Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelante est une ancienne planificatrice financière dans une banque. Elle a des problèmes de santé mentale depuis longtemps. Elle a pris un congé de maladie en août 2017 et n’a pas travaillé depuis. L’appelante a demandé des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada en février 2019. Dans une lettre datée du 5 juillet 2019, Service Canada a rejeté sa demande après avoir établi qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Deux ans plus tard, le 13 janvier 2022, l’appelante a demandé à Service Canada de réviser sa décision de ne pas lui accorder de pension d’invalidité. Service Canada a rejeté la demande parce qu’elle a été présentée bien après le délai de 90 jours fixé par la loi.

L’appelante a porté le refus de Service Canada en appel à la division générale. Elle a reconnu que sa demande de révision était en retard, mais elle a affirmé qu’elle avait de bonnes raisons de l’être. L’appelante a dit qu’elle avait retardé sa demande sur les conseils de son avocat en attendant l’issue de sa demande de prestations d’invalidité de longue durée. La division générale a rejeté l’appel, concluant que la question de la prolongation du délai était une décision discrétionnaire et volontaire du ministre de l’Emploi et du Développement social. Elle a conclu que le ministre n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en traitant la demande de prolongation de délai de l’appelante. Cependant, la division d’appel a ensuite examiné la preuve elle-même et a décidé que l’appelante n’avait pas d’explication raisonnable pour avoir demandé une révision plus de deux ans après l’expiration du délai. L’appelante a ensuite porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel.

La division d’appel a conclu que Service Canada n’avait pas examiné de manière judiciaire la demande de l’appelante visant à déroger au délai pour présenter une demande de révision et que celle-ci aurait dû avoir plus de temps pour demander une révision.

Aux termes de l’article 74.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, le ministre peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision s’il est convaincu que les critères suivants sont satisfaits :

i) Il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai;

ii) la personne intéressée a manifesté l’intention constante de demander une révision.

Si la demande de révision est présentée plus de 365 jours après le refus initial, le ministre doit également être convaincu que deux autres critères sont satisfaits :

iii) la demande a une chance raisonnable de succès;

iv) l’autorisation du délai supplémentaire ne porte préjudice à aucune des parties.

Dans la présente affaire, la demande de révision de l’appelante a été présentée plus de 365 jours après le rejet par le ministre de sa demande de prestations d’invalidité. En examinant cette demande, le ministre était tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire tout en appliquant les quatre critères énumérés ci-dessus. La division d’appel a conclu que le ministre avait appliqué une norme trop stricte lorsqu’il a examiné les raisons pour lesquelles l’appelante avait déposé sa demande de révision en retard. Par conséquent, la division d’appel a conclu que le ministre avait appliqué la mauvaise norme en évaluant l’explication fournie par l’appelante pour justifier son retard.

La division d’appel a accueilli l’appel, concluant que l’appelante avait satisfait aux quatre critères permettant de prolonger le délai pour demander de révision après plus d’un an. La division d’appel a estimé que l’explication de l’appelante concernant sa demande de prestations d’invalidité tardive était raisonnable et a ordonné au ministre de la réexaminer.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MH c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1457

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : M. H.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentant : Andrew Kirk

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 30 mars 2023 (GP-22-2059)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 10 octobre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’intimé
Date de la décision : Le 6 novembre 2023
Date du corrigendum : Le 27 novembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-604

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. J’ordonne au ministre de donner plus de temps à l’appelante pour qu’elle puisse demander la révision de sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

Aperçu

[2] L’appelante est une ancienne associée en planification financière. Elle travaillait dans une banque. Elle a des problèmes de santé mentale depuis longtemps. Elle est partie en congé de maladie en août 2017 et n’a pas travaillé depuis.

[3] En février 2019, l’appelante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Elle affirmait ne plus pouvoir travailler en raison d’un syndrome inflammatoire pelvien déficit immunitaire primaire, de l’anxiété et d’une dépression. Dans une lettre datée du 5 juillet 2019, Service Canada a rejeté sa demande après avoir établi qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave et prolongéeNote de bas de page 1 ».

