Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : LB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1718

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : L. B.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et
du Développement social datée du 5 mai 2023
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Carol Wilton
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 16 novembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 28 novembre 2023
Numéro de dossier : GP-23-967

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

L’appelante, L. B., n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. J’explique dans la présente décision pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[2] L’appelante avait 31 ans en juin 2005 lorsqu’elle a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Elle avait travaillé comme aide-soignante. Elle a dit être incapable de travailler depuis 2005 après avoir eu deux accidents de travail l’année précédente. Lors de l’un des accidents, un patient lui a donné un coup de poing dans le dos. Dans l’autre, elle s’est blessée en tentant de transférer un patient toute seule. En conséquence, elle avait des douleurs à l’épaule droite et au dosNote de bas de page 1.

[3] Le ministre a rejeté la demande de l’appelante. Elle a fait appel devant le tribunal de révision (prédécesseur de la division générale du Tribunal). Le tribunal de révision a tenu une audience le 15 avril 2008.

[4] Dans une décision datée du 2 juin 2008, le tribunal de révision a rejeté l’appel de l’appelante. Il a conclu que la preuve n’avait pas démontré qu’elle avait une invalidité grave et prolongée à la date à laquelle elle était admissible pour la dernière fois aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[5] L’appelante n’a pas fait appel de la décision du tribunal de révision.

[6] En avril 2022, l’appelante a de nouveau présenté une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Elle a dit être incapable de travailler depuis 2005 en raison de son invalidité. Le ministre a rejeté sa demande.

[7] Le ministre a dit que la décision rendue par le tribunal de révision en juin 2008 était une décision définitive concernant l’admissibilité de l’appelante aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada. L’appelante a fait appel devant le Tribunal.

[8] L’appelante affirme qu’elle n’est pas d’accord avec la décision du tribunal de révision de 2008 parce que, depuis 2004, tout le côté droit de son corps est blessé et douloureux.

Ce que dit la loi

[9] La Cour suprême du Canada a affirmé que « [l]e droit tend à juste titre à assurer le caractère définitif des instances. […] un plaideur n’a droit qu’à une seule tentativeNote de bas de page 2. »

[10] Il existe une règle juridique appelée res judicata (règle de la chose jugée). Le terme res judicata signifie en latin [traduction] « la chose est décidée ».

[11] Selon la règle, lorsqu’une personne fait appel plus d’une fois, le Tribunal ne peut pas se prononcer sur une question qui a déjà été tranchée. La règle s’applique lorsque les trois conditions suivantes sont remplies :

  • La question en litige dans le présent appel est la même que celle d’un appel antérieur.
  • Les parties sont les mêmes dans les deux appels.
  • La décision relative à l’appel antérieur était définitiveNote de bas de page 3.

[12] Même si cette règle s’applique, le Tribunal peut encore entendre le présent appel, mais seulement dans le cas où il serait injuste de ne pas le faire. Par exemple, il pourrait être injuste de ne pas entendre l’appel :

  • si l’audience de l’appel antérieur n’était pas équitable;
  • lorsqu’il y a une différence importante entre les buts, les processus ou les enjeux des deux appels.

[13] Dans ces situations, je pourrais décider d’entendre l’appel, même si la règle de la chose jugée s’applique.

[14] Ce ne sont là que deux exemples. Il n’existe pas de liste établie de facteurs dont je dois tenir compte lorsque je décide s’il serait injuste de ne pas entendre le présent appelNote de bas de page 4.

[15] Je l’ai expliqué dans une lettre adressée à l’appelante le 31 juillet 2023. Je lui ai dit que son audition serait sa chance de me dire :

  • pourquoi la règle de la chose jugée ne s’applique pas à son appel;
  • pourquoi je devrais entendre son appel même si la règle de la chose jugée s’appliqueNote de bas de page 5.

Motifs de ma décision

[16] J’ai décidé que la règle de la chose jugée s’applique à l’appel de l’appelante. J’ai également décidé que ma décision concernant la règle de la chose jugée n’entraîne pas d’injustice. Je vais maintenant expliquer pourquoi.

La question en litige dans le présent appel a déjà été tranchée

[17] La question en litige dans le présent appel a déjà été tranchée. Cela signifie que la règle de la chose jugée s’applique et que l’appel ne peut pas aller de l’avant. La règle s’applique parce que les trois conditions de la règle de la chose jugée sont remplies.

[18] Premièrement, les questions en litige dans les deux appels sont les mêmes. L’appel antérieur portait sur la question de savoir si l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2007.

[19] C’est à cette date que sa période de couverture, ou « période minimale d’admissibilité », a pris fin. La période minimale d’admissibilité d’une personne est fondée sur ses cotisations au Régime de pensions du Canada Note de bas de page 6. Cela signifie que le présent appel porte encore sur la question de savoir si elle avait une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2007.

[20] Deuxièmement, les parties sont les mêmes. Il s’agit toujours de l’appelante et du ministre.

[21] Troisièmement, la décision du tribunal de révision de 2008 était définitive. L’appelante ne pouvait faire appel que devant la Commission d’appel des pensions (CAP) (qui a précédé la présente division d’appel). Elle avait 90 jours pour le faireNote de bas de page 7, mais elle ne l’a pas fait.

