Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : KO c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1413

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Appelant : K. O.
Représentant : Jonathan Burton
Intimé : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 17 mai 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Virginia Saunders
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 10 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Date de la décision : Le 27 octobre 2023
Numéro de dossier : GP-21-1695

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, K. O., a cessé d’être invalide en avril 2016. Cela signifie qu’il n’avait pas droit à des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) après ce mois.

[3] Ma décision ne porte que sur la question de savoir si l’appelant a cessé d’être invalide. Je n’ai pas le pouvoir de décider s’il est redevenu invalide. Et je ne peux pas annuler le versement excédentaire qu’il doit ni établir un calendrier de paiement. 

[4] J’explique dans la présente décision pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[5] L’appelant a eu un accident de voiture en juin 2009. Depuis, il souffre de migraines, d’insomnie et de graves douleurs au dos et au cou. Il n’a pas pu reprendre son ancien emploi dans le domaine de la construction. 

[6] L’appelant a commencé à recevoir une pension d’invalidité du RPC en juillet 2010. Le ministre de l’Emploi et du Développement social (ministre) a cessé de verser la pension en mai 2015 parce que l’appelant occupait un autre emploi depuis environ six moisNote de bas de page 1. Comme il ne pouvait pas continuer en raison de ses limitations, le ministre a rétabli ses prestations d’invalidité en juillet 2015Note de bas de page 2.

[7] En novembre 2018, le ministre a appris que l’appelant avait gagné un revenu en 2016 et 2017. Il a donc entrepris un examen du dossier de l’appelant. Il a retenu les prestations d’invalidité de l’appelant après le mois de décembre 2018 en attendant la fin de l’examenNote de bas de page 3.

[8] En juillet 2020, le ministre a décidé que l’appelant avait cessé d’être invalide en avril 2016. Il a fait valoir que ce dernier devait rembourser les prestations d’invalidité du RPC de 41 559,92 $ qu’il avait reçues de mai 2016 à décembre 2018Note de bas de page 4. 

[9] L’appelant a porté en appel la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[10] L’appelant affirme qu’il souffre d’une invalidité grave et prolongée de façon continue depuis qu’il a commencé à recevoir une pension d’invalidité du RPC, y compris après le mois d’avril 2016. Il affirme que la preuve de son revenu n’établit pas qu’il a cessé d’être invalide, car il ne travaillait qu’à l’occasion et pour un employeur bienveillant.

[11] Le ministre affirme que la rémunération de l’appelant montre que, malgré son état de santé, son invalidité n’était plus grave à compter du mois d’avril 2016.

Ce que je dois décider

[12] Je dois décider si l’appelant a cessé d’être invalide. Une personne cesse d’être invalide lorsqu’elle devient régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Cela signifie que s’il était régulièrement capable de travailler et de gagner un revenu équivalent au moins au maximum de la pension d’invalidité du RPC, l’appelant a cessé d’être invalideNote de bas de page 5.

[13] Si l’appelant a cessé d’être invalide, je dois décider à quelle date cela s’est produit. Cela peut être à n’importe quel moment entre le mois d’août 2015 (date à laquelle le ministre a décidé pour la dernière fois qu’il était invalide) et la date de l’audienceNote de bas de page 6.

[14] Le ministre doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a cessé d’être invalide. Cela signifie que le ministre doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a cessé d’être invalideNote de bas de page 7.

[15] Si je décide que l’appelant a cessé d’être invalide, il n’est plus admissible à une pension d’invalidité par la suite. Les paiements de pension d’invalidité qu’il a reçus par la suite sont considérés comme étant une dette. Le ministre peut l’obliger à retourner tous les paiements qu’il a reçus lorsqu’il n’était pas invalideNote de bas de page 8.

Questions que je dois examiner en premier

Ce sur quoi j’ai fondé la décision

[16] Une autre membre du Tribunal a géré ce dossier d’appel et a présidé l’audience le 10 mai 2023. Elle a toutefois démissionné et a quitté le Tribunal avant de rédiger sa décision. Le dossier m’a donc été confié.

[17] Le vice‑président de la division générale du Tribunal – Sécurité du revenu a écrit aux deux parties pour les informer que j’examinerais l’ensemble des éléments de preuve et des arguments présentés dans le présent appel, que ce soit par écrit ou à l’audience. Il leur a demandé si elles s’opposaient à ce que je me fonde sur les éléments de preuve et les arguments produits à l’audienceNote de bas de page 9.

