Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : BF c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1438

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : B. F.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Érélégna Bernard

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 11 mai 2023
(GP-22-84)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 6 octobre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’intimé
Date de la décision : Le 1er novembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-574

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. L’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] L’appelante est une femme de 63 ans ayant une expérience de travail variée comme ouvrière, plongeuse et préposée à l’entretien. Son dernier emploi important en était comme ouvrière sur une chaîne de montage dans une entreprise familiale de fabrication d’éléments de fardage (emballage de fret). Cela a pris fin après que sa belle-famille a repris l’entreprise en 1998. Depuis, elle a occupé des emplois sporadiques à temps partiel comme caissière et plongeuse, entre autres.

[3] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du RPC à trois reprises. Elle a présenté ses deux premières demandes en 2001 et en 2008. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté les deux demandes. L’appelante a choisi de ne pas faire appel de ces refus.

[4] L’objet du présent appel est la troisième demande de l’appelante, présentée en février 2021. Elle y affirmait ne plus pouvoir faire aucun type de travail en raison de douleurs intenses causées par un prolapsus des organes pelviens. Le ministre a rejeté cette demande après avoir conclu que l’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2000, soit après la fin de sa dernière période de protection pour une pension d’invalidité du RPC.

[5] L’appelante a porté le refus du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience par téléconférence et a rejeté l’appel. Elle a conclu que la preuve était insuffisante pour démontrer que l’appelante était régulièrement incapable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur pendant sa période de protection.

[6] L’appelante a ensuite demandé la permission de faire appel à la division d’appel. Plus tôt cette année, une de mes collègues de la division d’appel a accordé à l’appelante la permission de faire appel. Le mois dernier, j’ai tenu une audience pour discuter en détail de sa demande de prestations d’invalidité.

[7] Maintenant que j’ai examiné les observations des deux parties, j’ai conclu que l’appelante n’a pas démontré qu’elle est admissible à une pension d’invalidité du RPC. La preuve montre que l’appelante, bien qu’elle ait certaines limitations fonctionnelles, n’était pas atteinte d’une invalidité grave à la fin de l’année 2000 et par la suite.

Question préliminaire

[8] En décembre 2022, la loi régissant les appels au Tribunal de la sécurité sociale a été modifiéeNote de bas de page 1. Selon la nouvelle loi, une fois qu’elle a accordé la permission d’aller de l’avant, la division d’appel doit maintenant tenir une audience de novo, ou nouvelle, sur les mêmes questions que celles ayant été portées à la connaissance de la division généraleNote de bas de page 2. Comme je l’ai expliqué en début d’audience, cela voulait dire que je ne serais lié par aucune des conclusions de la division générale. J’ai également précisé que j’examinerais tous les éléments de preuve disponibles, y compris les nouveaux, pour savoir si l’appelante est devenue invalide pendant sa période de protection.

Question en litige

[9] Pour gagner son appel, l’appelante devait prouver qu’il était plus probable qu’improbable qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée pendant sa période de protection. Les parties ont convenu que la protection de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2000Note de bas de page 3.

[10] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 4. Une personne n’a pas droit à une pension d’invalidité si elle est régulièrement capable d’effectuer un travail qui lui permet de gagner sa vie.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 5. L’invalidité de la partie requérante doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[12] Dans le présent appel, je devais décider si l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée avant le 31 décembre 2000.

Analyse

[13] J’ai appliqué la loi à la preuve à ma disposition et j’ai conclu que l’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2000. Je suis convaincu que les problèmes de santé que l’appelante avait à ce moment-là ne l’empêchaient pas régulièrement de détenir un emploi véritablement rémunérateur.

L’appelante n’est pas atteinte d’une invalidité grave

[14] Les personnes qui demandent des prestations d’invalidité sont responsables de prouver qu’elles sont atteintes d’une invalidité grave et prolongéeNote de bas de page 6. J’ai examiné le dossier et j’ai conclu que l’appelante ne s’est pas acquittée de ce fardeau selon le critère énoncé dans le Régime de pensions du Canada. Bien qu’elle ait pu avoir des détériorations pendant sa période de protection, je n’ai pas trouvé assez d’éléments de preuve qui me donnent à penser qu’elles l’ont rendue incapable de travailler.

