Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JR c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 504

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Appelant : J. R.
Représentante : Allison Schmidt
Intimé : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 21 septembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Virginia Saunders
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 26 avril 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’appelant
Date de la décision : Le 8 mai 2023
Numéro de dossier : GP-21-2388

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelant, J. R., a droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Les paiements commencent en avril 2020. J’explique dans la présente décision pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant travaillait auparavant dans un entrepôt. Il s’agissait d’un travail physique qui comprenait la collecte, le chargement et le déchargement de marchandises. Il a commencé à avoir des maux de dos en 2015, mais il a continué à travailler. Deux ans plus tard, il a développé des douleurs à l’aine et à la cuisse, puis des problèmes urinaires et intestinaux.

[4] L’appelant a suivi des séances de physiothérapie et a essayé des médicaments et des injections. Il a travaillé moins d’heures et limité les charges qu’il levait. Rien ne l’a aidé. Son état ne s’est pas amélioré. Il a cessé de travailler en février 2019, alors qu’il avait 33 ans. Il n’a pas travaillé depuis.

[5] L’appelant a demandé une pension d’invalidité au titre du RPC en mars 2021. Le ministre de l’Emploi et du Développement social (ministre) a rejeté sa demande. L’appelant a porté en appel la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[6] L’appelant affirme qu’il ne peut occuper aucun emploi parce que presque tout ce qu’il fait, y compris rester assis pendant de longues périodes, aggrave ses symptômes.

[7] Le ministre affirme que l’état de l’appelant s’est amélioré et qu’il aurait dû essayer d’accomplir un travail dans les limites de ses limites.

Ce que l’appelant doit prouver

[8] Pour obtenir gain de cause, l’appelant doit prouver qu’il avait une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2021. Cette date est fondée sur ses cotisations au RPCNote de bas de page 1.

[9] Le Régime de pensions du Canada (RPC) définit les termes « grave » et « prolongée ».

[10] Une invalidité est grave si elle rend l’appelante régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2.

[11] Cela signifie que je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelant dans leur ensemble pour voir quel effet ils ont sur sa capacité de travailler. Je dois également tenir compte de ses antécédents (notamment son âge, son niveau de scolarité, son expérience professionnelle et personnelle). Ainsi, je pourrai obtenir un portrait réaliste de la gravité de son invalidité. Si l’appelant est régulièrement en mesure d’effectuer un travail qui lui permettrait de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[12] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 3.

[13] Cela signifie que l’invalidité de l’appelant ne peut être assortie d’une date de rétablissement prévue. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité empêche l’appelant de travailler longtemps.

[14] L’appelant doit prouver qu’il a une invalidité grave et prolongée. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

Motifs de ma décision

[15] Je conclus que l’appelant est atteint d’une invalidité grave et prolongée depuis février 2019. Voici les motifs de ma décision.

L’invalidité de l’appelant est grave

[16] L’invalidité de l’appelant est grave. J’en suis arrivée à cette conclusion en tenant compte de plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci-après.

Les limitations fonctionnelles de l’appelant nuisent à sa capacité de travailler

[17] Le principal problème de santé de l’appelant est un dysfonctionnement du plancher pelvien causant un dysfonctionnement de l’articulation sacro-iliaque, des douleurs testiculaires et des douleurs au tendon adducteur (intérieur de la cuisse)Note de bas de page 4. Il est également atteint du syndrome du côlon irritable (SCI)Note de bas de page 5. En raison de ses symptômes, il a fait l’objet d’une enquête pour un trouble neuromusculaire, bien que je n’aie pas vu de diagnostic au dossier.

[18] Toutefois, je ne peux me concentrer sur les diagnostics de l’appelantNote de bas de page 6. Je dois plutôt me concentrer sur la question de savoir s’il a des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 7. Dans le cadre de cette démarche, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelant, et pas seulement le problème principalNote de bas de page 8. Je dois également réfléchir à la façon dont ils nuisaient à sa capacité de travailler au 31 décembre 2021 et à la question de savoir s’ils ont continué d’y nuireNote de bas de page 9.

[19] Je conclus que l’appelant a des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler.

