Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : AM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 759

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Appelant : A. M.
Intimé : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 15 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Sarah Sheaves
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 juin 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 23 juin 2023
Numéro de dossier : GP-23-44

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, A. M., n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). J’explique dans la présente décision pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant a 59 ans. Il était propriétaire et exploitant d’une pharmacie. Il avait été contraint d’abandonner son permis en septembre 2014 en raison d’accusations de fraude au criminel. Il a été emprisonné en août 2015. Il n’a pas travaillé depuis.

[4] L’appelant a reçu un diagnostic de dépendance aux opioïdes et de dépression majeure.

[5] L’appelant a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 6 octobre 2021. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelant a porté en appel la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[6] L’appelant affirme qu’il éprouve des problèmes de santé graves et prolongés. Il prétend que ses problèmes de santé se sont détériorés et ne sont pas stables. Il se sent humilié et aliéné, et il sent qu’il a perdu tout ce pour quoi il travaillait. Il a demandé de l’empathie relativement à sa demande de prestations du RPC.

[7] Le ministre affirme que l’appelant n’a pas fourni de documents médicaux prouvant qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2015 et de façon continue depuis. Il soutient que l’appelant aurait continué de travailler, n’eût été sa condamnation au criminel, son incarcération et la révocation de son permis de pharmacien.

Ce que l’appelant doit prouver

[8] Pour obtenir gain de cause, l’appelant doit prouver qu’il avait une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2015. Cette date est fondée sur ses cotisations au RPCNote de bas page 1.

[9] Le RPC définit les termes « grave » et « prolongée ».

[10] Une invalidité est grave si elle rend l’appelant régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 2.

[11] Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de l’appelant pour voir quel effet ils ont sur sa capacité de travailler. Je dois également tenir compte de ses antécédents (notamment son âge, son niveau de scolarité, son expérience professionnelle et personnelle). Ainsi, je pourrai obtenir un portrait réaliste de la gravité de son invalidité. Si l’appelant est en mesure d’effectuer régulièrement un travail qui lui permettrait de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[12] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas page 3.

[13] Cela signifie que l’invalidité de l’appelant ne peut être assortie d’une date prévue de rétablissement. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité empêche l’appelant de travailler longtemps.

[14] L’appelant doit prouver qu’il a une invalidité grave et prolongée. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

Motifs de ma décision

[15] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée. Bien qu’il ait présenté une preuve médicale, elle ne démontre pas qu’il était atteint d’une affection grave et prolongée au 31 décembre 2015.

L’invalidité de l’appelant était-elle grave?

[16] L’invalidité de l’appelant n’était pas grave. J’en suis arrivée à cette conclusion en tenant compte de plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci-après.

Les limitations fonctionnelles de l’appelant n’ont pas nui à sa capacité de travailler

[17] L’appelant est atteint d’une dépendance aux opioïdes qui est en rémission et de trouble dépressif majeur.

[18] Toutefois, je ne peux me concentrer sur les diagnostics de l’appelantNote de bas page 4. Je dois plutôt me demander s’il avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas page 5. Dans le cadre de cette démarche, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelant (pas seulement le problème principal) et réfléchir à leur incidence sur sa capacité de travaillerNote de bas page 6.

[19] Je conclus que l’appelant ne disposait pas de preuves de limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler.

Ce que l’appelant dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[20] L’appelant affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler. Il donne les exemples suivants :

  • Le stress de son procès criminel et de sa publicité dans les médias compliquait le travail.
  • Il a perdu sa confiance et sa capacité à se concentrer pendant qu’il était en prison.
  • Il rumine au sujet de ses erreurs et de ses pertes passées et ressent de la pitié et de la tristesse pour lui-même.
  • Il a perdu tout intérêt pour son hygiène personnelle.
  • Il a de la difficulté à dormir et il manque d’énergie.
  • Son état s’est détérioré après 2020 et il fait des crises de panique.

Ce que la preuve médicale révèle au sujet des limitations fonctionnelles de l’appelant

[21] L’appelant doit fournir certaines preuves médicalesNote de bas page 7 qui font état d’une incapacité physique ou mentale et qui portent notamment sur ce qui suit :

  • la nature, l’étendue et le pronostic de l’invalidité
  • les constatations sur le fondement desquelles le diagnostic et le pronostic ont été établis
  • les limitations découlant de l’invalidité
  • toute autre information pertinente, qui peut comprendre des recommandations de traitement.

[22] La preuve médicale doit établir que l’invalidité a nui à la capacité de l’appelant de travailler au 31 décembre 2015 et de façon continue depuisNote de bas page 8.

[23] La preuve médicale ne permet pas de conclure que l’invalidité de l’appelant était grave en décembre 2015 et de façon continue depuis.

