Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : TO c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1095

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-1571

ENTRE :

T. O.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


DÉCISION RENDUE PAR : Raymond Raphael
REQUÉRANTE REPRÉSENTÉE PAR : Navneet Jasmal
DATE DE LA DÉCISION : Le 7 décembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] Le délai d’appel n’est pas prorogé.

Aperçu

[2] La présente affaire concerne un appel tardif devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) de la décision du ministre de refuser un délai supplémentaire à la requérante pour qu’elle présente une demande de révision.

[3] La requérante a fait une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) en septembre 2018Note de bas de page 1. Le ministre a rejeté la demande le 11 janvier 2019Note de bas de page 2. Le ministre a reçu une demande de révision de sa décision de la requérante le 20 décembre 2019, après le délai prescrit de 90 joursNote de bas de page 3. Le 5 février 2020, le ministre a refusé de proroger le délai dont dispose la requérante pour présenter une demande de révisionNote de bas de page 4. La requérante a interjeté appel auprès du Tribunal le 21 octobre 2020Note de bas de page 5, après l’échéance du délai prescrit de 90 joursNote de bas de page 6

Question en litige

[4] Je dois trancher s’il y a lieu de proroger le délai pour que la requérante puisse interjeter appel auprès du Tribunal.

Analyse

[5] La requérante a déposé son appel auprès du Tribunal après le délai prescrit de 90 jours. La décision rendue par le ministre à l’issue de la révision est datée du 5 février 2020. Je présume que la décision du ministre à l’issue de la révision a été envoyée à la requérante par la poste. Le courrier au Canada est généralement reçu dans un délai de 10 jours. J’estime donc que la décision a été communiquée à la requérante au plus tard le 17 février 2020Note de bas de page 7. La requérante avait jusqu’au 18 mai 2020 pour interjeter appel. Cependant, elle n’a déposé son appel que le 21 octobre 2020.

[6] Pour déterminer s’il convient d’accorder un délai supplémentaire pour interjeter appel, j’ai examiné et pondéré les quatre critères énoncés dans l’affaire GattellaroNote de bas de page 8. La considération primordiale est que les intérêts de la justice soient servisNote de bas de page 9.

[7] La requérante a déclaré qu’elle n’avait pas pu présenter son appel au Tribunal dans le délai de 90 jours en raison des mesures liées à la COVID-19 et de son état de santé. Elle a des douleurs chroniques, des maux de tête, des douleurs physiques et des problèmes psychologiquesNote de bas de page 10.

[8] Je considère que la requérante avait l’intention de poursuivre son appel et qu’elle a fourni une explication raisonnable de son retard à le faire. Je suis également convaincu qu’il n’y aurait aucun préjudice pour le ministre si l’affaire était entendue sur le fond.

[9] Toutefois, dans ce cas, j’ai accordé le plus grand poids au fait que la requérante n’a pas de cause défendable.

[10] Déterminer si une cause est défendable n’implique pas de déterminer le bien-fondé de celle-ci. Une cause défendable équivaut à une cause qui a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 11.

[11] La requérante demande une prorogation de délai pour présenter une demande de révision du rejet par le ministre de sa demande de pension d’invalidité du RPC. Pour obtenir gain de cause dans son appel, elle doit établir que le ministre n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire sur le plan judiciaire lorsqu’il a refusé de proroger le délai afin qu’elle présente une demande de révision.

[12] J’ai déterminé que la requérante n’a pas de cause défendable en appel, pour les raisons suivantes.

Pourquoi la requérante n’a-t-elle pas de cause défendable dans le cadre d’un appel?

[13] La décision du ministre de rejeter ou d’accueillir une demande de révision tardive est une décision discrétionnaire. Le ministre doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaireNote de bas de page 12.

[14] Un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de façon judiciaire s’il est démontré que le décideur a :

  • agi de mauvaise foi;
  • agi dans un but ou pour un motif irrégulier,
  • pris en compte un facteur non pertinent,
  • ignoré un facteur pertinent,
  • agi de manière discriminatoireNote de bas de page 13.

[15] Le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer si le ministre a rendu la bonne décision, mais plutôt de déterminer s’il a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. C’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que le ministre n’a pas agi ainsi.

