Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : GD c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 135

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : G. D.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Andrew Kirk

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 29 juin 2023 (GP-23-61)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 14 février 2024
Numéro de dossier : AD-23-886

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. L’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] L’appelant est un ancien maçon de 62 ans qui a des antécédents d’hypertension et de diabète. À la fin des années 1990, il s’est cassé la jambe droite, ce qui a nui à sa mobilité. Il n’a pas eu d’emploi à temps plein depuis 2011 et n’a travaillé que de façon intermittente depuis.

[3] L’appelant a demandé une pension d’invalidité du RPC le 29 novembre 2012Note de bas page 1. Le ministre a rejeté la demande après avoir conclu que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité pendant sa période minimale d’admissibilité (PMA), qui a pris fin le 31 décembre 2013. Le 19 mai 2016, la division générale du Tribunal a maintenu le refus du ministre et, le 29 août 2017, la division d’appel a refusé la permission de faire appel.

[4] L’appelant a présenté une nouvelle demande de pension d’invalidité du RPC le 28 janvier 2022. Le ministre a de nouveau rejeté sa demande et la division générale, son appel. La division générale a conclu qu’en raison d’un principe de droit connu sous le nom de chose jugée, elle n’avait pas le droit de trancher une question qu’elle avait déjà tranchée. La division générale a également conclu que l’appelant n’était pas admissible à la prestation d’invalidité après-retraite.

[5] L’appelant a ensuite demandé la permission de faire appel à la division d’appel. L’an dernier, une de mes collègues de la division d’appel l’a accordée à l’appelant. À la demande de l’appelant, j’ai tranché cette question en me fondant sur un examen du dossier écrit.

Questions en litige

[6] Dans le présent appel, je devais répondre à trois questions :

  • Le principe de la chose jugée m’empêche-t-il d’examiner la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelant?
  • Si le principe de la chose jugée ne s’applique pas, l’appelant était-il atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2013?
  • L’appelant est-il admissible à la prestation d’invalidité après-retraite?

Analyse

[7] Après avoir examiné les observations des deux parties, j’ai conclu que je ne peux pas examiner la demande de pension d’invalidité du RPC présentée par l’appelant.

Le principe de la chose jugée empêche que cette affaire soit entendue à nouveau

[8] Un principe juridique bien établi appelé la chose jugée empêche les cours et les tribunaux d’examiner des affaires qui ont déjà été tranchées. La Cour fédérale a déclaré que ce principe s’applique spécifiquement aux décisions du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas page 2.

[9] Dans l’affaire Danyluk, la Cour suprême du Canada a confirmé que le principe de la chose jugée repose sur des motifs d’intérêt public qui sont judicieux :

Une fois tranché, un différend ne devrait généralement pas être soumis à nouveau aux tribunaux au bénéfice de la partie déboutée et au détriment de la partie qui a eu gain de cause. Une personne ne devrait être tracassée qu’une seule fois à l’égard d’une même cause d’action. Les instances faisant double emploi, les risques de résultats contradictoires, les frais excessifs et les procédures non décisives doivent être évitésNote de bas page 3.

[10] Il y a des exceptions au principe, mais l’appelant ne satisfait à aucune de celles-ci.

Une affaire ne peut pas être entendue à nouveau à moins qu’elle soit considérablement différente de la précédente

[11] La décision Danyluk a présenté une analyse en deux étapes pour appliquer le principe de la chose jugéeNote de bas page 4. Premièrement, les conditions suivantes doivent être remplies :

  • L’instance précédente doit impliquer les mêmes parties que l’instance actuelle;
  • Les deux instances doivent aborder les mêmes questions;
  • L’instance précédente doit avoir mené à une décision finale.