[24] L’appelante a reçu un diagnostic de plusieurs problèmes de santé, dont l’hypertension, l’hypercholestérolémie, l’apnée obstructive sévère du sommeil, l’obésité et l’arthrose du genou droit.

[25] Il n’existe aucune preuve médicale que l’appelant éprouvait ces problèmes de santé avant le 31 décembre 2015. Par conséquent, je ne peux pas les prendre en compte lorsque je prends une décision.

[26] Le médecin de famille de l’appelant, le Dr Akinsete, a fourni certains rapports à l’appui de l’appel.

[27] Le Dr Akinsete a commencé à traiter l’appelant en janvier 2019, soit plusieurs années après décembre 2015. Il n’avait pas une connaissance directe de l’état de santé de l’appelant au moment pertinent. Il n’a pas fourni de dates ni de références à des dossiers médicaux antérieurs à l’appui de ses déclarations.

[28] Par exemple, le rapport daté du 3 avril 2022 résume le traitement du Dr Akinsete à l’égard du demandeurNote de bas page 9. On y mentionne la dépression, l’anxiété, les crises de panique, l’hypertension, l’hypercholestérolémie, l’apnée obstructive sévère du sommeil, l’obésité et l’arthrose du genou droit.

[29] Le Dr Akinsete n’a fourni aucune date concernant l’apparition des affections. Aucun test ni dossier n’a été fourni pour démontrer à quel moment les affections se sont manifestées. L’appelant semblait se faire soigner une à deux fois par année.

[30] Le Dr Akinsete a rédigé une lettre datée du 12 mai 2022 indiquant que l’appelant n’était pas en mesure de travailler de 2012 à 2015 en raison d’une grave dépressionNote de bas page 10. Aucune autre information n’a été fournie à l’appui de la déclaration. Cela est important parce que le Dr Akinsete ne traitait pas l’appelant pendant cette période, de sorte qu’il doit y avoir des preuves sur lesquelles il fonde ses déclarationsNote de bas page 11.

[31] De plus, l’appelant a confirmé avoir travaillé de 2012 jusqu’à ce qu’il soit forcé de renoncer à son permis de pharmacie en septembre 2014, ce qui rend la déclaration du Dr Akinsete peu fiable.

[32] La seule preuve médicale fiable qui peut être liée à décembre 2015 est une lettre du Dr Schneider, psychiatre, datée du 16 décembre 2020Note de bas page 12. J’estime qu’il s’agit de la preuve la plus fiable au dossier parce que le Dr Schneider a traité l’appelant de 2012 à 2020, année au cours de laquelle il s’est retiré.

[33] Le Dr Schneider a déclaré que le diagnostic de l’appelant était un trouble dépressif majeur. Il dit que ce trouble est en rémission depuis quelques années. Il a également diagnostiqué une dépendance aux opioïdes et a déclaré que cette affection était en rémission depuis sept à huit ans.

[34] Le Dr Schneider a déclaré que la réaction de l’appelant au traitement était bonne et que ses médicaments devraient se poursuivre. Son état était qualifié d’« amélioration stable ». Aucune recommandation de soins psychiatriques supplémentaires n’a été formulée.

[35] Le rapport du Dr Schneider daté du 16 décembre 2020 représente le seul avis médical d’un médecin qui traitait l’appelant en décembre 2015. Il ne confirme pas précisément le statut de l’appelant en décembre 2015.

[36] Même si j’utilisais le rapport du Dr Schneider comme preuve pour confirmer une invalidité en date de décembre 2015, aucune preuve médicale n’établit une invalidité continue grave et prolongée depuis. Le Dr Schneider rapporte que les deux affections qu’il avait diagnostiquées étaient toutes deux en rémission depuis quelques années.

[37] Depuis le départ à la retraite du Dr Schneider, l’appelant n’a reçu aucun traitement psychiatrique.

[38] L’appelant m’a dit que son état s’était aggravé depuis qu’il a cessé de voir le Dr Schneider. Toutefois, je ne peux pas tenir compte de l’aggravation d’un problème de santé qui survient après décembre 2015 lorsque je prends une décision.

[39] La preuve médicale ne démontre pas que l’appelant avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2015.

[40] Certaines preuves médicales confirment la dépendance aux opioïdes avant le 31 décembre 2015.

[41] Lorsque je décide si une invalidité est grave, je dois également tenir compte des caractéristiques personnelles de la partie appelante et de la question de savoir si elle a suivi les conseils des médecins.

[42] Cela m’aide à évaluer de façon réaliste la capacité de travailler de la partie appelanteNote de bas page 13.

