Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : AL c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 816

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Appelante : A. L.
Représentante : Shanna Mittleman
Intimé : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 25 novembre 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Carol Wilton
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 28 juin 2023

Personnes présentes à l’audience :

Appelante
Représentante de l’appelante
M. L. – Mère/témoin de l’appelante

Date de la décision : Le 30 juin 2023
Numéro de dossier : GP-21-2605

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelante, A. L., a droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Les paiements commencent en mai 2020. J’explique dans la présente décision pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante avait 42 ans en avril 2021 lorsqu’elle a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle occupait un emploi de bureau depuis 14 ans. Elle affirme qu’elle est incapable de travailler depuis janvier 2020 en raison de ses problèmes de santé mentale. Ceux-ci découlaient d’une séparation très conflictuelle et d’un différend au sujet de la garde avec J. C., son ex-conjoint de fait. Il est aussi le père de son fils de cinq ans.

[4] Le ministre a rejeté la demande de l’appelante au stade initial et au stade de la révision. L’appelante a porté en appel la décision de révision auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Le ministre a déclaré que l’appelante n’a pas droit à une pension d’invalidité du RPC. Son état est susceptible de s’améliorer. De plus, elle n’a fait aucune démarche pour retourner au travail ou pour trouver un autre emploi.

Ce que l’appelante doit prouver

[6] Pour obtenir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle ait une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2026Note de bas de page 1. Comme cette date est postérieure à la date de l’audience, il s’agit de savoir si l’appelante était atteinte d’une invalidité en vertu du RPC à la date de l’audience.

[7] Le RPC définit « grave » et « prolongée ».

[8] Une invalidité est grave si elle rend l’appelante régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2. Si l’appelante peut effectuer régulièrement un travail qui lui permettrait de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[9] Une invalidité est prolongée si elle est susceptible de durer longtemps et qu’elle est d’une durée indéfinieNote de bas de page 3. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité empêche l’appelante de travailler longtemps.

Questions en litige

[10] Les problèmes de santé de l’appelante font-ils en sorte qu’elle est atteinte d’une invalidité grave?

[11] Dans l’affirmative, son invalidité se poursuit-elle depuis longtemps et est-elle d’une durée indéterminée?

L’invalidité de l’appelante est grave

[12] L’appelante a reçu un diagnostic de dépression et d’anxiétéNote de bas de page 4.

[13] Toutefois, je ne peux pas me concentrer sur ses diagnosticsNote de bas de page 5. Je dois plutôt me demander si elle avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 6. Dans le cadre de cette démarche, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelante (pas seulement le problème principal) et réfléchir à leur incidence sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 7.

Le compte-rendu de l’appelante

[14] L’appelante a expliqué que son problème principal est sa santé mentale.

[15] Dans sa demande de prestations du RPC d’avril 2021, l’appelante a déclaré qu’elle avait des problèmes psychosociaux, environnementaux et émotionnels, qu’elle était atteinte d’anxiété, et qu’elle avait du stress, des nausées, des indigestions, de la tension et de la peur. Elle avait aussi des paupières irritées, des chevilles et des pieds enflés et des douleurs occasionnelles aux piedsNote de bas de page 8.

[16] L’appelante a déclaré qu’elle ressentait de la tension au cou et aux épaules qui s’est aggravée lorsqu’elle utilisait un ordinateur ou qu’elle était stressée. Le stress a également aggravé l’état de ses paupièresNote de bas de page 9. Elle avait de la difficulté à se concentrer.

[17] Dans sa demande de révision de janvier 2022, l’appelante a déclaré qu’elle avait un enfant de trois ans avec J. C. Il était inspecteur de police. Elle l’a quitté en janvier 2019. Un an plus tard, il s’est présenté à son lieu de travail, où il l’a intimidée, de même que ses collègues. Il a dû être escorté à l’extérieur par la police, mais il a menacé de se présenter à nouveau sur son lieu de travail. De plus, il a omis de verser l’argent qu’il lui devait en temps opportun ou de débloquer les fonds de leur maison en propriété communeNote de bas de page 10.