[18] Aucune des parties ne s’y est opposée. Le représentant de l’appelant m’a demandé si j’avais accès aux opinions ou aux notes de la membre qui était chargée du dossier auparavantNote de bas de page 10. Je n’y ai pas accès. Ma décision est fondée sur les éléments de preuve et les arguments qui ont déjà été communiqués aux deux parties, ainsi que sur l’enregistrement de l’audience du 10 mai 2023. 

Le Tribunal a accepté les documents déposés tardivement

[19] Les deux parties ont envoyé des documents après les délais prescrits pour le faireNote de bas de page 11. Je les ai tous pris en compte dans ma décision. Voici pourquoi.

[20] Premièrement, le Tribunal n’a pas traité les documents tardifs de façon cohérente ou en temps opportunNote de bas de page 12. Cela a amené les parties à croire que les retards étaient un problème administratif dont elles n’avaient pas à s’inquiéter outre mesure.

[21] Deuxièmement, ni l’une ni l’autre partie n’a soulevé de problèmes quant à la pertinence des documents tardifs, au moment où ils ont été déposés, à la question de savoir s’il serait injuste de les prendre en considération ou si cela causerait un retard. Elles n’ont peut‑être pas jugé bon de le faire parce que le vice‑président leur a dit que je prendrais en considération tous les éléments de preuve et les arguments. Mais elles n’ont soulevé aucun problème avant que le vice‑président ne leur dise cela. 

[22] Troisièmement, après avoir pris en considération tous les facteurs pertinents — y compris le fait que les parties se sont peut‑être appuyées sur l’omission du Tribunal de communiquer ou d’expliquer ses décisions concernant les documents — j’ai décidé qu’il serait injuste de ne pas les accepterNote de bas de page 13.

Motifs de ma décision

[23] Je conclus que l’appelant a cessé d’être invalide au mois d’avril 2016. C’est à ce moment‑là que son invalidité a cessé d’être grave.

[24] Pour expliquer les motifs de ma décision, je vais :

  • démontrer que le revenu que l’appelant a tiré de son travail était véritablement rémunérateur;
  • démontrer qu’il était capable d’effectuer régulièrement ce travail en avril 2016;
  • discuter de son état de santé et de ses facteurs personnels; 
  • examiner ses autres arguments.

Le revenu que l’appelant a tiré de son travail était véritablement rémunérateur

[25] Le revenu que l’appelant a tiré de son travail depuis 2016 est véritablement rémunérateur.

[26] Le revenu d’une personne pour une année est véritablement rémunérateur s’il est égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’elle pourrait recevoir à titre de pension d’invaliditéNote de bas de page 14.

[27] Le tableau qui suit compare le revenu de l’appelant avec le revenu véritablement rémunérateur pour chaque année de 2016 à 2019Note de bas de page 15. C’est la période que le ministre a examinée pour prendre sa décisionNote de bas de page 16.

Année Revenu d’emploi de l’appelant Revenu véritablement rémunérateur
2016 30 828,00 $ 15 489,72 $
2017 26 770,00 $ 15 763,92 $
2018 23 396,00 $ 16 029,96 $
2019 22 346,00 $ 16 353,54 $

[28] Le tableau montre que l’appelant a gagné un revenu supérieur au montant véritablement rémunérateur au cours des quatre années.

[29] L’appelant soutient que, pour lui, un emploi rémunérateur devrait lui rapporter un revenu semblable à celui qu’il gagnait avant l’accident. En 2008, il a gagné 87,151 $. Au cours des cinq mois où il a travaillé en 2009 (avant l’accident), il a gagné 41 155 $Note de bas de page 17.

[30] L’appelant m’a renvoyé à la décision DP c Ministre de l’Emploi et du Développement social (DP). Dans cette décision, le Tribunal a dit que la question de savoir si l’emploi est véritablement rémunérateur ne peut être tranchée au moyen d’une approche universelle. Chaque cas doit être évalué en fonction de ses propres faitsNote de bas de page 18.

[31] Je n’accepte pas l’argument de l’appelant. Je ne suis pas d’accord avec l’affirmation faite par le Tribunal dans la décision DPNote de bas de page 19. Les trois décisions de la Commission d’appel des pensions qu’il a citées à l’appui de cette affirmation remontent à 1994, 1998 et 2007Note de bas de page 20. C’était avant que la loi ne change en 2014. La loi établit maintenant le revenu qui est véritablement rémunérateur aux fins des prestations d’invalidité du RPCNote de bas de page 21. Je ne peux prendre en considération que ce revenu. Il importe peu que, pour beaucoup de gens, ce revenu ne se rapproche même pas de celui qu’ils gagnaient auparavant.

