Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : JG c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1675

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : J. G.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 31 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Adam Picotte
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 10 novembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 21 novembre 2023
Numéro de dossier : GP-22-1981

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelant, J. G., est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, payable à partir d’octobre 2021. Cette décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant est un homme de 62 ans qui a les genoux cagneux depuis sa naissance. En vieillissant, ses genoux sont devenus problématiques. En 2017, il a commencé à faire de l’arthrite avancée dans sa jambe droite et à avoir des varices.

[4] L’appelant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 1er février 2022. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelant a fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelant indique avoir travaillé pour Canadian Tire pendant 15 ans. Il a cessé de travailler seulement lorsque son médecin lui a diagnostiqué de l’arthrose sévère et que son employeur l’a encouragé à demander des prestations d’invalidité de courte et de longue durée.

[6] Le ministre affirme que l’appelant ne répond pas au critère d’invalidité grave et prolongée prévu par le Régime de pensions du Canada. De plus, même s’il a des limitations fonctionnelles, ses problèmes de santé ne l’empêcheraient pas d’occuper un autre emploi convenableNote de bas de page 1.

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Pour gagner son appel, l’appelant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en juillet 2021. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’il a versées au Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 2.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[10] Pour décider si l’invalidité de l’appelant est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de certains facteurs, comme son âge, son niveau de scolarité, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si l’appelant est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 4.

[12] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de l’appelant doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[13] L’appelant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, il doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée à partir de juin 2021. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité de l’appelant était-elle grave?
  • L’invalidité de l’appelant était-elle prolongée?

L’invalidité de l’appelant était-elle grave?

[15] L’invalidité de l’appelant était grave. J’ai basé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de l’appelant nuisent à sa capacité de travailler

[16] L’appelant a les problèmes de santé suivants :

  • arthrite bilatérale avec malformation des genoux;
  • varices.

[17] Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 5. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles empêchent l’appelant de gagner sa vieNote de bas de page 6. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 7.

[18] Je conclus que l’appelant a effectivement des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler.

Ce que l’appelant dit de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelant affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler. Il dit avoir les déficiences suivantes :

  • Rester debout 20 minutes : après 20 minutes, ses jambes deviennent raides et il ne peut plus marcher.
  • Marcher un pâté de maisons : il doit ensuite se reposer. Après cela, il peut marcher à nouveau.
  • Monter ou descendre 12 à 15 marches : il doit ensuite s’asseoir et se reposer avant de continuer.
  • S’agenouiller ou s’accroupir : il a beaucoup de difficulté à se pencher ou à s’accroupir. Il compte donc sur son épouse pour nettoyer la maison.
  • Se pencher pour ramasser une pièce au sol : il doit s’asseoir sur une chaise pour ramasser quelque chose au sol.
  • Soulever deux sacs d’épicerie et marcher un pâté de maisons : il peut faire environ cinq pas. Il a ensuite trop mal pour soulever quoi que ce soit.

De plus, l’appelant a de graves douleurs arthritiques. Il est incapable d’exercer la plupart des activités de la vie quotidienne. Il a de la difficulté à sortir et à s’occuper de ses soins personnels.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelant

[20] L’appelant doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en juillet 2021Note de bas de page 8.

[21] La preuve médicale confirme la version des faits de l’appelant.

[22] Le médecin de l’appelant, le Dr Malik, a écrit que l’appelant avait une grave malformation bilatérale des genoux, de l’arthrite et des varicesNote de bas de page 9. Par conséquent, il a noté que l’appelant avait de vives douleurs aux jambes et aux genoux, surtout lorsqu’il marchait et se tenait debout. Il avait aussi de la difficulté à se pencher et à s’accroupirNote de bas de page 10.

[23] Le Dr Malik a écrit que l’appelant était incapable de soulever plus de 20 livres. Il a aussi noté qu’il était incapable de se pencher, de s’accroupir, de marcher et de se tenir debout pendant de longues périodes, et ce, uniquement lorsqu’il arrivait à tolérer la douleur.

[24] Le Dr Malik a écrit que l’appelant s’est absenté du travail à partir du 10 juin 2021Note de bas de page 11.

[25] Une radiographie bilatérale des genoux effectuée le 16 mai 2017 a révélé que l’appelant avait des changements arthritiques modérés à graves dans sa jambe droite et de légers changements médiaux et latéraux dans sa jambe gaucheNote de bas de page 12.

[26] Le 2 février 2022, le Dr Malik a rempli un rapport médical à l’appui de la demande de prestations d’invalidité de l’appelant. Il a écrit que l’appelant faisait de l’arthrose grave aux genoux et qu’il avait une malformation appelée « genu valgum ». Il a noté que l’appelant avait ce problème de santé depuis l’enfance, mais qu’il a fini par devenir invalidant. L’appelant avait notamment les déficiences suivantes : douleurs; difficulté à marcher, à rester debout, à se pencher et à s’accroupir; déformation grave en valgus; et arthrite. Il avait beaucoup de mal à se tenir debout et à marcher pendant de longues périodes, et il était presque incapable de se pencher ou de s’accroupirNote de bas de page 13.

[27] La preuve médicale appuie le fait que l’arthrose de l’appelant l’a empêché de faire des activités de base de la vie quotidienne. Pour l’appelant, se tenir debout, marcher, se pencher et s’accroupir représentent un défi. Les changements arthritiques lui ont causé des douleurs intenses et l’ont rendu incapable d’accomplir des tâches.

[28] Je vais maintenant vérifier si l’appelant a suivi les conseils médicaux.