[12] Deuxièmement, même si ces trois conditions sont remplies, la décision Danyluk accorde aux décideuses et aux décideurs un certain pouvoir discrétionnaire quant à l’application du principe de la chose jugée. Toutefois, ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé en gardant à l’esprit des éléments tels que :

  • les circonstances qui ont mené à l’instance précédente;
  • le libellé du texte de loi;
  • l’objet de la loi;
  • l’existence d’un droit d’appel;
  • les garanties offertes aux parties sur le plan administratif;
  • l’expertise de la décideuse ou du décideur sur le plan administratif;
  • le risque d’injustice.

[13] En appliquant l’analyse de Danyluk, je conclus que la question de la capacité de l’appelant à travailler avant le 31 décembre 2013 a déjà été tranchée. Je ne suis pas prêt à me servir de mon pouvoir discrétionnaire pour entendre cette affaire à nouveau.

Le présent appel porte sur des questions que la division générale a abordées dans sa décision de mai 2016

[14] Le 17 mai 2016, la division générale a décidé que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2013. 

[15] Je ne peux pas revenir sur cette décision parce que le principe de la chose jugée m’empêche d’examiner des questions que la division générale a déjà tranchées. Dans la présente affaire, la décision rendue par la division générale en mai 2016 remplit les conditions suivantes :

  • Elle implique les mêmes parties, soit l’appelant et le ministre;
  • Elle s’est penchée sur la même question, soit la question de savoir si l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2013;
  • Elle est finale, car l’appelant n’a jamais demandé de contrôle judiciaire.

[16] De plus, la preuve médicale concernant l’état de santé et les antécédents professionnels de l’appelant avant le 31 décembre 2013 est essentiellement la même dans toutes ses demandes. 

[17] Les trois conditions de la première étape de Danyluk sont remplies. Pour ce qui est des éléments de la deuxième étape, je ne vois aucune raison de ne pas appliquer le principe de la chose jugée. La division générale a tenu une audience par téléconférence durant laquelle l’appelant a témoigné. Le membre qui a entendu sa cause a expliqué les questions en détail, et je suis convaincu que l’appelant connaissait la cause qu’il devait présenter. Je ne peux pas dire qu’on l’a privé de la possibilité d’avoir sa demande de prestations d’invalidité du RPC évaluée et tranchée de manière équitable. Je ne vois aucune injustice à la lecture de la décision de la division générale.

Je ne peux pas décider si l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2013

[18] Les personnes qui demandent une pension d’invalidité du RPC doivent habituellement démontrer que leur invalidité était grave et prolongée pendant leur période de couverture. Toutefois, je ne peux pas examiner cette question ici parce que, tel que mentionné, la division générale l’a déjà tranchée il y a près de huit ans.

L’appelant n’a pas droit à la prestation d’invalidité après-retraite

[19] La prestation d’invalidité après-retraite est une prestation relativement nouvelle qui est conçue pour offrir une protection contre l’invalidité aux personnes qui cotisent au RPC qui n’ont pas atteint l’âge de 65 ans. Pour recevoir cette prestation, les personnes présentant une demande doivent établir l’existence d’une PMA en démontrant qu’elles ont versé des cotisations au RPC à des moments précisNote de bas page 5.

[20] Dans le cas présent, puisque l’appelant a accumulé plus de 25 années de gains au total, il devait démontrer qu’il a versé des cotisations au RPC pendant trois des six années civiles qui venaient immédiatement avant la date de sa demandeNote de bas page 6. L’appelant a demandé des prestations d’invalidité le 28 janvier 2022, mais son registre ne contient aucune cotisation pour les années de 2016 à 2021 inclusivementNote de bas page 7. Par conséquent, il n’a pas de PMA aux fins de la prestation d’invalidité après-retraite.

Conclusion

[21] Le principe de la chose jugée s’applique à la demande de pension d’invalidité du RPC présentée par l’appelant. Comme cette affaire a déjà été tranchée, je ne peux pas décider s’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2013.

[22] L’appelant n’est pas couvert par la prestation d’invalidité après-retraite parce qu’il n’a pas cotisé au RPC au cours des six années civiles précédant sa demande.

[23] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.