[32] Je note également que, dans l’affaire DP, l’appelant n’avait pas gagné un revenu véritablement rémunérateur pendant la plupart des années relevant de la période contestée. La décision est fondée sur la conclusion du Tribunal selon laquelle l’appelant n’était pas régulièrement capable de travailler et que, lorsqu’il travaillait, il avait un employeur bienveillant. Ce sont des questions différentes, que j’examinerai ci‑après. La décision ne me convainc pas de faire fi du montant véritablement rémunérateur qui figure dans le Règlement sur le Régime de pensions du Canada.

L’appelant était régulièrement capable d’exercer une occupation véritablement rémunératrice

[33] Une personne peut gagner un revenu véritablement rémunérateur tout en étant invalide. Le ministre doit également prouver que l’appelant est capable régulièrement de gagner un revenu véritablement rémunérateur grâce à son travail.

[34] Je conclus que l’appelant est régulièrement capable d’exercer une occupation véritablement rémunératrice depuis avril 2016. À ce moment‑là, il travaillait de façon constante et assez souvent pour gagner un revenu véritablement rémunérateur depuis plusieurs mois.

[35] Pour expliquer pourquoi j’ai pris cette décision, je vais :

  • résumer ses antécédents de travail pertinents;
  • démontrer que, depuis avril 2016, il est régulièrement en mesure d’occuper un emploi adapté à ses problèmes de santé et à sa situation personnelle;
  • démontrer que son employeur n’était pas un employeur bienveillant.

Les antécédents professionnels de l’appelant

[36] L’appelant avait travaillé dans le domaine de la construction pendant de nombreuses années. Son travail était exigeant physiquement. En raison de ses douleurs chroniques et de ses maux de tête, il n’a pu accomplir ce travail après l’accident survenu en juin 2009.

[37] En janvier 2011, l’appelant a commencé à travailler comme instructeur pour X, son syndicat. Il a parlé de ce travail à Service Canada. Cela n’a pas eu d’incidence sur ses prestations d’invalidité parce qu’il ne travaillait pas assez souvent et que son revenu n’était pas très élevé.

[38] En octobre 2014, l’appelant a trouvé un emploi à temps plein comme coordonnateur de la sécurité pour une entreprise de construction. Service Canada a cessé de lui verser sa pension d’invalidité en mai 2015. L’organisme lui a dit que si les choses ne fonctionnaient pas, il rétablirait ses prestations. Et c’est ce qui s’est passé. L’emploi s’est révélé plus physique que ce que l’appelant pouvait endurer. Il a démissionné. Il a recommencé à toucher sa pension d’invalidité en juillet 2015.

[39] L’appelant est ensuite retourné donner des cours pour son syndicat. Il fait encore ce travail, et le fait surtout en position assise. Il utilise une présentation PowerPoint et parle aux membres du syndicat. Il leur donne des feuilles de travail et il peut se détendre pendant qu’ils les remplissent. Il y a de nombreuses pauses, pendant lesquelles il peut se lever et se tenir debout ou aller marcherNote de bas de page 22.

L’appelant était régulièrement capable d’occuper un emploi convenable

[40] En avril 2016, l’appelant travaillait régulièrement et de façon prévisible à un taux véritablement rémunérateur.

[41] L’appelant affirme que « régulièrement » dans son cas devrait reposer sur le fait que, jusqu’à l’accident, il travaillait à temps plein, cinq jours par semaine, et avait des possibilités d’effectuer des heures supplémentaires. En revanche, son emploi d’instructeur est [traduction] « extrêmement limité et il est à temps partiel, souvent une journée par semaine »Note de bas de page 23.

[42] Mais c’est la capacité de travailler de l’appelant qui doit être régulière, et non l’emploi lui‑mêmeNote de bas de page 24. Son horaire de travail avant l’accident n’a pas d’importance pour cette analyse. Ce qui importe, c’est de savoir si, après l’accident, il pouvait travailler à une fréquence constante lorsque son horaire de travail le prévoyaitNote de bas de page 25.

[43] Les parties ont des points de vue différents sur ce que dit la preuve à ce sujet.

