Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : BK c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2017 TSSDGSR 219

Numéro de dossier du Tribunal : GP-16-1756

ENTRE :

B. K.

Appelant

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale — Section de la sécurité du revenu


DÉCISION PAR :   

George Tsakalis

DATE DE L’AUDIENCE :   

Le 22 septembre et le 23 novembre 2017

DATE DE LA DÉCISION :   

Le 27 décembre 2017

Sur cette page

Motifs et décision

Aperçu

[1] Le 16 juin 2015, l’intimé a reçu la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelant. L’appelant a affirmé qu’il était invalide en raison d’une dépression. L’intimé a rejeté la demande une première fois et après révision. L’appelant a porté la décision découlant de la révision en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Pour avoir droit à une pension d’invalidité du RPC, l’appelant doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, l’appelant doit être déclaré invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations que l’appelant a versées au RPC. Le Tribunal conclut que la PMA de l’appelant a pris fin le 31 décembre 2013.

[3] L’appel a été instruit par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • Les questions en litige ne sont pas complexes.
  • Il y a des lacunes dans les renseignements au dossier ou bien il faut clarifier quelque chose.
  • Cette façon de procéder respecte l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale de procéder de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

[4] Les personnes suivantes ont assisté à l’audience : B. K., l’appelant; C. T., conjointe de fait de l’appelant.

[5] Le Tribunal a décidé que l’appelant n’a pas droit à une pension d’invalidité du RPC pour les raisons énoncées ci-dessous.

Questions préliminaires

[6] L’audience par téléconférence devait avoir lieu le 12 septembre 2017. Toutefois, l’audience n’a pas eu lieu en raison de problèmes technologiques. L’audience a finalement eu lieu par téléconférence le 23 novembre 2017.

La preuve

Âge, études et expérience de travail

[7] L’appelant est né en 1973. L’appelant a déclaré dans son questionnaire pour les prestations d’invalidité qu’il n’a pas poursuivi ses études après la 10e année. Il a suivi un cours de soudeur-opérateur dans un collège communautaire pendant un an. La dernière fois qu’il a travaillé c’était en octobre 2009 comme soudeur-opérateur. Il a déclaré dans le questionnaire pour les prestations d’invalidité qu’il avait été mis à pied en raison d’un manque de travail.

[8] L’appelant a déclaré qu’il a travaillé à temps plein de 1991 à 2009. Il a été mis à pied en octobre 2009 pour des raisons non médicales. Il a cherché du travail de soudeur après sa mise à pied. Il n’était pas certain du moment où il a cessé de chercher activement du travail. Il a déclaré avoir obtenu un permis de chauffeur de camion, mais il n’a jamais travaillé dans ce domaine. Il n’a pas renouvelé son permis de chauffeur de camion en 2016 parce qu’il n’avait pas les moyens de payer les frais.

Problème de santé et traitement

[9] Le Dr R. Galliver, un médecin de famille, a rédigé un rapport médical pour Service Canada le 10 juillet 2015. Il a diagnostiqué chez l’appelant une dépression et de l’anxiété. Il a souligné que l’appelant n’avait pas bénéficié de la thérapie. L’appelant prenait de la fluoxétine, du bupropion et de la quétiapine.

[10] Dans un rapport de consultation daté du 28 mai 2012, le Dr R. W. Book, un psychiatre, a déclaré qu’il avait vu l’appelant pour la première fois le 6 mars 2012 pour une dépression. L’appelant était sous Cipralex à ce moment-là. Il travaillait comme soudeur. Le Dr Book a diagnostiqué chez l’appelant un trouble dépressif majeur. Il lui a dit de continuer à prendre ses médicaments. L’appelant n’a pas pris de rendez-vous de suivi avec le Dr Book. Le Dr Book a décidé de fermer son dossier.