[18] À l’audience, l’appelante a déclaré que ses symptômes ont débuté en 2019. Ils se sont aggravés après l’incident de janvier 2020 survenu au travail. Ils continuent de s’aggraver et se manifestent maintenant tous les jours. Elle a déclaré qu’elle est anxieuse, fatiguée et frustrée. Elle ressent des maux de tête et est souvent malade. Ses muscles des épaules sont tendus. De plus, l’appelante a déclaré qu’elle présente des symptômes psychologiques. Elle a du mal à se concentrer. Par exemple, lors d’une conversation, elle oublie parfois ce que quelqu’un vient de dire. Elle fait aussi des crises de panique fréquentes.

[19] La mère de l’appelante, M. L., a déclaré que l’appelante n’est [traduction] « plus elle-même ». Elle est très émotive et pleure toujours. Elle est toujours à bout. Elle est fatiguée et souvent malade. Elle voyageait beaucoup et socialisait. Elle ne le fait plus.

[20] L’appelante a déclaré qu’elle a plus de mauvais jours que de bons jours. Les bons jours, elle peut accomplir plus de travaux ménagers dans la maison qu’elle partage avec ses parents et son fils. Lors d’une journée type, elle prépare le dîner pour son fils, l’emmène à l’école et va le chercher, puis joue avec lui sur de l’équipement dans la cour. Elle l’emmène parfois au parc. Les mauvais jours, ses parents feront la plupart des travaux ménagers et l’aideront à s’occuper du garçon.

[21] L’appelante a également déclaré que ses chevilles et ses pieds sont enflés. Il lui est donc difficile de se tenir debout ou de s’asseoir pendant un certain temps.

[22] L’appelante éprouve également des problèmes d’allergies et de respiration. Elle a consulté un allergologue/spécialiste de l’asthme la semaine précédant l’audienceNote de bas de page 11. Elle consultera prochainement un oto-rhino-laryngologiste.

[23] J’ai interrogé l’appelante sur l’évolution de sa cause en droit de la famille concernant des questions de garde, de droit de visite et d’ordre financier. Elle affirme que le tribunal a tranché les questions financières. Les autres questions devraient être soumises à la médiation. Toutefois, J. C. ne participera pas à la médiation et ne discutera pas des questions. Les questions juridiques restent donc non résolues. Elles continuent de contrarier et de frustrer l’appelante.

[24] La mère de l’appelante, M. L., a déclaré que J. C. se montrait contrôlant et difficile. Lorsque l’appelante vivait encore avec lui, il la maltraitait physiquement. De plus, il crée inutilement des problèmes de façon continue. Cela signifie que quelqu’un doit accompagner l’appelante lorsqu’elle dépose son fils chez son père ou qu’elle vient le chercher pour qu’il y ait un témoin de l’échange. J. C. dit aussi des faussetés. Par exemple, il a faussement affirmé que l’appelante avait envoyé leur enfant à l’école avec des bottes trouéesNote de bas de page 12. L’appelante doit tout consigner et tout photographier pour se protéger contre de fausses allégations. De plus, J. C. bouleverse son fils, ce qui bouleverse sa mère.

[25] M. L. a témoigné que J. C., en tant qu’agent de police, comprend le système et l’utilise à son avantageNote de bas de page 13. Elle a déclaré que l’appelante est engagée dans une lutte constante qui est [traduction] « épuisante et éreintante ». Elle doit toujours être sur ses gardes.

[26] À l’audience, l’appelante avait les larmes aux yeux ou pleurait effectivement chaque fois que la question de ses rapports avec J. C. était soulevée. Il a fallu faire une pause de cinq minutes tôt dans l’audience pour lui permettre de se calmer.

