primitive et elle ne peut plus travailler.

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du Régime le 8 juillet 2021. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Le ministre affirme que l’état de santé de l’appelante ne nuisait pas de façon importante à son fonctionnement au 31 décembre 2011, date à laquelle elle a rempli pour la dernière fois les exigences de cotisation pour une pension d’invalidité du Régime. Elle est retournée au travail après son congé de maternité et a commencé une thérapie. Elle a cessé de travailler parce qu’elle a été mise à pied et non pour des raisons médicales.

Ce que l’appelant doit prouver

[6] Pour avoir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2011. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’elle a versées au Régime de pensions du CanadaNote de bas page 1.

[7] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[8] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 2.

[9] Ainsi, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelante pour voir quel effet ils ont sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de sa situation, y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Ces éléments me permettent de voir de façon réaliste si son invalidité est grave. Si l’appelante est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[10] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas page 3.

[11] Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que l’appelante se rétablisse à une certaine date, mais plutôt à ce que son invalidité la tienne à l’écart du marché du travail pendant très longtemps.

[12] L’appelante doit prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée en décembre 2011. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était invalide à cette date.

Motifs de ma décision

[13] Je reconnais que l’appelante est atteinte d’une hypertension pulmonaire primitive. J’admets également que sa maladie s’est aggravée au cours des dernières années, ce qui la rend incapable de travailler à l’heure actuelle. Malheureusement, j’estime que même si elle était atteinte de cette maladie en 2011, cela ne l’empêchait pas de détenir une occupation véritablement rémunératrice au 31 décembre 2011.

[14] Voici les motifs de ma décision.

L’invalidité de l’appelante était-elle grave au 31 décembre 2011?

[15] L’invalidité de l’appelante n’était pas grave. Je tire cette conclusion après avoir examiné plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante ne nuisaient pas à sa capacité de travailler

[16] L’appelante est atteinte d’une hypertension pulmonaire primitive.

[17] Je ne peux cependant pas m’arrêter à son diagnosticNote de bas page 4. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas page 5.

[18] Je conclus que l’appelante n’avait pas de limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler au 31 décembre 2011.

Ce que l’appelante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelante affirme qu’elle a des limitations fonctionnelles découlant de sa maladie qui nuisent à sa capacité de travailler depuis qu’elle a cessé de travailler. Elle dit que les médicaments lui causent des effets secondaires, comme des douleurs et des nausées occasionnelles. L’appelante ne se plaint pas beaucoup. Elle ne peut pas gravir des collines ou faire autant de choses qu’avant sa maladie. Elle dit qu’elle n’aurait pas été mère au foyer si elle n’avait pas été malade. Elle aurait fait appel à ses parents ou à une garderie pour s’occuper de sa fille pendant qu’elle travaillait.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[20] L’appelante doit fournir des éléments de preuve médicale attestant que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au 31 décembre 2011Note de bas page 6.

[21] En 2013, la Dre Swiston, pneumologue, a noté que l’appelante estimait qu’elle pouvait mener ses activités quotidiennes de façon indépendante. Elle était stable sous traitement au bosentan (Tracleer) depuis 2004Note de bas page 7. En 2018, la Dre Swiston a déclaré que l’appelante prenait du bosentan depuis 2004 et du tadalafil depuis 2013 et qu’elle s’en sortait bien. Dans l’ensemble, elle se portait bienNote de bas page 8. L’appelante a affirmé qu’elle répondait bien au bosentan. Elle se sentait mieux et était capable de fonctionner. Le bosentan a cessé d’être efficace vers 2013 et on lui a prescrit du tadalafil.

[22] En 2019, l’appelante a commencé à prendre du selexipag en plus du bosentan et du tadalafil. En outre, on a relevé des signes montrant qu’elle aurait éventuellement besoin d’une greffe pulmonaireNote de bas page 9. Sa maladie avait commencé à évoluer de manière significative vers la dyspnée, soit une difficulté à respirerNote de bas page 10. L’appelante et son mari ont également déclaré que c’est à ce moment-là que son état de santé s’est dégradé. Le selexipag lui a causé des effets secondaires néfastes. Son état s’est encore détérioré lors d’un traitement intraveineux en 2021.

