Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : FZ c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1700

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : F. Z.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 14 décembre 2022 rendue
par le ministre de l’Emploi et du Développement social
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Selena Bateman
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 9 novembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 24 novembre 2023
Numéro de dossier : GP-23-441

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, F. Z., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant a 60 ans et travaillait dans le débosselage. Il a une douleur au dos et à l’épaule gauche, de l’arthrite aux genoux et des vertiges. Il a travaillé jusqu’en juillet 2021.

[4] L’appelant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 31 janvier 2022. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelant a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelant affirme être incapable de travailler. Une accumulation de problèmes de santé physique l’a forcé à arrêter de travailler vers juillet 2021. Il dit que sa période minimale d’admissibilité se termine le 31 décembre 2021Note de bas de page 1.

[6] Selon le ministre, la preuve ne permet pas de confirmer que ses problèmes de santé l’empêchaient de travailler en date du 31 décembre 2020. Par conséquent, il ne peut être considéré comme invalide dans le délai requis et être admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 2.

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Pour gagner son appel, l’appelant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2020. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’il a versées au Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 3.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 4.

[10] Pour décider si l’invalidité de l’appelant est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de facteurs comme son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si l’appelant est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 5.

[12] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de l’appelant doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[13] L’appelant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, il doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

Questions que je dois examiner en premier

J’ai accepté le document envoyé après l’audience

[14] Lors de l’audience, l’appelant a déclaré avoir cotisé au Régime de pensions du Canada en 2023 pour une année précédente. J’ai demandé au ministre de vérifier la dernière version de ses gains et de ses cotisations. Le ministre a réponduNote de bas de page 6. J’ai accepté ce document parce qu’il est pertinent vis-à-vis des questions en litige.

[15] Je conclus que la période minimale d’admissibilité de l’appelant se termine le 31 décembre 2020. L’appelant n’a pas fourni de preuve montrant des gains et des cotisations additionnelles qui prolongeraient sa période minimale d’admissibilité.

Motifs de ma décision

[16] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2020.

L’invalidité de l’appelant était-elle grave?

[17] L’invalidité de l’appelant n’était pas grave. J’ai tiré cette conclusion en examinant plusieurs facteurs. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de l’appelant nuisent à sa capacité de travail

[18] L’appelant a les problèmes de santé suivants :

  • un antélisthésis à L4-5 et un spondylolisthésis;
  • de l’arthrose et une tendinopathie à l’épaule gauche;
  • d’arthrose aux genoux;
  • des vertiges.

[19] Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 7. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 8. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 9.

[20] Je conclus que l’appelant a des limitations fonctionnelles qui ont nui à sa capacité de travail.

Ce que l’appelant dit de ses limitations fonctionnelles

[21] L’appelant dit que ses problèmes de santé ont donné lieu à des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail. Il affirme ceci :

  • Quand il reste assis, un disque se déplace dans son dos, ce qui lui cause de la douleur pendant trois à quatre jours.
  • Il a du mal à rester debout longtemps et son problème au dos cause de l’engourdissement à sa jambe gauche.
  • Son épaule gauche se fatigue, et elle est douloureuse après quelques heures de travail.
  • Il ne peut pas s’accroupir ou s’agenouiller à cause de son arthrose aux genoux. Il a de la difficulté à se lever quand il est assis.
  • Il a des étourdissements chaque jour. Ces épisodes peuvent être légers à graves. Certains jours, il doit retourner au lit.

[22] L’appelant dit avoir parlé à sa médecin de famille de problèmes à son orteil il y a huit ou neuf ans. Il s’était cassé des os au pied. La médecin ne lui avait offert aucun traitement. Ce n’est qu’en 2023 qu’il a finalement été dirigé vers un spécialiste pour ce problème.

[23] L’appelant affirme que ses vertiges ont commencé il y a cinq ans. Il l’a dit à sa médecin et elle [traduction] « n’a rien fait ». Il affirme ne jamais avoir pris de médicaments pour traiter ce problème de santé. Il ignore pourquoi le rapport médical indique qu’il a essayé le Serc et que ce médicament aurait été efficace pour traiter ses vertiges.