[15] Dans sa demande de prestations, l’appelante a décrit son principal problème de santé invalidant comme étant des douleurs chroniques causées par un prolapsus des organes pelviensNote de bas de page 7. En raison de ce problème de santé, elle a signalé de nombreuses limitations, y compris une incapacité à rester assise ou à se tenir debout pendant de longues périodes et des problèmes relatifs à sa capacité de concentration et à sa mémoire. Elle a dit qu’elle ne pouvait plus travailler à compter de janvier 2008.

[16] Même si l’appelante peut avoir l’impression d’être invalide, je dois éviter de fonder ma décision uniquement sur sa seule opinion subjective de sa capacité pendant la période pertinenteNote de bas de page 8. Dans la présente affaire, la preuve, considérée dans son ensemble, ne donne pas à penser que l’appelante avait une détérioration grave qui l’empêchait d’effectuer un travail convenable avant le 31 décembre 2000.

[17] Je fonde cette conclusion sur les facteurs ci-dessous.

Le principal problème de santé de l’appelante est apparu bien après la fin de sa période de protection

[18] Dans sa demande la plus récente, l’appelante a déclaré que le prolapsus des organes pelviens l’avait empêchée de travailler à compter de janvier 2008. Cela pose un problème pour l’appelante : selon ses dires, elle est devenue invalide seulement sept ans après la fin de sa période de protection pour l’invalidité du RPC.

[19] En appui à sa demande, la Dre Marais, médecin de famille de l’appelante, a rempli un rapport médical. Elle y explique qu’elle traite le problème de santé principal de l’appelante, soit des douleurs chroniques au bassin, depuis février 2016. Elle a indiqué que l’appelante avait subi une intervention chirurgicale en 2008 pour insérer un maillage dans sa paroi vaginale afin de soutenir ses organes pelviens. La médecin a dit qu’il a fallu enlever le maillage après un rappel du fabricant, ce qui a causé chez l’appelante des [traduction] « érosions » et des douleurs accrues. La Dre Marais a conclu que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et qu’elle ne pouvait pas travailler du toutNote de bas de page 9.

[20] Ce compte rendu est largement étayé par d’autres éléments de preuve. En 2007, on a fait passer à l’appelante une imagerie de son abdomen et de sa région pelvienne après qu’elle a reçu un diagnostic de prolapsus utérin. Les échographies ont révélé que l’utérus et la vésicule biliaire de l’appelante avaient été enlevés auparavant. Elles ont également démontré que l’appelante avait une dégénérescence graisseuse du foie et un petit kyste ovarien complexeNote de bas de page 10.

[21] En novembre 2007, le Dr Tuffnell, gynécologue, a écrit que l’appelante avait un prolapsus des organes pelviens qui s’était produit pendant l’été. Après avoir discuté des options possibles, l’appelante a accepté de subir une intervention chirurgicale (colposacropexie avec maillage)Note de bas de page 11. Cette intervention chirurgicale a ensuite été inversée, comme l’a indiqué un rapport chirurgical plus de huit ans plus tardNote de bas de page 12.

[22] Lors de son audience, l’appelante a déclaré que [traduction] « tout a soudainement chuté » vers 2005. Je la crois, mais cela ne fait que confirmer que le problème de santé auquel elle attribue en grande partie son invalidité est arrivé trop tard pour être utile dans le cadre de sa demande.

[23] Il est possible, voire probable, que l’appelante soit invalide en raison de douleurs pelviennes depuis de nombreuses années. Malheureusement, cela ne veut pas dire qu’elle est admissible à la pension d’invalidité du RPC. Tous les éléments de preuve disponibles indiquent que ses douleurs pelviennes ne sont devenues un problème important que plusieurs années après la fin de sa période de protection.

L’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité grave pendant sa période de protection

[24] Si le début de l’invalidité de l’appelante ne peut pas avoir lieu après le 31 décembre 2000, que nous indiquent les éléments de preuve disponibles au sujet de son état de santé avant cette date? À mon avis, aucun des rapports médicaux datant de la période de protection de l’appelante ne démontre de façon convaincante l’existence d’une invalidité.

[25] L’appelante avait certainement des problèmes de santé à ce moment-là, mais ils ne l’empêchaient pas de travailler.

