Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : TM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1947

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : T. M.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 15 mars 2022 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Shannon Russell
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 15 novembre 2023
Date de la décision : Le 4 décembre 2023
Numéro de dossier : GP-22-1017

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, T. M., n’est plus invalide depuis mai 2018. Elle est donc inadmissible à toute prestation d’invalidité reçue après avril 2018.

[3] Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[4] L’appelante, une femme de 57 ans, a reçu un diagnostic de diabète de type II en 2005Note de bas de page 1. Elle a demandé des prestations d’invalidité en mars 2006Note de bas de page 2. Le ministre a approuvé sa demande et lui a accordé des prestations à compter de janvier 2006Note de bas de page 3. L'appelante avait alors cessé de travailler comme aide générale de cuisine depuis quatre moisNote de bas de page 4.

[5] En 2013, l’appelante a commencé à travailler à temps partiel. Elle a ensuite travaillé chaque année, jusqu’à sa mise à pied durant la pandémie.

[6] En juillet 2020, le ministre a écrit à l’appelante pour l’informer qu’il examinait son dossier d’invalidité. En effet, des informations provenant de l’Agence du revenu du Canada montraient que l’appelante avait touché un autre revenu que ses prestations d’invalidité. Le ministre devait savoir si l’appelante travaillait. Il lui a donc demandé de fournir de l’information sur ses gainsNote de bas de page 5.

[7] En août 2021, le ministre a écrit à l’appelante pour lui dire qu’elle n’était pas admissible aux prestations d’invalidité versées après avril 2018, du fait qu'elle avait occupé un emploi véritablement rémunérateur. Elle avait commencé à travailler avant cette date, mais le ministre a précisé qu’une période d’essai de trois mois était autorisée (février à avril 2018). Par conséquent, l’appelante devait rembourser toutes les prestations d’invalidité qu'elle avait reçues après avril 2018Note de bas de page 6.

[8] L’appelante a demandé au ministre de réviser sa décision. Après révision, le ministre a toutefois maintenu sa décision de stopper ses prestations d’invalidité dès mai 2018.

[9] L’appelante a porté la décision de révision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[10] L’appelante affirme qu’elle demeure invalide. Elle dit aussi que son invalidité n’a fait que s’aggraver. Elle croit avoir correctement fait état de son travail comme elle a indiqué ses revenus dans ses déclarations de revenus.

[11] Selon le ministre, la preuve montre que l’invalidité de l’appelante a cessé d’être grave en mai 2018. La preuve révèle qu’elle avait la capacité de faire un travail adapté à ses limitations. Ses revenus pour 2018 et 2019 avaient été véritablement rémunérateurs, et elle avait cessé de travailler pour des raisons autres que son invalidité. Un de ses employeurs avait rapporté que sa présence au travail était bonne.

Question que je dois trancher

[12] Je dois décider si l’appelante a cessé d’être invalide. Une personne cesse d’être invalide lorsque son invalidité n’est plus grave et prolongée.

[13] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».

[14] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 7.

[15] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 8.

[16] Le ministre doit prouver que l’appelante a cessé d’être invalide selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a cessé d’être invalide.Note de bas de page 9

Questions de procédure

L’appelante n’était pas présente à l’audience

[17] L’appel devait être instruit le 24 octobre 2023. L’appelante ne s’est pas présentée à l’audience. Les efforts pour la joindre ont été infructueux.

[18] Le 25 octobre 2023, l’appelante a écrit au Tribunal pour dire qu’elle avait téléphoné de nombreuses fois afin de faire annuler son appel. Elle a aussi dit qu’elle était malade le jour de l’audience, ce qui l’avait empêchée de rappeler le TribunalNote de bas de page 10.

[19] Le 8 novembre 2023, j’ai écrit à l’appelante pour lui demander de clarifier ses intentions quant à son appel. J’ai remarqué qu’elle avait déjà communiqué avec le Tribunal et laissé entendre qu’elle pourrait retirer son appel. J’ai toutefois spécifié qu’elle n’avait jamais établi clairement qu’elle souhaitait retirer son appelNote de bas de page 11.

[20] L’appelante a répondu en demandant une nouvelle audienceNote de bas de page 12.

[21] Comme l’appelante avait été malade le jour de l’audience, j’ai accepté de fixer une nouvelle date et reporté l’audience au 15 novembre 2023.

[22] L’appelante ne s’est pas présentée à l’audience du 15 novembre 2023. Encore une fois, les efforts pour la joindre ont été sans succès.

[23] Le 16 novembre 2023, soit le lendemain de l’audience reportée, un nouveau document a été versé au dossier de l’appelante. Il s’agissait d’un courriel qu'elle avait rédigé le 15 novembre 2023 au matin. Dans son courriel, elle expliquait avoir demandé dans la dernière semaine de changer la date de son audience à cause d’un rendez-vous médical. Elle a aussi dit ceci : [traduction] « Je vous donne la permission de le faire sans moiNote de bas de page 13. »

[24] Pour les raisons qui suivent, j’ai donc décidé de procéder et de rendre ma décision dans ce dossier :

  • Il m’est permis de tenir audience en l’absence d’une partie si je suis convaincue qu’elle a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 14. J’ai constaté que l’appelante a reçu l’avis d’audience. Il lui a été envoyé par courriel le 9 novembre 2023. D’après les Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale, un document que le Tribunal envoie par courriel est considéré comme ayant été reçu le jour ouvrable suivantNote de bas de page 15. De plus, le courriel que l’appelante avait envoyé le 15 novembre 2023 était une réponse à un courriel du Tribunal qui lui rappelait son audience du 15 novembre 2023.
  • Le dossier ne montre aucunement que l’appelante aurait communiqué avec le Tribunal avant le 15 novembre 2023 pour dire qu’elle avait un rendez-vous médical le 15 novembre 2023.
  • L’appelante a déclaré dans son courriel du 15 novembre 2023 que l’audience pouvait être tenue sans elle.