[44] L’appelant a fait valoir que son travail est occasionnel et non soutenu. Il dit avoir donné des cours pendant de quatre à six heures les samedis. Il le faisait environ deux fois par mois, à moins qu’aucun cours ne soit prévu. Pendant qu’il enseignait, il ne prenait aucun médicament contre la douleur. Il devait en conséquence passer la journée du lendemain à ne rien faire pour se rétablirNote de bas de page 26.

[45] L’appelant a dit qu’il avait commencé à travailler davantage que les seuls samedis parce qu’en raison d’un changement dans la loi, le syndicat devait former de nouveau tous ses membres en peu de temps. Pour donner un coup de main, il a donné deux ou trois cours par semaine, faisant des pauses entre ces cours pour pouvoir se rétablir. Ses heures de travail ont ensuite été ramenées à ce qu’elles étaient auparavant. Il les a de nouveau accrues après que le ministre a suspendu ses prestations afin de compenser la perte de sa pension d’invalidité. Il a dit qu’il endure plus de douleurs qu’il ne devrait le faireNote de bas de page 27.

[46] Le ministre s’appuie principalement sur trois éléments de preuve. Le premier est un questionnaire de réévaluation de l’invalidité que l’appelant a rempli en janvier 2019. Il a dit qu’il travaillait comme instructeur à temps partiel pour X depuis 2010. Normalement, a‑t‑il dit, il doit donner un cours par semaine, trois ou quatre fois par mois. Les cours durent de six à huit heures. S’il travaille pendant la semaine, il est payé en moyenne 317,31 $ par jour (45,33 $ l’heure). Les fins de semaine, il touche 504,98 $ par jour (67,33 $ l’heure)Note de bas de page 28.

[47] Le deuxième élément de preuve est un questionnaire de l’employeur X rempli par « V. S. » en mars 2019. On peut y lire ce qui suit :

  • L’appelant a commencé à travailler pour X en janvier 2011.
  • Ses revenus de 15 518,00 $ (2015), de 30 828,00 $ (2016) et de 26 770,00 $ (2017) provenaient de son travail d’instructeur. Il faisait encore ce travail.
  • Il travaillait à temps partiel parce que c’était tout ce qui lui était offert. Il travaillait 24 heures par mois et gagnait 42,76 $ l’heure.
  • L’employeur lui offrirait un emploi à temps plein s’il en avait un à lui offrir.
  • Il était assidu.
  • Il ne s’est jamais absenté pour des raisons médicales.
  • La qualité de son travail était satisfaisante.
  • Il travaillait de façon autonome et avait besoin de peu de supervision.
  • Il n’avait besoin d’aucun équipement ou arrangement spécial.
  • Il n’avait pas besoin de l’aide de ses collèguesNote de bas de page 29.

[48] L’appelant a déposé un questionnaire révisé rempli par T. G., le directeur de la formation chez X, en avril 2023Note de bas de page 30. T. G. a dit que « V. S. » est un employé des comptes fournisseurs qui a rempli le questionnaire à son insu et sans qu’il n’y contribue ou ne donne son consentement à cet égard. T. G. a dit qu’il connaissait l’appelant depuis 12 ans et qu’il avait le plus d’information sur son rôle chez XNote de bas de page 31.

[49] Le questionnaire révisé a ajouté de nouveaux renseignements sur l’assiduité de l’appelant. T. G. a dit ce qui suit :

  • L’appelant travaillait à temps partiel parce que c’était tout ce dont il était capable.
  • Il ne se ferait pas offrir un emploi à temps plein s’il y en avait un parce qu’il avait des restrictions physiques.
  • Il lui est arrivé de s’absenter pour des raisons médicales.
  • Il avait besoin de l’aide de ses collègues.
  • Le syndicat a créé un horaire qui convenait à sa capacité à effectuer le travail.

[50] Il s’agissait des seules différences significatives entre les deux questionnaires. T. G. n’a pas contesté ce que le premier questionnaire disait au sujet du revenu de l’appelant, de la qualité de son travail ou du fait qu’il était assidu.