Vision :

[26] Enfant, l’appelante a perdu son œil droit. En avril 1999, sa prothèse orbitale a été entièrement remplacéeNote de bas de page 13. En août 2001, son chirurgien ophtalmologue a noté que l’appelante avait une excellente vision de l’œil gauche. L’appelante avait manifestement un trouble de la vision à la fin de sa période de protection, mais cela ne l’a jamais empêchée de travailler ou d’effectuer d’autres tâches comme conduireNote de bas de page 14.

Fibromyalgie :

[27] En avril 1997, un rhumatologue a évalué les douleurs articulaires de l’appelante. Il a posé un diagnostic provisoire de fibromyalgie, mais a noté que [traduction] « cette dame n’a pas besoin de gérer sa fibromyalgie, car son état s’améliore avec ce qui serait recommandé comme traitementNote de bas de page 15 ».

[28] En septembre 2002, un autre rhumatologue a confirmé la fibromyalgie de l’appelante tout en diagnostiquant que la maladie de Raynaud touchait ses mains et ses pieds. Cependant, il a noté qu’elle [traduction] « fonctionne bien et est physiquement assez activeNote de bas de page 16 ».

[29] On a diagnostiqué deux problèmes de santé chroniques liés à la douleur chez l’appelante, mais un diagnostic n’équivaut pas à une invaliditéNote de bas de page 17. Lorsque j’examine l’effet des problèmes de santé de l’appelante sur sa capacité fonctionnelle, je ne peux pas conclure qu’ils l’ont empêchée de travailler au cours de la période précédant le 31 décembre 2000.

Les antécédents et les caractéristiques personnelles de l’appelante n’ont pas nui à son employabilité

[30] Selon la preuve médicale, je suis d’avis que l’appelante avait une capacité de travail. Ma conviction est renforcée lorsque j’examine son employabilité globale.

[31] Pour décider si l’appelante est capable de travailler, je ne peux pas me contenter d’examiner ses problèmes de santé. Je dois aussi tenir compte de facteurs comme son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Ces éléments m’aident à décider si l’appelante était capable de travailler dans un contexte réaliste pendant sa période de protectionNote de bas de page 18.

[32] En date du 31 décembre 2000, l’appelante avait un trouble de la vision et des douleurs chroniques, mais elle avait aussi plusieurs atouts qui lui donnaient un avantage sur le marché du travail. Elle était relativement jeune; elle avait seulement 40 ans à l’époque et l’anglais était sa langue maternelle. Il est vrai que l’appelante n’a pas obtenu son diplôme d’études secondaires, mais je suis convaincu qu’avec une forme relativement légère de fibromyalgie, elle était encore capable de travailler dans le commerce de détail ou d’effectuer un travail peu qualifié et ayant un faible impact au comptoir.

L’appelante n’est pas admissible à la prestation d’invalidité après-retraite

[33] L’appelante a également demandé la prestation d’invalidité après-retraite (PIAR). Cependant, elle n’a pas satisfait aux conditions d’admissibilité.

[34] Selon la loi, une personne qui demande la PIAR doit avoir versé des cotisations valides pendant au moins quatre des six années précédant immédiatement le début du versement de sa pension de retraite anticipée du RPCNote de bas de page 19. L’appelante ne satisfait pas à cette exigence, car elle n’a pas de rémunération ou de cotisations suffisantes de 2014 à 2019. Sa dernière année de cotisations valides remonte à 1998.

Je n’ai pas à vérifier si l’appelante est atteinte d’une invalidité prolongée

[35] Une invalidité doit être grave et prolongéeNote de bas de page 20. Comme l’appelante n’a pas prouvé que son invalidité est grave, je n’ai pas à évaluer si elle pourrait aussi être prolongée.

Conclusion

[36] Le prolapsus de l’appelante a entraîné des répercussions importantes sur sa santé, mais tous les éléments de preuve donnent à penser qu’il n’est devenu un problème que plusieurs années après la fin de sa période de protection. L’appelante avait des problèmes de santé en date du 31 décembre 2000, mais je ne suis pas convaincu qu’ils constituaient une invalidité grave. Je n’ai rien vu de cette période qui m’a convaincu que l’appelante était régulièrement incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateur.

[37] L’appel est rejeté.

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