Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : AT c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1352

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : A. T.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentant : Joshua Toews

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 29 novembre 2022 (GP-22-722)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 19 septembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 9 octobre 2023
Numéro de dossier : AD-23-68

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelante est une femme de 55 ans qui a de l’expérience de travail dans la vente au détail. Son dernier emploi était comme caissière chez un fleuriste. À l’époque, elle vivait en Alberta. En août 2011, elle a quitté son emploi en raison de douleurs au dos, puis elle est retournée au Nouveau-Brunswick, sa province natale.

[3] Depuis, elle a tenté à deux reprises de retourner sur le marché du travail. En 2015, elle a tenté de travailler dans une station d’essence, mais cela n’a duré qu’une journée. En 2019, elle a occupé un emploi semblable, mais elle n’y a pas travaillé après sa formation.

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du RPC en octobre 2020. Elle a affirmé qu’elle ne pouvait plus travailler en raison d’une discopathie dégénérative et d’autres problèmes de santé, comme une tumeur ovarienne, une tendinite de la main gauche, une dépression et de l’anxiété.

[5] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande après avoir établi que l’appelante n’avait pas une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2013, soit à la date où prenait fin sa période de protection pour une pension d’invalidité.

[6] L’appelante a porté le refus du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Le Tribunal a tenu une audience par téléconférence et a rejeté l’appel. Il a conclu à partir de la preuve qu’on ne pouvait pas soutenir que l’appelante était incapable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur pendant sa période de protection.

[7] L’appelante a ensuite demandé la permission de faire appel à la division d’appel. Plus tôt cette année, un de mes collègues de la division d’appel a accordé à l’appelante la permission de faire appel. Le mois dernier, j’ai tenu une audience pour discuter en détail de sa demande de prestations d’invalidité.

Question préliminaire

[8] Le 5 décembre 2022, les règles régissant les appels au Tribunal de la sécurité sociale ont changé.Note de bas de page 1 Selon les nouvelles règles, la division d’appel, une fois qu’elle a accordé la permission d’aller de l’avant, doit maintenant tenir une nouvelle audience (ou de novo), sur les mêmes questions que celles dont la division générale était saisie. J’ai expliqué au début de l’audience que cela signifiait que je ne serais lié par aucune des conclusions de la division générale. J’ai également précisé que j’examinerais tous les éléments de preuve disponibles, y compris les nouveaux éléments de preuve, pour savoir si l’appelante est devenue invalide pendant sa période de protection.

Question en litige

[9] Dans le présent appel, je devais décider (i) si l’appelante est devenue invalidependant sa période de protection, et (ii) si elle l’est toujours demeurée.

Analyse

[10] J’ai appliqué la loi à la preuve disponible et j’ai conclu que l’appelante avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2013. Je suis convaincu que l’état de santé mental et psychologique de l’appelante à ce moment-là ne lui permettait pas d’offrir le genre de rendement régulier exigé dans un milieu de travail commercial.

Une personne qui demande des prestations d’invalidité du RPC doit démontrer qu’elle avait une invalidité grave et prolongée pendant sa période de protection

[11] Pour avoir gain de cause, l’appelante devait prouver qu’il était plus probable qu’improbable qu’elle était devenue invalide pendant sa période de protection et qu’elle est demeurée invalide depuis. Aux termes du RPC, une invalidité doit être grave et prolongée :

  • Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.Note de bas de page 2 Une personne n’a pas droit à une pension d’invalidité si elle est régulièrement capable d’effectuer un travail qui lui permet de gagner sa vie.
  • Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décès.Note de bas de page 3 Il faut s’attendre à ce que l’invalidité tienne la personne à l’écart du marché du travail pendant longtemps.

[12] Les parties ont convenu que la protection de l’appelante contre l’invalidité du RPC a pris fin le 31 décembre 2013.Note de bas de page 4 Ainsi, je devais évaluer l’état de santé de l’appelante à cette date et décider si elle avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vie.