[11] L’appelant a déjà demandé des prestations d’invalidité du RPC en 2013. Le Dr M. Raja, un médecin de famille, a rédigé un rapport médical pour Service Canada le 18 mars 2013. Le Dr Raja a diagnostiqué chez l’appelant une dépression grave. Il a souligné que l’appelant avait des antécédents de dépression et il s’est interrogé sur la possibilité d’un trouble de stress post-traumatique. L’appelant avait été victime de violence pendant son enfance. Le Dr Raja a souligné que l’appelant était peu motivé et extrêmement triste. L’appelant a participé à des groupes de soutien pour la dépression. L’appelant prenait du Cipralex et de l’Abilify. Le Dr Raja a dit à l’appelant qu’il ignorait quel était son pronostic.

[12] Dans un rapport de consultation daté du 25 février 2015, la Dre P. Sharma, une psychiatre, a déclaré que l’appelant souffrait de dépression depuis plusieurs années. Il avait déjà consulté un psychiatre par le passé. L’appelant ne prenait pas de médicaments à ce moment-là. Il avait déjà essayé de prendre des antidépresseurs, mais les médicaments n’ont pas fonctionné. Il avait des pensées suicidaires passives. Il avait déjà consulté des psychiatres par le passé. Un conseiller en santé lui avait diagnostiqué un trouble de stress post-traumatique. La Dre Sharma a diagnostiqué chez l’appelant un trouble dépressif majeur et lui a prescrit du Prozac.

[13] L’appelant a suivi des séances de counseling pour la dépression et l’anxiété avec Joanne Martin, une travailleuse sociale. Dans une note datée du 12 mars 2015, Mme Martin a déclaré que l’appelant avait suivi 12 séances de consultation psychologique, dont une thérapie cognitivo-comportementale. Une note de congé également datée du 12 mars 2015 indiquait que l’appelant avait été dirigé vers d’autres services de consultation psychologique en groupe et individuels. Toutefois, l’appelant croyait à ce moment-là que d’autres traitements de ce genre ne seraient pas bénéfiques.

[14] Dans un rapport de consultation du 30 mars 2015, la Dre Sharma a déclaré que l’appelant et elle se rencontraient depuis janvier 2015. L’appelant ne croyait pas que les médicaments et les services de consultation psychologique étaient utiles. Il se sentait découragé, désespéré et impuissant. Il avait des pensées suicidaires tout le temps, mais il ne présentait pas de risques de suicide. L’appelant prenait du Prozac, du Seroquel et du Wellbutrin. La Dre Sharma a déclaré qu’elle a rencontré l’appelant quelques fois de plus, mais qu’elle n’avait pas d’autres traitements à lui proposer. Elle a recommandé que le médecin de famille de l’appelant le dirige vers une clinique de troubles de l’humeur à Hamilton. La Dre Sharma a également déclaré que l’appelant pouvait être dirigé vers un autre psychiatre.

[15] La conjointe de fait de l’appelant a écrit une lettre à Service Canada le 17 mars 2016 pour décrire l’état de santé de l’appelant. Le grand-père de l’appelant est décédé en 2009. L’appelant a été mis à pied plus tard en 2009. Il y a aussi eu des conflits familiaux. Ses prestations d’assurance-emploi ont pris fin en 2011 et sa dépression s’est aggravée cette année-là. En 2011, l’appelant a essayé de suivre des services de consultation psychologique par l’entremise de l’employeur de sa conjointe. L’appelant a assisté à son rendez-vous, mais dans les deux ou trois premières minutes, la conjointe a été appelée au bureau. Le conseiller n’a pas voulu continuer puisque l’appelant avait exprimé des pensées suicidaires. On a conseillé à sa conjointe de l’amener à l’hôpital. L’appelant a communiqué avec son médecin de famille en 2012 pour discuter de sa dépression, de son anxiété et du fait qu’il avait occasionnellement des pensées suicidaires. L’appelant a été dirigé vers un psychiatre. L’appelant a commencé à prendre du Cipralex, de la venlafaxine et de l’Abilify. Cependant, ces médicaments n’ont pas soulagé ses symptômes.

