Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : LS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1830

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : L. S.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentant : Dylan Edmonds

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 3 juin 2023
(GP-21-2460)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 11 décembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’intimé
Date de la décision : Le 22 décembre 2023
Numéro de dossier : AD-23-661

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Décision

[1] Je rejette l’appel. L’appelante n’était pas incapable de demander une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) entre mai 2012 et août 2019.

Aperçu

[2] L’appelante est une ancienne aide de cuisine de 53 ans qui a des antécédents de troubles de santé mentale et de dépression. Elle n’a pas travaillé depuis avril 2017.

[3] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du RPC en août 2019Note de bas de page 1. Service Canada, l’organisme public du ministre, a approuvé la demande à compter de juin 2019, qui, selon lui, était la date la plus hâtive de paiement permise au titre de la loiNote de bas de page 2.

[4] L’appelante pensait qu’elle aurait dû recevoir des versements de pension depuis mai 2012, date à laquelle elle affirme être en fait devenue invalide. Elle a fait appel de la décision du ministre concernant sa première date de paiement à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Elle a dit qu’elle avait été préalablement incapable de demander une pension d’invalidité.

[5] La division générale a tenu une audience par téléconférence et a rejeté l’appel. Elle a conclu que la preuve était insuffisante pour démontrer que l’appelante n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant août 2019. Plus précisément, la division générale s’est appuyée sur des éléments de preuve montrant que l’appelante avait travaillé et consenti à un traitement médical pendant les sept années en question.

[6] L’appelante a ensuite demandé la permission de faire appel à la division d’appel. En avril, une de mes collègues de la division d’appel a accordé à l’appelante la permission de faire appel. Plus tôt ce mois-ci, j’ai tenu une audience pour discuter en détail de son incapacité alléguée.

Question en litige

[7] Dans le cadre du présent appel, je devais décider si l’appelante était incapable de demander une pension d’invalidité du RPC entre mai 2012 et août 2019.

Analyse

[8] Une personne qui prétend être atteinte d’incapacité doit prouver qu’elle était incapable de former ou d’exprimer l’intention de demander les prestations d’invaliditéNote de bas de page 3. L’incapacité doit être continue : à partir de la date à laquelle la personne affirme être devenue incapable jusqu’à la date à laquelle elle a effectivement présenté une demandeNote de bas de page 4. J’ai examiné les renseignements au dossier et j’ai conclu que l’appelante ne répondait pas à ces critères. Je suis convaincu que l’appelante est atteinte de troubles de santé mentale invalidants. Toutefois, je n’ai simplement pas trouvé assez d’éléments de preuve pour conclure que ces troubles l’ont empêchée de présenter une demande plus tôt.

La preuve ne fait pas état d’une incapacité

[9] L’appelante est manifestement aux prises avec des problèmes importants. Elle a reçu un diagnostic d’anxiété grave et de dépression, entre autres troubles psychologiques. Elle a des antécédents d’abus d’alcool et a tenté de se suicider au moins quatre fois. Elle compte sur son époux pour gérer ses affaires personnelles et financières. Il semble lui manquer la volonté ou l’initiative d’effectuer bon nombre des tâches qui font partie de la vie quotidienne.

[10] Toutefois, rien de tout cela ne signifie nécessairement que l’appelante n’a pas pu former ou exprimer l’intention de présenter une demande de pension d’invalidité.

Le critère relatif à l’incapacité est strict

[11] Selon le Régime de pensions du Canada, une invalidité et une incapacité sont deux concepts distincts. Le premier exige qu’une personne démontre qu’elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, alors que l’autre exige qu’elle démontre l’incapacité de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité. Le second est généralement vu comme étant beaucoup plus difficile à satisfaire que le premier.

[12] La disposition du Régime de pensions du Canada relative à l’incapacité est précise et ciblée. Elle n’exige pas de prendre en compte la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestations, mais seulement la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demandeNote de bas de page 5. La capacité doit être considérée à la lumière du sens ordinaire du terme puis établie en fonction de la preuve médicale et des activités de la partie requérante. Cette capacité est semblable à celle de former ou d’exprimer une intention par rapport à d’autres choix de vieNote de bas de page 6.

