Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MR c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 172

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : M. R.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 24 juin 2021 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Michael Medeiros
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 1er février 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 21 février 2023
Numéro de dossier : GP-21-1976

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, M. R., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (Régime). La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a 37 ans. Elle a des problèmes de santé mentale depuis longtemps. Elle a aussi d’autres problèmes de santé, y compris un trouble thyroïdien. Elle travaille pour le même employeur depuis 2007. En juin 2018, elle a dû arrêter de travailler en raison de ses problèmes de santé. Elle a tenté de retourner au travail en mars 2019, mais elle a dû arrêter de nouveau de travailler en janvier 2020. Elle a recommencé à travailler en septembre 2021. Elle travaille à temps plein depuis septembre 2022.

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du Régime le 10 décembre 2020. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme qu’elle continue d’avoir des limitations en raison de ses problèmes de santé qui nuisent à sa capacité de travail. Elle se porte beaucoup mieux que lorsqu’elle a arrêté de travailler en juin 2018. Les médicaments aident, mais il a fallu du temps pour arriver à ce point. Cependant, ses médicaments doivent encore être ajustés et ses problèmes de santé continuent de lui poser des défis.

[6] Le ministre affirme que la preuve n’établit pas que les problèmes de santé de l’appelante l’empêchent de travailler. Il est reconnu qu’elle a des problèmes de santé mentale chroniques qui ont nui à sa capacité de travail en 2018 et en 2019. Cependant, la preuve psychiatrique a montré qu’elle a répondu au traitement. Elle est maintenant de retour au travail, comme s’y attendait son médecin de famille.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour obtenir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date de l’audienceNote de bas de page 1.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2.

[10] Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de l’appelante pour voir leur effet global sur sa capacité de travail. Je dois aussi tenir compte de ses antécédents (y compris son âge, son niveau de scolarité, ses antécédents de travail et son expérience de vie). Ces éléments me permettent de voir de façon réaliste si son invalidité est grave ou non. Si l’appelante est régulièrement capable d’effectuer un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie, ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 3.

[12] Par conséquent, l’invalidité de l’appelante ne peut pas avoir une date de rétablissement prévue. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité tienne l’appelante à l’écart du marché du travail pendant longtemps.

[13] L’appelante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date de l’audience.

L’invalidité de l’appelante était-elle grave?

[15] L’invalidité de l’appelante n’était pas grave. J’ai tiré cette conclusion en examinant plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisent à sa capacité de travail, mais ne l’empêchent pas de travailler

[16] L’appelante est atteinte des problèmes suivants :

  • trouble bipolaire et trouble de la personnalité limite;
  • trouble dépressif majeur et anxiété;
  • hypothyroïdie;
  • anémie ferriprive;
  • tendinite du poignet;
  • apnée du sommeil/insomnie;
  • eczéma;
  • ménisque déchiré au genou;
  • cheville fracturée;
  • coup de fouet causé par un accident de la route.

[17] Cependant, je ne peux pas me concentrer sur les diagnostics de l’appelanteNote de bas de page 4. Je dois plutôt me concentrer sur la question de savoir si ses limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 5. Pour ce faire, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelante (pas seulement le plus important) et je dois évaluer leurs effets sur sa capacité de travailNote de bas de page 6.

[18] Je conclus que l’appelante a des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail, mais qui ne l’empêchent pas de travailler.

Ce que l’appelante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelante affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail. Elle a dû arrêter de travailler pendant de longues périodes en raison de ses problèmes de santé. Elle est de retour au travail depuis septembre 2021 et travaille à temps plein depuis septembre 2022. Elle fait de son mieux pour continuer à travailler tout en gérant ses problèmes de santé.

[20] L’appelante travaille pour le gouvernement fédéral depuis 2007. En 2017, elle a déménagé avec sa famille dans une nouvelle ville. Elle a continué de travailler pour le même employeur. En juin 2018, elle a dû cesser de travailler en raison de ses symptômes de dépression et d’anxiété. Elle avait de la difficulté à se lever le matin et à se préparer pour aller travailler. Elle n’avait aucune motivation. Elle pleurait régulièrement au travail. Elle avait des problèmes de concentration et de mémoire. Son anxiété était élevée. Elle avait des phobies sociales ainsi que de la difficulté à dormir, et elle n’était pas en mesure de faire son travail.