[4] Plus de deux ans plus tard, le 13 janvier 2022, l’appelante a demandé à Service Canada de réviser le rejet de sa demande de pension d’invalidité. Service Canada a refusé de faire une révision, car elle a été demandée longtemps après l’expiration du délai légal de 90 joursNote de bas de page 2.

[5] L’appelante a porté le refus de Service Canada en appel à la division générale du Tribunal. Elle a reconnu que sa demande de révision était en retard, mais elle disait avoir de bonnes raisons pour expliquer son retard. Elle a expliqué que, sur les conseils de son avocat, elle avait repoussé sa demande de pension en attendant d’avoir une réponse à sa demande de prestations d’invalidité de longue durée.

[6] La division générale a décidé qu’une audience orale n’était pas nécessaire. Elle a plutôt procédé à une audience sur papier, c’est‑à-dire qu’elle s’est fondée uniquement sur l’examen des documents existants. En mars, la division générale a rejeté l’appel. Elle a conclu que la prolongation du délai était une décision discrétionnaire, c’est‑à-dire volontaire, qui appartient au ministre. Elle a conclu que, dans le dossier de l’appelante, le ministre avait traité la demande de prolongation du délai de façon non judiciaire. Par contre, la division générale a ensuite fait son propre examen de la preuve. Elle a décidé que l’appelante n’avait pas d’expliqué de façon raisonnable pourquoi elle avait demandé une révision plus de deux ans après la date limite.

[7] Par la suite, l’appelante a demandé la permission de faire appel à la division d’appel. Plus tôt cette année, une de mes collègues de la division d’appel lui a donné la permission de faire appel. Le mois dernier, j’ai organisé une audience pour discuter en détail de la demande de l’appelante.

[8] Après avoir examiné les observations des deux parties, je conclus que Service Canada n’a pas agi de façon judiciaire lorsque l’appelante lui a demandé de ne pas tenir compte de l’expiration du délai de révision. J’ai aussi décidé que l’appelante aurait dû avoir plus de temps pour demander une révision.

Question préliminaire

[9] En décembre 2022, la loi régissant le déroulement des appels au Tribunal de la sécurité sociale a été modifiéeNote de bas de page 3. Aux termes de la nouvelle loi, après avoir donné la permission de faire appel, la division d’appel instruit l’appel de novo, c’est‑à-dire qu’elle organise une nouvelle audience pour examiner les mêmes questions qui ont été soumises à la division généraleNote de bas de page 4. Comme je l’ai expliqué au début de l’audience, cela voulait dire que je n’étais pas obligé de retenir les conclusions de la division générale. J’ai aussi expliqué clairement que j’examinerais tous les éléments de preuve disponibles, y compris les nouveaux éléments, qui montraient la façon dont le ministre a traité la demande de révision de l’appelante.

Questions en litige

[10] Dans le présent appel, je devais trancher les questions suivantes :

  • La demande de révision de l’appelante était-elle en retard?
  • Si oui, le ministre a‑t‑il agi de façon judiciaire lorsqu’il a refusé de donner plus de temps à l’appelante pour qu’elle demande une révision?
  • Si le ministre n’a pas agi de façon judiciaire, faut‑il donner plus de temps à l’appelante pour qu’elle puisse demander une révision?

Analyse

[11] J’ai appliqué la loi à la preuve dont je disposais. J’ai conclu que le ministre avait traité d’une manière inappropriée la demande de révision présentée en retard par l’appelante. Je suis convaincu que le ministre a l’obligation d’examiner à nouveau la demande de prolongation du délai de révision.

La demande de révision est en retard

[12] Selon le Régime de pensions du Canada, lorsque le ministre refuse une pension d’invalidité, la personne qui n’est pas d’accord avec la décision initiale a 90 jours pour en demander la révision au ministre. Si la personne attend plus de 90 jours après avoir été avisée du refus par écrit, sa demande est en retardNote de bas de page 5.