[13] À l’audience, nous avons discuté d’une récente affaire de la Cour d’appel fédérale intitulée Blue, qui concernait une requérante fonctionnelle de bien des façons (par exemple, elle élevait sa jeune fille en tant que mère monoparentale) qui a pourtant été reconnue comme étant atteinte d’une incapacité aux fins du RPCNote de bas de page 7. Toutefois, l’affaire Blue diffère de celle de l’appelante sur un élément clé. Mme Blue a présenté des éléments de preuve psychiatriques selon lesquels la seule pensée d’avoir à documenter ses problèmes de santé mentale devant une autorité gouvernementale la mettait dans un état de dissociation paralysant. L’appelante de la présente affaire n’a présenté aucun élément de preuve comparable.

[14] La Cour a précisé que l’affaire Blue était exceptionnelle :

Avant de conclure, il faut noter qu’il s’agit d’un cas très inhabituel. Dans un grand nombre de cas, la capacité d’une personne d’accomplir les activités courantes de la vie pourrait bien être une indication de sa capacité à formuler ou à exprimer son intention de demander une pension d’invalidité. Toutefois, en l’espèce, l’invalidité de Mme Blue, bien que grave, est étroitement ciblée, son traumatisme et ses problèmes de santé mentale étant liés à ses rapports avec les hôpitaux, la profession médicale et les personnes en position d’autoritéNote de bas de page 8.

[15] Comme pour renforcer cet élément, la Cour d’appel fédérale a récemment rendu une décision dans une affaire intitulée Walls qui a confirmé une conclusion de capacité même si le requérant avait des déficiences physiques et mentales qui le plaçaient dans un [traduction] « état mental végétatif semblable à celui d’un zombieNote de bas de page 9 ». Dans cette affaire, la Cour a conclu que M. Walls, contrairement à Mme Blue, n’avait pas produit le type de preuve psychologique nécessaire pour ignorer ses activités quotidiennes durant la période d’incapacité invoquée.

[16] Cela s’applique également à cette décision. L’appelante a produit un nombre considérable d’éléments de preuve psychiatriques et d’autres de type médical indiquant qu’elle est atteinte de dépression grave et qu’elle est anxieuse; toutefois, cela ne démontre pas qu’elle n’avait pas la capacité, lorsqu’on lui présentait des options précises, de faire des choix de vie éclairés au cours de la période en question. Comme nous le verrons, il se peut que l’appelante n’ait pas eu le désir ou la volonté de gérer sa vie, mais la capacité est une autre chose.

[17] Les éléments de preuve écrits et oraux disponibles donnent à penser que l’appelante était capable d’effectuer des activités quotidiennes et de faire des choix de vie qui s’apparentaient à la formation d’une intention de faire une demande de prestations.

Une déclaration d’incapacité ne tranche pas cette question

[18] En décembre 2022, la Dre Tolulope Akinola a rempli et signé un formulaire de déclaration d’incapacité au nom de l’appelante. La Dre Akinola a répondu « Oui » à la question de savoir si l’état de l’appelante l’a rendue incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. Elle a dit que l’incapacité de l’appelante a commencé en mai 2012Note de bas de page 10.

[19] Je comprends que la Dre Akinola connaît l’appelante aussi bien, ou mieux, que n’importe quel autre fournisseur de traitement, mais je ne peux accorder qu’une importance limitée à cette déclaration. Premièrement, l’opinion de la Dre Akinola n’en est qu’une parmi beaucoup d’autres que je dois prendre en considération, y compris d’autres qui montrent que l’appelante est plus fonctionnelle qu’elle ne l’admetNote de bas de page 11. Deuxièmement, la Dre Akinole traitait l’appelante depuis seulement trois ans et demi au moment de sa déclaration et ne la connaissait donc pas pendant la majeure partie de la période d’incapacité invoquéeNote de bas de page 12. Troisièmement, la Dre Akinole a elle-même tiré des conclusions antérieures qui soulèvent des questions quant à l’étendue de l’incapacité de l’appelante. Par exemple, son questionnaire médical du RPC attribuait l’invalidité de l’appelante à la dépression et à la discopathie dégénérative, mais ces problèmes de santé en eux-mêmes n’empêcheraient pas nécessairement une personne de faire des choix de vie importantsNote de bas de page 13.

Les rapports médicaux de l’appelante ne font pas état d’une incapacité

[20] L’appelante soutient que son incapacité perdure depuis de nombreuses années. Elle a déclaré qu’elle a toujours eu de la difficulté à obtenir un emploi et à le garder. Elle a dit avoir toujours compté sur les autres pour effectuer des tâches simples comme remplir des documents ou se rendre à des rendez-vous en voiture. Elle se décrit comme un [traduction] « cas désespéré ».