L’appelante avait une invalidité grave pendant sa période de protection

[13] Dans sa demande de prestations, l’appelante a déclaré qu’elle était incapable de travailler en raison d’une sténose du canal rachidien et d’une discopathie dégénérative dans la partie inférieure de la colonne vertébrale. En réponse à une question portant sur ses autres problèmes de santé invalidants, l’appelante a déclaré qu’elle avait une importante masse solide entre l’ovaire gauche et l’utérus et qu’elle subirait une intervention chirurgicale pour ce problème de santé. Elle a ajouté qu’en mai 2018, elle avait subi une intervention chirurgicale pour réparer les tendons et les nerfs de son index et de son pouce gauche. Après l’intervention, sa main dominante avait un taux d’utilisation de 80 %.Note de bas de page 5

[14] Toutefois, l’état de santé des dernières années de l’appelante est beaucoup moins pertinent; il faut plutôt voir ce qu’elle pouvait faire il y a 10 ans – alors qu’elle était encore couverte par le RPC. Les tribunaux ont affirmé à maintes reprises que les personnes qui demandent des prestations d’invalidité doivent produire au moins certains éléments de preuve médicale matérielle datant de leur période de protection.Note de bas de page 6

[15] Comme une grande partie de la preuve médicale de l’appelante date de plusieurs années après sa période de protection, je lui ai accordé une importance limitée. Je n’ai rien vu qui indique, par exemple, que sa tendinite de la main gauche ou sa tumeur pelvienne, pour lesquelles elle a subi des interventions chirurgicales en 2018 et en 2021 respectivement, ont entraîné des limitations fonctionnelles avant 2014.

[16] Cela dit, l’appelante a bel et bien présenté des éléments de preuve médicale datant de sa période de protection. C’était suffisant pour me convaincre qu’elle avait des problèmes physiques et psychologiques importants pendant sa période de protection.

Les plaintes physiques de l’appelante correspondent aux notes cliniques de son médecin de famille

[17] Le Dr John Henderson, qui est établi au Nouveau-Brunswick, est le médecin de famille de l’appelante depuis 2012.Note de bas de page 7 Une copie de ce que je présume être la totalité de ses notes cliniques se trouve au dossier. Elles démontrent que durant les deux dernières années de sa période de protection, l’appelante a consulté le Dr Henderson régulièrement, en moyenne tous les deux mois.Note de bas de page 8

[18] Les notes du Dr Henderson montrent également que l’appelante avait une grande variété de symptômes et de problèmes de santé — palpitations cardiaques, oppression thoracique, asthme, sinusite et bronchite. L’appelante se plaignait aussi souvent de douleurs articulaires au cou, au dos, au genou droit, à l’épaule droite et au poignet droit. Il semble que le Dr Henderson ait dirigé l’appelante vers un chirurgien orthopédiste — ou du moins qu’il ait envisagé de le faire — mais il n’est pas certain qu’une consultation ait eu lieu.

[19] Le Dr Henderson a envoyé l’appelante faire des scans d’imagerie médicale à plusieurs reprises. Les rapports des scans ont révélé des changements dégénératifs importants à la colonne vertébrale, lesquels concordaient avec les maux de dos qu’elle avait signalés avant et après sa période de protection.

Les rapports d’imagerie confirment une pathologie importante pendant la période de protection

[20] L’imagerie ne prouve pas l’invalidité en soi, mais elle peut révéler des signes objectifs de détérioration qui expliquent pourquoi une personne pourrait être sujette à des limitations fonctionnelles.

[21] De 2011 à 2015, on a envoyé l’appelante passer de nombreuses radiographies, des tomodensitogrammes et des IRM du haut et du bas du dos. Les résultats n’étaient pas toujours cohérents les uns avec les autres, mais, pris ensemble, un portrait d’une pathologie importante émerge dans au moins deux nœuds de la colonne lombaire de l’appelante :

  • En octobre 2011, une radiographie de la colonne lombaire a révélé un antélisthésis de grade 1 (hernie discale) aux vertèbres L4-5 et L5-S1.Note de bas de page 9
  • En décembre 2011, une imagerie par résonance magnétique (IRM) de la colonne lombaire a révélé une discopathie dégénérative et une sténose modérée (rétrécissement des espaces dans la colonne vertébrale) aux vertèbres L4-5 et L5-S1.Note de bas de page 10
  • Un tomodensitogramme de janvier 2012 de la colonne lombaire a révélé une sténose modérée et une hypertrophie bilatérale grave des facettes (élargissement de l’articulation) avec un antélisthésis de grade 1 aux vertèbres L4-5 et L5-S1.Note de bas de page 11
  • En octobre 2012, une IRM de la colonne lombaire a révélé un léger degré de sténose du canal rachidien aux vertèbres L4-5 et L5-S1;Note de bas de page 12
  • En juillet 2015, une IRM de la colonne lombaire a révélé un antélisthésis de modéré à grave et de l’arthrose aux vertèbres L4-5 et L5-S1.Note de bas de page 13

[22] Je suis convaincu que les plaintes de l’appelante au sujet de ses maux de dos pendant sa période de protection reposaient sur un certain fondement biologique. Ces douleurs n’étaient pas la seule cause de son invalidité, mais, combinées à d’autres facteurs, elles y contribuaient grandement.