Ce que l’appelant dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[20] Dans sa demande de mars 2021, l’appelant a énuméré de nombreuses limitations physiques, notamment se tenir debout, marcher, s’agenouiller, se pencher, pousser et tirer. Il avait de la difficulté à s’habiller et à effectuer des travaux de maison ou d’entretien extérieur. Bien qu’il ait dit avoir des problèmes comportementaux, émotionnels, de communication et de réflexion qui limitaient sa capacité de travailler, il n’a coché aucun des exemples dans la demandeNote de bas de page 10. Il m’a dit à l’audience qu’il n’avait pas de limitations de ce type. Il a cependant ajouté que lorsqu’il avait des poussées de douleur, il éprouvait de la difficulté à se concentrer.

[21] À l’audience, l’appelant m’a dit que ses symptômes et ses limitations n’avaient pas changé depuis qu’il a cessé de travailler :

  • Il ressent toujours des douleurs à l’aine, aux cuisses et au dos. Les douleurs peuvent être tolérables au réveil le matin, mais elles s’aggravent dès qu’il commence à bouger. Il a ensuite des poussées de douleur accrue tout au long de la journée.
  • L’utilisation de ses jambes et de son dos, notamment en position debout ou assise pendant plus de 30 minutes environ, ajoute à sa douleur. Il doit s’arrêter et se reposer dans un fauteuil inclinable. Cela se produit régulièrement tout au long de la journée. Il ne peut pas tolérer plus de 30 à 60 minutes d’activité au total.
  • Le dysfonctionnement du plancher pelvien provoque des diarrhées fréquentes. Il devient difficile pour lui de vider complètement sa vessie. La situation empire lorsqu’il se sert de ses jambes et se nourrit. Il doit utiliser la salle de bain fréquemment. Il doit manger lentement et en petites portions. Malgré tout, il a de la diarrhée plusieurs fois par semaine.
  • En plus des poussées quotidiennes de douleur, il a des épisodes pires environ une fois par mois qui peuvent durer des jours.

Ce que la preuve médicale révèle au sujet des limitations fonctionnelles de l’appelant

[22] La preuve médicale révèle que les limitations fonctionnelles de l’appelant nuisaient à sa capacité de travailler au 31 décembre 2021Note de bas de page 11.

[23] Le Dr Kei est le physiatre de l’appelant. Il a vu l’appelant pour la première fois en septembre 2019 pour évaluer son dos, sa ceinture pelvienne et ses douleurs testiculaires. Le Dr Kei ne pouvait pas poser de diagnostic exact à ce moment-là. Dans des rapports ultérieurs, le diagnostic de travail était un dysfonctionnement du plancher pelvien causant des douleurs au dos, à la ceinture pelvienne, à l’adducteur et aux testiculesNote de bas de page 12. Il l’a également décrite comme une douleur pelvienne chronique, un problème fascial chronique et une instabilité pelvienneNote de bas de page 13.

[24] Dans ses rapports, qui portaient sur la période de septembre 2019 à juin 2022, le Dr Kei a fait observer que l’appelant ressentait des douleurs à la cuisse et un serrement des testicules lorsqu’il s’asseyait, se tenait debout, marchait, empruntait les escaliers et mangeait. La douleur était quotidienne. L’appelant avait [traduction] « énormément de difficulté » lorsqu’il était en position assise ou debout à un endroit pendant plus de quelques minutes. Ses selles étaient souvent mollesNote de bas de page 14.

[25] L’appelant a également consulté un gastroentérologue, le Dr George, en mai 2022, au sujet de ses antécédents chroniques de symptômes gastro-intestinaux. Il s’agissait notamment de ballonnements abdominaux, de crampes, d’urgences et de diarrhée légère. Le Dr George a diagnostiqué un reflux gastro-œsophagien (RGO), une gastrite et un syndrome du côlon irritableNote de bas de page 15.

[26] Les investigations menées par un rhumatologue ont révélé une légère discopathie lombaire et des maux de dos de nature mécanique, mais aucune arthrite inflammatoireNote de bas de page 16. Un examen neurologique était normalNote de bas de page 17.

