Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : SM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1677

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Appelant : S. M.
Représentante : C. M.
Intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 4 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Adam Picotte
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 7 novembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’appelant
Date de la décision : Le 21 novembre 2023
Numéro de dossier : GP-23-420

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelant, S. M., a droit à une pension d’invalidité après retraite (PIAR) au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Les paiements commencent en septembre 2021. J’explique dans la présente décision pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant est un ancien opérateur de grue âgé de 64 ans. Du mois d’août 2013 au mois de mai 2021, il a travaillé pour X. Il a cessé de travailler à la suite d’un diagnostic de COVID-19. En mai 2020, il a demandé une pension de retraite du RPC. Il a commencé à recevoir cette prestation en juin 2020.

[4] L’appelant a demandé une pension d’invalidité du RPC et une PIAR le 1er avril 2022. Le ministre de l’Emploi et du Développement social (ministre) a rejeté sa demande. L’appelant a porté en appel la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelant affirme qu’en raison de ses déficiences physiques et psychologiques, il est incapable de travailler à quelque titre que ce soit. 

[6] Le ministre affirme qu’il n’y a au dossier aucune preuve qui démontre la présence d’une invalidité grave et prolongéeNote de bas de page 1. 

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Pour obtenir gain de cause, l’appelant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience. Cette date est fondée sur ses cotisations au RPCNote de bas de page 2.

[8] Le Régime de pensions du Canada (RPC) définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité n’est grave que si elle rend une partie appelante régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[10] Cela signifie que je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelant dans leur ensemble pour voir quel effet ils ont sur sa capacité de travailler. Je dois également tenir compte de ses antécédents (notamment son âge, son niveau de scolarité, son expérience professionnelle et personnelle). C’est pour que je puisse avoir un portrait réaliste de la gravité de son invalidité. Si l’appelant est en mesure d’effectuer régulièrement un travail qui lui permettrait de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 4.

[12] Cela signifie que l’invalidité de l’appelant ne peut être assortie d’une date prévue de rétablissement. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité empêche l’appelant de travailler pendant longtemps.

[13] L’appelant doit prouver qu’il a une invalidité grave et prolongée. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. C’est‑à‑dire qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

Questions que je dois examiner en premier

L’appelant ne peut être admissible à une PIAR.

[14] L’appelant ne peut être admissible à une prestation d’invalidité parce qu’il en a fait la demande trop tard.

[15] Le RPC permet les appels tardifs. Toutefois, lorsqu’un appelant reçoit une prestation de retraite, il doit demander une prestation d’invalidité dans un délai de 15 mois suivant la date de début de la prestation de retraiteNote de bas de page 5. Nul ne peut être réputé invalide plus de 15 mois avant la date de réception d’une demande de prestations d’invalidité du RPCNote de bas de page 6.

Motifs de ma décision

[16] Je conclus que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée au mois de mai 2021. J’en suis arrivé à cette décision après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité de l’appelant était-elle grave?
  • L’invalidité de l’appelant était-elle prolongée?

L’invalidité de l’appelant était-elle grave?

[17] L’invalidité de l’appelant était grave. J’en suis arrivé à cette conclusion en tenant compte de plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci‑après.

Les limitations fonctionnelles de l’appelant nuisent à sa capacité de travailler

[18] L’appelant a les problèmes de santé suivants :

  • fatigue chronique.
  • douleur chronique
  • anxiété
  • dépression

[19] Toutefois, je ne peux pas me concentrer sur les diagnostics de l’appelantNote de bas de page 7. Je dois plutôt me demander s’il avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 8. Dans le cadre de cette démarche, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelant (pas seulement le problème principal) et réfléchir à leur incidence sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 9.

[20] Je juge que l’appelant a des limitations fonctionnelles qui ont nui à sa capacité de travailler.