[16] J’ai présumé que la lettre du rejet de la demande a été envoyée par courrier régulier à la requérante. Le courrier au Canada est généralement reçu dans un délai de 10 jours. J’estime donc que la décision issue de la révision a été communiquée à la requérante au plus tard le 21 janvier 2019. Elle avait jusqu’au 22 avril 2019 pour demander une révisionNote de bas de page 14. Le ministre n’a reçu sa demande de révision que le 20 décembre 2019Note de bas de page 15.

[17] Puisque le ministre n’a pas reçu la demande de révision de la requérante avant le 20 décembre 2019, il ne peut accorder une prorogation de la période pour demander une révision que s’il est convaincu de ce qui suit : 1) la raison pour demander une prorogation est raisonnable; 20) la requérante a manifesté l’intention constante de demander une révisionNote de bas de page 16.

[18] Les deux facteurs doivent être satisfaitsNote de bas de page 17.

[19] Dans sa décision de refuser une prorogation de la période de révisionNote de bas de page 18, le ministre a pris les deux facteurs en compte.

[20] La lettre datée du 11 janvier 2019 rejetant la demande de pension d’invalidité de la requérante a informé celle-ci de ce qu’elle doit faire si elle n’est pas d’accord avec la décision : elle doit écrire au ministre pour lui demander de réviser la décision dans les 90 jours suivant la réception de la lettreNote de bas de page 19.

[21] Le ministre a conclu que la requérante n’a pas fourni une explication raisonnable pour expliquer le retard. Le 13 novembre 2019, puis le 13 décembre 2019, la ministre a écrit à la requérante et à sa représentante. La ministre a demandé des informations, y compris une explication du retard dans la demande de révision et sur la façon dont la requérante a tenu Service Canada informé de son intention de faire cette demandeNote de bas de page 20. Le ministre a écrit ces lettres après avoir reçu celles de la représentante de la requérante datées des 23 et 24 octobre 2019, où elle demandait une copie du dossier de demande de prestations d’invalidité du RPC de la requérante et de l’état de ses cotisationsNote de bas de page 21. La requérante n’a pas répondu. Elle n’a fourni aucune explication pour son long retard à demander une révision. Considérant que la requérante n’a fourni aucune explication pour le retard, il était raisonnable que le ministre conclue qu’elle n’avait pas donné d’explication raisonnable pour le retard.

[22] Le ministre a également conclu que la requérante n’avait pas manifesté une intention constante de demander une révision. Le premier contact de la requérante avec Service Canada après la lettre de refus du 11 janvier 2019 a été la correspondance des 23 et 24 octobre 2019 de sa représentante. Compte tenu du délai de huit mois entre la décision et la demande de documents, la conclusion du ministre selon laquelle la requérante n’avait pas manifesté l’intention constante de demander une révision était raisonnable.

[23] Il n’y a aucune preuve que le ministre a agi de mauvaise foi ou avec un but ou un motif inapproprié. Il n’y a aucune preuve que le ministre a pris en considération des éléments de preuve non pertinents.

[24] J’estime que la requérante n’a pas de chance raisonnable de défendre avec succès l’argument selon lequel le ministre n’aurait pas agi de manière judiciaire.

Conclusion

[25] La requérante a manifesté une intention constante de poursuivre l’appel, a fourni une explication raisonnable du retard, et il ne semble pas que le ministre serait lésé si une prorogation de délai était accordée. Ces facteurs favorisent l’octroi d’une prorogation du délai pour déposer l’avis d’appel.

[26] Cependant, il n’y a pas de cause défendable devant le Tribunal. Ce facteur prime les autres facteurs, car il n’y a pas lieu d’accorder une prorogation du délai pour faire appel lorsqu’il n’y a aucune chance raisonnable de succès. Accorder une prorogation de délai pour un appel qui est voué à l’échec n’est pas dans l’intérêt de la justice.

[27] Je refuse de proroger le délai prévu pour l’appel.

[28] Ma décision porte uniquement sur la question de savoir si la requérante a une chance raisonnable de faire valoir avec succès que le ministre n’a pas agi de manière judiciaire lorsqu’il a décidé qu’il ne devait pas proroger le délai imparti à la requérante pour demander une révision. Elle ne tranche pas la question de savoir si la requérante est en mesure de remplir les conditions requises pour bénéficier de la pension d’invalidité du RPC. La requérante peut décider de présenter une nouvelle demande de pension d’invalidité du RPC.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.