[27] La preuve médicale confirme que les douleurs pelviennes chroniques de l’appelant lui ont causé des problèmes en position assise, en position debout et pour tout autre type de mouvement. Ces limitations l’empêchaient d’occuper des emplois actifs et sédentaires au 31 décembre 2021. Des problèmes intestinaux et vésicaux qui ont nécessité des déplacements fréquents à la salle de bain ont également nui à sa capacité de travailler.

[28] L’appelant a suivi tous les conseils de ses médecinsNote de bas de page 18. Personne n’a soutenu qu’il ne l’a pas fait.

[29] Je dois maintenant décider si l’appelant peut effectuer sur une base régulière d’autres types de tâches. Pour pouvoir être qualifiées de graves, les limitations fonctionnelles de l’appelant doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, pas seulement dans son emploi habituelNote de bas de page 19.

L’appelant n’a aucune capacité de travailler

[30] Lorsque je décide si l’appelant peut travailler, je ne peux pas simplement examiner ses problèmes de santé et leur incidence sur ce qu’il peut faire. Je dois tenir compte également de facteurs tels que son âge, son niveau de scolarité, ses capacités linguistiques et son expérience professionnelle et personnelle. Ces facteurs m’aident à décider si l’appelant peut travailler dans un contexte réaliste, c’est-à-dire s’il est réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 20.

[31] Je conclus que l’appelant ne peut pas travailler dans un contexte réaliste.

[32] Je conviens avec le ministre que les facteurs personnels de l’appelant lui permettraient d’effectuer de nombreux types de travail. Il n’a fait que du travail physique, mais il serait capable de se recycler pour occuper un emploi sédentaire. Il n’a que 38 ans et détient un baccalauréat ès arts. Il possède de bonnes compétences en anglais.

[33] Toutefois, les limitations fonctionnelles de l’appelant l’empêchent régulièrement d’effectuer n’importe quel type de travail. Ses facteurs personnels n’ont donc pas d’importance. Ses problèmes de santé l’empêchent régulièrement de se recycler ou d’occuper des emplois spécialisés ou non spécialisés, qu’ils soient physiques ou sédentaires. Comme ses limitations sont quotidiennes et qu’elles s’aggravent lorsqu’il exerce une activité ou se trouve en position assise pendant de longues périodes, il est peu probable qu’il soit en mesure de travailler à temps partiel.

Les arguments du ministre au sujet de la capacité de travailler de l’appelant

[34] Le ministre a fait valoir que l’appelant a une capacité de travailler parce que la preuve médicale démontre que son état s’est amélioré. Toutefois, j’accepte le témoignage de l’appelant selon lequel son état n’a connu aucune amélioration importante et durable qui lui permet de travailler. Je vais expliquer pourquoi.

[35] Le ministre souligne les éléments de preuve suivants :

  • En avril 2021, le Dr Kei a déclaré que l’état de l’appelant pouvait s’améliorer et que les injections de dextrose (prolothérapie) qu’il recevait depuis mai 2020 l’aidaient. Il a subi [traduction] « des poussées à l’occasion, mais peu de problèmes graves ». Le Dr Kei croyait que l’appelant reprendrait un travail modifié dans 12 à 24 moisNote de bas de page 21.
  • En septembre et novembre 2021, le Dr Kei a répété que l’appelant avait dit que les injections dans le cadre de la prolothérapie lui procuraient des avantages importantsNote de bas de page 22.
  • En décembre 2021, l’appelant a reçu d’autres injections dans le cadre de la prolothérapie et a suivi d’autres types de thérapie. Selon lui, après un malaise initial, sa situation de base était [traduction] « meilleure qu’à l’habitude ». En raison de son amélioration accrue, il voulait tenter de faire passer la période entre les injections de cinq à six semainesNote de bas de page 23. Cela n’a pas fonctionné. La douleur de l’appelant est revenue après cinq semainesNote de bas de page 24.
  • En mars 2022, l’appelant a dit au Dr Kei que ça avait [traduction] « très bien été, sans poussées » au cours des cinq dernières semainesNote de bas de page 25.
  • En juin 2022, l’appelant a dit au Dr Kei qu’il [traduction] « allait très bien » et qu’il était dans la meilleure forme qu’il avait été depuis de nombreuses années. Le traitement par myoactivation avait atténué la tension dans ses testicules. Le Dr Kei a de nouveau prévu d’espacer les injections à six semaines plutôt qu’à cinqNote de bas de page 26.