[24] L’appelant affirme que sa médecin ne lui propose jamais de traitement pour ses problèmes de santé. Il dit qu’elle n’est pas très bonne pour tenir ses dossiers.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelant

[25] L’appelant doit fournir des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2020.Note de bas de page 10

Je me suis fiée à la preuve médicale de la docteure Imran

[26] La majeure partie de la preuve médicale provient de la docteure Imran, sa médecin de famille. La docteure Imran suit l’appelant depuis 2013Note de bas de page 11 et j’ai accordé de l’importance à sa preuve. Les documents qu’elle a fournis sont détaillés et abordent de multiples problèmes de santé. On voit qu’elle a fait des recommandations auprès de spécialistesNote de bas de page 12. On peut donc penser qu’elle a suivi l’appelant de façon active. J’accepte sa connaissance des problèmes de santé de l’appelant. Rien ne me permet de douter de ses compétences.

[27] En général, la preuve médicale appuie les propos de l’appelant.

[28] Toutefois, la preuve médicale ne confirme pas qu’il avait un problème médical à un gros orteil ayant commencé en 2020 ou avant. La preuve relative à une consultation pour de l’arthrose au gros orteil date de janvier 2023Note de bas de page 13. C’est pourquoi je juge qu’un problème touchant son gros orteil ne nuisait pas à sa capacité de travail en 2020.

[29] La preuve montre que l’appelant était atteint de vertige positionnel paroxystique béninNote de bas de page 14, ce qui cause des problèmes d’équilibre. En mai 2020, l’appelant a dit à la docteure Imran qu’il avait eu des étourdissements en sortant du lit le mois précédent, mais que ses symptômes s’amélioraientNote de bas de page 15. J’admets que ce problème est apparu avant la fin de 2020.

[30] En août 2021, l’appelant a dit avoir des étourdissements quelques heures par jour. La docteure Imran a documenté un essai du Serc. Elle a écrit que cette médication était efficaceNote de bas de page 16.

[31] Le dossier d’appel ne contient aucune autre mention des vertiges et de leur incidence sur l’appelant. Selon ce dernier, la docteure Imran n’avait simplement pas documenté ni traité les vertiges dont il était atteint depuis des années.

[32] Je préfère à cette version la documentation médicale fournie par la docteure Imran, car elle présente à la fois les préoccupations avancées par l’appelant et le traitement proposé. Ces informations permettent de croire que les vertiges de l’appelant ne donnaient pas lieu à des limitations fonctionnelles persistantes après le traitement en août et septembre 2021. Si ce problème avait persisté, je pense que la docteure Imran en aurait fait état dans ses notes cliniques et ses rapports après août 2021Note de bas de page 17.

[33] La preuve médicale confirme que l’appelant présente de l’arthrose aux genoux. Un rapport datant de 2017 spécifie la présence d’arthrose. Cette affection lui cause de la douleur. Des images médicales réalisées en août 20221 ont révélé une arthrose légère à modérée. Ses symptômes s’aggravaient lorsqu’il s’agenouillait, faisait des torsions, montait les escaliers et se levait à partir de la position assiseNote de bas de page 18.

[34] La preuve médicale confirme aussi que l’appelant est atteint d’antérolisthèse à L4-5 et de spondylolisthèse bilatérale depuis 2001. En 2006, il avait rencontré un chirurgien orthopédiste pour discuter des options possibles. Il souffre de douleur au dos et d’une sciatique. Il ne peut pas se pencher ni soulever des objets sous la taille. La douleur est présente qu’il soit assis, debout ou allongéNote de bas de page 19.

[35] La preuve médicale corrobore de l’arthrose et une tendinopathie à l’épaule depuis 2009. L’appelant présente des changements dégénératifs minimes à l’articulation de l’épaule. Sa douleur à l’épaule gauche a commencé en 2001. Il a perdu de l’amplitude de mouvement. Il ne peut pas transporter de charges excédant quelques livres et sa capacité à pousser et à tirer des charges est limitée. Il ne peut pas faire des mouvements répétitifs avec le brasNote de bas de page 20.

[36] Je vais maintenant examiner si l’appelant a suivi les conseils médicaux.

L’appelant a suivi les conseils médicaux

[37] Pour avoir droit à une pension d’invalidité, une personne doit suivre les traitements recommandésNote de bas de page 21. Si les conseils des médecins n’ont pas été suivis, une explication raisonnable doit être fournie. Je dois aussi examiner les effets potentiels de ces conseils sur l’invalidité de la personneNote de bas de page 22.

[38] L’appelant a suivi les conseils médicaux.

[39] Les épaules de l’appelant avaient pris du mieux grâce à la physiothérapie, en 2016. En mars 2016, il a aussi commencé à prendre du Tylenol et de l’Advil pour ce problèmeNote de bas de page 23.