[51] Le troisième élément de preuve est un imprimé des dates auxquelles l’appelant a travaillé entre 2015 et 2018, des heures de travail qu’il a effectuées et des sommes qui lui ont été payées. Il montre ce qui suit :

  • En 2015, son salaire horaire était de 42,76 $ et de 61,73 $. Il a travaillé entre quatre et neuf heures par jour. Il a travaillé au moins trois fois par mois, sauf en mars (il a alors travaillé deux fois) et en mai et juin (il n’a alors pas travaillé du tout). Le nombre de fois où il a travaillé a augmenté au fil de l’année : il a travaillé six fois en octobre, dix fois en novembre et neuf fois en décembre. Il a reçu 16 775,78 $ au totalNote de bas de page 32.
  • En 2016, son salaire horaire était le même qu’en 2015. La plupart de ses quarts de travail ont été de six ou sept heures. Il a travaillé sept fois en janvier, douze fois en février, dix fois en mars et douze fois en avril. Il a continué à travailler au même rythme ou à peu près le reste de l’année, bien qu’il ait travaillé un peu moins pendant l’été et en décembre. Il a reçu 28 880,30 $ au totalNote de bas de page 33.
  • Cet horaire de travail a été maintenu en 2017 et 2018. Il a travaillé plusieurs fois par mois à un taux horaire semblable. Il a gagné 26 509,18 $ en 2017 et 23 680,25 $ en 2018Note de bas de page 34.

[52] Je prends note du fait que l’appelant s’est absenté à l’occasion en raison de son état de santé. Mais les questionnaires de l’employeur et l’imprimé des honoraires d’instructeur montrent qu’il est allé travailler la plupart du temps lorsqu’il était prévu qu’il travaille. Sa présence à compter d’octobre 2015 était régulière et prévisible. Elle n’était pas, comme il le soutient, occasionnelle, non soutenue ou extrêmement limitée.

[53] L’appelant soutient que son travail pour X n’a jamais changéNote de bas de page 35. Si le ministre a accepté qu’il était invalide bien qu’il ait effectué ce travail avant le mois d’avril 2016, il devrait accepter qu’il a continué d’être invalide après cette date. Je suis d’accord pour dire que ce qu’il faisait n’a pas changé. Mais à partir du mois d’octobre 2015, il a pu le faire régulièrement et plus souvent. C’était un changement important.

[54] Même si l’appelant ne travaillait qu’un ou deux jours par semaine, il était encore en mesure de gagner un revenu véritablement rémunérateur. Certes, il n’aurait pas atteint ce seuil s’il avait reçu un salaire inférieur. Mais il n’a pas reçu un salaire inférieur. En raison de son expérience de travail, il était un candidat intéressant pour un emploi qu’il pouvait occuper malgré ses problèmes de santé. Il était suffisamment bien payé pour gagner plus que le maximum de la pension d’invalidité du RPC.

L’employeur de l’appelant n’était pas un employeur bienveillant

[55] L’employeur de l’appelant n’était pas un employeur bienveillant.

[56] Un emploi chez un employeur bienveillant pourrait ne pas être une occupation véritable. Un employeur bienveillant modifiera les conditions de travail et diminuera ses attentes si un employé a des limitations. Il attend beaucoup moins de l’employé invalide que des autres employés. Il accepte que l’employé ne puisse pas travailler à un niveau concurrentielNote de bas de page 36.

[57] Je prends note du fait que X a créé un horaire que l’appelant pouvait respecter. Il a pu faire ce travail parce qu’il travaillait à temps partiel. Son horaire était souple et d’autres instructeurs pouvaient le remplacer à court préavis. L’appelant soutient qu’il s’agit d’un emploi unique. Personne d’autre ne l’embaucherait pour travailler dans ces conditions.

[58] Je ne suis pas d’accord avec l’appelant. Son activité professionnelle démontre qu’il peut accomplir un travail sédentaire à temps partiel à titre d’instructeur. X l’emploie depuis plus de 10 ans. Il n’y a aucune preuve qu’il l’a embauché pour lui rendre service ou qu’il ne faisait pas un vrai travail. Il était payé à des taux concurrentielsNote de bas de page 37.

[59] X est peut‑être accommodant, mais il n’a pas accordé à l’appelant davantage de mesures d’adaptation que ce qui est requis sur le marché concurrentiel. Il lui a accordé un horaire de travail qui convenait à ses limitations. L’appelant s’est présenté au travail de façon fiable et a bien fait son travail. Il a peut-être eu besoin de l’aide de collègues, mais ce n’était que pour le remplacer lorsqu’il était absent ou pour déplacer de l’équipement avant le cours. Rien n’indique que cela a causé à X des problèmes ou des difficultés.

