Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelante a 42 ans. Elle est une survivante d’une relation de violence. En septembre 2018, l’appelante se disputait avec son amoureux de l’époque lorsqu’il a sorti une arme à feu et a menacé de se suicider. Lorsqu’elle a entendu un coup de feu venant du couloir, elle a pensé qu’il avait mis à exécution sa menace. Il s’est avéré, cependant, qu’il ne cherchait qu’à la faire réagir; il n’était pas blessé du tout. Au moment de cet événement traumatisant sur le plan émotionnel, l’appelante travaillait depuis 13 ans comme administratrice au sein de Groupe Investors. Elle n’a pas travaillé à cet endroit ni ailleurs depuis l’événement.

L’appelante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en juin 2020. Elle a affirmé qu’elle ne pouvait plus travailler en raison d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT), d’anxiété et de dépression. Le ministre de l’Emploi et du Développement social (le ministre) a rejeté sa demande après avoir conclu que l’appelante n’avait pas d’invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2021; autrement dit, au moment où a pris fin sa couverture contre l’invalidité du Régime de pensions du Canada.

L’appelante a fait appel de la décision du ministre devant la division générale. Celle-ci a rejeté l’appel. Elle a conclu que, même si l’appelante avait connu des problèmes psychologiques, elle avait quand même certaines capacités lui permettant d’essayer d’effectuer un autre travail. L’appelante a alors demandé la permission de faire appel devant la division d’appel. La division d’appel lui a accordé la permission de faire appel. Après avoir examiné les arguments des deux parties, la division d’appel a conclu que l’appelante n’avait pas démontré qu’elle était invalide au sens du Régime de pensions du Canada. La preuve a démontré que, malgré certaines limitations fonctionnelles, l’appelante n’était pas incapable de faire tout type de travail régulier.

Bien que l’appelante puisse avoir l’impression d’être invalide, la division d’appel doit fonder sa décision sur autre chose que sa vision subjective de sa capacité. Dans la présente affaire, la division d’appel a conclu que la preuve, considérée dans son ensemble, ne semble pas indiquer que l’appelante avait une déficience grave qui l’empêchait d’exercer un emploi convenable pendant sa période de couverture. La division d’appel a conclu que l’appelante avait certaines limitations à ce moment-là, mais qu’elle n’était pas incapable de faire tout type de travail.

La division d’appel a fondé cette conclusion sur les facteurs suivants :
• L’appelante a certaines capacités malgré ses problèmes de santé mentale.
• La santé mentale de l’appelante s’est probablement améliorée.
• La preuve médicale ne permet pas de conclure qu’il existait des limitations physiques importantes en date du 31 décembre 2021.
• Les antécédents et les caractéristiques personnelles de l’appelante n’ont aucune incidence sur son employabilité.
• L’appelante n’a pas tenté d’effectuer d’autre travail.

La division d’appel a conclu qu’il y avait des éléments de preuve démontrant que l’appelante avait des problèmes de santé mentale, mais elle n’était pas convaincue que cela équivalait à une invalidité grave. Les médecins de l’appelante ne l’ont jamais ordonné de cesser de travailler. Elle a une capacité résiduelle. Cependant, elle n’a jamais essayé de faire un travail qui pourrait être moins exigeant mentalement et psychologiquement que celui d’administratrice des services à la clientèle. L’appel a été rejeté.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1764

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : S. M.
Représentante : Chantelle Yang
Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentant : Ian McRobbie

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 17 janvier 2023 (GP-21-1972)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 novembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Représentant de l’intimé
Date de la décision : Le 7 décembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-361

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. L’appelante n’a pas droit à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

Aperçu

[2] À 42 ans, l’appelante est une survivante de violence conjugale. En septembre 2018, lors d’une dispute avec son petit ami de l’époque, il a sorti une arme à feu et a menacé de se suicider. Elle a entendu un coup de feu depuis le couloir. Elle a donc cru qu’il avait mis ses menaces à exécution. En réalité, il faisait semblant et n’était pas blessé.

[3] Quand elle a vécu ce traumatisme émotionnel, l’appelante travaillait comme administratrice chez X depuis 13 ans. Elle n’a pas repris cet emploi et n’a pas travaillé depuis.