L’appelante avait des problèmes de santé mentale importants pendant sa période de protection

[23] Dans sa demande de prestations, l’appelante a affirmé qu’elle était invalide en partie en raison de la dépression et de l’anxiété. Il s’agissait d’ailleurs de problèmes qui empiraient progressivement. Elle a dit qu’elle faisait régulièrement des crises de panique et qu’elle avait trois fois subi des épuisements nerveux.

[24] Lors de l’audience, l’appelante a déclaré qu’elle se sent facilement dépassée et qu’elle ne peut pas se concentrer ni effectuer plusieurs tâches en même temps. Elle a dit qu’elle n’avait ni désir ni ambition et qu’elle se méfiait de plus en plus des autres.

[25] Il ne fait aucun doute que l’appelante a eu des problèmes psychologiques importants au cours des dernières années. Elle a été transportée à l’hôpital au moins une fois après avoir vécu une crise émotionnelle,Note de bas de page 14 et elle consulte actuellement un conseiller en santé mentale.Note de bas de page 15

[26] Toutefois, selon la loi, la preuve doit démontrer qu’une partie requérante était atteinte d’une invalidité pendant sa période de protection. Dans le cas de l’appelante, sa période de protection a pris fin il y a près d’une décennie. Il y a très peu d’éléments de preuve datant de cette période, mais il y a un élément qui confirme que l’appelante a reçu un diagnostic de trouble dépressif majeur en 2003.Note de bas de page 16

[27] Il n’est pas clair si, outre la prise de médicaments, l’appelante a reçu un traitement pour son anxiété et sa dépression. Cependant, je suis convaincu que son problème de santé mentale est continu depuis au moins 2003. Même si ce n’était pas son principal problème, il a contribué à une invalidité grave au cours de la période précédant la fin de sa couverture.

L’appelante est incapable de travailler vu son état global

[28] Villani est l’arrêt de principe quant à l’interprétation du terme « grave ». Suivant cet arrêt, le Tribunal, lorsqu’il évalue l’invalidité, considère une partie appelante comme une « personne entière » dans un contexte réaliste.Note de bas de page 17 L’employabilité ne doit pas être évaluée de façon abstraite, mais plutôt à la lumière de « toutes les circonstances ». Ces circonstances se divisent en deux catégories :

  • Les caractéristiques de la personne. Il est question de « son âge, [de] son niveau d’instruction, [de] ses aptitudes linguistiques, [de] ses antécédents de travail, et [de] son expérience de vie ».
  • L’état de santé de la personne. Il s’agit d’une enquête générale qui exige que l’état de santé de la personne soit évalué dans son ensemble.

[29] En l’espèce, je crois que l’appelante ne pouvait offrir quoi que ce soit à un employeur à compter de la fin de 2013. Il est vrai qu’elle n’avait que 45 ans à ce moment-là, mais ses problèmes de santé physique et psychologique combinés ont fait en sorte que son rendement ne pouvait pas être fiable.

[30] L’appelante a suivi une formation en secrétariat dans un collège d’enseignement professionnel, mais elle n’a jamais travaillé dans un milieu administratif. Elle a travaillé dans des centres d’appel, mais le fait de devoir s’asseoir pendant de longue période ne faisait qu’aggraver ses maux de dos. Elle a également travaillé dans des magasins, mais les postes de vente exigent habituellement qu’elle soit assise ou debout pendant de longues périodes et ils exigent souvent une capacité à transporter ou à soulever des objets. Un tel travail est mal adapté à une personne ayant des problèmes de dos. Sa capacité est diminuée davantage par son anxiété persistante.

[31] Compte tenu de ces problèmes de santé, l’appelante ne pouvait pas conserver un emploi et elle n’était pas non plus une candidate convenable pour se recycler. Je ne vois pas comment l’appelante aurait pu réussir sur le marché du travail concurrentiel dans son état de santé.

L’appelante a fait des démarches raisonnables pour se rétablir

[32] Selon une affaire appelée Lalonde, les personnes qui demandent des prestations d’invalidité doivent atténuer (faire ce qu’elles peuvent pour atténuer) leurs affections en suivant les recommandations de leurs fournisseurs de soins.Note de bas de page 18 La décision Lalonde exige également que les décideurs établissent si le refus d’une partie requérante de suivre le traitement recommandé est déraisonnable et, le cas échéant, quel effet ce refus est susceptible d’avoir sur son statut d’invalidité.

