Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : TD c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1702

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : T. D.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision rendue le 28 septembre 2021 par le
ministre de l’Emploi et du Développement social
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Connie Dyck
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 17 juillet 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Sœur de l’appelante (témoin)
Date de la décision : Le 24 juillet 2023
Numéro de dossier : GP-22-530

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, T. D., n’est pas admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a maintenant 56 ans. En 2021, elle a cessé de travailler comme travailleuse autonome en service de garde. Elle dit qu’elle ne pouvait plus continuer à travailler en raison de douleurs et d’un manque de stabilité à la jambe.

[4] En mars 2021, l’appelante a demandé la pension d’invalidité du Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 1. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Selon l’appelante, son problème de santé a ruiné ses relations avec sa famille. Elle est incapable de travailler et son état de santé ne s’améliorera pas. Son médecin a dit ne plus avoir d’option de traitement à lui proposer.

[6] Selon le ministre, l’appelante a peut-être certaines limitations fonctionnelles aujourd’hui en raison de ses problèmes de santé. Mais la preuve médicale n’appuie pas le fait qu’elle aurait été incapable d’occuper un emploi convenable en date du 31 décembre 2017 et de façon continue par la suite.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour gagner sa cause, l’appelante doit prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2017. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’elle a versées au Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 2.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[10] Ainsi, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelante pour évaluer leur effet global sur sa capacité de travail. Je dois aussi regarder son passé (y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie). Ces éléments dresseront un portrait réaliste de sa situation et me permettront de voir si son invalidité est grave. Si l’appelante est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à la pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 4.

[12] Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que l’appelante se rétablisse à une certaine date. Il faut plutôt s’attendre à ce que l’invalidité tienne l’appelante à l’écart du marché du travail pendant longtemps.

[13] L’appelante doit prouver qu’elle a une invalidité grave et prolongée. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2017.

L’invalidité était‑elle grave?

[15] L’invalidité de l’appelante n’était pas grave. C’est ce que j’ai conclu après avoir examiné plusieurs éléments, que j’explique ci‑dessous.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante ne nuisaient pas à sa capacité de travail

[16] Voici les problèmes de santé de l’appelante :

  • paralysie du nerf sciatique;
  • douleur neuropathique à la jambe;
  • certains symptômes de trouble de stress post-traumatique avec dépression et anxiétéNote de bas de page 5.

[17] Je ne peux cependant pas m’arrêter aux diagnostics de l’appelanteNote de bas de page 6. En fait, je dois surtout vérifier si des limitations fonctionnelles l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 7. Dans cette optique, je dois examiner tous ses problèmes de santé (pas seulement le plus important) et je dois évaluer leurs effets sur sa capacité de travailNote de bas de page 8.

[18] Je conclus que l’appelante n’avait aucune limitation fonctionnelle qui nuisait à sa capacité de travail en date du 31 décembre 2017.

Ce que l’appelante dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelante affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail. Voici ce qu’elle en dit :

  • Son problème de santé s’est aggravé petit à petit.
  • Elle a cessé de s’occuper des bébés, car elle ne pouvait plus se pencher ni les soulever.
  • Comme elle pouvait seulement s’occuper des enfants d’âge scolaire, son revenu a grandement diminué.
  • Son médecin lui a dit de cesser de travailler en août 2021.
  • Elle ne peut plus conduire seule et ne peut pas sortir seule en hiver de peur de tomber.
  • On s’attend à ce que son problème de santé soit permanent et il n’y a aucune autre option de traitement.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[20] L’appelante doit fournir des éléments de preuve médicale qui démontrent que ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travail au plus tard le 31 décembre 2017Note de bas de page 9.

[21] Je suis d’accord avec l’appelante : la preuve médicale montre que son état de santé s’est peu à peu aggravé. Elle est peut-être incapable de travailler depuis 2021, mais la preuve médicale et les efforts faits par l’appelante pour travailler montrent que ses limitations fonctionnelles ne nuisaient pas à sa capacité de travail en date du 31 décembre 2017Note de bas de page 10.

Problèmes de santé physique

[22] En 2011, l’appelante a glissé et s’est blessée aux muscles ischiojambiers. Depuis ce temps, elle a des douleurs et des limitations à la jambe droite. En décembre 2014, elle a dit au Dr Masnyk (chirurgien orthopédiste) que la douleur n’était pas constante. Elle ne se la sentait pas vraiment au repos, sauf lorsqu’elle restait assise pendant une longue période, mais n’importe quelle activité lui causait de graves douleurs. Elle a dit qu’elle n’avait pas de symptômes la nuit et qu’elle ne prenait aucun médicamentNote de bas de page 11.

[23] En juin 2015, l’appelante a dit au Dr Masnyk que ses douleurs à la jambe étaient pires que jamais. Une imagerie par résonance magnétique a révélé une déchirure partielle du ligament avec une tendiniteNote de bas de page 12.