[4] En juin 2020, l’appelante a demandé la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Elle affirmait ne plus pouvoir travailler en raison d’un trouble de stress post-traumatique, de l’anxiété et d’une dépression. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande après avoir établi qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2021, soit le dernier jour de sa couverture contre l’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada.

[5] L’appelante a porté le refus du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Après une audience par téléconférence, la division générale a rejeté l’appel. Elle a conclu que l’appelante avait eu des problèmes psychologiques, mais qu’elle avait quand même certaines capacités qui lui permettaient d’essayer de faire un autre travail.

[6] Par la suite, l’appelante a demandé la permission de faire appel à la division d’appel. Plus tôt cette année, une de mes collègues de la division d’appel lui a donné la permission de faire appel. Le mois dernier, j’ai organisé une audience pour discuter en profondeur de la demande de pension d’invalidité.

[7] Maintenant que je me suis penché sur les observations des deux parties, je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle est invalide au sens du Régime de pensions du Canada. La preuve montre que l’appelante présente certaines limitations fonctionnelles, mais que ce ne sont pas toutes les formes d’emplois réguliers qu’elle est incapable d’occuper.

Question préliminaire

[8] En décembre 2022, la loi régissant le déroulement des appels au Tribunal de la sécurité sociale a été modifiéeNote de bas page 1. Aux termes de la nouvelle loi, après avoir donné la permission de faire appel, la division d’appel instruit l’appel de novo, c’est‑à-dire qu’elle organise une nouvelle audience pour examiner les mêmes questions qui ont été soumises à la division généraleNote de bas page 2. Comme je l’ai expliqué au début de l’audience, cela voulait dire que je n’étais pas obligé de retenir les conclusions de la division générale. J’ai aussi précisé que j’examinerais tous les éléments de preuve disponibles, y compris les nouveaux éléments de preuve, pour savoir si l’appelante est devenue invalide pendant sa période de couverture.

Question en litige

[9] Pour gagner sa cause, l’appelante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle avait une invalidité grave et prolongée pendant sa période de couverture. Les parties ont convenu que la couverture de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2021Note de bas page 3.

  • Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 4. La personne n’a pas droit à la pension d’invalidité si elle est régulièrement capable d’effectuer un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie.
  • Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas page 5. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité tienne la personne à l’écart du marché du travail pendant très longtemps.

[10] Dans le présent appel, il fallait que je décide si l’appelante avait une invalidité grave et prolongée avant le 31 décembre 2021.

Analyse

[11] J’ai appliqué la loi à la preuve disponible et j’ai conclu que l’appelante n’avait pas une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2021. Je suis convaincu que son problème de santé psychologique ne l’empêche pas d’exercer régulièrement un emploi véritablement rémunérateur.

L’appelante n’est pas atteinte d’une invalidité grave

[12] Les personnes qui demandent la pension d’invalidité ont la responsabilité de prouver qu’elles ont une invalidité grave et prolongéeNote de bas page 6. J’ai examiné le dossier et j’ai conclu que l’appelante ne s’est pas acquittée de cette responsabilité à la hauteur du critère énoncé dans le Régime de pensions du Canada. Elle a peut-être divers problèmes de santé, mais j’ai constaté qu’il n’y avait pas assez d’éléments de preuve pour démontrer que ces problèmes l’ont rendue incapable de travailler.

[13] Dans sa demande, l’appelante a décrit les événements bouleversants qu’elle a vécus avec son ancien petit ami. Il a été physiquement violent avec elle à plusieurs reprises. Il a menacé de nombreuses fois de se suicider avant de faire semblant de le faire alors qu’elle était sur place. Par la suite, après la fin de leur relation, il a continué à lui envoyer des messages textes violents, malgré une ordonnance de non-communication. En juillet 2019, lors d’une tentative de suicide, il lui a envoyé une photo de lui alors qu’il venait juste de se trancher la gorge.