L’appelant n’a pas suivi les conseils médicaux

[29] Pour avoir droit à une pension d’invalidité, la partie appelante doit suivre les conseils médicauxNote de bas de page 14. Si elle ne le fait pas, elle doit avoir une explication raisonnable à l’appui. Je dois aussi évaluer les effets potentiels de ces conseils sur l’invalidité de la partie appelanteNote de bas de page 15.

[30] L’appelant n’a pas suivi les conseils médicaux. Il a donné une explication raisonnable pour ne pas l’avoir fait.

[31] Dans ses observations, le ministre a soulevé le point suivant : l’appelant n’a pas essayé tous les traitements médicaux à sa disposition. C’est exact. Le médecin de l’appelant lui avait recommandé de subir une opération chirurgicale pour avoir de nouvelles rotules. Cette solution aurait pu faire disparaître ses symptômes. J’ai demandé à l’appelant pourquoi il n’avait pas été opéré. Il m’a dit qu’il s’agissait d’une opération majeure. Son médecin lui avait dit qu’il n’y avait aucune garantie que l’opération soit un succès ni qu’elle atténue ses symptômes. De plus, son médecin l’avait informé qu’il y avait des risques importants, dont la possibilité d’une crise cardiaque. Étant donné l’âge de l’appelant, cela aurait pu entraîner son décès. Comme il n’y avait aucune garantie que l’opération chirurgicale élimine ses symptômes et les risques d’effets secondaires graves, je suis convaincu que l’appelant a agi raisonnablement en refusant de se faire opérer.

[32] L’explication que l’appelant a donnée est raisonnable. Pour cette raison, il importe peu qu’il n’ait pas suivi les conseils médicaux.

[33] À présent, je dois chercher à savoir si l’appelant est régulièrement capable d’occuper d’autres types d’emplois. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement le rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas de page 16.

L’appelant est incapable de travailler dans un contexte réaliste

[34] Pour décider si l’appelant est capable de travailler, je ne peux pas me contenter d’examiner ses problèmes de santé et leurs effets fonctionnels. Je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau d’instruction;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • son expérience de travail et de vie.

[35] Ces facteurs m’aident à décider si l’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 17?

[36] Je conclus que l’appelant est incapable de travailler dans un contexte réaliste.

[37] L’appelant a 62 ans. Lorsqu’il a cessé de travailler, il avait 59 ans. Bien qu’il soit titulaire d’un diplôme universitaire en journalisme, il a obtenu ce diplôme au Sri Lanka. Lorsqu’il est venu s’installer au Canada en 2001, il était incapable de trouver un emploi avec son diplôme. Par conséquent, il a occupé des emplois manuels ou du travail en entrepôt. Ces formes d’emploi sont généralement à forte intensité de main-d’œuvre.

[38] Le 11 mai 2022, l’appelant a participé à une analyse des compétences transférables avec Lifemark CanadaNote de bas de page 18.

[39] Jill Dodge, évaluatrice professionnelle, a effectué l’analyse, qui vise à déterminer d’autres possibilités de travail convenables en tenant compte des restrictions et des limitations de l’appelant, de ses études, de sa formation, de son expérience et de ses compétences. Bien qu’elle ait examiné un certain nombre de formes d’emploi possibles, elle a finalement conclu qu’il n’y avait pas d’emploi convenable pour l’appelant en raison de ses déficiences fonctionnellesNote de bas de page 19.

[40] De plus, j’ai demandé à l’appelant s’il avait été en mesure de trouver un emploi. Il m’a dit que même s’il avait postulé pour du travail, il n’avait pas réussi à obtenir d’emploi en raison de la difficulté qu’il avait à gérer ses déficiences fonctionnelles.

[41] L’appelant a des déficiences fonctionnelles importantes. Il est incapable de faire de l’activité physique sans avoir mal. Il est limité quant à la distance qu’il peut parcourir à pied et quant au fait qu’il ne peut pas rester debout plus de 20 minutes ni faire d’activités de base comme se pencher, s’agenouiller et s’accroupir. Je suis convaincu que l’appelant a des déficiences importantes qui nuisent à sa capacité d’accomplir la plupart de ses activités quotidiennes.

[42] De plus, l’appelant avait 60 ans en juillet 2021. Il n’avait occupé que des emplois manuels au Canada et, par conséquent, il avait peu de compétences transférables étant donné ses déficiences fonctionnelles.

[43] Lorsque j’examine tous ces facteurs, je suis convaincu que l’appelant était atteint d’une invalidité grave au sens du Régime de pensions du Canada.

[44] Je conclus que l’invalidité de l’appelant était grave en juin 2021, lorsque le Dr Malik a noté que l’appelant était en congé en raison de son invalidité physique.

L’invalidité de l’appelant était-elle prolongée?

[45] L’invalidité de l’appelant était prolongée.

[46] Les problèmes de santé de l’appelant ont commencé à la naissance. L’appelant est né avec une malformation bilatérale des genoux. Ce problème de santé perdure depuis, et perdurera vraisemblablementNote de bas de page 20.

[47] Le Dr Malik a écrit que les problèmes de santé de l’appelant étaient permanentsNote de bas de page 21.

[48] Je conclus que l’appelant était atteint d’une invalidité prolongée en juin 2021, date à laquelle le Dr Malik a noté qu’il était en arrêt de travail en raison de ses problèmes de santé.

Début du versement de la pension

[49] L’appelant est atteint d’une invalidité grave et prolongée depuis juin 2021.

[50] La loi impose un délai d’attente de quatre mois avant le versement de la pensionNote de bas de page 22. La pension de l’appelant est donc versée à partir d’octobre 2021.

Conclusion

[51] Je conclus que l’appelant est atteint d’une invalidité grave et prolongée et qu’il est donc admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[52] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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