Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : MS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1827

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Appelante : M. S.
Intimé : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 13 octobre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Connie Dyck
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 20 décembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 22 décembre 2023
Numéro de dossier : GP-22-1741

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelante, L. S., a droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Les paiements commencent en janvier 2021. J’explique dans la présente décision pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a 42 ans. Elle a cessé de travailler comme adjointe administrative dans le secteur juridique en février 2020. Elle affirme qu’elle a été congédiée de cet emploi parce qu’elle ne pouvait pas s’acquitter de ses fonctions en raison de douleurs au dos. En mars 2020, elle s’est blessée au dos alors qu’elle était au gymnase. Elle ne pouvait même pas s’asseoir sur une chaise. Elle s’est rendue à l’hôpital. Un tomodensitogramme a montré qu’elle avait des hernies discales. Son médecin et elle espéraient que son état s’améliorerait. Cependant, en 2021, son médecin lui a recommandé de demander une pension d’invalidité, puisque sa douleur et sa capacité fonctionnelle ne s’amélioraient pas.

[4] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 29 décembre 2021Note de bas de page 1. Le ministre de l’Emploi et du Développement social l’a rejetée. L’appelante a porté en appel la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme qu’elle ressent des douleurs tous les jours même si elle a reçu des injections à la colonne vertébrale et même si elle prend du Lyrica et du Percocet. Selon elle, les médicaments causent du « brouillard cérébral » et de la fatigue. Toutefois, elle est incapable de dormir plus de trois à quatre heures la nuit en raison de ses maux de dos.

[6] Le ministre affirme que les dommages aux nerfs spinaux se résolvaient et que les symptômes de l’appelante s’amélioraient. Une IRM a montré que sa hernie discale s’était résorbée et qu’il n’y avait aucun signe de compression ou de déplacement des racines nerveuses. Les injections de stéroïdes et les blocs rachidiens lui ont procuré près d’un mois de soulagement de la douleur. Elle a également obtenu un soulagement partiel de la douleur avec de l’oxycocet et de la prégabaline.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour obtenir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience. Autrement dit, au plus tard le 20 décembre 2023Note de bas de page 2.

[8] Le Régime de pensions du Canada (RPC) définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la partie appelante régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[10] Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de l’appelante pour voir quel effet ils ont sur sa capacité de travailler. Je dois également tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau de scolarité et son expérience professionnelle et personnelle. Ainsi, je pourrai obtenir un portrait réaliste de la gravité de son invalidité. Si l’appelante est régulièrement capable d’effectuer un travail qui lui permettrait de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 4.

[12] Cela signifie que l’invalidité de l’appelante ne peut être assortie d’une date de rétablissement prévue. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité empêche l’appelante de travailler longtemps.

[13] L’appelante doit prouver qu’elle a une invalidité grave et prolongée. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au mois de mars 2020. Elle demeure invalide. J’en suis arrivée à cette décision après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité de l’appelante était-elle grave?
  • L’invalidité de l’appelante était-elle prolongée?

L’invalidité de l’appelante était-elle grave?

[15] L’invalidité de l’appelante était grave. J’en suis arrivée à cette conclusion en tenant compte de plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci-après.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante ont nui à sa capacité de travailler

[16] L’appelante a subi une hernie discale avec radiculopathie. Bien qu’il y ait eu une amélioration sur le plan de sa hernie discale, l’appelante continue d’éprouver des douleurs de nature mécanique au bas du dos, ce qui, selon le Dr Grant, n’est pas rare compte tenu de la pathologie de son disque L5-S1Note de bas de page 5.

[17] Toutefois, je ne peux pas me concentrer sur les diagnostics de l’appelanteNote de bas de page 6. Je dois plutôt me demander si elle a des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 7. Dans le cadre de cette démarche, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelante (pas seulement le problème principal) et réfléchir à leur incidence sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 8.

[18] Je suis d’avis que l’appelante a des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler.

Ce que l’appelante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelante affirme que ses troubles de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui affectent sa capacité de travailler. Elle affirme ce qui suit :

  • Elle est incapable de rester assise plus de 30 minutes avant que la douleur ne devienne insupportable.
  • Elle prend deux pilules d’oxycodone ou de Percocet de quatre à six fois par jour, mais elle ressent encore de la douleur, surtout la nuit.
  • Elle ne dort que de deux à quatre heures par nuit en raison de ses douleurs au dos malgré son utilisation de Lyrica.
  • Elle a des maux de tête et des nausées et ressent de la fatigue.
  • Elle a de la difficulté à se concentrer en raison de sa douleur et de ses médicaments.
  • Elle ne peut accomplir une tâche ménagère que pendant 30 à 60 minutes avant de devoir se reposer pendant 30 minutes, d’utiliser de la chaleur ou de la crème ou de devoir faire de l’exercice pour gérer sa douleur accrue.
  • Elle compte sur sa mère pour l’aider à cuisiner, à nettoyer et à faire son épicerie.
  • Elle compte sur ses enfants pour faire la lessive.