[14] Après l’incident avec l’arme à feu, qui a eu lieu en septembre 2018, la personne propriétaire de l’immeuble a tenté d’expulser l’appelante. La GRC est intervenue et a réussi à convaincre la personne de ne pas procéder à l’expulsion. Malgré cela, pendant une longue période, l’appelante n’était pas certaine qu’elle pourrait rester là. En août 2019, l’immeuble a été vendu et elle s’est retrouvée sans logement. Elle a trouvé un autre appartement, mais c’était sur une base temporaire parce que l’immeuble devait être démoli. C’est seulement en juin 2021 qu’elle a pu trouver un logement permanent.

[15] À la suite de toutes ces tourmentes, l’appelante a reçu des diagnostics d’anxiété, de dépression et de trouble de stress post-traumatique. Elle a raconté qu’elle présentait divers symptômes, dont des flashbacks, des sueurs nocturnes, des sautes d’humeur, des étourdissements, des maux de tête, des problèmes d’estomac et des problèmes de concentration.

[16] Même si l’appelante a peut-être l’impression d’être invalide, je ne peux pas fonder ma décision uniquement sur sa vision subjective de ses propres capacitésNote de bas page 7. Dans la présente affaire, la preuve, considérée dans son ensemble, ne semble pas indiquer que l’appelante avait une déficience grave qui l’empêchait d’exercer un emploi convenable pendant sa période de couverture. D’après ce que je peux voir, l’appelante présentait certaines limitations à ce moment‑là, mais elle n’était pas incapable d’exercer tous les types d’emplois.

[17] Je fonde cette conclusion sur les éléments suivants.

L’appelante a une certaine capacité malgré ses problèmes de santé mentale

[18] La preuve disponible confirme que l’appelante est aux prises avec de l’anxiété, une dépression et un trouble de stress post-traumatique. Toutefois, la preuve semble aussi montrer que ses problèmes se sont aggravés en raison de circonstances qui ont concouru pendant une courte période.

[19] Le dossier ne contient aucune information sur les problèmes de santé mentale avant septembre 2018. Ce mois‑là, sa médecin de famille, la Dre Aung, a noté qu’à la suite d’un événement traumatisant, l’appelante avait plusieurs symptômes : nausées, insomnie, tendance à pleurer constamment, pertes de mémoire et déclin cognitif. La Dre Aung a dit que l’appelante se remettait bien et elle s’attendait à ce que sa patiente se rétablisse. Elle proposait de commencer à lui prescrire du Zoloft (sertraline) et de l’envoyer se faire suivre par des spécialistesNote de bas page 8.

[20] L’appelante a été dirigée vers des services de consultation psychologique. De décembre 2018 et février 2019, elle a eu sept rendez-vous. Durant ces séances, elle a dit qu’elle était toujours capable de mener ses activités de la vie quotidienne, entre les perturbations périodiques causées par les sautes d’humeur. La conseillère a conclu que le rétablissement de l’appelante avançait, mais que la progression était lente en raison des traumatismes passés et de [traduction] « facteurs psychosociaux externesNote de bas page 9 ».

[21] Une première évaluation psychologique faite en prévision de séances supplémentaires donnait les résultats pour plusieurs paramètres : concentration 2/4, organisation/planification 2/4, prise de décision 2/4, communication 3/4, apprentissage/mémoire 3/4, interaction sociale 2/4 et gestion émotionnelle 2/4. L’évaluatrice a écrit que la principale tâche de l’appelante à ce moment‑là était de trouver un nouveau logement, une tâche qu’elle serait capable de faire, comme d’autres tâches, lorsqu’on lui fournirait des lignes directrices, des options et des possibilités. L’évaluatrice a conclu que la capacité de l’appelante de faire les tâches quotidiennes était adéquate et que cette dernière faisait preuve de maturité et de la volonté de se pencher sur les défis actuels et d’explorer de nouvelles façons plus efficaces de les releverNote de bas page 10.

[22] En août 2020, l’appelante a été évaluée par un psychologue à la demande de la compagnie d’assurance-invalidité de longue durée de son employeurNote de bas page 11. Le Dr Nader a diagnostiqué chez l’appelante un trouble de stress post-traumatique, un trouble dépressif majeur et un problème de consommation de cannabis. Il a expliqué que l’appelante avait des déficiences fonctionnelles importantes sur le plan des activités quotidiennes. Par exemple, elle avait de la difficulté à se rappeler et à suivre les directives au point d’avoir de la difficulté à aider son fils à faire ses devoirs. Elle restait en pyjama toute la journée et s’habillait seulement si elle devait sortir. Elle mangeait un seul repas par jour. Elle ne cuisinait pas régulièrement et faisait livrer les repas.

