Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : AT c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1228

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : A. T.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision rendue le 2 novembre 2022 par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiqué par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jackie Laidlaw
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 24 août 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 6 septembre 2023
Numéro de dossier : GP-23-31

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, A. T., n’est pas admissible à la pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante est une femme âgée de 36 ans qui a principalement travaillé comme cuisinière. Elle souffre de douleurs corporelles générales depuis 2020. Elle a cessé de travailler en janvier 2021. Elle reçoit actuellement des injections au cou, à la tête, aux épaules et dans le haut de la colonne vertébrale dans une clinique de traitement de la douleur. Elle n’a reçu d’information sur aucune technique de gestion de la douleur, comme la pleine conscience, les stratégies de gestion de l’énergie, l’aquathérapie ou le développement de ses muscles centraux. Elle n’effectue aucun exercice ou activité tel qu’il est recommandé. Son médecin de famille attend un second avis sur son état de santé.

[4] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 27 janvier 2022. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme qu’elle est incapable de rester assise ou debout pendant une longue période. Tout ce qu’elle fait est se masser les bras et les jambes. Elle ne peut rien tenir, car elle n’a pas de prise dans les mains.

[6] Le ministre affirme qu’il reconnaît qu’elle souffre de limitations causées par la douleur, mais qu’il reste de nombreux traitements à essayer. De plus, une autre consultation est en cours pour déterminer la cause de sa douleur.

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Pour obtenir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle a une invalidité grave et prolongée au plus tard le 24 août 2023, date de l’audienceNote de bas page 1.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 2.

[10] Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de l’appelante pour déterminer leur incidence sur sa capacité à travailler. Je dois également tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau de scolarité et son expérience professionnelle et personnelle. Ainsi, j’obtiendrai une image réaliste de la gravité de son invalidité. Si l’appelante est en mesure d’effectuer régulièrement un travail qui lui permettrait de gagner sa vie, elle n’est pas admissible à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas page 3.

[12] Cela signifie que l’invalidité de l’appelante ne peut pas être assortie d’une date prévue de rétablissement. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité empêche l’appelante de travailler pendant longtemps.

[13] L’appelante doit prouver qu’elle a une invalidité grave et prolongée. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience.

L’invalidité de l’appelante est-elle grave?

[15] L’invalidité de l’appelante n’est pas grave. J’ai tiré cette conclusion en tenant compte de plusieurs facteurs que j’explique ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisent effectivement à sa capacité de travailler

[16] L’appelante a reçu un diagnostic provisoire de fibromyalgieNote de bas page 4.

[17] L’appelante a également déclaré à l’audience qu’elle souffre d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Elle a dit qu’il n’y avait pas de diagnostic réel et qu’elle avait elle-même diagnostiqué l’état. Comme il n’y a aucune preuve médicale à l’appui d’un diagnostic, je ne peux pas accepter qu’il s’agisse d’un diagnostic d’un problème de santé qui l’empêche de travailler.

[18] Cependant, je ne peux pas examiner seulement le diagnostic de l’appelanteNote de bas page 5. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas page 6. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité à travaillerNote de bas page 7.

[19] Je conclus que l’appelante a des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler.

Ce que l’appelante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles et de ses traitements

[20] L’appelante affirme que les limitations fonctionnelles causées par son problème de santé nuisent à sa capacité à travailler. Elle dit que la douleur a commencé en haut de son épaule et qu’elle n’était pas aussi grave qu’elle l’est aujourd’hui. Maintenant, elle descend le long de ses jambes et de son dos. Elle avait un médecin de famille, la Dre Taylor, et, en quatre ans, elle ne l’a vue qu’une seule fois pour la douleur. Lorsque la Dre Taylor a quitté son cabinet, elle a dit à l’appelante de consulter le nouveau médecin de famille, le Dr McLoughlin.

[21] Elle travaillait au Tim Hortons en 2020 lorsque la douleur a commencé. Le Dr McLoughlin l’a envoyée passer une IRM, un tomodensitogramme et des échographies, qui n’ont révélé aucune cause de ses symptômes. Sa douleur s’est aggravée. Il l’a envoyée passer d’autres examens. Le Dr McLoughlin ne lui a pas dit de cesser de travailler.

[22] Elle a travaillé au Tim Hortons pendant six mois et a arrêté, pour être cuisinière à temps partiel plus près de chez elle, à Elgin, où elle vivait. Elle n’a pas cessé de travailler au Tim Hortons en raison de sa douleur. Elle a continué à travailler comme cuisinière, trois jours par semaine, quatre à cinq heures par jour. Elle a commencé à sentir des picotements dans ses bras et ses jambes, qui lui faisaient mal après dix minutes. Elle a quitté son emploi au restaurant après trois mois en janvier 2021 et a touché des prestations régulières d’assurance-emploi pendant un an.