La preuve médicale appuie la preuve orale

[27] En juin 2017, le Dr Robert Maggisano, chirurgien vasculaire, a vu l’appelante pour une enflure du pied droit et de la cheville. Il a diagnostiqué un lymphœdème tarda, une enflure localisée causée par un système lymphatique compromis. Il a recommandé des bas de compression et de l’éducation au sujet de la santé des jambesNote de bas de page 14.

[28] En septembre 2020, la Dre Vilma Tan-Jarvis, médecin de famille, a déclaré que les symptômes de l’appelante étaient apparus pour la première fois en janvier 2019. Elle a d’abord sollicité des soins médicaux pour ses symptômes en janvier 2020. Ses résultats aux tests psychologiques standards démontraient une anxiété grave et une dépression modérément grave. Celles-ci ont été provoquées par [traduction] « de multiples facteurs de stress psychosociaux et environnementaux ». Le rétablissement de l’appelante dépendrait de l’évolution de ses problèmes psychosociaux et environnementauxNote de bas de page 15.

[29] Dans son rapport médical du RPC de juin 2021, la Dre Tan-Jarvis a déclaré qu’en raison de sa dépression, l’appelante éprouvait de la difficulté à se concentrer. Elle n’était pas en mesure d’accomplir ses tâchesNote de bas de page 16. La note de l’appelante à un test standard (19/21) démontrait une anxiété grave. Son score au test QSP-7 a révélé qu’elle était atteinte d’une grave dépressionNote de bas de page 17.

[30] Les notes du bureau de la Dre Tan-Jarvis détaillent parfois ses discussions avec l’appelante. Par exemple, en septembre 2021, la Dre Tan-Jarvis a déclaré que l’appelante livrait une bataille juridique continue à son ex-partenaire. Il ne voulait pas que leur fils aille à Montessori. L’appelante vivait un stress à la seule lecture des lettres à teneur juridique. Elle avait des maux de tête deux fois par jour en raison du stress. Son alimentation était irrégulière. La Dre Tan-Jarvis a déclaré que le stress causait à l’appelante de l’anxiété, de la dépression, des maux de tête, des problèmes de sommeil et des indigestionsNote de bas de page 18.

[31] En mai 2023, Mme Susan Walker Kennedy, psychologue, a déclaré que le diagnostic de l’appelante était un trouble d’anxiété généralisée. Ses difficultés juridiques constantes ont entraîné un niveau élevé d’anxiété. Elle a continué d’éprouver de la difficulté à dormir. Elle était incapable de se détendre. Elle se sentait inquiète des problèmes persistants avec son ex-partenaireNote de bas de page 19.

Mes conclusions

[32] Les principaux problèmes de santé de l’appelante sont l’anxiété et la dépression. Les incidents continus avec J. C. déclenchent constamment ses symptômes de santé mentale. Ils perturbent son sommeil, sa concentration et sa jouissance de la vie. J’estime qu’ils nuisent à sa capacité de gagner sa vie.

L’appelante a généralement suivi les conseils de ses médecins

[33] L’appelante doit fournir une preuve médicale d’un état invalidantNote de bas de page 20.

[34] L’appelante a commencé à consulter la psychologue Kennedy en octobre 2019Note de bas de page 21. Elle a déclaré qu’elle la reçoit toujours. La psychologue l’aide à utiliser les techniques de respiration et lui donne d’autres conseils sur la gestion du stress et des crises de panique.

[35] En septembre 2020, la Dre Tan-Jarvis a déclaré que l’appelante suivait le programme de traitement recommandéNote de bas de page 22.

[36] En avril 2021, l’appelante prenait du lorazépam pour l’anxiété, du pantoprazole pour des problèmes d’estomac et du Tylenol pour des maux de tête et des tensionsNote de bas de page 23. L’appelante prend du lorazépam avant de se coucher quelques jours par semaine pour être somnolente. À l’audience, elle a déclaré qu’elle prenait également du Gravol pour des nausées et un médicament pour des allergies (Rupall).