[16] Dans sa correspondance du 17 mars 2016, la conjointe de l’appelant a affirmé qu’il avait vu le Dr Book le 6 mars 2012. Ce rendez-vous a duré seulement 10 minutes. Le père de l’appelant est décédé en mai 2012, mais il n’a pas assisté aux funérailles en raison des conflits familiaux. C’était difficile pour l’appelant. Il est devenu frustré par le fait que ses médicaments n’avaient aucun effet sur son problème de santé, et il a décidé d’arrêter de les prendre en 2013. L’appelant a demandé des prestations d’invalidité du RPC en mars 2013, mais on a refusé sa demande en avril 2014. Il a eu des problèmes d’estomac en 2014. Il a commencé à voir le Dr Wang. Le Dr Wang a effectué des tests et des endoscopies, mais n’a rien trouvé qui laisserait croire que l’appelant pourrait être atteint du syndrome du côlon irritable. On a suggéré qu’un régime sans gluten et sans produits laitiers pourrait améliorer ses symptômes. Cependant, le régime alimentaire proposé était coûteux. Les changements alimentaires n’ont eu aucune incidence sur le problème d’estomac de l’appelant, lequel a continué à nuire à sa santé jusqu’à la date de la lettre. Il a été dirigé vers les Services externes de santé mentale et de toxicomanie en novembre 2014. Son premier rendez-vous a eu lieu le 17 novembre 2014. On lui a dit qu’il s’agissait d’un service de 12 séances. L’appelant se sentait mal à l’aise et il n’avait pas l’impression que ces rendez-vous l’aidaient. Il ne pouvait pas se concentrer pendant ses rendez-vous en raison de la sonnerie du téléphone. Il voulait faire part de ses préoccupations, mais s’inquiétait de la courte durée des traitements. Sa dernière séance a eu lieu le 12 mars 2015.L’appelant a commencé à voir la Dre Sharma toutes les deux semaines à compter du 16 janvier 2015. En mars 2015, il la voyait une fois par mois. L’appelant a continué de voir la Dre Sharma jusqu’en juillet 2015, date à laquelle il a reçu son congé. La Dre Sharma a déclaré qu’elle n’avait plus de traitements à proposer à l’appelant. Il a cessé de prendre ses médicaments en juillet 2015, dont la fluoxétine, la trazodone, la quétiapine et le bupropion. L’appelant a demandé le POSPH, mais sa demande a été rejetée parce que sa conjointe gagnait un revenu trop élevé.

[17] La conjointe de fait de l’appelant a déclaré qu’il n’avait pas initialement cessé de travailler pour des raisons médicales. Cependant, ses problèmes de santé ont empiré à un tel point qu’il y a maintenant des problèmes de motivation, de sommeil, de concentration et de manque d’intérêt. Sa conjointe a convenu qu’un traitement plus poussé aiderait l’appelant à retourner travailler. Toutefois, les traitements que l’appelant a suivis jusqu’à présent n’ont pas été bénéfiques. Pour pouvoir suivre un traitement psychiatrique et des séances de counseling, il avait besoin d’une personne avenante. Malheureusement, il n’avait pas trouvé une telle personne.

[18] L’appelant a envoyé une lettre au Tribunal le 15 mai 2017. Il a déclaré avoir subi une arthroscopie au genou gauche le 19 avril 2017. Il a eu un rendez-vous de suivi avec le Dr Michael Woolfrey, un chirurgien orthopédiste, le 12 juin 2017. L’appelant a également subi une radiographie et une échographie qui ont révélé des symptômes possibles dans sa vésicule biliaire. Il a vu la Dre Schnider, une chirurgienne générale. Un test de dépistage de la vésicule biliaire était prévu pour le 20 juin 2017, et l’appelant devait voir la Dre Schnider le 28 juin 2017 pour examiner les résultats du test. L’appelant a été dirigé vers le Dr Book le 10 avril 2017. Il a reçu une ordonnance de duloxétine le 4 mai 2017. Son prochain rendez-vous avec le Dr Book était prévu pour le 15 juin 2017.

[19] Dans un rapport de consultation du 26 janvier 2017, le Dr Woolfrey a déclaré que l’appelant se plaignait de douleurs au genou gauche depuis environ un an. Le 10 novembre 2016, une imagerie par résonance magnétique a révélé une déchirure méniscale. L’appelant se plaignait également de douleurs au genou droit. Le Dr Woolfrey a assuré l’appelant que cela était probablement attribuable à un stress accru au genou gauche et que cette douleur disparaîtrait probablement lorsque le genou gauche s’améliorerait. L’appelant a subi une chirurgie arthroscopique au genou gauche le 19 avril 2017.