[24] Le Dr Masnyk a recommandé une neurolyse du nerf sciatique. Il a dit que cela améliorerait probablement ses symptômesNote de bas de page 13. Elle a subi l’opération en juillet 2016Note de bas de page 14. Le Dr Bains (chirurgien orthopédiste) a noté qu’après l’opération, l’appelante était capable de marcher sans douleur particulière ni tiraillement. Il a précisé qu’elle se portait relativement bien et qu’elle guérissait bien. La seule restriction était de ne pas soulever d’objets lourds.

[25] En septembre 2016, l’appelante a dit que les tiraillements douloureux et la douleur ressentie quand elle montait les escaliers et activait ses muscles s’étaient améliorés. Elle a souligné un inconfort persistant et assez important lorsqu’elle était assise pendant une longue période, surtout sur une chaise plus dure. Le Dr Bain a écrit que l’état de l’appelante progressait bienNote de bas de page 15. Il a noté une amélioration importante de ses symptômesNote de bas de page 16. Il a précisé que, ce qui était vraiment révélateur, c’était qu’elle pouvait faire de la motocyclette, une activité qu’elle avait été incapable de faire pendant des années en raison de la douleur associée aux vibrations en position assiseNote de bas de page 17. L’appelante m’a dit qu’elle ne pouvait pas faire de longues promenades comme auparavant, mais qu’elle pouvait faire de courts trajets en motocyclette.

[26] Malheureusement, en octobre 2016, l’appelante a trébuché et est tombée. En mai 2017, elle avait encore des douleurs à la jambe. Ses symptômes douloureux persistaient le long de la région postérieure de la jambe, en particulier lors d’activités où elle activait et contractait ses muscles ischiojambiersNote de bas de page 18.

[27] Étant donné le succès de la première chirurgie, le Dr Bain lui a recommandé de refaire la neurolyse du nerf sciatique droitNote de bas de page 19. La procédure a été effectuée en septembre 2017. L’appelante a dit au Dr Bain que ses douleurs étaient bien gérées et que ses symptômes s’étaient améliorés depuis l’opération. Elle était capable de faire ses activités quotidiennes, y compris marcher, se tenir debout et utiliser les escaliers. Elle a dit qu’elle n’avait pas d’engourdissement ni de faiblesse à la jambe et qu’elle n’était pas tombée. Le Dr Bain était d’avis que l’appelante se portait assez bien après son opérationNote de bas de page 20. En mai 2018, soit huit mois après la deuxième chirurgie, le Dr Bain a noté qu’en général, la douleur de l’appelante était plutôt gérable et que sa tolérance en position debout était meilleureNote de bas de page 21. L’appelante m’a dit qu’elle était d’accord avec les renseignements fournis par le Dr Bain, mais que son problème de santé avait évolué depuis.

[28] La preuve médicale ne démontre pas que l’appelante avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travail au plus tard le 31 décembre 2017. Par conséquent, elle n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave. Avec la chirurgie, sa capacité fonctionnelle s’est beaucoup améliorée. Je reconnais que son état de santé n’était pas ce qu’il était avant la blessure, comme elle l’a souligné. Cependant, l’amélioration de ses capacités fonctionnelles, dont la bonne gestion de la douleur et la capacité de faire ses activités quotidiennes, y compris marcher, se tenir debout et utiliser les escaliers, sans autres restrictions que ne pas soulever des objets, toutes ces choses appuient l’existence d’une capacité de travail. En fait, l’appelant a continué d’exploiter sa garderie en milieu familial jusqu’en 2021.

Problèmes de santé mentale

[29] En février 2022, l’appelante a subi une évaluation de la santé mentale. L’infirmière praticienne a écrit que l’appelante avait un trouble de stress post-traumatique et un léger trouble dépressif caractérisé Note de bas de page 22. Elle a recommandé une thérapie fondée sur la consultation psychologique.

[30] L’appelante a commencé une thérapie psychologique en mai 2022 avec Mme Kett. Note de bas de page 23 Elle a eu cinq rendez-vous sur une période de six mois. Lors de leur dernière rencontre, en octobre 2022, Mme Kett a noté que l’appelante s’adaptait un peu mieux à ses problèmes de mobilité. Elle trouvait des façons de gérer ses douleurs. L’appelante lui a dit que son humeur était stable la plupart du temps et qu’elle pouvait se débrouiller la majorité des journées où son humeur était maussade. Mme Kett a mentionné qu’il y avait eu des progrès au fil des séances de consultation psychologique. Les objectifs étaient atteints et l’appelante a dit ne plus avoir besoin d’un suivi. Mme Kett a fait remarquer que l’appelante pourrait revenir en consultation psychologique au besoin Note de bas de page 24.