[21] Toutefois, aucune des preuves médicales disponibles ne laisse croire que l’appelante n’avait pas de capacité :

  • En avril 2017, l’appelante a passé une semaine à l’hôpital à la suite d’une surdose. À ce moment-là, on a noté qu’elle avait des antécédents de dépression et d’anxiété, d’abus d’alcool et a déjà tenté de se suicider. Elle avait également reçu un diagnostic d’hypothyroïdie, de maladie ovarienne polykystique, de syndrome du côlon irritable, d’hypertension et d’obésité et avait subi un pontage gastrique antérieurement. Cependant, en psychiatrie, on a décidé qu’elle n’était pas suicidaire et qu’elle pouvait avoir son congé en toute sécuritéNote de bas de page 14.
  • En mai 2017, un psychiatre a conclu que l’appelante présentait des signes de trouble de la personnalité limite. L’appelante a décrit des sentiments chroniques de vide et d’insuffisance et elle a relaté des relations intenses et destructrices qu’elle avait eues par le passé. Ses antécédents comptaient deux tentatives de suicide à l’hôpital et deux tentatives à l’extérieur du milieu hospitalierNote de bas de page 15.
  • En novembre 2017, un autre psychiatre a vu l’appelante en raison de problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Il a noté qu’elle avait été emprisonnée pour violence familiale plusieurs années auparavant et qu’elle avait récemment perdu son emploi de restauration pour absentéisme. L’alcool a joué un rôle dans les deux cas. Toutefois, le psychiatre a déclaré que le jugement et la compréhension de l’appelante semblaient raisonnables et qu’il n’y avait aucun signe de manie ou de psychose. Il a ajouté que la cognition de l’appelante était [traduction] « largement intacteNote de bas de page 16 ».
  • En août 2018, un psychiatre a diagnostiqué chez l’appelante une dépression grave, un trouble d’anxiété sociale, un trouble d’anxiété généralisée, un trouble de la personnalité limite et un trouble lié à la consommation d’alcool, en rémission. Le psychiatre croyait qu’il était également possible que l’appelante soit atteinte d’un trouble de l’hyperactivité avec déficit de l’attention, mais il n’a mentionné aucun autre trouble cognitif possibleNote de bas de page 17.
  • En septembre 2019, la médecin de famille de l’appelante a rempli un rapport médical à l’appui de sa demande de prestations d’invalidité du RPC. La Dre Akinola a déclaré que l’appelante avait reçu un diagnostic de dépression, de discopathie dégénérative et d’arthrose du genou. Elle a également souligné que l’appelante était peu concentrée, manquait de motivation et avait de la difficulté à entreprendre ou à terminer des tâches. Toutefois, la Dre Akinola n’a rien dit au sujet de problèmes de santé mentale ou psychologique qui auraient pu nuire à la capacité de raisonnement de l’appelanteNote de bas de page 18.

[22] On peut également déceler la capacité de l’appelante ailleurs dans son dossier médical :

  • Elle consultait régulièrement sa médecin de famille pour des problèmes aussi variés que des maux de dos, une lacération du pouce droit et une entorse du genou gaucheNote de bas de page 19.
  • Elle s’est rendue au Royal Alexandra Hospital [hôpital Royal Alexandra] à six reprises entre 2012 et 2018 pour, entre autres interventions médicales, une gastroscopie et plusieurs consultations en orthopédieNote de bas de page 20.
  • Elle s’est rendue dans une clinique de révision bariatrique pour adultes Weight Wise [de gestion du poids] à cinq reprises en 2012 et 2013Note de bas de page 21.
  • Elle a consulté une ou un psychologue en mars 2014 et une ou un psychiatre en octobre 2014.
  • Elle a suivi un traitement au Claresholme Centre for Mental Health and Addictions [centre Claresholme pour la santé mentale et les dépendances] à compter du 28 novembre 2017Note de bas de page 22.
  • En février 2018, elle a passé quatre jours à l’hôpital en raison d’une infection postopératoire de la plaieNote de bas de page 23.

[23] Je n’ai rien vu qui indique qu’une personne autre que l’appelante a consenti aux interventions médicales mentionnées ci-dessus. Rien dans les nombreux rapports médicaux au dossier ne laissait croire que l’appelante était incapable de gérer ses propres soins de santé. À mon avis, si l’appelante avait la capacité de demander et de suivre un traitement de 2012 à 2019, elle avait probablement aussi la capacité de former ou d’exprimer l’intention de demander une pension d’invalidité du RPC.