[20] Dans un rapport de consultation daté du 26 juin 2017, le Dr Book a déclaré qu’il avait évalué l’appelant pour la première fois le 10 avril 2017. Il y a eu par la suite deux rendez-vous de suivi avec l’appelant, dont le dernier a eu lieu le 15 juin 2017. Le Dr Book a diagnostiqué chez l’appelant un trouble dépressif majeur et il s’est demandé si sa dépression était résistante au traitement. Il a ajusté ses médicaments, y compris le Cymbalta et le Lithium. Il allait revoir l’appelant en juillet 2017.

[21] La conjointe de l’appelant a déclaré que l’appelant est incapable de travailler. Il était très maussade et frustré. Il a vu un thérapeute familial en 2011, mais on a mis fin au traitement parce qu’il avait des pensées suicidaires. L’appelant a vu le Dr Book en mars 2012. Il avait l’impression que le Dr Book communiquerait avec lui pour un rendez-vous de suivi. Le Dr Book a cessé de le traiter. L’appelant avait des problèmes d’estomac en 2013 et il est devenu frustré. Il a cessé de prendre des médicaments comme le Cipralex, la Venlafaxine et l’Abilify. Il n’avait pas de médecin de famille régulier. Il se rendait à une clinique familiale et voyait un médecin différent chaque fois. Il a été dirigé vers la Dre Sharma et l’a finalement vue en 2015. L’appelant a vu six à huit fois la Dre Sharma de janvier à juillet 2015. La Dre Sharma a indiqué qu’elle ne pouvait pas proposer d’autres traitements à l’appelant. Il a également eu une session de consultation psychologique de 12 semaines dans un hôpital. Il a été dirigé vers d’autres séances de counseling, mais il n’y est pas allé. L’appelant n’a pas reçu de traitement en 2016. Il a recommencé à voir le Dr Book en 2017. Il a également subi une opération au genou le 10 avril 2017.

[22] L’appelant a déclaré avoir reçu un diagnostic de dépression en 2012 et avoir déjà reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT). Il ne se souvenait pas d’avoir suivi des séances de consultation psychologique avant 2011. L’appelant a déclaré qu’il avait des problèmes de dos en 2014 ou en 2015. Il a de la difficulté à soulever des objets en raison de son problème de dos. Il a vu un physiothérapeute, mais il n’a jamais reçu de traitement. On lui a demandé de remplir un questionnaire au bureau du physiothérapeute, mais il est devenu frustré et a décidé de partir. L’appelant a déclaré que ses problèmes d’estomac ont commencé en 2014. Il a fini par subir une coloscopie. Il a eu des problèmes au genou droit parce qu’il utilisait sa jambe droite pour compenser ses problèmes au genou gauche. Les médicaments qu’il prenait n’ont pas soulagé ses douleurs. Il prend actuellement de la quétiapine et du lithium.

Capacité de fonctionner au travail et les activités de la vie quotidienne

[23] L’appelant est né en 1973. Il a déclaré avoir reçu un diagnostic de dépression en janvier 2012 dans son questionnaire pour les prestations d’invalidité, lequel a été estampillé le 16 juin 2015. Il a déclaré que la dépression l’empêchait de travailler. Il manque de motivation et est d’humeur triste. Il se sent irritable et fatigué, il a des troubles de sommeil et de mauvaise concentration. De plus, ses interactions sociales sont limitées. L’appelant a déclaré qu’il pouvait tout au plus rester debout pendant 20 minutes et rester assis pendant 45 minutes. Il a déclaré que le bruit prolongé augmente son agitation et nuit à sa concentration. Il estimait ne plus pouvoir travailler à compter de janvier 2012.