[37] En mai 2023, la Dre Tan-Jarvis a établi le score de l’évaluation globale du fonctionnement (ÉGF) de l’appelante à 55 (symptômes modérés). Elle était incapable de prendre des médicaments en raison de leurs effets secondaires. Elle prenait des médicaments à effet rapide au besoinNote de bas de page 24.

[38] L’appelante a déclaré qu’elle suit une massothérapie depuis janvier 2020 pour atténuer la tension dans ses épaulesNote de bas de page 25.

[39] Je conclus que l’appelante a déployé des efforts raisonnables pour se conformer aux traitements recommandés.

L’appelante ne peut véritablement gagner sa vie en raison de son invalidité

[40] Pour décider si l’état de l’appelante était grave, je dois adopter une approche « réaliste ». Cela signifie que je dois tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau de scolarité, ses capacités linguistiques et son expérience professionnelle et personnelleNote de bas de page 26.. Je dois réfléchir à la façon dont ces facteurs ont eu une incidence réaliste sur la capacité de l’appelante de gagner sa vie.

[41] L’appelante est anglophone et a fait des études secondaires. Elle détient un diplôme d’études collégiales en administration des affaires. Ces facteurs constitueraient tous des avantages pour chercher du travail. Elle avait 44 ans à la date de l’audience. C’est plus de 20 ans avant l’âge habituel de la retraite. Son âge ne l’aurait pas empêchée de trouver un emploi.

[42] La preuve démontre que l’appelante est incapable d’accomplir son travail régulier. Ce travail consistait à facturer plusieurs succursales de l’entreprise se trouvant sur la côte Est. Elle travaillait également à la réception, au classement, à l’ordinateur et aux calculs relatifs aux marchandisesNote de bas de page 27. Le travail l’obligeait à se concentrerNote de bas de page 28. Elle a déclaré qu’en raison de ses problèmes de santé, elle n’était plus en mesure de prêter attention à son travail. Son seul autre emploi a été celui d’associée aux ventes chez Walmart pendant neuf ans. Elle serait incapable d’accomplir un travail physique en raison de l’état de ses pieds et de ses chevilles.

[43] En juin 2021, la Dre Tan-Jarvis a déclaré qu’elle avait recommandé à l’appelante de cesser de travailler en janvier 2020.

[44] La Dre Tan-Jarvis a déclaré en juin 2021 qu’elle s’attendait à ce que l’appelante puisse reprendre son emploi habituel dans un an ou deux. Toutefois, cela ne s’est pas produit. En septembre 2021, la Dre Tan-Jarvis et Mme Kennedy ont déclaré que l’appelante était incapable de conserver un emploi rémunérateurNote de bas de page 29.

[45] En mai 2023, la Dre Tan-Jarvis et Mme Kennedy ont toutes deux déclaré que l’appelante était incapable de travaillerNote de bas de page 30.

[46] Je conclus que l’appelante n’était pas en mesure de gagner sa vie dans quelque profession que ce soit à la date de l’audience. Elle est donc dispensée de l’obligation de démontrer qu’elle a tenté de trouver un autre emploi et qu’elle n’a pas pu occuper un autre emploi en raison de son invaliditéNote de bas de page 31.

[47] Je conclus qu’il est plus probable que le contraire que l’invalidité de l’appelante était grave à la date de l’audience.

L’invalidité de l’appelante était-elle prolongée?

[48] L’invalidité de l’appelante était prolongée. Elle est atteinte d’anxiété et de dépression depuis au moins janvier 2019. Sa médecin de famille et sa psychologue affirment toutes deux qu’elle est toujours incapable de travailler.

[49] L’invalidité de l’appelante est longue, continue et d’une durée indéfinie. Je conclus donc qu’elle est prolongée.

Début des versements

[50] L’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en janvier 2020 lorsqu’elle a cessé de travailler.

[51] Il y a un délai de carence de quatre mois avant le début des versementsNote de bas de page 32. Cela signifie que les paiements commencent en mai 2020.

Conclusion

[52] Je conclus que l’appelante a droit à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité est grave et prolongée.

[53] Cela signifie que l’appel est accueilli.

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