Les divulgations de l’appelante font état d’une capacité

[24] Certaines des déclarations de l’appelante donnent à penser qu’elle n’a atteint le seuil d’incapacité prévu par la loi qu’en août 2019. Elle a admis qu’elle avait un permis de conduire valide et qu’elle conduisait pendant la période en question. Elle a déclaré qu’elle utilise des cartes bancaires pour retirer de l’argent de son compte. Elle a dit avoir demandé des prestations d’assurance-emploi après avoir été mise à pied de certains de ses emplois. Ce sont toutes des activités quotidiennes qui donnent à penser que l’appelante avait la capacité de faire des choix de vie.

[25] Dans sa demande de pension d’invalidité du RPC, l’appelante a jugé « bon » son niveau de capacité à faire les choses suivantes :

  • Travailler en équipe.
  • Demander de l’aide à ses collègues au besoin.
  • Faire ce que les personnes en position d’autorité lui disent de faire.
  • Bien se sentir dans des situations ou des espaces publics.
  • Comprendre ce que les gens disent dans les conversations au quotidien.
  • Gardez le fil de ce qu’elle fait, même lorsqu’on l’interrompt.
  • Ouvrir et trier le courrier.
  • Établir des priorités et planifier sa journée.

[26] Il est vrai que l’appelante a jugé « faible » son niveau de capacité à faire quelques autres choses. À titre d’exemple, elle a indiqué qu’elle avait de la difficulté à se souvenir de faire des choses importantes, à gérer un budget, et à additionner et soustraire des nombres. Toutefois, dans l’ensemble, la divulgation des renseignements de la demande de l’appelante a donné l’impression générale d’un niveau de capacités intellectuelles raisonnablement élevé — certainement bien au-dessus du seuil relatif à l’incapacité du RPCNote de bas de page 24.

L’appelante a occupé plusieurs emplois entre mai 2012 et août 2019

[27] L’appelante a non seulement pris des décisions médicales entre 2012 et 2019; elle a également occupé une série d’emplois pendant cette période. À l’appui de sa demande de pension d’invalidité, l’appelante a énuméré plusieurs emplois de courte duréeNote de bas de page 25 :

[traduction]

X Préparation de commandes Juin 2013 à juillet 2013
X Travail de charcuterie Octobre 2012 à avril 2013
X Aide en cuisine Octobre 2015 à février 2016
X Plonge Octobre 2015 à octobre 2015
X Plonge Avril 2015 à août 2015
X Plonge Novembre 2014 à février 2015
X Production en cuisine Mars 2014 à juin 2014
X Opération de machines distributrices Août 2013 à septembre 2013

[28] Il est vrai qu’aucun de ces emplois n’a duré plus de six mois, mais le fait que l’appelante n’ait pas conservé un emploi ne signifie pas nécessairement qu’elle était invalide. En fait, cela donne à penser le contraire.

[29] L’appelante a déclaré qu’elle avait toujours eu besoin d’aide pour trouver et obtenir un emploi. Elle a dit que son mari avait rempli la plupart de ses demandes et l’avait conduite à de nombreuses entrevues. Il se peut que ce soit vrai, mais cela donne quand même à penser que l’appelante elle-même a joué un rôle, ne serait-ce que pour l’obtention de ses emplois. Cela s’est produit au moins huit fois entre 2012 et 2019, et cela donne à penser qu’elle était capable de former ou d’exprimer l’intention de travailler contre rémunération.

[30] Chaque fois qu’elle a été embauchée pour un travail, l’appelante a vraisemblablement tenté d’exercer les fonctions qu’on attendait d’elle. Pour chaque emploi, il n’y aurait eu personne d’autre pour effectuer le travail à sa place. Il lui aurait fallu suivre les directives d’une patronne ou d’un patron et effectuer des tâches précises pour conserver son emploi. Sa capacité à faire ces choses donne à penser qu’elle avait la capacité de former l’intention de conserver un emploi.

[31] Peu importe si l’appelante a fait ces choses parce qu’une autre personne le lui a suggéré. Ce qui importe, c’est que l’appelante, répondant peut-être à des pressions externes, ait accepté volontairement un emploi, puis qu’elle ait fourni un effort — aussi infructueux qu’il se soit finalement avéré — pour effectuer le travail.