[24] Dans le questionnaire qu’il a rempli à la suite de sa demande de prestations d’invalidité du RPC en 2013, l’appelant a mentionné une concentration réduite, une anxiété accrue, une socialisation réduite, des sautes d’humeur, un sommeil agité et de la fatigue. Toutefois, il n’a mentionné aucune difficulté à s’asseoir, à se tenir debout, à marcher, à soulever des objets, à faire l’entretien ménager ou à conduire.

[25] L’appelant a déclaré qu’il avait une mauvaise concentration en raison de sa dépression et de son sommeil agité. Il n’a signalé aucune difficulté à conduire. Il a déclaré qu’il pouvait marcher pendant 20 à 30 minutes. Il peut toujours se doucher et se laver sans aide. Lorsqu’il était en bonne santé, il faisait 50 pour cent des tâches ménagères, mais depuis la fin de sa PMA il ne peut faire que 10 à 25 pour cent. Il faisait les travaux d’entretien dehors, mais ce pourcentage est tombé à 25 % à la fin de sa PMA. L’appelant a déclaré qu’il n’est pas motivé en raison de sa dépression. Ses douleurs au genou gauche ont empiré en 2015 et il a subi une intervention chirurgicale en 2017. L’appelant a déclaré que sa santé s’est détériorée depuis la fin de sa PMA. Il ne croyait pas être capable de faire un travail quelconque en 2013. Il a déclaré que ses symptômes étaient variables. Il n’a pas suivi de formation professionnelle depuis 2009. Il n’a pas fait de bénévolat depuis 2009. Il ne veut pas interagir avec les gens. Il ne fait pas l’épicerie, ne socialise pas, ne voyage pas et n’utilise pas d’ordinateur. Il a déclaré qu’il ne pouvait dormir que trois à quatre heures par nuit s’il prend des médicaments.

Observations

[26] L’appelant a fait valoir qu’il a droit à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Il n’a pas été en mesure de travailler en raison de sa dépression.
  2. b) Le fait qu’il ne cherchait pas activement un traitement ne signifie pas qu’il n’a pas une invalidité grave au sens du RPC.

[27] L’intimé a fait valoir par écrit que l’appelant n’a pas droit à une pension d’invalidité pour la raison suivante :

  1. a) La preuve ne démontre pas qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC.

Analyse

Critère de la pension d’invalidité

[28] L’appelant doit prouver selon la prépondérance des probabilités (il est plus probable qu’improbable) qu’il était invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de la PMA.

[29] L’article 44(1)(b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour avoir droit à la pension d’invalidité, une personne doit répondre aux critères suivants :

  1. a) elle a moins de 65 ans;
  2. b) elle ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) elle est invalide;
  4. d) elle a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[30] L’article 42(2)(a) du RPC définit l’invalidité comme une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongée. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décès.

Grave

[31] Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas réussi à prouver selon la prépondérance des probabilités qu’il était atteint d’une invalidité grave au sens du RPC au plus tard à la fin de sa PMA, soit le 31 décembre 2013.

[32] Le critère de gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c Canada [Procureur général], 2001 CAF 248). Ainsi, pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie. Cela ne veut pas dire que toute personne ayant un problème de santé a droit à des prestations d’invalidité. L’appelant doit démontrer selon la prépondérance des probabilités qu’il était atteint d’une invalidité qui le rendait régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au plus tard le 31 décembre 2013. L’appelant n’a pas démontré qu’il avait une telle invalidité.

[33] Dans l’affaire Warren c (Procureur général) Canada, 2008 CAF 377, la Cour d’appel fédérale a confirmé que le Tribunal exige une preuve médicale objective de l’invalidité d’une partie requérante. Il est d’ailleurs bien établi que la partie requérante doit fournir une preuve médicale objective pour appuyer une conclusion d’invalidité grave au titre du RPC.