[21] On lui a prescrit des médicaments. Il a fallu un certain temps pour trouver le bon médicament et la bonne dose. Elle est retournée au travail progressivement en mars 2019. Elle travaillait de deux à quatre jours par semaine jusqu’à la fin de 2019. Elle a été évaluée par des psychiatres et ses médicaments ont continué d’être ajustés.

[22] Elle a arrêté de travailler de nouveau en janvier 2020. Elle a pris un congé de maladie parce qu’elle avait des spasmes aux yeux et qu’elle était très stressée. Son patron lui a dit qu’elle avait besoin d’un billet médical pour revenir au travail. L’appelante a consulté son médecin de famille, le Dr Solgi, qui avait récemment pris soin d’elle. Il ne pensait pas qu’elle était prête à retourner au travail, alors il ne lui a pas donné de note. Elle a vécu une période stressante dans sa vie personnelle en 2020. Elle a continué d’avoir des spasmes aux yeux, alors elle n’est pas retournée au travail. Elle a vécu d’autres coups durs en 2021. Elle s’est déchiré le ménisque du genou en mars et s’est fracturé la cheville en juin.

[23] Elle a recommencé à travailler en septembre 2021. Elle se sentait mieux mentalement. Elle était plus stable sur le plan émotionnel que lorsqu’elle a arrêté de travailler en janvier 2020. Les médicaments fonctionnaient mieux. Il s’agissait d’un retour progressif, qui commençait par deux demi-journées par semaine. Cela a pris de nombreux mois, mais elle a fini par travailler jusqu’à quatre jours complets. Elle a eu un accident de la route en novembre 2021, au cours duquel elle a subi un coup de fouet, mais elle s’est absentée du travail seulement pour une journée.

[24] En septembre 2022, elle a commencé à travailler à temps plein. Elle travaille 5 jours par semaine, 7,5 heures par jour, mais elle prend 45 minutes de maladie par jour pour prendre des pauses physiques. Elle a encore de la difficulté à dormir. Ses médicaments continuent d’être surveillés et ajustés. Elle n’a manqué que 4 jours complets en lien avec l’insomnie, la douleur ou sa santé mentale depuis qu’elle est retournée travailler à temps plein.

[25] Elle dit que ça a été [traduction] « correct » de travailler de nouveau. Lorsqu’elle a arrêté de travailler en juin 2018, c’était vraiment grave. À ce moment-là, elle [traduction] « pleurait constamment ». Maintenant, elle ne se sent pas aussi [traduction] « anéantie » et elle aime pouvoir aider ses clients. Elle fait remarquer qu’elle aurait de la difficulté à composer avec son anxiété si elle travaillait dans un bureau plutôt que de la maison. Elle est encore épuisée. Elle peut quand même être facilement contrariée et ébranlée par ses collègues. Elle a tendance à échapper des choses et elle a de la difficulté à taper à cause de ses poignets, mais les accessoires ergonomiques l’aident.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[26] L’appelante doit fournir des éléments de preuve médicale qui démontrent que ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travail au plus tard à la date de l’audienceNote de bas de page 7.

[27] La preuve médicale appuie les propos de l’appelante.

[28] Le médecin de famille de l’appelante, le Dr Solgi, a déclaré dans son rapport médical daté du 25 mai 2021 qu’elle était atteinte d’un trouble bipolaire, de troubles de l’humeur, d’anxiété et de dépression depuis plusieurs annéesNote de bas de page 8. Ces problèmes de santé la rendaient fatiguée, émotive (avec une tendance à pleurer) et incapable de se concentrer. Le Dr Solgi a également posé un diagnostic d’hypothyroïdie chez elle, qui a été traitée avec des médicaments auxquels l’appelante a bien répondu. L’hypothyroïdie entraîne de la fatigueNote de bas de page 9. Le Dr Solgi a déclaré que les problèmes de santé mentale de l’appelante allaient probablement s’améliorer et qu’il s’attendait à ce qu’elle retourne au moins à un travail modifié dans six à douze mois.