[36] J’ai interrogé l’appelant au sujet des commentaires du Dr Kei. Il reconnaît que parfois, il se sent mieux, et que les injections et autres thérapies ont aidé. Cependant, il n’a pas bénéficié d’un soulagement important de la douleur depuis qu’il a cessé de travailler. Il m’a dit qu’il n’avait jamais connu une période de cinq semaines sans douleur. Selon lui, le Dr Kei a probablement mal compris ses propos. Il tentait d’expliquer que le meilleur intervalle entre les injections est de cinq semaines. Il ne voit aucune différence s’il les obtient à moins de cinq semaines d’intervalle, et il ne peut pas passer plus de cinq semaines sans recevoir d’injections.

[37] Je crois l’appelant. Il a présenté un témoignage clair et plausible à l’audience. On peut raisonnablement conclure que le Dr Kei a mal compris à quel point son état s’était amélioré. Il convient également de souligner que, malgré l’amélioration rapportée par l’appelant, le Dr Kei a dit qu’il [traduction] « était encore limité sur le plan fonctionnel »Note de bas de page 27. En outre, lorsque l’appelant s’est rendu chez un rhumatologue pendant cette période, il a décrit des douleurs et des limitations constantes que ses traitements ne soulageaient que partiellementNote de bas de page 28.

[38] L’appelant a rédigé des textes créatifs depuis qu’il a cessé de travailler. Je ne considère pas cela comme une preuve d’une capacité de travailler. Il ne peut pas travailler assez longtemps ou assez souvent pour gagner ce qui se rapprocherait d’un revenu véritablement rémunérateur. Quand il écrit, il est généralement dans un fauteuil inclinable. Il doit changer de position parce qu’il ressent de la douleur. Il travaille de 20 à 60 minutes par jour, mais il doit prendre des pauses. Il ne peut pas travailler tous les jours. Il lui a fallu un mois pour produire une première ébauche de 3 500 pages. Lorsque ce sera terminé, il recevra environ 40,00 $.

L’invalidité de l’appelant est devenue grave en février 2019

[39] Je conclus que l’invalidité de l’appelant était grave en février 2019. Le traitement lui a procuré un certain soulagement. Cependant, il ne peut toujours pas s’asseoir, se tenir debout, marcher ou exercer toute activité qui lui permettrait de reprendre n’importe quel type de travail. Il n’est pas réaliste de s’attendre à ce qu’une personne ayant ces limitations soit en mesure de trouver ou de conserver un emploi.

L’invalidité de l’appelant est prolongée

[40] L’invalidité de l’appelant est prolongée depuis février 2019, date à laquelle il a cessé de travailler.

[41] L’appelant n’a pas été en mesure de travailler depuis plus de quatre ans. En avril 2021, le Dr Kei croyait que son état s’améliorerait assez pour qu’il revienne dans 12 à 24 mois. Cependant, le Dr Kei avait tort. L’appelant suit maintenant une thérapie de maintien pour préserver la stabilité de son état. Celui-ci pourrait s’améliorer, mais il est plus probable qu’il ne s’améliorera pas assez pour permettre à l’appelant de gagner sa vie dans un avenir prévisible.

Début des versements

[42] L’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en février 2019.

[43] Toutefois, en vertu du RPC, une partie appelante ne peut être considérée comme invalide plus de 15 mois avant que le ministre reçoive sa demande de pension d’invaliditéNote de bas de page 29. Par la suite, il y a un délai de carence de quatre mois avant le début des paiementsNote de bas de page 30.

[44] Le ministre a reçu la demande de l’appelant en mars 2021. L’appelant est donc considéré comme étant invalide depuis le mois de décembre 2019.

[45] Le paiement de sa pension commence en avril 2020.

Conclusion

[46] Je conclus que l’appelant a droit à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité est grave et prolongée.

[47] Cela signifie que l’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.