[33] Il est vrai que les dossiers médicaux de l’appelante qui datent de sa période de protection sont incomplets. Le fait que l’appelante ait déménagé régulièrement de sa maison de Miramachi à Fort MacMurray pour suivre son époux de l’époque alors qu’il travaillait dans les champs pétrolifères de l’Alberta n’a certainement pas aidé les choses.

[34] Les maux de dos chroniques sont difficiles à traiter. Le dossier n’indique pas si l’appelante a consulté un spécialiste en orthopédie, mais elle a déclaré qu’elle n’avait pas demandé d’être dirigée vers un spécialiste et qu’elle s’en était remis à ses médecins de famille. Selon la loi, les personnes qui demandent des prestations d’invalidité doivent faire un effort raisonnable pour se conformer aux recommandations médicales de leurs fournisseurs de soins de santé. La loi n’indique pas toutefois que les personnes doivent jouer un rôle proactif dans leur propre traitement. Si l’appelante a choisi de s’en remettre à son principal fournisseur de soins, cela ne l’exclut pas de la pension d’invalidité.

[35] Dans son rapport médical du RPC, le Dr Henderson a mentionné la possibilité d’une chirurgie au dos pour traiter la sténose du canal rachidien de l’appelante.Note de bas de page 19 Cependant, il n’est pas certain que cette chirurgie ait jamais été une option viable. Il n’y a aucune mention d’une intervention chirurgicale dans les notes cliniques du Dr Henderson et, comme je l’ai mentionné, il ne semble pas avoir dirigé l’appelante vers un spécialiste en orthopédie. De plus, le Dr Henderson a écrit plus tard que l’appelante n’était pas une candidate pour une intervention chirurgicale.Note de bas de page 20 On ne sait pas pourquoi le Dr Henderson a changé d’avis. L’appelante a dit se souvenir d’une conversation qui a eu lieu il y a longtemps avec le Dr Henderson. Lors de cette conversation, ils ont discuté d’une chirurgie au dos, mais le Dr Henderson estimait que le taux de réussite serait seulement de 50 %.

[36] Autrement, l’appelante a essayé un certain nombre d’options de traitement. Elle a essayé le Naproxen (un analgésique anti-inflammatoire), mais cela lui a fait mal à l’estomac. Elle évite les antidouleurs narcotiques parce qu’elle craint en devenir dépendante. Le Dr Henderson a aiguillé l’appelante vers la physiothérapie au début de 2012, mais il semble qu’il n’y avait pas assez de personnel disponible pour la traiter.Note de bas de page 21 L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas personnellement les fonds pour suivre des sessions de physiothérapie.Note de bas de page 22

[37] Pour ce qui est de sa dépression et de son anxiété, l’appelante, comme je l’ai mentionné, a demandé des soins psychiatriques il y a 20 ans. Elle prend du Paxil depuis de nombreuses années, mais l’effet est limité. Je ne pense pas que les problèmes de santé mentale de l’appelante soient la principale source de son invalidité, mais il est probable qu’ils aggravent et intensifient ses problèmes de santé physique. Les notes cliniques prises par le Dr Henderson en 2012 et 2013 confirment que l’appelante avait de la difficulté à gérer les stress de la vie, bien que son médecin de famille semble avoir fait peu de choses à ce sujet, mis à part le renouvellement de ses ordonnances.

Les efforts de l’appelante pour retourner au travail étaient infructueux

[38] Une décision de la Cour d’appel fédérale intitulée Inclima indique que les personnes qui demandent des prestations d’invalidité doivent faire leur possible pour trouver un autre emploi qui soit mieux adapté à leurs incapacités :

En conséquence, un demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.Note de bas de page 23

[39] Ce passage donne à penser que si une personne conserve au moins une certaine capacité de travail, la division générale doit effectuer une analyse pour décider i) si elle a tenté de trouver un autre emploi, et ii) le cas échéant, si ses incapacités l’ont empêchée d’obtenir et de conserver cet emploi.

[40] De plus, les personnes qui demandent des prestations d’invalidité doivent faire des démarches significatives pour retourner au travail.Note de bas de page 24 Elles ne peuvent pas limiter leur recherche d’emploi au type de travail qu’elles effectuaient avant de devenir invalides. En effet, elles doivent démontrer qu’elles sont régulièrement incapables de détenir toute occupation véritablement rémunératrice.Note de bas de page 25 Les demandeurs qui ne cherchent pas d’autres formes d’emploi peuvent ne pas être admissibles aux prestations.