Ce que la preuve médicale révèle au sujet des limitations fonctionnelles de l’appelante

[20] L’appelante doit fournir une preuve médicale démontrant que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au plus tard à la date de l’audienceNote de bas de page 9.

[21] La preuve médicale étaye les propos de l’appelante.

[22] L’appelante s’est blessée au dos en mars 2020. Un tomodensitogramme a révélé une grosse hernie discale au niveau L5/S1 excentrique à gauche. Il y a eu coincement des racines nerveuses L5 et SI à ce niveauNote de bas de page 10. Une décompression et une discectomie étaient prévues.

[23] Toutefois, la douleur à la jambe de l’appelante s’était considérablement atténuée, de sorte que l’intervention chirurgicale a été annuléeNote de bas de page 11.

[24] Malheureusement, l’appelante a continué d’éprouver des problèmes persistants de nature mécanique au bas du dos. Le Dr Grant (chirurgien orthopédiste) a déclaré que cela n’était pas rare à la suite d’une hernie discale, car le disque n’était pas sainNote de bas de page 12.

[25] Le Dr Grant a noté que malgré les injections épidurales de stéroïdes et de narcotiques, les symptômes de l’appelante n’avaient pas diminuéNote de bas de page 13. Elle a continué d’avoir de la difficulté à se pencher, à soulever des objets, à se tourner, à se tenir debout pendant de longues périodes, à marcher et à s’asseoir. Il a noté qu’elle avait aussi beaucoup de douleur la nuit. Le Dr Grant a déclaré que l’appelante avait continué à éprouver des difficultés à exercer ses activités de la vie quotidienne en raison de sa douleur continue. Il était d’avis que l’appelante ne serait pas en mesure de retourner au travail, même dans un emploi sédentaire.

[26] Le Dr Jamensky (anesthésiologiste) a confirmé que l’appelante n’est soulagée de la douleur que pendant environ un mois après une injection de stéroïdesNote de bas de page 14. De plus, l’appelante ne peut recevoir ces injections qu’un maximum de quatre fois par année.

[27] En novembre 2022, le Dr Sohanpal (spécialiste de la douleur) a noté que l’appelante continuait de ressentir des douleurs au bas du dos du côté gauche et des radiations intermittentes dans sa jambe gauche. Une IRM a révélé que l’appelante était atteinte d’une discopathie dégénérative importante L5-S1 accompagnée d’une petite déchirure annulaire. Le Dr Sophanpal était d’avis que l’appelante était fort probablement atteinte de douleurs lombaires discogéniques n’ayant pas fait l’objet d’interventions dans le cadre du régime de soins de santé provincialNote de bas de page 15.

[28] Le Dr Seyon Sivagurunathan (médecin de famille) a noté qu’en mars 2022, l’appelante avait continué d’éprouver des douleurs chroniques importantes au dos qui limitaient ses activités de la vie quotidienne et l’empêchaient de reprendre tout type d’emploiNote de bas de page 16. Le médecin de famille a constaté que les progrès de l’appelante avaient été lents et qu’une date de retour au travail était inconnue.

[29] Je reconnais que la hernie discale de l’appelante s’est atténuée dans une certaine mesure. Toutefois, la preuve médicale confirme qu’elle continue d’éprouver des douleurs lombaires extrêmes qui limitent considérablement ses capacités fonctionnelles, notamment la capacité de se tenir debout, de marcher et d’être en position assise. Ses douleurs nuisent à son sommeil malgré sa consommation de stupéfiants.

L’appelante a suivi les conseils des médecinsNote de bas de page 17

[30] L’appelante a mis à l’essai de nombreux traitements depuis 2020. Elle a fait de la physiothérapie à plusieurs reprises en 2020 et 2023Note de bas de page 18.

[31] D’autres traitements ont inclus des consultations avec un chirurgien orthopédiste et un spécialiste de la douleur, des consultations avec un anesthésiste pour des injections de stéroïdes péridurales, ainsi que des analgésiques antidouleur qu’elle prend quotidiennementNote de bas de page 19.

[32] Le Dr Sivagurunathan a noté que ces traitements ne soulagent que partiellement la douleur de l’appelante. Elle continue d’éprouver des douleurs quotidiennes constantes au bas du dos du côté gauche.

[33] L’appelante n’a pas essayé certaines options de traitement, comme les visites chez le chiropraticien, le massage et l’aquaforme. Elle a affirmé qu’elle ne pouvait pas se le permettre. J’accepte cette raison. De plus, on ne s’attend pas à ce que ces traitements améliorent ses symptômes et son fonctionnement. Ils pourraient plutôt l’aider à maîtriser la douleur qu’elle ressent maintenant.