[34] Après avoir examiné la preuve médicale fournie, le Tribunal ne trouve aucune preuve qui permettrait de conclure à l’existence d’une invalidité grave au sens du RPC. Le Dr Book a diagnostiqué chez l’appelant un trouble dépressif majeur dans son rapport du 28 mai 2012. Toutefois, le Dr Book n’a fait aucun commentaire sur les limitations fonctionnelles liées au travail. Le Dr Raja a diagnostiqué chez l’appelant une dépression grave dans son rapport médical pour Service Canada, daté du 18 mars 2013. Le Dr Raja a souligné que l’appelant était peu motivé et d’humeur extrêmement triste. Toutefois, le Dr Raja ne s’est pas prononcé sur l’employabilité de l’appelant. Le Tribunal fait remarquer que la majeure partie de la preuve médicale en l’espèce se rapporte à une période postérieure à sa PMA. L’appelant a déclaré que ses douleurs au dos et aux genoux ont empiré après la PMA. Il a également subi une coloscopie en 2014 après sa PMA.

[35] Pour tirer sa conclusion que l’appelant n’avait pas une invalidité grave au sens du RPC, le Tribunal ne s’est pas appuyé uniquement sur la preuve médicale, mais aussi sur l’audience et la preuve documentaire. L’appelant a fait référence à des problèmes de santé mentale et à la fatigue dans son questionnaire pour les prestations d’invalidité dans le cadre de sa demande de prestations d’invalidité de 2013. Toutefois, il n’a mentionné aucune difficulté à s’asseoir, à se tenir debout, à marcher, à soulever des objets, à faire l’entretien ménager ou à conduire. L’appelant n’a pas non plus fait référence à des problèmes de conduite dans le questionnaire qu’il a rempli dans le cadre du présent appel. Lors de l’audience, il a indiqué qu’il n’avait aucune restriction quant à la conduite.

[36] Le Tribunal conclut que la preuve n’appuie pas la conclusion selon laquelle l’appelant n’était pas en mesure de retourner travailler dans son ancienne profession de soudeur en 2013. Dans le questionnaire qu’il a rempli à la suite de sa demande de 2013, l’appelant a fait référence à une perte de concentration et à une humeur triste, mais il n’y avait aucune preuve médicale objective pour appuyer l’affirmation selon laquelle il ne pouvait pas travailler comme soudeur. L’appelant n’a pas perdu son poste de soudeur en raison d’un manque de travail ni en raison de son état de santé. Même si le Tribunal avait conclu qu’il ne pouvait pas reprendre son ancien emploi de soudeur, l’appel de l’appelant serait tout de même rejeté parce que la détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité d’une personne à exercer son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité à exercer tout emploi, c’est-à-dire toute occupation véritablement rémunératrice (Klabouch c Canada [Développement social], 2008 CAF 33). Le Tribunal conclut que l’appelant était capable de détenir une occupation de conducteur à la fin de sa PMA. Dans le questionnaire de 2013, l’appelant n’a mentionné aucune restriction quant à la conduite. Il a déclaré qu’il n’avait pas renouvelé son permis de chauffeur de camion l’année précédant son audience parce qu’il n’en avait pas les moyens. Toutefois, le fait que l’appelant a renouvelé assidûment son permis jusqu’en 2016 démontre qu’il croyait avoir la capacité de retourner au travail comme camionneur avant la fin de sa PMA, soit le 31 décembre 2013. De plus, il avait seulement 40 ans à ce moment-là. Il comprend l’anglais, mais il n’a pas suivi de cours de formation. Il n’a pas non plus cherché à occuper des emplois sédentaires, nécessitant peu de formation, comme celui d’agent de sécurité.

[37] Lorsqu’il existe des preuves de capacité à travailler, la personne doit démontrer que les efforts qu’elle a déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé (Inclima c Canada [Procureur général], 2003 CAF 117). L’appelant a été mis à pied en octobre 2009 pour des raisons non médicales. Le Tribunal conclut qu’il avait la capacité d’occuper un emploi de conducteur ou un emploi sédentaire qui ne nécessiterait pas une nouvelle formation complète au plus tard le 31 décembre 2013 (fin de sa PMA). L’appelant n’a pas cherché un tel emploi. Il ne répond donc pas aux critères d’Inclima.