Ce que l’appelant dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[21] L’appelant affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler. Il dit avoir les déficiences suivantes :

  • Incapacité de rester debout pendant au moins 20 minutes – Il ressentira alors des douleurs aux jambes et au dos. Il aura aussi des étourdissements. Il lui est arrivé à plusieurs reprises de perdre l’équilibre et de tomber.
  • Difficulté à monter et descendre de 12 à 15 marches – Il lui faut plus de temps pour monter ou descendre un nombre si élevé de marches. Cela peut lui prendre jusqu’à 15 minutes pour monter une volée d’escaliers.
  • Incapacité de s’adapter aux changements – L’appelant n’est pas en mesure de s’adapter aux changements. Il est capable de gérer des changements simples, mais tout ce qui est complexe est difficile.
  • Difficulté à décider quoi faire en situation de stress – La plupart du temps, il reste seul à la maison et évite les gens. Il devient stressé et s’énerve. Il évite le stress parce qu’il est incapable de composer avec celui‑ci.
  • Difficulté à accomplir des activités ménagères – Sa famille doit l’aider à faire son épicerie, à s’habiller, à faire la vaisselle, à faire le ménage et à faire la lessive. De plus, sa femme l’aide à s’habiller et à choisir ses vêtements.
  • Mauvaise mémoire – L’appelant a de la difficulté à se souvenir de certaines choses et à se rappeler les choses qu’il est censé faire.
  • Socialisation – L’appelant ne socialise plus. Il m’a dit qu’il souffrait beaucoup émotionnellement. Il a pris des médicaments psychiatriques, mais il n’en a obtenu aucun bénéfice.

Ce que la preuve médicale révèle au sujet des limitations fonctionnelles de l’appelant

[22] L’appelant doit fournir une preuve médicale démontrant que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date de l’audienceNote de bas de page 10.

[23] La preuve médicale étaye ce que dit l’appelant.

[24] Le 1er avril 2022, le Dr Sameera Benjamen a fourni un rapport médical à l’appui de la demande de prestations d’invalidité du RPC de l’appelant.

[25] Le Dr Benjamen a écrit que l’appelant avait reçu un diagnostic de fatigue chronique et de douleur chronique. Ces affections avaient entraîné des symptômes post‑COVID-19, y compris une fatigue intense, de la faiblesse, de la raideur et des douleurs sur tout le corps, surtout au dos, aux jambes et aux pieds.

[26] Par suite de ce diagnostic, on a noté que l’appelant avait de la difficulté à se tenir debout, à marcher, à s’acquitter d’activités de la vie quotidienne et à répondre à ses besoins en soins personnelsNote de bas de page 11.

[27] Le Dr Benjamen a écrit que l’appelant souffrait d’anxiété et de dépression. En raison de ces problèmes de santé, l’appelant se sentait déprimé, dormait mal, était peu motivé et avait de la difficulté à fonctionner, sa mémoire lui faisait défaut et il n’avait aucune vie sociale. En raison de ces problèmes de santé, il avait également de la difficulté à se concentrerNote de bas de page 12.

[28] Le Dr Benjamen a reçu l’appelant en consultation en avril 2021 et a noté que l’appelant présentait une fatigue générale. Il a noté que l’appelant était tellement fatigué qu’il s’était évanoui.

[29] Le Dr Benjamen a écrit qu’il avait recommandé à l’appelant de cesser de travailler à compter du 31 mai 2021Note de bas de page 13.

[30] La preuve médicale confirme que l’invalidité dont l’appelant est atteint a eu une incidence négative sur ses problèmes physiques et psychologiques. Il n’est plus capable de socialiser. Sa capacité de se concentrer et de s’adapter est limitée. De plus, sa mémoire est déficiente. En plus de ses déficiences psychologiques, l’appelant a également des déficiences physiques. Il souffre de fatigue et celle‑ci nuit à sa capacité de fonctionner régulièrement. Il a aussi des limitations pour ce qui est de se tenir debout et de marcher.

[31] J’examinerai ci‑après la question de savoir si l’appelant a suivi les conseils des médecins.