[34] Je dois maintenant décider si l’appelante peut régulièrement effectuer d’autres types de travail. Pour pouvoir être qualifiées de graves, les limitations fonctionnelles de l’appelante doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, pas seulement dans son emploi habituelNote de bas de page 20.

L’appelante ne peut pas travailler dans un contexte réaliste

[35] Lorsque je décide si l’appelante peut travailler, je ne peux pas simplement examiner ses problèmes de santé et leur incidence sur ce qu’elle peut faire. Je dois également tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau de scolarité;
  • ses capacités linguistiques;
  • son expérience professionnelle et personnelle.

[36] Ces facteurs m’aident à décider si l’appelante peut travailler dans un contexte réaliste, c’est-à-dire s’il est réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 21.

[37] Je conclus que l’appelante ne peut pas travailler dans un contexte réaliste. Elle n’a pas pu travailler depuis mars 2020.

[38] L’appelante a seulement 42 ans. Elle parle couramment l’anglais, a fait des études secondaires et possède des compétences en informatique. Son expérience de travail à titre d’adjointe administrative dans le milieu juridique lui permettrait d’acquérir des compétences transférables, sans ses troubles de santé.

[39] Toutefois, les caractéristiques positives de l’appelante ne l’emportent pas sur l’effet de ses limitations physiques et cognitives. L’appelante ressent constamment de la douleur. Les effets secondaires de ses médicaments comprennent la fatigue et le « brouillard cérébral ». Elle éprouvait des problèmes de mémoire et de concentration. Sa douleur empire lorsqu’elle bouge, et elle ne peut rester assise que pendant environ une heure à cause des douleurs au dos. Elle ne peut pas se tenir debout plus de 30 minutes ni se pencher vers l’avantNote de bas de page 22. Elle ne dort que quelques heures à cause de douleurs au dos.

[40] Outre les narcotiques, le traitement principal est constitué d’injections à la colonne vertébrale. Toutefois, elle ne peut en recevoir que quatre fois par année et elles ne soulagent la douleur que pendant environ un mois. Il est irréaliste de s’attendre à ce qu’un employeur embauche l’appelante, sachant qu’elle ne serait productive que pendant quatre mois dans l’année. De plus, en raison de sa douleur chronique et de ses limitations fonctionnelles, elle ne serait pas une employée fiable.

[41] Ses limitations fonctionnelles l’empêchent régulièrement d’effectuer tout type de travail. Ses facteurs personnels n’ont donc pas d’importance. Ses problèmes de santé l’empêchent régulièrement de se recycler ou d’occuper des emplois spécialisés ou non spécialisés, qu’ils soient physiques ou sédentaires. Étant donné que ses limites sont imprévisibles, qu’elles sont quotidiennes et qu’elles s’aggravent avec l’activité, il est peu probable qu’elle puisse travailler à temps partiel.

[42] Je conclus que l’invalidité de l’appelante était grave en mars 2020.

L’invalidité de l’appelante était-elle prolongée?

[43] L’invalidité de l’appelante était prolongée.

[44] L’appelante ressent des douleurs au dos depuis longtemps. En mars 2020, elle a cependant subi une blessure. Depuis, elle ressent des douleurs quotidiennes constantes qui nuisent à sa capacité de fonctionner et même d’accomplir ses activités de la vie quotidienne sans l’aide d’autres personnesNote de bas de page 23.

[45] L’état de santé de l’appelante demeurera probablement tel qu’il est indéfiniment. Elle a subi de nombreux traitements au cours des trois dernières années et demie, mais ses capacités fonctionnelles ne se sont pas améliorées. Je me rends compte qu’elle ne peut se permettre certains traitements encore disponibles, mais aucun médecin ne prouve que ceux-ci amélioreront son état et lui permettront de retourner au travail.

[46] En février 2023, soit maintenant près de trois ans après sa blessure au dos, le Dr Jamensky a déclaré que les douleurs au dos de l’appelante étaient chroniquesNote de bas de page 24.

[47] L’invalidité de l’appelante était prolongée en mars 2020.

Début des versements

[48] L’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en mars 2020.

[49] Toutefois, en vertu du RPC, une personne ne peut être considérée comme invalide plus de 15 mois avant que le ministre reçoive sa demande de pension d’invaliditéNote de bas de page 25. Par la suite, il y a un délai de carence de quatre mois avant le début des paiementsNote de bas de page 26.

[50] Le ministre a reçu la demande de l’appelante en décembre 2021. Cela signifie qu’elle est considérée comme devenue invalide en septembre 2020.

[51] Les paiements commencent en janvier 2021.

Conclusion

[52] Je conclus que l’appelante a droit à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité était grave et prolongée.

[53] Cela signifie que l’appel est accueilli.

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