[40] Cependant, les traitements et les consultations pour la plupart de ses problèmes de santé avaient commencé après 2020, et viennent ainsi confirmer que ceux-ci n’étaient pas encore graves avant la fin de décembre 2020. Voici des exemples :

  • L’appelant a commencé à prendre du Tylenol et de l’Advil pour ses maux de dos en août 2021. Il a reçu des soins chiropratiques, mais on ne connait pas les dates de ces traitementsNote de bas de page 24.
  • Il est écrit dans la preuve médicale que l’appelant a pris du Serc pour ses vertiges d’août à septembre 2021Note de bas de page 25 .
  • En octobre 2022, l’appelant a vu un physiothérapeute pour son arthrose au genou. Avant cette date, il n’avait jamais consulté pour ses genoux ni fait de la physiothérapie ou reçu des infiltrations articulairesNote de bas de page 26.

[41] À présent, je dois chercher à savoir si l’appelant est régulièrement capable d’occuper d’autres types d’emplois. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement le rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas de page 27.

L’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste

[42] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes médicaux et à leur effet fonctionnel. Pour décider si l’appelant est capable de travailler, je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau de scolarité;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • son expérience de travail et de vie.

[43] Ces facteurs m’aident à savoir si l’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 28?

[44] Je conclus que l’appelant était capable de travailler dans un contexte réaliste en date du 31 décembre 2020.

L’appelant a maintenu son emploi habituel après décembre 2020

[45] Une personne qui a continué à travailler après sa période minimale d’admissibilité peut malgré tout être jugée admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Toutefois, il peut aussi s’agir d’une preuve que son invalidité n’est pas grave.

[46] J’admets que les limitations fonctionnelles de l’appelant avaient une incidence sur certaines de ses tâches. Cependant, je ne suis pas convaincue que ses limitations fonctionnelles l’empêchaient de faire tout type de travail.

[47] L’appelant a importé, restauré et vendu des véhicules. Il n’avait pas d’employés et avait une seule aire de service. Il faisait aussi du [traduction] « travail pour ses clients », pour lequel il demandait de 45 $ à 50 $ de l’heure en main-d’œuvre.

[48] L’appelant a travaillé 15 heures par mois en 2020, et 12 heures par semaine de janvier à juillet 2021. En juillet 2021, il n’a plus été capable, physiquement, de faire son travail habituel de débosselageNote de bas de page 29.

L’appelant n’avait pas des gains véritablement rémunérateurs

[49] Au sens du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, une occupation est « véritablement rémunératrice » en fonction de la somme qu’elle procure à la personne durant une année. Si une personne gagne la somme minimale établie, son occupation est considérée comme véritablement rémunératriceNote de bas de page 30.

[50] L’appelant a expliqué que son entreprise n’avait pas un bon rendement. Il dépendait de sa conjointe sur le plan financier.

[51] Pendant de nombreuses années, l’appelant n’a pas réalisé de gains véritablement rémunérateurs. Ce facteur, parmi d’autres, est à considérer quand on juge de l’invalidité d’une personne. Toutefois, ici, il ne m’a pas convaincue de la présence d’une invalidité grave en 2020.

[52] Premièrement, le critère n’est pas de savoir si les gains de l’appelant étaient véritablement rémunérateurs. Le critère est de savoir s’il était régulièrement incapable de travailler. Je conclus que non.

[53] Selon ce que l’appelant a raconté, ses revenus d’entreprise témoignent de la rentabilité de son travail. La rentabilité de son entreprise n’est pas pertinente à la question qui nous occupeNote de bas de page 31. Il ne m’a pas expliqué que son faible revenu était attribuable au fait qu’il ne pouvait pas faire le travail avant la fin de 2020.

[54] L’appelant a continué à faire son travail habituel après 2020. Il travaillait seul, et ne profitait donc pas de tâches modifiées ou adaptées grâce à l’aide de collègues.

[55] Je reconnais que le travail manuel exigeant a eu des répercussions sur le corps de l’appelant. Je ne conteste pas le fait qu’il a plusieurs problèmes de santé. Je crois l’appelant lorsqu’il dit qu’il est maintenant incapable de travailler compte tenu de tous ses problèmes de santé réunis.

[56] Toutefois, j’ai conclu que l’appelant n’était pas régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la fin de 2020, ce qui signifie qu’il n’était pas atteint d’une invalidité grave dans le délai requis.

Conclusion

[57] Je conclus que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce que son invalidité n’était pas grave en date du 31 décembre 2020. Puisque l’invalidité doit obligatoirement être grave et prolongée, il ne sert à rien de décider si son invalidité était prolongée.

[58] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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