[23] Le Dr McLoughlin lui a prescrit de nombreux médicaments, qui lui ont tous donné des maux d’estomac. Elle ne prend pas de médicaments contre la douleur. Elle ne prend que du Tylenol et de l’Advil. Le Dr McLoughlin l’a envoyée à la clinique de gestion de la douleur KOPI il y a un an. Elle reçoit des injections bihebdomadaires d’anesthésie tronculaire et, tous les deux mois, une autre injection de lidocaïne par intraveineuse. Les injections l’aident pendant quelques heures. Elle a essayé les ultrasons, ce qui a aggravé sa douleur. L’appelante a déclaré qu’à la clinique KOPI, on essayait de trouver un moyen de contrôler la douleur. Toutefois, elle n’a jamais suivi de techniques de gestion de la douleur ni de thérapie cognitivo-comportementale à la clinique KOPI ou ailleurs.

[24] Elle ne peut pas faire la vaisselle, balayer, laver les planchers ou faire n’importe quel travail ménager. Toutes ces tâches sont accomplies par trois de ses quatre enfants. Son partenaire s’occupe du reste des tâches ménagères.

[25] Elle sait comment utiliser un ordinateur, mais elle ne peut ni taper ni écrire, car ses mains commencent à lui faire mal après deux ou trois minutes.

[26] Elle affirme qu’elle voit rarement le Dr McLoughlin, et seulement lorsqu’elle en a besoin. Il ne fait rien pour elle. Il l’envoie consulter un autre spécialiste.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[27] L’appelante doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler à la date de l’audienceNote de bas page 8.

[28] La preuve médicale confirme la version des faits de l’appelante.

[29] La dernière lettre du Dr McLoughlin date du 1er avril 2023 et indique un diagnostic provisoire de fibromyalgie, et un autre avis de spécialiste est à venir sur le diagnostic. Je ne suis pas aussi préoccupée que le ministre par le fait qu’il y a un autre avis sur le diagnostic à venir. Que la fibromyalgie soit confirmée ou non, il est clair que l’appelante souffre de douleur chronique. Dans sa lettre, le Dr McLoughlin indique qu’elle est incapable de travaillerNote de bas page 9.

[30] Le rapport médical du Dr McLoughlin daté du 8 janvier 2021 et mis à jour le 25 février 2022 indique qu’elle a des limitations fonctionnelles pour marcher et travailler avec ses mains et ses bras. La douleur, dont il n’a pas été établi qu’il s’agissait d’une fibromyalgie, a des répercussions sur tous ses membres. Il fait état des nombreux médicaments qu’elle a essayés sans grand résultatNote de bas page 10.

[31] En octobre 2022, le Dr McLoughlin a indiqué qu’elle n’est pas limitée dans ses activités de la vie quotidienne et qu’elle est seulement limitée par la douleur et non par la fonction. Il a indiqué que d’autres traitements pourraient inclure l’exercice, la pleine conscience et des programmes de traitement de la douleur chronique. Sa capacité à travailler dépend de la façon dont sa douleur nuit à sa qualité de vieNote de bas page 11.

[32] Un mois plus tard, le 14 novembre 2022, le Dr McLoughlin a constaté qu’elle souffrait de douleur chronique grave et de fatigue, ainsi que de limitations de grande portée, et qu’elle était incapable de travailler. Il a de nouveau indiqué que sa capacité à travailler dépend de la façon dont la douleur nuit à sa qualité de vieNote de bas page 12.

L’appelante n’a pas suivi les conseils médicaux

[33] Pour avoir droit à une pension d’invalidité, une personne doit suivre les traitements recommandésNote de bas page 13. Si les conseils des médecins n’ont pas été suivis, une explication raisonnable doit être fournie. Je dois aussi examiner les effets potentiels de ces conseils sur l’invalidité de l’appelanteNote de bas page 14.

[34] L’appelante n’a pas suivi les traitements recommandés. Elle n’a donné aucune explication raisonnable justifiant de ne pas les avoir suivis.

[35] Le Dr Ruggles, physiatre, a réalisé une étude électrodiagnostique en janvier 2022. Il a conclu que sa douleur suggérait un trouble généralisé des tissus mous. Le Dr Ruggles a dit à l’appelante que, si elle avait effectivement la fibromyalgie, [traduction] « le maintien d’une vie aussi active que possible et une forme d’exercice aérobique régulier à faible impact sont les principales façons de la gérerNote de bas page 15 ».