[38] Le Tribunal rejette également l’appel de l’appelant parce qu’il n’a pas bien géré son problème de santé. Dans l’affaire Klabouch, la Cour fédérale a déclaré que les demandeurs doivent présenter des éléments de preuve démontrant qu’ils ont fait des efforts pour gérer leur problème de santé. L’appelant n’a pas fait de suivi auprès du Dr Book pour un autre traitement en 2012. La conjointe de l’appelant a déclaré qu’il avait l’impression que le Dr Book communiquerait avec lui pour prévoir un rendez-vous de suivi. Cependant, l’appelant n’a pas reçu d’autres traitements psychiatriques avant l’année 2015. Il semble qu’il ne prenait pas de mesures proactives pour gérer son état psychiatrique. Sa conjointe a déclaré qu’il avait cessé de prendre ses médicaments, notamment le Cipralex, la Venlafaxine et l’Abilify, en 2013. L’appelant a fini par suivre un traitement psychiatrique avec la Dre Sharma en 2015, qui l’a ensuite dirigé vers un autre psychiatre. Toutefois, l’appelant n’a pas consulté un autre psychiatre avant 2017. La Dre Sharma l’a également dirigé vers une clinique de troubles de l’humeur à Hamilton. Rien ne prouve que l’appelant s’est rendu à cette clinique. Il a suivi des séances de consultation psychologique pour la dépression et l’anxiété avec Joanne Martin, une travailleuse sociale, en 2015. Une note de congé de Mme Martin indiquait que l’appelant avait été dirigé vers d’autres services de consultation psychologique en groupe et individuels. Toutefois, l’appelant ne croyait pas qu’un soutien supplémentaire serait bénéfique à ce moment-là. Dans une correspondance adressée au Tribunal, sa conjointe a indiqué qu’il ne se sentait pas à l’aise avec les services de consultation psychologique qu’il recevait. Toutefois, il n’a pas suivi de traitement de façon proactive au fil des années et le Tribunal conclut qu’il n’a pas réussi à atténuer son problème de santé.

[39] Le Tribunal doit décider si le refus de l’appelant de suivre un traitement était déraisonnable et quelles répercussions ce refus a pu avoir sur son état de santé s’il était jugé déraisonnable (Lalonde c Canada [Ministre des Ressources humaines et du Développement social], 2002 CAF 211). Le Tribunal a examiné la possibilité que l’état mental de l’appelant l’ait amené à refuser ou à reporter un traitement. Toutefois, le Tribunal souligne que la preuve ne révèle pas que l’appelant était incapable de gérer ses affaires personnelles. Le Tribunal conclut que l’appelant a délibérément choisi de refuser un traitement et qu’il a cessé de prendre ses médicaments. Non seulement ces gestes n’ont pas amélioré son état de santé, ils l’ont probablement aggravé. Le Tribunal reconnaît également qu’il est possible que l’appelant n’ait pas pu bénéficier de soins continus parce qu’il n’avait pas de médecin de famille régulier. Toutefois, il a été dirigé par un médecin de premier recours vers le Dr Book en 2012, mais il n’a pas fait de suivi auprès du Dr Book. On a aiguillé l’appelant vers la Dre Sharma, qui l’a vu en 2015. Il a refusé d’être dirigé vers d’autres services de consultation psychologique en 2015. L’appelant a recommencé à voir le Dr Book en 2017. Dans son plus récent rapport du 26 juillet 2017, le Dr Book s’est demandé si la dépression de l’appelant était résistante au traitement. Toutefois, le Dr Book continue de le traiter et d’ajuster ses médicaments. L’appelant n’a pas épuisé ses options de traitement. La preuve démontre qu’il n’a pas bénéficié du traitement, mais elle ne démontre pas qu’il a atteint son rétablissement maximal.

[40] En rendant sa décision, le Tribunal ne minimise pas les problèmes de santé mentale de l’appelant. Toutefois, le Tribunal est lié par le libellé de l’article 42(2) du RPC et par la jurisprudence pertinente pour rendre sa décision selon laquelle l’appelant n’avait pas une invalidité grave au sens du RPC.

Prolongée

[41] Comme le Tribunal a conclu que l’invalidité n’était pas grave, il n’est pas nécessaire de tirer une conclusion sur le critère de l’invalidité prolongée.

Conclusion

[42] L’appel est rejeté.

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