Les problèmes de santé de l’appelant et d’autres facteurs

[60] Je suis d’accord avec l’appelant pour dire que son état de santé n’a pas changé en avril 2016 ou par la suite. Il souffre encore de douleurs chroniques et de maux de têteNote de bas de page 38. Et je sais bien qu’il trouve son travail difficile. Il doit se reposer le lendemain ou pendant une période qui s’en approche et il est inconfortable et éprouve des douleursNote de bas de page 39. Il estime qu’il se force à en faire plus qu’il ne le devrait. Mais rien ne prouve que le travail a aggravé son état à long terme ou que son médecin lui a dit de travailler moinsNote de bas de page 40. Malgré ses difficultés, il est régulièrement capable de faire le travail et de gagner un revenu véritablement rémunérateur.

[61] Lorsque je décide si l’appelant peut travailler, je ne peux pas simplement examiner ses problèmes de santé et leur incidence sur ce qu’il peut faire. Je dois tenir compte également de facteurs tels que son âge, son niveau de scolarité, ses capacités linguistiques et son expérience professionnelle et personnelle. Ces facteurs m’aident à décider si l’appelant peut travailler dans un contexte réaliste, c’est‑à‑dire s’il est réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 41.

[62] Ces facteurs confirment la capacité de l’appelant de travailler. En avril 2016, il avait 42 ans. Il détient un diplôme d’études collégiales en littératie informatique. Il n’a pas prétendu avoir de problèmes de littératie en anglais. Plus important encore, il possède une vaste expérience de travail qui l’a aidé à obtenir l’emploi qu’il occupe depuis 2011.

[63] Selon la loi, c’est la capacité de travailler de l’appelant et non son diagnostic médical qui permet de déterminer s’il est invalide. Je compatis avec lui, mais je dois respecter la loi.

[64] À la fin d’avril 2016, l’appelant avait occupé un emploi véritablement rémunérateur au cours des six derniers mois. Par la suite, il a continué à travailler régulièrement et de façon prévisible. Cela montre qu’en avril 2016, il était régulièrement capable d’exercer une occupation véritablement rémunératrice. C’est à ce moment‑là qu’il a cessé d’être invalide.

Les autres arguments de l’appelant

[65] Je ne peux pas faire droit à l’appel sur le fondement des autres arguments de l’appelant.

Le ministre n’a pas à assister à une audience

[66] L’appelant a fait valoir que je devrais tenir compte de l’omission du ministre d’assister à l’audience parce qu’il n’a été en mesure de poser aucune question au ministreNote de bas de page 42.

[67] Une partie n’a pas à se présenter à une audience. Elle n’a pas non plus à envoyer des témoins ou un représentant. Dans certains cas, son omission de comparaître pourrait donner lieu à des lacunes dans sa preuve ou ses arguments, ou une conclusion défavorable pourrait être tirée. Mais l’appelant n’a souligné rien de particulier que le ministre aurait dû aborder en l’espèce. Le ministre s’est fondé sur la preuve au dossier et sur ses observations écrites. C’était suffisant pour qu’il prouve le bien‑fondé de sa thèse.

Je ne peux rien faire au sujet du trop payé de l’appelant

[68] Je comprends qu’en raison de ce qui s’est produit en 2014‑2015, l’appelant en est venu à croire que Service Canada était au courant de son emploi chez X et qu’il n’y voyait aucun inconvénient. Il a cru que l’organisme communiquerait avec lui si cela nuisait à son statut d’invalidité, parce qu’il avait mentionné en des termes clairs qu’il ne voulait pas se retrouver dans une situation où il devrait rembourser de l’argentNote de bas de page 43.

[69] Mais mon opinion à ce sujet n’a pas d’importance. Le ministre peut décider de ne pas contraindre l’appelant à acquitter la dette si celle‑ci est le résultat d’une erreur ou d’une omission commise par des employés du gouvernementNote de bas de page 44. Toutefois, le Tribunal n’a pas ce pouvoirNote de bas de page 45. Il semble que l’appelant se soit déjà adressé au ministre à ce sujet.

Je ne peux pas décider si l’appelant est redevenu invalide

[70] Le présent appel porte uniquement sur la question de savoir si l’appelant a cessé d’être invalide. J’ai décidé qu’il avait cessé d’être invalide. Je n’ai pas le pouvoir de décider qu’il est redevenu invalide à une date ultérieure. Il doit présenter une nouvelle demande au ministre concernant son invaliditéNote de bas de page 46.

Conclusion

[71] Je conclus que l’appelant a cessé d’être invalide en avril 2016.

[72] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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