[23] En ce qui concerne sa capacité de travail, le Dr Nader a précisé qu’il fallait limiter tout travail dans un environnement où l’appelante pourrait être exposée :

  • à des comportements menaçants ou à des bruits forts;
  • à des échéances, à des contraintes de temps ou à des attentes élevées en matière de productivité;
  • à des tâches complexes ou à plusieurs tâches en même temps;
  • aux tâches pour lesquelles une moins bonne concentration aurait une incidence importante sur le taux d’erreur;
  • à des situations qui exigent qu’elle apprenne et assimile de nouveaux renseignements;
  • à des contacts fréquents avec ses collègues ou avec la clientèle;
  • à des situations où la probabilité de conflit interpersonnel est forte;
  • à la nécessité de travailler une journée entière ou de faire une semaine entière de travail.

[24] Le Dr Nader a conclu qu’en ce qui a trait à l’amélioration des symptômes de trouble de stress post-traumatique et de dépression, même avec le bon traitement, le pronostic de l’appelante était sombre. Il estimait qu’il était peu probable que ses symptômes disparaissent complètement, mais il espérait tout de même qu’un traitement psychologique approprié l’aiderait à devenir plus fonctionnelle au quotidien.

[25] Lors de son examen il y a trois ans, le Dr Nader a relevé de nombreuses limitations qui nuisent à la capacité de l’appelante de fonctionner dans un milieu de travail. De plus, il semblait relativement pessimiste quant aux perspectives de rétablissement de l’appelante. Si cet examen avait été la dernière évaluation médicale au dossier de l’appelante, j’aurais peut-être été plus enclin à conclure que l’appelante était invalide depuis sa période de protection. Je ne pouvais cependant pas ignorer la preuve montrant que la santé mentale de l’appelante s’est considérablement améliorée depuis.

La santé mentale de l’appelante s’est probablement améliorée

[26] La preuve disponible laisse croire que l’appelante a quitté son emploi en raison d’événements précis et traumatisants sur le plan psychologique qui ont atteint leur comble pendant une période de deux ans. Elle a d’abord été persécutée et harcelée par son petit ami. Ensuite, elle a été expulsée de chez elle et a enduré des mois et des années d’incertitude quant à son prochain logement. Il semble qu’elle ait tenté de composer avec ces deux crises en se traitant elle‑même avec de l’alcool et du cannabis.

[27] Toutefois, ces problèmes ont été atténués ou résolus au cours des dernières années :

  • Elle n’est plus en relation avec son agresseur et il ne semble plus menacer sa sécurité de façon immédiate comme en 2018.
  • Durant son témoignage, elle a confirmé qu’elle avait finalement trouvé un logement social pour elle et ses enfants en 2021.
  • Elle a déclaré qu’elle avait cessé de consommer de l’alcool et du cannabis.

[28] Le dossier indique aussi que l’appelante a bénéficié des services de consultation psychologique. De décembre 2020 à avril 2021, elle avait des séances de consultation psychologique chaque semaine à X Family LifeNote de bas page 12. Par la suite, sa médecin de famille l’a dirigée vers les services de consultation psychologique offerts par Share Family and Community Services. Elle a eu six rendez-vous à cet endroit. Selon le sommaire de fin de traitement, le principal objectif des séances de consultation était d’aider l’appelante à gérer ses symptômes de trouble de stress post-traumatique après son expulsion et à adopter des stratégies d’adaptation pour bénéficier d’un soutien indépendant et communautaire. Le sommaire souligne que l’appelante a atteint plus de 80 % de ses objectifs de traitement et, plus précisément, qu’elle a démontré [traduction] « une meilleure perception de sa capacité à faire face au stress et à se ressaisir et une plus grande confiance en elleNote de bas page 13 ».