[13] Dans la présente affaire, la demande de révision est en retard. L’appelante a été avisée de la décision du ministre, c’est‑à-dire du rejet de sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, dans une lettre datée du 5 juillet 2019Note de bas de page 6. Plus de deux ans plus tard, lorsque l’appelante a présenté sa demande de révision, elle a reconnu avoir reçu la lettre l’informant du refus initial du ministre le jour même de son envoiNote de bas de page 7.

[14] Je suis convaincu que l’appelante n’a pas présenté sa demande de révision avant le 13 janvier 2022, soit bien après l’expiration du délai de 90 jours.

Le ministre n’a pas examiné la demande de prolongation du délai de façon judiciaire

Le ministre doit appliquer les principes judiciaires et législatifs dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire

[15] Le ministre peut agir de deux façons : par obligation et par pouvoir discrétionnaire. La première façon concerne les choses que le ministre doit faire aux termes de la loi. La deuxième concerne les choses qui sont facultatives — les pouvoirs que le ministre peut utiliser s’il le veut sans être nécessairement obligé de le faire.

[16] Même quand les pouvoirs sont discrétionnaires, le ministre ne peut pas simplement faire tout ce qu’il veut. La loi l’oblige à exercer de tels pouvoirs de façon judiciaire. Autrement dit, lorsqu’une personne demande quelque chose au gouvernement, le ministre lui doit de prendre sa demande au sérieux, d’écouter ce qu’elle dit et de soupeser les renseignements pertinents pour tenter de rendre une décision équitable.

[17] Les tribunaux ont défini ce qu’on veut dire par l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire de façon judiciaireNote de bas de page 8. La Cour fédérale a jugé qu’un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de façon judiciaire si la personne qui rend la décision fait l’une des choses suivantes :

  1. i) elle agit de mauvaise foi;
  2. ii) elle agit dans un but ou pour un motif irrégulier;
  3. iii) elle prend en compte un élément non pertinent;
  4. iv) elle ignore un élément pertinent;
  5. v) elle agit de manière discriminatoireNote de bas de page 9.

[18] Parmi les nombreux pouvoirs discrétionnaires qui appartiennent au ministre, il y a celui de donner plus de temps à une personne qui ne respecte pas le délai de dépôt d’une demande. Comme je l’ai mentionné, en cas de refus d’une pension d’invalidité, une personne qui n’est pas d’accord avec la décision initiale du ministre dispose de 90 jours pour lui demander de réviser son refusNote de bas de page 10.

[19] Aux termes de l’article 74.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, le ministre peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision s’il est convaincu que les critères suivants sont remplis :

  1. i) Il existe une explication raisonnable qui appuie la demande de prolongation du délai.
  2. ii) La personne qui fait la demande a manifesté l’intention constante de demander la révisionNote de bas de page 11.

[20] Si la demande de révision est présentée plus de 365 jours après le refus initial, le ministre doit aussi être convaincu que deux autres critères sont remplis :

  1. iii) La demande a des chances raisonnables de succès.
  2. iv) L’autorisation d’un délai supplémentaire pour présenter la demande ne porterait préjudice à aucune partieNote de bas de page 12.

[21] Dans la présente affaire, l’appelante a présenté la demande de révision plus de 365 jours après que le ministre a rejeté sa demande de pension d’invalidité. Durant l’examen de la demande de révision, le ministre devait exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire et appliquer les quatre critères énumérés plus haut.

Le ministre a mal appliqué le premier critère, car il a exigé que l’explication du retard soit plus que « raisonnable »

[22] Une chose m’indique que le ministre a mis la barre trop haute pour l’appelante lorsqu’il a évalué les raisons expliquant le retard de sa demande de révision. La personne qui a tranché le dossier de l’appelante a utilisé une feuille de travail qui énonçait les quatre critères énumérés à l’article 74.1 du Régime de pensions du Canada. La feuille de travail présentait des lignes directrices qui définissaient la notion [traduction] d’« explication raisonnable du retard » dans les termes suivants :

[traduction]
L’explication justifiant le retard de la demande de révision est raisonnable en cas de circonstances exceptionnelles ou atténuantes. Les circonstances exceptionnelles comprennent les renseignements sur les problèmes de santé qui ont empêché la personne d’agir assez rapidement. Les circonstances atténuantes sont liées à des facteurs situationnels qui sont inhabituels, inattendus ou indépendants de la volonté de la personne et qui l’ont empêchée de présenter une demande dans le délai fixéNote de bas de page 13.