[36] Des mois plus tard, en août 2022, l’appelante a consulté un autre physiatre, le Dr Gregory, de la clinique de traitement de la douleur KOPI. Il a conclu que sa douleur suggérait un syndrome de douleur chronique répandu comme la fibromyalgie, mais il n’a pas précisément diagnostiqué la fibromyalgie. Il lui a recommandé des anesthésies tronculaires et de la lidocaïne à l’avenir, deux traitements qu’elle continue de recevoir. Il lui a recommandé de faire ce qui suit :

  • de l’aquathérapie;
  • de la natation ou de la marche pour développer ses muscles centraux;
  • il a encouragé une stratégie de gestion de l’énergie pour augmenter son niveau d’exercice, soit par un programme de traitement de la douleur, des applications mobiles de pleine conscience, une thérapie cognitivo-comportementale et du counseling.

[37] Le Dr Gregory a déclaré que [traduction] « les exercices et la réadaptation sont nécessaires dans le cadre du régime de gestion et qu’il est important de savoir que les médicaments et les interventions peuvent [sic] à eux seuls remplacer un bon conditionnementNote de bas page 16 ».

[38] J’admets que l’appelante s’est conformée à de nombreux essais de médicaments et qu’elle ne peut prendre que du Tylenol et de l’Advil. Elle s’est également conformée à l’obligation d’obtenir des injections d’anesthésie tronculaire et des injections de lidocaïne à la clinique antidouleur pour essayer de gérer sa douleur.

[39] Cependant, elle n’a pas suivi les recommandations concernant les exercices réguliers. L’appelante a déclaré qu’elle ne fait pas d’aquaforme parce qu’elle ne conduit pas et qu’elle ne pourrait pas s’y rendre. Elle essaie de marcher, mais seulement jusqu’au bout de la rue et revient sur ses pas avant que ses jambes ne lui fassent mal et qu’elle ne puisse plus aller plus loin. Elle a essayé le yoga, mais cela a aggravé ses douleurs. Elle ne fait pas d’exercice.

[40] L’appelante n’a pas fait d’aquaforme, d’exercice ou de conditionnement. J’accepte qu’elle ne puisse pas conduire pour se rendre à l’aquaforme. Toutefois, le conditionnement, l’activité physique et l’exercice peuvent se faire n’importe où. Je ne peux accepter la raison pour laquelle elle n’en fait pas, compte tenu des avantages qu’elle en tirerait. L’exercice est quelque chose qu’elle peut faire seule, à son rythme. Je reconnais que cela causerait de la douleur, mais ce n’est pas une raison suffisante pour ne pas en faire. Les Drs Ruggles, Gregory et McLoughlin savaient qu’elle ressentait des douleurs et que l’exercice causerait probablement de la douleur, mais ils lui ont quand même recommandé d’en faire. Les médecins ont clairement indiqué que le fait d’être aussi active que possible est la clé pour gérer ses douleurs.

[41] À présent, je dois me demander si les traitements recommandés auraient pu avoir une incidence sur l’invalidité de l’appelante. Je conclus que le fait de suivre les traitements recommandés aurait pu avoir une incidence sur l’invalidité de l’appelante.

[42] Je suis convaincue par les Drs Ruggles et Gregory, qui ont insisté sur le fait que l’exercice et la réadaptation sont essentiels pour la gestion de la douleur. Étant donné que les spécialistes ont insisté sur l’importance de l’exercice [traduction] « comme pilier de la gestion (de la douleur)Note de bas page 17 », il est raisonnable de penser que, si elle avait fait de l’exercice, sa douleur aurait été plus facile à gérer.

[43] Comme le Dr McLoughlin l’a déterminé, elle n’est limitée que par la douleur et non par la fonction. Il a également établi que sa capacité à retourner au travail dépendait de sa capacité à gérer sa douleur. La gestion de la douleur est l’obstacle à son retour au travail, comme l’a laissé entendre le Dr McLoughlin. L’appelante n’a pas tenté de gérer sa douleur en faisant de l’exercice, ce qui l’empêche de travailler.

[44] Je suis d’accord avec le ministre pour dire que l’appelante n’a pas suivi les traitements recommandés ni toutes les recommandations pour gérer sa douleur, ce qui pourrait lui permettre de reprendre une certaine forme de travail.

[45] L’appelante n’a pas suivi les traitements recommandés qui auraient pu avoir une incidence sur son incapacité. Cela signifie que son invalidité n’est pas grave.

[46] Pour décider si une invalidité est grave, je dois habituellement tenir compte des caractéristiques personnelles de la partie appelante.

[47] Ces facteurs m’aident à évaluer de façon réaliste la capacité à travailler d’une personneNote de bas page 18.

[48] Je n’ai pas à le faire ici puisque l’appelante n’a pas suivi les conseils des médecins et n’a donné aucune explication raisonnable justifiant de ne pas les avoir suivis. Cela signifie qu’elle n’a pas prouvé que son invalidité était grave à la date de l’audienceNote de bas page 19.

Conclusion

[49] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC parce qu’elle n’est pas atteinte d’une invalidité grave. Comme j’ai tiré cette conclusion, il n’est pas nécessaire de vérifier si l’invalidité est prolongée.

[50] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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