[32] Tout cela donne à penser à un niveau de fonctionnalité incompatible avec la définition législative d’une incapacité. Il ne fait aucun doute que les emplois de l’appelante se sont mal terminés. Cependant, elle a échoué parce qu’elle était invalide, et non parce qu’elle était atteinte d’une incapacité. Il y a au moins une indication au dossier selon laquelle l’appelante a été congédiée, non pas en raison d’une incapacité intellectuelle, mais parce qu’elle était souvent absente, possiblement en raison de son intoxication. L’appelante a peut-être consommé de l’alcool, mais je suis d’avis qu’il est peu probable que de tels abus aient continuellement nui à sa capacité à prendre des décisions fondamentales.

L’appelante avait l’intention précise de demander des prestations d’invalidité

[33] Les affaires Blue et Wall exigent que l’on évalue les activités de la partie requérante qui pourraient nous informer sur la capacité de cette personne de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations d’invaliditéNote de bas de page 26. Il en découle que les activités doivent être en rapport avec l’incapacité évoquée pendant la période en question.

[34] Dans la présente affaire, je considère que les activités de l’appelante — ses consultations avec ses médecins, ses efforts pour reprendre son emploi — avaient un rapport avec sa capacité de former ou d’exprimer l’intention de demander des prestations. Il faut se rappeler que « former » une intention fait appel à une activité mentale seulement. Les diagnostics de l’appelante — dépression, anxiété, alcoolisme — ont pu nuire à sa volonté de faire une demande, mais je ne vois pas comment ils ont diminué ses pouvoirs cognitifs essentiels pour former une intention de faire une demande. Le dossier montre que, lorsque l’appelante se voir offrir des options et qu’on lui indique laquelle choisir, elle forme une intention précise d’accomplir une action préciseNote de bas de page 27.

[35] Je ne nie pas que l’époux de l’appelante ait pris de nombreuses décisions et effectué de nombreuses tâches au nom de son épouse, mais ces gestes à eux seuls ne prouvent pas que l’appelante était atteinte d’une incapacité. Bien que l’appelante n’ait peut-être pas eu la volonté ou l’initiative de demander des prestations d’invalidité, elle avait la capacité mentale de le faire.

Le retard de l’appelante a été causé par des médecins, et non par un trouble de santé mentale

[36] Il semble que le retard de l’appelante à présenter sa demande de pension d’invalidité du RPC n’était pas dû à son incapacité, mais plutôt au fait qu’elle n’a pas pu obtenir de la part de trois médecins de famille successifs que l’un d’eux remplisse des formulaires en son nom.

[37] Lors de son témoignage et par écrit, l’appelante a décrit les réactions de dédain de ses anciens médecins de famille lorsqu’elle a communiqué avec eux pour demander leur aide lors de la présentation d’une demande de prestations d’invalidité du RPC. Selon l’appelante, le Dr King, la Dre Weerasinghe et la Dre Siddique ont tous catégoriquement refusé de remplir des rapports médicaux en son nomNote de bas de page 28.

[38] Ce n’est que lorsqu’elle est devenue la patiente de la Dre Akinola en mai 2019 que les choses ont changé. L’appelante a déclaré qu’après avoir examiné ses antécédents médicaux et professionnels, la Dre Akinola a dit : [traduction] « Ce n’est pas normal, vous devriez recevoir des prestations d’invalidité du RPC. »

[39] L’appelante a décrit le passage d’un médecin à l’autre dans une lutte qui dure depuis des années pour obtenir la pension d’invalidité du RPC, mais ce récit ne faisait que miner son dossier. Il est difficile d’imaginer un récit qui pourrait démontrer de façon plus frappante l’intention constante de l’appelante — ou mieux encore, sa détermination — de présenter une demande de prestations.

[40] Il est révélateur que l’appelante n’ait pas pu décrire le changement qui s’est produit dans son état de santé mentale et qui lui a finalement permis de demander une pension d’invalidité du RPC en août 2019. Je soupçonne que son état de santé mentale est demeuré le même. L’appelante a plutôt changé sa médecin de famille, qu’elle a consultée de sa propre initiative.

Conclusion

[41] L’appelante n’a pas prouvé qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de demander une pension d’invalidité du RPC avant août 2019, soit la date à laquelle elle a effectivement présenté sa demande. Pour cette raison, elle n’a pas droit à des paiements rétroactifs supplémentaires de pension.

[42] L’appel est rejeté.

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