[23] Il n’est pas clairement établi que cette directive reflète la loi, ni qu’une « explication raisonnable » soit l’équivalent de « circonstances exceptionnelles ». Bon nombre d’explications potentielles sur le non-respect de la date limite du dépôt de la demande pourraient être raisonnables sans que les circonstances ne soient nécessairement exceptionnelles. Il se peut que les explications n’aient rien à voir avec un problème de santé, mais qu’elles soient plutôt fondées sur des raisons plus ordinaires, comme une lettre perdue, de mauvais conseils ou même, admettons‑le, l’ignorance de la loi. Selon les faits propres à chaque affaire, il est fort probable que les explications fondées sur de telles choses soient « raisonnables ».

[24] Dans son analyse, la personne qui a évalué le dossier au nom du ministre a tenu compte de l’explication de l’appelante quant au retard de sa demande de révision :

[traduction]
Il est reconnu que la cliente a indiqué avoir des troubles de santé mentale. En plus du syndrome IP (inflammatoire pelvien) et d’une agammaglobulinémie. La cliente indique qu’elle a tardé à refaire sa demande pendant qu’elle attendait la médiation judiciaire pour son ILD (invalidité de longue durée). Toutefois, cela ne correspond pas aux circonstances atténuantes qui empêcheraient la cliente de demander une révision dans le délai de 90 jours prévu pour le faireNote de bas de page 14.

[25] Encore une fois, il semble que la personne qui agissait au nom du ministre cherchait des « circonstances exceptionnelles ou atténuantes » alors que la loi exige seulement une explication raisonnable pour le non-respect du délai.

[26] Je suis convaincu que le ministre a appliqué le mauvais critère pour évaluer l’explication de l’appelante en ce qui concerne le retard.

L’appelante doit avoir plus de temps pour demander une révision

[27] Comme le ministre a mal appliqué l’un des critères de l’article 74.1 du Régime de pensions du Canada, je dois maintenant décider s’il faut donner plus de temps à l’appelante pour qu’elle demande une révision. Pour ce faire, je dois examiner les mêmes critères que ceux que le ministre devait prendre en considération. Pour les motifs ci‑après, je suis convaincu que l’appelante remplissait les quatre critères.

L’appelante avait une explication raisonnable qui appuyait sa demande de prolongation du délai

[28] L’appelante explique qu’elle n’a pas répondu à la lettre initiale de refus, que le ministre a envoyée le 5 juillet 2019, pour les raisons suivantes :

  • Elle attendait une médiation judiciaire avec sa compagnie d’assurances au travail pour régler la question des prestations d’invalidité de longue durée.
  • La pandémie de COVID-19 a compliqué la consultation des personnes qui fournissent des soins de santé.
  • Elle avait honte de demander une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.
  • Elle a trouvé le processus de demande de pension d’invalidité du Régime épuisant et traumatisant en raison de ses problèmes de santéNote de bas de page 15.

[29] Globalement, j’estime que ces points constituent une explication raisonnable. Au fond, l’appelante n’avait aucune raison de retarder sa demande de pension d’invalidité du Régime en attendant la réponse de la compagnie privée à qui elle avait demandé des prestations d’invalidité de longue durée. Mais ce n’est pas ce qu’elle croyait. Elle pensait plutôt qu’il valait mieux attendre le règlement de sa demande auprès de la compagnie privée. Je suis convaincu que sa croyance était sincère, le simple résultat d’un avis juridique erroné.