[31] L’infirmière praticienne a aussi souligné que si les symptômes de dépression ou de trouble de stress post-traumatique empiraient, l’appelante pourrait envisager de prendre des médicaments Note de bas de page 25.

[32] Aucune preuve médicale ne démontre qu’en date du 31 décembre 2017, l’appelante avait des problèmes de santé mentale entraînant des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de travailler. Dans un [sic] médical datant de février 2021, le médecin de famille a seulement relevé les douleurs à la hanche et à la jambe droite de l’appelante comme problème de santé Note de bas de page 26. L’appelante m’a dit qu’elle ne suivait aucune thérapie, ne participait à aucune consultation psychologique et ne prenait pas de médicaments pour sa santé mentale. Elle pourra recevoir d’autres traitements plus tard si cela devient nécessaire.

[33] Je dois maintenant décider si l’appelante est régulièrement capable d’effectuer un autre type de travail. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, pas seulement dans son emploi habituelNote de bas de page 27.

Le 31 décembre 2017, l’appelante pouvait travailler dans un contexte réaliste

[34] Pour décider si l’appelante est capable de travailler, je ne peux pas me contenter d’examiner ses problèmes de santé et leurs effets sur ses capacités. Je dois aussi tenir compte des caractéristiques suivantes :

  • son âge;
  • son niveau d’instruction;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[35] Ces éléments m’aident à décider si elle est capable de travailler dans un contexte réaliste, c’est‑à-dire s’il est réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 28.

[36] Je juge que l’appelante pouvait travailler dans un contexte réaliste en décembre 2017.

[37] En décembre 2017, l’appelante avait seulement 50 ans. Elle n’a cependant pas terminé ses études secondaires et n’a pas fait d’autres études par la suite. Elle a très peu d’expérience de travail et ses compétences transférables sont limitées. Elle a seulement travaillé en service de garde. Cela nuirait aux possibilités de se recycler ou de trouver un autre emploi. Mais, à elles seules, les caractéristiques personnelles ne permettent pas de remplir les conditions d’admissibilité à la pension d’invalidité. Il faut tout de même que des éléments de preuve médicale viennent appuyer la conclusion d’invalidité Note de bas de page 29.

[38] Dans la présente affaire, la preuve médicale montre que les capacités fonctionnelles de l’appelante se sont grandement améliorées après l’opération chirurgicale. En fait, elle a pu continuer à travailler en service de garde pendant une décennie après sa blessure.

[39] En septembre 2019, le Dr Bain a noté que l’appelante ressentait de la douleur en se penchant et en levant des choses. Elle a continué à s’occuper des enfants, mais son travail l’obligeait à soulever des bébés et à transporter des jouetsNote de bas de page 30.

[40] En octobre 2020, le Dr Bain a noté que la douleur de l’appelante avait augmenté pendant la pandémie et qu’à compter de juillet 2020, il lui arrivait à l’occasion de ne pas pouvoir marcherNote de bas de page 31. Elle se demandait si elle devait cesser de travailler, car elle avait de la difficulté à se pencher pour ramasser les jouets.

[41] L’argent que l’appelante gagne en gardant des enfants n’a jamais été considéré comme provenant d’un emploi « rémunérateurNote de bas de page 32 ». Cependant, elle a affirmé qu’elle a travaillé dans une garderie en milieu familial jusqu’en août 2021, lorsque son médecin lui a recommandé de cesser de travailler Note de bas de page 33. Elle travaillait de 8 à 20 heures par jour, de 5 à 7 jours par semaine Note de bas de page 34. En 2021, elle a cessé de s’occuper des bébés et gardait uniquement des enfants d’âge scolaire. Elle a réduit ses heures de travail, passant d’un horaire à temps plein à des heures occasionnelles. La preuve montre qu’elle a continué à travailler longtemps après décembre 2017. Je comprends que son état de santé s’est détérioré petit à petit, comme elle l’a expliqué durant son témoignage. Par contre, la preuve médicale ainsi que les efforts que l’appelante a faits pour continuer à travailler montrent qu’elle était capable de travailler en date du 31 décembre 2017.

L’appelante a pu trouver et conserver un emploi convenable

[42] Si l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste, elle doit démontrer qu’elle a essayé de trouver et de garder un emploi. Elle doit aussi démontrer que ses efforts ont échoué en raison de ses problèmes de santéNote de bas de page 35. Trouver et garder un emploi, c’est aussi se recycler ou chercher un travail qu’elle peut faire dans le respect de ses limitations fonctionnellesNote de bas de page 36.

[43] Dans la présente affaire, l’appelante a été capable de continuer à travailler comme travailleuse autonome en service de garde jusqu’en 2021.

Conclusion

[44] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce que son invalidité n’était pas grave au plus tard le 31 décembre 2017. Comme j’ai tiré cette conclusion sur la gravité de l’invalidité, il n’est pas nécessaire de vérifier si elle était prolongée.

[45] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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