[29] L’appelante affirme que la thérapie n’a pas grandement amélioré son état de santé, mais je préfère accorder plus d’importance à une professionnelle qui a participé à son traitement. Les notes cliniques de la Dre Aung, qui décrivent les progrès réalisés par l’appelante après ses années de crise, contiennent d’autres éléments témoignant d’une certaine amélioration :

  • En janvier 2020, l’appelante a parlé de l’amélioration de son sommeil, de son appétit et de ses interactions avec son fils. Son poids était revenu à la normale et elle se sentait plutôt stableNote de bas page 14.
  • En août 2020, l’appelante a déclaré qu’après avoir pris du Zoloft pendant trois mois, elle croyait que le médicament causait de la fatigue, mais elle se sentait mieux et marchait tous les joursNote de bas page 15.
  • En mai 2022, l’appelante a déclaré qu’elle se portait bien et que son humeur était [traduction] « à peu près stable ». Le Zoloft fonctionnait bien et n’avait pas d’effets secondairesNote de bas page 16.

[30] Je sais que deux de ces notes précèdent l’évaluation relativement pessimiste que le Dr Nader a effectuée en août 2020, mais je choisis de leur accorder de l’importance parce qu’elles ont été rédigées par la médecin traitante de l’appelante dans le contexte d’un suivi continu.

La preuve médicale ne permet pas de conclure qu’il y avait des limitations physiques importantes au plus tard le 31 décembre 2021

[31] La demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada était presque entièrement axée sur les déficiences causées par les problèmes de santé mentale de l’appelante. Elle s’est plainte de maux de tête, d’étourdissements, de sueurs nocturnes et de nausées, mais ces symptômes semblent avoir été liés surtout au trouble de stress post-traumatique, à la dépression et à l’anxiété. Plus tard, durant son témoignage, l’appelante a dit qu’elle avait de graves douleurs au cou, au dos et aux épaules pendant sa période de couverture, mais la preuve médicale au dossier n’appuyait pas ses propos.

[32] L’appelante n’a pas mentionné de douleurs au cou, au dos ou aux épaules dans son formulaire de demande. En effet, elle a écrit qu’elle avait une capacité [traduction] « passable » à « bonne » d’effectuer un certain nombre de tâches physiques, comme rester debout pendant au moins 20 minutes, marcher jusqu’au coin de la rue, monter et descendre les escaliers, rester assise pendant au moins 20 minutes dans une chaise droite, ramasser deux sacs d’épicerie et marcher jusqu’au coin de la rue, et regarder un écran pendant 20 minutesNote de bas page 17.

[33] L’appelante a déclaré qu’elle n’a pas mentionné les douleurs au cou et au dos dans sa demande parce qu’à ce moment-là, son problème de santé principal était de nature psychologique et non physique. Elle a dit qu’elle avait des douleurs au cou et au dos avant juin 2020, mais que son état a commencé à s’aggraver plus tard. Elle a dit qu’elle continuait de ressentir des accès de douleur, dont l’intensité était de 7 ou 8 sur une échelle de 10. Durant de tels accès, elle prenait du Tylenol et de l’Advil, ce qui aidait, mais seulement pour un temps.

[34] En revanche, les dossiers médicaux de l’appelante semblent indiquer que ses douleurs au cou et au dos ont été de courte durée. Ses dossiers ne mentionnent pas de telles douleurs avant septembre 2020, lorsque l’appelante a dit à sa médecin qu’elle avait parfois de la difficulté à bouger parce qu’elle avait mal au bas du dosNote de bas page 18. Cependant, les notes de la médecin indiquent que les maux de dos semblaient réglés en novembre 2020Note de bas page 19. Ils sont mentionnés jusqu’en novembre 2021, quand l’appelante a raconté qu’elle avait eu mal au bas et au milieu du dos pendant trois joursNote de bas page 20. Parmi les multiples consultations dans les mois suivants, les médecins de l’appelante n’ont mentionné aucune autre plainte de maux de dosNote de bas page 21.

[35] L’appelante a mentionné les douleurs au cou pour la première fois en octobre 2021 lors d’une consultation téléphonique avec sa médecin. Elle a dit qu’elle avait mal au cou depuis qu’elle avait visité l’île de Vancouver pendant la longue fin de semaine de septembreNote de bas page 22. Sa médecin de famille pensait que le problème était probablement une élongation du cou. Plus tard, une radiographie a révélé des changements dégénératifs. Elle a recommandé des exercices de stabilisation et a noté que l’appelante ressentait [traduction] « seulement des douleurs localisées au couNote de bas page 23 ».