L’appelant a suivi les conseils de ses médecins

[43] Pour recevoir une pension d’invalidité, une partie appelante doit suivre les conseils de ses médecinsNote de bas page 14. Si elle ne le fait pas, elle doit avoir une explication raisonnable. Je dois également examiner l’effet, le cas échéant, que les conseils des médecins auraient pu avoir.

[44] L’appelant a suivi les conseils de ses médecinsNote de bas page 15.

[45] L’appelant a demandé un traitement psychiatrique pour ses problèmes de santé. Il prend des médicaments prescrits depuis plusieurs années.

[46] Je ne vois aucune preuve que l’appelant n’a pas suivi les conseils des médecins.

[47] Je dois maintenant décider si l’appelant peut occuper sur une base régulière d’autres types d’emploi. Pour pouvoir être qualifiées de graves, les limitations fonctionnelles de l’appelant doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, pas seulement dans son emploi habituelNote de bas page 16.

L’appelant peut travailler dans un contexte réaliste

[48] Lorsque je décide si l’appelant peut travailler, je ne peux pas simplement examiner ses problèmes de santé et leur incidence sur ce qu’il peut faire. Je dois également tenir compte des facteurs suivants, notamment :

  • son âge;
  • son niveau de scolarité;
  • ses capacités linguistiques;
  • son expérience professionnelle et personnelle.

[49] Ces facteurs m’aident à décider si l’appelant peut travailler dans le monde réel, c’est‑à‑dire s’il est réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas page 17.

[50] Je juge que l’appelant peut travailler dans un contexte réaliste.

[51] L’appelant avait 51 ans le 31 décembre 2015. Il avait un diplôme d’études supérieures en pharmacie. Il parlait anglais et possédait et exploitait une pharmacie. Aucun de ces facteurs n’a créé un obstacle au travail en contexte réaliste.

[52] L’appelant a cessé de travailler en 2014 parce qu’il a été contraint d’abandonner son permis de pharmacien en raison d’accusations criminelles. Il ne l’a pas abandonné en raison de son état de santé.

[53] L’appelant ne travaillait pas le 31 décembre 2015 parce qu’il était emprisonné. La raison pour laquelle il ne travaillait pas n’était pas liée à son état de santé. Il était emprisonné et incapable de travailler jusqu’en mai 2016.

[54] L’appelant possède une scolarité et une expérience importantes qui lui permettraient de travailler dans le monde réel. Il n’était pas près de l’âge de la retraite en décembre 2015.

[55] Je ne peux pas tenir compte de facteurs socioéconomiques, comme l’incidence d’un casier judiciaire, pour décider si un appelant peut travailler dans un contexte réalisteNote de bas page 18.

[56] Je ne peux pas tenir compte de l’empathie ou des motifs de compassion lorsque je décide si un appelant a une invalidité graveNote de bas page 19.

L’appelant n’a pas tenté de trouver et de conserver un emploi convenable

[57] Si l’appelant peut travailler en contexte réaliste, il doit démontrer qu’il a tenté de trouver et de conserver un emploi. Il doit également démontrer que ses démarches n’ont pas été fructueuses en raison de ses problèmes de santéNote de bas page 20. Le fait pour l’appelant de trouver et de conserver un emploi comprend le recyclage et la recherche d’un emploi qu’il peut occuper compte tenu de ses limitations fonctionnellesNote de bas page 21.

[58] L’appelant a déployé des efforts pour travailler. Toutefois, ces efforts ne montrent pas que son invalidité l’empêche de gagner sa vie.

[59] L’appelant a tenté de faire rétablir son permis de pharmacien après sa sortie de prison en 2017. L’organisme de réglementation a rejeté sa demande. L’appelant n’a pas activement postulé à d’autres emplois.

[60] L’appelant m’a dit que si son permis avait été rétabli, il serait retourné travailler dans une pharmacie, ne serait-ce que comme technicien avec des heures réduites.

[61] L’appelant affirme qu’il a envisagé de travailler pour Uber comme chauffeur. Il a dit qu’il n’était pas admissible en raison de son casier judiciaire.

[62] Compte tenu des études et de l’expérience de l’appelant dans la gestion d’une entreprise de vente au détail, il pourrait travailler dans le monde réel. Son seul véritable effort pour le faire a été d’essayer de faire rétablir son permis. Le refus de rétablir son permis était attribuable à ses accusations criminelles et non à ses problèmes de santé. De plus, il n’a pas démontré qu’il avait essayé de travailler et qu’il n’était pas en mesure de le faire en raison de ses problèmes de santé.

[63] Par conséquent, je ne peux conclure que l’appelant avait une invalidité grave au 31 décembre 2015.

Conclusion

[64] Je conclus que l’appelant n’a pas droit à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité n’était pas grave. Comme j’ai conclu que son invalidité n’était pas grave, je n’avais pas à me demander si elle était prolongée.

[65] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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