[41] En l’espèce, l’appelante avait au moins une certaine capacité de travail — plus précisément, assez de capacité pour déclencher l’obligation de chercher un emploi qui serait mieux adapté à ses limitations. Son dernier emploi était comme caissière chez un fleuriste. Elle dit avoir quitté en août 2011 parce qu’elle ne pouvait pas soulever les gros seaux d’eau. Comme nous l’avons vu, l’âge et le niveau d’instruction de l’appelante limitaient les emplois pour lesquels elle aurait pu être qualifiée.

[42] Néanmoins, l’appelante a fait deux tentatives de retour au travail. En 2014, elle a obtenu un emploi dans une station d’essence. Elle a déclaré qu’elle savait qu’elle n’était pas capable de travailler, mais qu’elle a quand même présenté sa demande parce qu’elle avait besoin d’argent. Elle a dit qu’elle n’avait pu travailler qu’une seule journée — elle avait de la difficulté à se tenir debout et elle était si peu concentrée qu’elle a oublié de retirer la pompe à essence du réservoir d’un client. Elle a recommencé à travailler en 2019 comme caissière dans un dépanneur. Cette fois-ci, elle a abandonné durant la formation. Elle a dit qu’elle se sentait [traduction] « dépassée mentalement » par les formalités administratives (le travail consistait à vendre des billets de loterie et à remplir des formulaires lorsqu’il y avait un gagnant). De plus, elle se sentait surchargée par ses tâches physiques, qui consistaient à soulever des caisses et à nettoyer les planchers.

[43] Compte tenu de ces éléments de preuve crédibles, je n’hésite pas à conclure que les efforts de l’appelante pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son problème de santé. En termes simples, les maux de dos de l’appelante et son anxiété l’ont empêchée d’exercer ces deux emplois relativement peu exigeants.

Le témoignage de l’appelante était crédible et convaincant

[44] L’appelanteétait une témoin sympathique et franche. Elle a expliqué en détail comment les maux de dos l’immobilisaient régulièrement pendant sa période de protection. Elle a décrit comment, en même temps, elle était souvent aux prises avec l’anxiété et la dépression, ce qui la rendait même incapable de se concentrer sur des tâches simples. À l’audience, lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle n’était pas en mesure d’occuper un emploi relativement peu stressant dans la vente au détail, l’appelante a dit ce qui suit :

[traduction]

C’est l’aspect mental. Je ne peux pas me concentrer. J’ai de l’anxiété. J’ai des crises de panique. Parfois, je passe en mode tremblement et je tremble pendant 20 minutes ou plus. J’ai une perte de mémoire importante. Je ne peux pas me concentrer. Les documents à lire — je dois les lire encore et encore. Je ne peux pas effectuer plusieurs tâches en même temps, je suis juste dépassée. Je ne peux pas prendre des décisions simples, comme prendre des rendez-vous, faire des listes d’épicerie.Note de bas de page 26

[45] Ce témoignage, combiné à la preuve médicale disponible, dresse le portrait d’une personne ayant des problèmes physiques et psychologiques importants, des problèmes qui l’ont empêchée d’accomplir ses tâches de façon fiable au cours de la période précédant le 31 décembre 2013.

[46] La jurisprudence a confirmé que la gravité dépend de la capacité de la partie requérante à venir au travail et à accomplir ses tâches aussi souvent que nécessaire : « La prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille régulièrement. »Note de bas de page 27 La preuve disponible semble indiquer, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante n’est plus en mesure d’offrir une telle prévisibilité.Note de bas de page 28

L’appelante avait une invalidité prolongée

[47] Le témoignage de l’appelante, corroboré par des rapports médicaux contemporains, indique qu’elle est atteinte d’une invalidité grave — des maux de dos chroniques en plus d’anxiété et de dépression — depuis la fin de sa période de protection, il y a près d’une décennie. La preuve médicale présentée depuis indique que son état de santé ne s’est pas amélioré, et je ne vois aucune chance qu’il s’améliore, même avec d’autres traitements ou médicaments. Elle a été et continuera d’être effectivement inapte au travail pour une période indéterminée.

Conclusion

[48] Je juge que l’appelante est invalide depuisaoût 2011, soit la dernière fois qu’elle a occupé un emploi. Comme le ministre a reçu sa demande de prestations en octobre 2020, l’appelante est réputée invalide à compter de juillet 2019.Note de bas de page 29 Par conséquent, la date de début de la pension d’invalidité du RPC de l’appelante est novembre 2019.Note de bas de page 30

[49] L’appel est accueilli.

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