L’appelant a suivi les conseils des médecins

[32] Pour recevoir une pension d’invalidité, une partie appelante doit suivre les conseils de ses médecinsNote de bas de page 14. Si elle ne le fait pas, elle doit avoir une explication raisonnable. Je dois également examiner l’effet, le cas échéant, que les conseils des médecins auraient pu avoir sur l’invalidité de l’appelantNote de bas de page 15.

[33] L’appelant a suivi les conseils des médecinsNote de bas de page 16.

[34] Le ministre ne le conteste pas. De plus, dans mon examen du dossier, je n’ai relevé aucune indication que l’appelant n’avait pas suivi les conseils des médecins. Par conséquent, je suis convaincu qu’il ne s’agit pas d’une question à trancher en l’espèce.

[35] Je dois maintenant décider si l’appelant peut occuper sur une base régulière d’autres types d’emplois. Pour être graves, les limitations fonctionnelles de l’appelant doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type de travail, et non seulement dans son emploi habituelNote de bas de page 17.

L’appelant ne peut pas travailler dans le monde réel

[36] Lorsque je décide si l’appelant peut travailler, je ne peux pas simplement examiner ses problèmes de santé et leur incidence sur ce qu’il peut faire. Je dois également tenir compte des facteurs suivants notamment :

  • son âge;
  • son niveau de scolarité;
  • ses capacités linguistiques;
  • son expérience professionnelle et personnelle.

[37] Ces facteurs m’aident à décider si l’appelant peut travailler dans un contexte réaliste, c’est‑à‑dire s’il est réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 18.

[38] Je conclus que l’appelant ne peut pas travailler dans un contexte réaliste.

[39] L’appelant a déménagé au Canada en 2006. Il est né en Irak. Il ne parle ni anglais ni français. De plus, il a toujours occupé des emplois exigeants physiquement, plus récemment comme opérateur de grue. Cependant, avant cela, il a travaillé dans une usine de fabrication de fenêtres en aluminium et a occupé divers types d’emplois en usine et dans le domaine de la construction.

[40] Ces emplois faisaient appel à sa capacité physique à faire le travail. Comme il ne peut pas parler français ou anglais, l’appelant doit faire face à un désavantage important dans sa recherche d’un emploi véritablement rémunérateur.

[41] De plus, l’appelant est dans la soixantaine. Compte tenu de l’ampleur de ses incapacités, de son expérience de travail limitée en dehors du travail manuel et de la mesure de ses déficiences physiques et psychologiques, je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il ne peut travailler à quelque titre que ce soit.

[42] Je conclus que l’invalidité de l’appelant était grave en mai 2021, lorsqu’il n’était plus en mesure de travailler après son diagnostic de COVID-19.

L’invalidité de l’appelant était-elle prolongée?

[43] L’invalidité de l’appelant était prolongée.

[44] Les affections de l’appelant ont commencé en mai 2021. Elles ont subsisté depuis, et elles subsisteront vraisemblablement indéfinimentNote de bas de page 19.

[45] Le Dr Benjamen a écrit que les douleurs et la fatigue chroniques de l’appelant, ainsi que son anxiété et sa dépression, étaient susceptibles de durer pendant une période inconnue ou de s’aggraverNote de bas de page 20.

[46] Compte tenu du pronostic établi par le Dr Benjamen et de la continuité des symptômes ressentis par l’appelant, je suis convaincu que son invalidité est prolongée.

[47] Je conclus que l’invalidité de l’appelant était prolongée en mai 2021.

Début des versements

[48] L’invalidité de l’appelant est devenue grave et prolongée en mai 2021.

[49] Il y a un délai de carence de quatre mois avant le début des versementsNote de bas de page 21. Cela signifie que les paiements commencent en septembre 2021.

Conclusion

[50] Je conclus que l’appelant est admissible à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité était grave et prolongée.

[51] Cela signifie que l’appel est accueilli.

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