[29] L’appelante a vu plusieurs psychiatres. Ils ont entre autres posé les diagnostics psychiatriques suivants :

[30] Elle a aussi reçu d’autres diagnostics, dont les suivants : anémie ferriprive, eczéma, troubles du sommeil, apnée du sommeil et troubles respiratoires du sommeilNote de bas de page 13.

[31] La preuve médicale appuie le fait que les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisaient à sa capacité de travail.

[32] Je vais maintenant vérifier si l’appelante a suivi les conseils médicaux.

L’appelante a suivi les conseils médicaux

[33] Pour recevoir une pension d’invalidité, la partie appelante doit suivre les conseils médicauxNote de bas de page 14. Si une partie appelante ne suit pas les conseils médicaux, elle doit avoir une explication raisonnable pour laquelle elle ne l’a pas fait. Je dois aussi évaluer l’incidence que pourraient avoir les conseils médicaux sur l’invalidité de l’appelanteNote de bas de page 15.

[34] L’appelante a suivi les conseils médicaux. Elle prend plusieurs médicaments pour ses maladies de santé mentale, y compris un stabilisateur d’humeur. Il a fallu du temps pour obtenir la bonne combinaison de médicaments à la bonne dose. Elle prend aussi des médicaments pour traiter son trouble thyroïdien. Elle suit les conseils liés aux traitements psychologiques. Elle consulte une ou un thérapeute depuis le début de 2020. Elle consulterait un psychiatre plus régulièrement si elle le pouvait, mais elle a été renvoyée aux soins de son médecin de famille.

[35] Je dois maintenant décider si l’appelante est régulièrement capable d’effectuer n’importe quel type de travail. Pour être graves, les limitations fonctionnelles de l’appelante doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, et pas seulement dans son emploi habituelNote de bas de page 16.

L’appelante peut travailler dans un contexte réaliste

[36] Pour décider si l’appelante est capable de travailler, je ne peux pas me contenter d’examiner ses problèmes de santé et leurs effets sur ce qu’elle peut faire. Je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau de scolarité;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[37] Ces éléments m’aident à décider si l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste, c’est-à-dire s’il est réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 17.

[38] Si l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste, elle doit démontrer qu’elle a essayé de trouver et de garder un emploi. Elle doit aussi démontrer que ses efforts ont échoué en raison de ses problèmes de santéNote de bas de page 18. Trouver et garder un emploi, c’est aussi se recycler ou chercher un travail qu’elle pourrait faire malgré ses limitations fonctionnellesNote de bas de page 19.

[39] Je conclus que l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste. Elle n’a que 37 ans, elle a fait des études collégiales et elle a de très bons antécédents de travail. Elle est de retour au travail depuis septembre 2021 et travaille à temps plein depuis septembre 2022. Je reconnais que ce n’est pas toujours facile, mais il faut reconnaître qu’elle a réussi à gérer ses problèmes de santé tout en travaillant régulièrement depuis un certain temps maintenant.

[40] L’appelante a détenu une occupation véritablement rémunératrice depuis son retour au travail en septembre 2021Note de bas de page 20. En 2021, elle a gagné 12 064 $ en moins de quatre mois de travailNote de bas de page 21. En 2022, elle a gagné au moins 36 847,58 $Note de bas de page 22.

[41] L’appelante a démontré que malgré ses graves problèmes de santé, elle a la capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Depuis juin 2018, il y a eu des périodes où elle n’était pas en mesure de travailler. Cependant, les médicaments, la thérapie et sa propre détermination l’ont aidée à retourner au travail de façon soutenue.

Conclusion

[42] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce que son invalidité n’était pas grave. Comme j’ai conclu que son invalidité n’était pas grave, je n’ai pas eu à vérifier si elle était prolongée.

[43] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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