[30] En général, l’ignorance de la loi n’est pas une excuse. Mais dans ce cas‑ci, la loi pertinente exige expressément une excuse — une explication raisonnable — pour justifier le retard. L’appelante ne connaît pas du tout le domaine des pensions d’invalidité, que ce soit au public ou au privé. Il est facile d’imaginer qu’on ait pu lui faire croire qu’il était logique d’attendre le règlement d’une demande de prestations d’invalidité avant de présenter une autre demande.

[31] La crise de la COVID-19 vient renforcer l’explication de l’appelante au sujet de son retard. On peut croire que sa santé mentale, déjà fragile, ait été davantage affectée par les sentiments d’isolement et d’incertitude engendrés par la pandémie. Il est probable que l’appelante, qui se plaint depuis longtemps de problèmes de mémoire et de concentration, ait vu ses symptômes s’aggraver.

L’appelante avait l’intention constante de demander une révision

[32] L’explication de l’appelante pour le retard de sa demande de révision donne à penser qu’elle avait aussi l’intention constante de demander la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Si elle croyait renforcer sa demande de pension en attendant avant de la présenter, elle n’y a donc jamais renoncé pendant la période d’attente de plus de deux ans.

La prolongation du délai pour demander la révision ne causerait aucun préjudice au ministre

[33] Compte tenu du temps qui s’est écoulé depuis l’expiration du délai prévu par la loi, je juge peu probable que le fait de permettre à l’appelante de présenter sa demande de pension d’invalidité avec autant de retard porte préjudice aux intérêts du ministre. Étant donné les ressources dont dispose le ministre, je ne crois pas que la prolongation du délai pour demander une révision nuirait de façon injuste à sa capacité de réponse.

La demande de révision de l’appelante a une chance raisonnable de succès

[34] Une chance raisonnable de succès s’apparente à une cause défendable. À première vue, l’appelante peut soutenir qu’elle est invalide. Elle est une ancienne fournisseuse de services financiers qui a étudié à l’université, mais qui n’a pas travaillé depuis 2018. Elle a reçu un diagnostic de dépression majeure et de trouble anxieux. Sa médication est forte et elle suit un traitement psychiatrique depuis six ans, mais ses effets sont limités. Je suis d’avis que l’intérêt de la justice ne sera pas servi si l’on empêche l’appelante de présenter sa demande de pension d’invalidité parce que le délai est expiré.

Les pouvoirs de la division d’appel en matière de réparation sont limités

[35] Même si je pense que la demande de pension d’invalidité de l’appelante devrait aller de l’avant, je ne peux pas lui donner tout ce qu’elle veut. En effet, mes pouvoirs ne sont pas illimités. La division générale a le pouvoir de rendre la décision que le ministre aurait dû rendreNote de bas de page 16. Ce fait limite aussi ce que je peux faire lorsque je rends la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 17.

[36] Selon l’appelante, je devrais simplement aller de l’avant et la déclarer invalide. Je ne suis pas d’accord. Jusqu’à présent, les seules questions que l’appelante a soumises au Tribunal sont de nature procédurale. À ce stade‑ci, le ministre n’a pas encore rendu une décision de révision valide au sujet de l’invalidité de l’appelante au titre de l’article 81 du Régime de pensions du Canada. Selon l’article 82, une telle décision de révision est la seule chose qui peut lui permettre de faire appel à la division générale. Et comme la division générale ne s’est pas encore prononcée sur l’invalidité de l’appelante, je ne peux pas le faire non plus.

Conclusion

[37] L’appel est accueilli. Le ministre n’a pas fait ce qu’il devait faire au titre de l’article 74.1 du Régime de pensions du Canada. Il a appliqué un critère trop rigoureux pour évaluer l’explication de l’appelante quant au retard de sa demande de révision. J’ai examiné moi-même le dossier, et j’ai constaté que l’appelante remplissait les quatre critères permettant de prolonger le délai de dépôt d’une demande de révision même après plus d’un an. Plus précisément, j’ai conclu que l’explication de l’appelante pour justifier le retard de sa demande était raisonnable.

[38] Pour les motifs que je viens de mentionner, j’ordonne au ministre de réviser la demande de pension d’invalidité de l’appelante.

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