[23] En 2021, l’infirmière praticienne de la Dre Swiston, Lisa Lee, a noté que l’appelante avait des limitations fonctionnelles causées par la dyspnée et une présyncope à l’effort. Elle était incapable de soulever, de porter, de pousser ou de tirer des objets. Le 7 juin 2021, Lisa Lee a recommandé à l’appelante de cesser de travailler et a souligné qu’on ne savait pas si elle pourrait retourner travaillerNote de bas page 11. Depuis, on surveille son état de santé pour voir si elle a besoin d’une greffe pulmonaire ou cardiaque.

[24] Dans son avis d’appel, l’appelante a indiqué que son état de santé a commencé à se détériorer en 2018, puis de nouveau en 2020Note de bas page 12. Lors de l’audience, elle a déclaré qu’elle estimait ne plus pouvoir travailler depuis 2017. Elle a également dit qu’elle avait toujours pensé qu’elle retournerait travailler, mais qu’après le traitement au selexipag et le traitement intraveineux, elle avait le sentiment que cela n’arriverait pas.

[25] La preuve médicale montre que l’appelante fonctionnait bien jusqu’en 2019. J’accepte son témoignage selon lequel c’est en 2017 ou en 2018 qu’elle a senti son état de santé se dégrader. Lorsqu’elle a commencé à prendre du selexipag en 2019, son état s’est encore détérioré. Dans son avis d’appel, l’appelante a écrit qu’elle était prête à retourner au travail en 2018, puis son état de santé s’était dégradé. Toutes ces dates dépassent de loin le 31 décembre 2011.

[26] La preuve médicale ne démontre pas que l’appelante avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler au 31 décembre 2011.

L’appelante pouvait travailler dans un contexte réaliste au 31 décembre 2011

[27] Pour décider si l’appelante était capable de travailler, je ne peux pas me contenter d’examiner sa maladie et ses effets sur ce qu’elle peut faire. Je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau d’instruction;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[28] Ces éléments m’aident à décider si l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste, c’est-à-dire s’il est réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas page 13.

[29] L’appelante avait 43 ans à la fin de sa période minimale d’admissibilité. Elle parle couramment l’anglais. Elle a un diplôme d’études secondaires et a suivi des cours de technicienne de laboratoire dentaire. Elle a travaillé comme assistante technicienne de laboratoire dentaire pendant 23,5 ans. Son âge, ses aptitudes linguistiques et ses études ne l’empêcheraient pas de travailler ou de trouver un emploi convenable. Elle n’est pas allée à l’université pour devenir technicienne de laboratoire dentaire, mais elle a plutôt appris son métier sur le tas et a suivi des cours au fil des ans tout en travaillant. J’estime que cette expérience professionnelle et personnelle d’« apprentissage sur le tas » serait un atout précieux pour trouver un autre emploi.

[30] Je conclus que l’appelante pouvait travailler dans un contexte réaliste.

[31] Si l’appelante pouvait travailler dans un contexte réaliste, elle doit démontrer qu’elle a essayé de trouver et de conserver un emploi. Elle doit aussi démontrer que ses efforts ont échoué en raison de ses problèmes de santéNote de bas page 14. Une personne fait des efforts pour trouver et garder un emploi si, par exemple, elle suit une nouvelle formation ou cherche un emploi adapté à ses limitations fonctionnellesNote de bas page 15.

L’appelante travaillait comme mère au foyer

[32] Après sa mise à pied, l’appelante et son mari ont décidé que ce serait le bon moment pour elle de rester à la maison et de s’occuper de leur jeune fille.

[33] L’appelante a déclaré que sa maladie mentale était épuisante et qu’elle était soulagée lorsqu’elle a été mise à pied de pouvoir rester à la maison avec sa fille. Son mari a affirmé qu’étant donné qu’ils vivent dans une région rurale, ils avaient parlé du fait qu’elle resterait à la maison jusqu’à ce que leur fille soit indépendante et qu’elle ait son propre permis de conduire. Il avait toujours été prévu que l’appelante retourne au travail une fois que ce serait le cas.

[34] L’appelante et sa fille ont toutes deux déclaré qu’elle faisait un excellent travail en tant que mère. Sa fille a dit que la seule chose qu’elle avait du mal à faire était de participer aux sorties scolaires parce qu’elle ne pouvait pas gravir des collines à cause de ses essoufflements.