[36] Les douleurs à l’épaule de l’appelante semblent aussi avoir été légères et de courte durée. En novembre 2020, elle a dit à sa médecin de famille que, depuis deux ou trois semaines, elle ressentait des douleurs à l’épaule gauche – comme des [traduction] « crampes » lorsqu’elle prenait une grande respiration – et porter un sac en bandoulière de ce côté‑là lui faisait malNote de bas page 24. L’appelante a pris du Naproxen pour soulager ses douleurs.

[37] Encore une fois, même si elle a consulté des médecins de nombreuses fois, leurs notes mentionnent les douleurs à l’épaule seulement 18 mois plus tard. En mai 2022, la Dre Aung a écrit que l’appelante ressentait [sic] à l’épaule gauche depuis plus de deux mois, même si elle ne souffrait pas autant que la semaine précédente. Elle a dit que les douleurs étaient apparues après une partie de basket-ball dans un parc. Elles disparaissaient et réapparaissaient, même si certains jours, la douleur était si intense qu’elle avait de la difficulté à s’habiller. Durant l’examen, la Dre Aung n’a relevé aucune anomalie, mais elle se demandait si c’était de l’arthroseNote de bas page 25. Elle a envoyé l’appelante passer une radiographie. Le résultat était normalNote de bas page 26.

[38] Compte tenu des éléments de preuve médicale ci‑dessus, je suis convaincu que les douleurs au cou, au dos et à l’épaule de l’appelante étaient localisées, passagères et gérables. Quant aux autres problèmes de santé de l’appelante, je ne vois pas non plus en quoi ils ont nui à sa capacité de travail. Par exemple, elle a contrôlé le reflux gastro-œsophagien pathologique à l’aide de médicaments sans trop nuire, semble‑t‑il, à ses activités quotidiennesNote de bas page 27. Très peu d’éléments de preuve indiquent que les étourdissements de l’appelante ont entraîné de gros problèmes – ses symptômes semblaient épisodiques, et sa médecin de famille a établi un lien entre les étourdissements et sa consommation de boissons gazeuses et de caféNote de bas page 28. Un spécialiste en médecine interne a noté que l’appelante avait des sueurs nocturnes depuis la vingtaine – bien avant qu’elle cesse de travailler. Il a décrit ce problème de santé comme un symptôme secondaire du stress, du trouble de stress post-traumatique et du cycle menstruel. Il n’a pas laissé entendre que ce problème de santé empêcherait l’appelante de travaillerNote de bas page 29.

[39] Somme toute, les problèmes de santé physique de l’appelante n’ont pas contribué à l’existence d’une invalidité grave ou prolongée en date du 31 décembre 2021. J’admets que l’appelante ressent des douleurs occasionnelles et d’autres symptômes physiques dont des malaises gastro-intestinaux, des étourdissements et des sueurs nocturnes excessives depuis le mois d’octobre 2021. Toutefois, je ne suis pas en mesure de conclure que son état de santé général l’empêchait de travailler pendant sa période de couverture.

Les antécédents et les caractéristiques personnelles de l’appelante ne nuisent pas à son employabilité

[40] Après avoir considéré les problèmes de santé psychologique et physique de l’appelante dans leur ensemble, je juge qu’il lui reste quand même une certaine capacité de travail. Ma conviction est renforcée par l’examen de son employabilité générale.

[41] Pour décider si l’appelante est capable de travailler, je ne peux pas m’arrêter à ses problèmes de santé. Je dois aussi tenir compte de caractéristiques comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Ces éléments m’aident à décider si elle est capable de travailler dans un contexte réaliste.

[42] L’appelante a des problèmes de santé mentale depuis longtemps et elle est sensible au stress, mais elle a plusieurs qualités qui lui donneraient un avantage dans ses recherches d’emploi. Elle a un diplôme d’études secondaires et a travaillé pendant 13 ans dans le monde des entreprises. Elle parle couramment le français et l’anglais. À la fin de sa période de couverture, elle n’avait que 40 ans, ce qui est loin de l’âge habituel de la retraite.