[22] Puisque la règle de la chose jugée s’applique, je dois maintenant décider si je devrais entendre l’appel de l’appelante de toute façon. Je ne peux le faire que s’il était injuste de ne pas entendre son appel.

Il n’est pas injuste de décider de ne pas entendre l’appel de l’appelante

[23] Je conclus que ma décision au sujet de la règle de la chose jugée n’entraîne pas d’injustice. J’explique les motifs de ma décision plus loin.

[24] Bien qu’il existe un pouvoir discrétionnaire, je ne peux pas l’exercer de manière aléatoire. Autrement dit, je ne peux décider, pour n’importe quelle raison, que la règle de la chose jugée n’est pas applicable. Mon objectif est de m’assurer que l’application de la règle de la chose jugée « favorise l’administration ordonnée de la justice, mais pas au prix d’une injustice concrèteNote de bas de page 8 ».

L’audience de 2008 a été équitable sur le plan procédural

[25] Je conclus que l’audience de 2008 était équitable du point de vue procédural. L’appelante n’a fourni aucun élément de preuve de lacunes procédurales avant à l’audience de 2008. Elle a assisté à cette audience en personne. Elle a témoigné sous serment. Deux témoins se sont exprimés en son nom. Elle a déposé des documents médicaux et a eu l’occasion de présenter des observations. Elle avait le droit de faire appel de la décision de 2008, mais elle a choisi de ne pas le faire.

L’appelante affirme qu’il y a eu injustice à l’audience de 2008

[26] L’appelante a fait valoir que ses problèmes de santé n’avaient pas été pris en compte à l’audience de 2008.

[27] Je ne suis pas d’accord. Le tribunal de révision avait été saisi des rapports d’imagerie et des spécialistes. Dans sa décision, il a tenu compte de l’ensemble de la preuve dont il disposait.

[28] L’appelante a également affirmé que des éléments de preuve ultérieurs démontraient qu’elle avait, en décembre 2007, des fractures à l’épaule et au dos. Selon elle, celles-ci n’ont jamais guéri. Elles lui causaient une terrible douleur depuis. Toutefois, je conclus que les éléments de preuve de 2021 et de 2023 ne sont pas pertinents à l’affaire dont je suis saisie.

[29] En août 2021, un rapport d’imagerie montrait la formation de nouveaux tissus osseux (ossification) qui pourraient se faire sur une fracture-avulsion lointaine (rupture d’un fragment osseux)Note de bas de page 9. Rien dans le rapport d’imagerie n’indique que la fracture n’avait pas guéri ou qu’elle s’était produite vers la fin de 2007. En fait, une échographie de l’épaule droite de l’appelante faite en novembre 2005 n’a révélé qu’une petite déchirure d’un tendonNote de bas de page 10.

[30] En août 2023, une imagerie par résonance magnétique (IRM) a révélé une arthrose dans les articulations du milieu du dos de l’appelante. Les rapports indiquaient que celle-ci résultait probablement d’une « fracture chronique d’une côte droiteNote de bas de page 11 ». Rien dans le présent rapport ne montre que l’appelante s’était fracturé des côtes en 2007. Les IRM du milieu de son dos de 2004 et 2005 ne l’indiquaient pas non plusNote de bas de page 12.

[31] L’appelante a soutenu que l’audience de 2008 n’avait pas d’importance pour elle à l’époque et qu’elle n’y avait pas prêté beaucoup d’attention. Elle se concentrait davantage sur sa colère envers la WSIB, qui rejetait ses demandes d’indemnisation. L’indifférence alléguée de l’appelante à l’égard de l’issue de l’audience ne la rend pas injuste.

L’objet, la procédure et les enjeux des deux appels sont les mêmes

[32] Il n’est pas injuste d’utiliser la décision de 2008 du tribunal de révision pour empêcher l’appelante de faire appel maintenant. Cela s’explique par le fait que l’objet, la procédure et les enjeux en cause dans le présent appel sont les mêmes que dans son appel antérieurNote de bas de page 13.

[33] L’objet du présent appel est de décider si l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2007. C’était aussi l’objet de l’appel antérieur.

[34] La procédure dans les deux appels est la même. Si j’avais décidé que le présent appel pouvait aller de l’avant, il y aurait eu une autre audience, tout comme il y a eu une audience pour l’appel antérieur.

[35] Les enjeux en cause dans le présent appel sont l’admissibilité de l’appelante aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Les enjeux étaient les mêmes dans l’appel antérieur.

L’application de la règle de la chose jugée ne favorisera pas l’injustice

[36] L’appelante n’a soulevé aucune allégation crédible d’injustice qui justifierait que j’écarte la règle de la chose jugée. La présente affaire appelle à la finalité.

[37] L’appelante me demande en fait d’entendre de nouveau sa demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce qu’elle n’est pas d’accord avec la décision précédente. Mais le principe de la chose jugée empêche la tenue d’une nouvelle audition ou la révision de questions qui ont déjà été tranchées.

[38] Je conclus qu’il n’y a pas de circonstances spéciales selon lesquelles l’appel serait visé par l’exception à la règle de la chose jugée.

Conclusion

[39] L’appel de l’appelante ne peut aller de l’avant. Le tribunal de révision de 2008 a décidé qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2007. La règle de la chose jugée s’applique. Il n’y a pas d’injustice à décider de ne pas entendre son appel.

[40] Par conséquent, l’appelante n’est pas admissible aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[41] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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