[35] L’appelante a dit qu’au cours des premières années, elle s’est acquittée de ses tâches quotidiennes, en gérant la maison et en s’occupant de sa fille. Elle travaillait à l’époque. Elle a déclaré que ce n’est que beaucoup plus tard, peut-être lorsque sa fille a eu huit ans, que son état a commencé à s’aggraver. Elle a ajouté qu’elle consultait alors ses médecins tous les trois mois pour surveiller son état de santé et modifier ses médicaments.

[36] Bien que l’appelante ait déclaré que son état de santé s’était aggravé vers 2011, la preuve médicale montre que cela s’est produit plus près de 2013. La Dre Swiston a commencé à lui prescrire du Tadalafil en 2013Note de bas page 16. Je trouve peu probable que la médecin ait attendu deux ans avant de modifier les médicaments de l’appelante si son état de santé a commencé à s’aggraver en 2011. La Dre Swiston a noté en 2013 qu’elle avait vu l’appelante pour la dernière fois en 2008Note de bas page 17. L’appelante a également commencé à voir l’infirmière praticienne de la Dre Swiston, Lisa Lee, en avril 2013. Par conséquent, je juge qu’il est plus que probable que son état de santé a changé en 2013 après la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[37] L’appelante a noté qu’elle avait tellement de rendez-vous médicaux que cela affectait sa capacité à s’occuper de sa fille. Sa fille a dit la même chose. L’appelante faisait une prise de sang une fois par mois et consultait trois médecins une fois tous les six mois. Au cours des premières années qui ont suivi son diagnostic, elle a consulté plusieurs médecins pour déterminer la maladie dont elle était atteinte et le traitement approprié. Cependant, elle travaillait à l’époque, de sorte que cela n’a pas affecté ses efforts en tant que mère au foyer. Rien ne prouve non plus que ses rendez‑vous ont nui à sa capacité de travailler. En 2011, les renseignements médicaux montrent qu’elle était stable et se portait bien grâce au bosentan depuis 2004. Sa fille avait huit ans et allait à l’école à temps plein en 2011. Pendant que sa fille était à l’école, l’appelante avait le temps d’aller à ses rendez‑vous. Cela ne dénote pas une incapacité substantielle à s’occuper de sa fille.

[38] Même si l’état de santé de l’appelante a commencé à s’aggraver en 2011, aucun élément de preuve médicale ne démontre que cela a affecté ses capacités fonctionnelles. Selon son témoignage et celui de sa fille, elle était capable de fonctionner comme mère au foyer, avec quelques limitations pour ce qui est de gravir des collines.

L’appelante n’a pas essayé de trouver et de conserver un emploi convenable après avoir été mise à pied

[39] L’appelante a déclaré qu’elle était capable de trouver un nouvel emploi lorsqu’elle a été mise à pied. Elle a choisi de rester à la maison.

[40] L’appelante a écrit dans son avis d’appel qu’elle était prête à retourner au travail en 2018, puis que son état de santé s’était détérioréNote de bas page 18.

[41] J’estime d’après son témoignage et ceux de son mari et de sa fille qu’elle était capable de s’acquitter de ses tâches de mère au foyer. Elle avait toujours prévu de retourner au travail, ce qui indique qu’elle se sentait capable de travailler, mais qu’elle a choisi de rester à la maison. Elle a déclaré qu’elle se sentait incapable de retourner au travail en 2017 ou en 2018, soit bien après le 31 décembre 2011.

[42] Après sa mise à pied en 2009, l’appelante était capable de trouver un autre emploi qui lui procurerait un revenu. Elle a plutôt choisi de travailler comme mère au foyer. Elle n’a pas été mise à pied en raison de problèmes de santé. Sa maladie ne l’a pas rendue incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice après 2009 et jusqu’à la fin de 2011.

[43] Par conséquent, je ne peux pas conclure qu’elle avait une invalidité grave au 31 décembre 2011.

Conclusion

[44] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce que son invalidité n’était pas grave. Comme j’ai jugé que son invalidité n’était pas grave, je n’ai pas eu à évaluer si elle était prolongée.

[45] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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