[43] Malgré ses déficiences, l’appelante avait une capacité résiduelle de travail le 31 décembre 2021. Ainsi, comme nous le verrons, cette capacité lui imposait une obligation.

L’appelante n’a pas tenté d’occuper un autre emploi

[44] Selon une décision de la Cour d’appel fédérale intitulée Inclima, les personnes qui demandent la pension d’invalidité doivent faire leur possible pour trouver un autre emploi qui prend mieux en compte leurs déficiences.

[45] Par conséquent, une personne qui dit répondre à la définition d’une invalidité grave doit non seulement démontrer qu’elle a de sérieux problèmes de santé, mais dans les affaires comme la présente, où il y a des preuves de la capacité de travail, elle doit aussi démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santéNote de bas page 30.

[46] Cette explication donne à penser que, si la personne conserve au moins une certaine capacité de travail, la division générale doit faire une analyse i) pour voir si la personne a tenté de trouver un autre emploi et ii) si la réponse est oui, pour vérifier si ses déficiences l’ont empêchée d’obtenir et de conserver cet emploi.

[47] De plus, les personnes qui demandent la pension d’invalidité doivent faire des tentatives sérieuses pour reprendre le travailNote de bas page 31. Elles ne peuvent pas limiter leur recherche d’emploi au type de travail qu’elles faisaient avant de devenir invalides. En effet, elles doivent démontrer qu’elles sont régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 32. Les personnes qui n’essaient pas de trouver un autre type d’emploi pourraient ne pas avoir droit à la pension.

[48] Dans la présente affaire, l’appelante avait quand même une certaine capacité de travail – assez pour déclencher l’obligation de chercher un emploi qui prendrait mieux en compte ses limitations. Mais l’appelante n’a pas repris le travail ni tenté de le faire après son départ de X en septembre 2018. À l’audience, elle a déclaré qu’après avoir été témoin des tentatives de suicide réelles et mises en scène de son ex‑petit ami, son dernier emploi était devenu trop lourd pour elle. Je lui ai demandé si elle avait envisagé de chercher un emploi qui aurait été moins dur pour les nerfs. Elle a répondu qu’elle avait besoin de temps pour tenter d’améliorer sa santé mentale – ses pensées étaient comme prises dans une [traduction] « tornade ». Elle a ajouté qu’elle aurait de la difficulté à faire n’importe quel travail qui l’obligerait à traiter avec le public.

[49] J’ai trouvé ses explications peu convaincantes. Comme nous l’avons vu, la majorité des éléments de preuve indique que les problèmes de santé mentale de l’appelante étaient aggravés par des circonstances qui soit n’existent plus ou se sont stabilisées. Quoi qu’il en soit, il y avait peu d’éléments au dossier qui laissaient croire que le trouble de stress post-traumatique ou la dépression et l’anxiété empêchaient l’appelante de conserver un emploi régulier.

[50] En fin de compte, je n’ai pas été en mesure de bien évaluer la gravité de l’invalidité en date du 31 décembre 2021. En effet, l’appelante n’a pas fait d’efforts sérieux pour trouver un emploi possiblement mieux adapté à ses limitations fonctionnelles. Si elle avait tenté de faire un travail, par exemple, moins stressant ou selon un horaire réduit, elle aurait peut-être pu continuer à travailler.

Je n’ai pas à vérifier si l’invalidité est prolongée

[51] L’invalidité doit être grave et prolongéeNote de bas page 33. Comme l’appelante n’a pas prouvé que son invalidité est grave, il n’est pas nécessaire de voir si elle est prolongée.

Conclusion

[52] La preuve montre que l’appelante a des problèmes de santé mentale, mais je ne suis pas convaincu qu’ils constituent une invalidité grave. Ses médecins ne l’ont jamais empêchée de retourner au travail. Elle a une capacité de travail résiduelle, mais elle n’a jamais essayé d’exercer un emploi qui serait moins exigeant mentalement et psychologiquement que son poste d’administratrice au service à la clientèle.

[53] L’appel est rejeté.

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