Motifs de ma décision

[25] L’invalidité de l’appelante n’était plus grave en mai 2018. Le travail qu’elle faisait montre qu’elle était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

L’invalidité de l’appelante n’a pas simplement disparu

[26] Avant de me pencher sur le travail de l’appelante, je veux prendre acte du fait que son invalidité n’était pas complètement partie en date de mai 2018. Autrement dit, l’invalidité de l’appelante n'a pas simplement disparu.

[27] Je constate notamment que le docteur Persaud a écrit en avril 2021 que l’appelante avait consulté depuis 2010 des spécialistes pour les troubles suivants : diabète grave, graves problèmes gastro-intestinaux, neuropathie diabétique grave, grave douleur chronique, et infections bactériennes et fongiques récurrentesNote de bas de page 16.

[28] Toutefois, une personne peut retrouver la capacité de travailler sans la disparition complète de son invalidité. Ici, la preuve montre que l’appelante a vraisemblablement retrouvé une capacité régulière à détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Les antécédents de travail de l’appelante

[29] Même si l’appelante travaille depuis 2013, je dois seulement décider si elle a cessé d’être invalide en mai 2018 ou après cette date. Autrement dit, je ne peux pas examiner si l’appelante a cessé d’être invalide avant mai 2018.

[30] Cela dit, ses emplois depuis 2013 sont tout de même pertinents puisqu’ils témoignent de l’évolution de ses efforts pour travailler au fil des ans.

[31] Pour différentes raisons, les antécédents de travail de l’appelante depuis 2013 ne sont pas aussi clairs qu’on pourrait le souhaiter. Premièrement, l’appelante a laissé certaines sections vides dans des rapports de retour au travail qu'elle a remplis en août 2020, omettant entre autres d'indiquer les dates de ses emploisNote de bas de page 17. Deuxièmement, l’appelante n’a pas participé à l'audience pour me permettre d’y voir plus clair.

[32] Voici un résumé de ce que je sais des antécédents de travail de l’appelante :

  • Du 25 mai 2013 à 2014, elle a travaillé comme aide générale de cuisine chez XNote de bas de page 18.
  • Du 29 octobre 2015 au 7 décembre 2018, elle a travaillé comme aide générale de cuisine pour une société à numéro en Ontario, appelée XNote de bas de page 19. Elle a cessé de travailler en raison d’un « Manque de travail / Fin du contrat ou de la saison de travail »Note de bas de page 20.
  • Du 12 décembre 2018 à avril 2020, elle a travaillé comme aide générale pour X Canada. Une mise à pied durant la pandémie a mis fin à cet emploi. Elle travaillait 37,5 heures par semaine et gagnait 15,25 $ de l’heureNote de bas de page 21.
  • Voici ses revenus pour 2013 à 2019Note de bas de page 22 :
Année Gains
2013 5033 $
2014 5503 $
2015 1866 $
2016 12 159 $
2017 11 868 $
2018 15 598 $ + 944 $ = 16 542 $
2019 29 842 $

Les gains de l’appelante en 2018 et en 2019 étaient véritablement rémunérateurs

[33] Une occupation véritablement rémunératrice est une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur au montant annuel maximal qu’une personne peut recevoir à titre de pension d’invaliditéNote de bas de page 23.

[34] Pour 2018 et 2019, la rémunération de l’appelante dépasse le seuil d’une occupation véritablement rémunératrice.

[35] En 2018, le montant maximal qu’une personne pouvait recevoir en prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada s’élevait à 16 029,96 $. L’appelante a gagné 16 542 $. En 2019, le montant maximal qu’une personne pouvait recevoir en prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada était de 16 347,60 $. L’appelante a gagné 29 842 $.

L’appelante avait une bonne présence au travail

[36] J’ai voulu savoir si l’appelante était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle l’était.

[37] Premièrement, l’appelante a travaillé sur une longue période. Elle a aussi travaillé de façon continue. Nous n’avons pas affaire à une situation où la personne aurait, par exemple, essayé de travailler de façon intermittente ou occasionnelle.

[38] Deuxièmement, l’employeur de l’appelante chez X a qualifié de [traduction] « bonne » sa présence au travailNote de bas de page 24. L’employeur a dit que l’appelante avait eu huit jours de maladie en tout, entre décembre 2018 et le 6 avril 2020Note de bas de page 25. C’est très peu d’absences. L’autre employeur de l’appelante (X) n’a pas répondu au questionnaire que le ministre lui a envoyé.

[39] Je sais que l’appelante n’est pas d’accord pour dire qu’elle avait une bonne présence au travail. Elle a notamment écrit qu’elle avait pris [traduction] « beaucoup de jours de maladie » quand elle travaillait pour XNote de bas de page 26. Elle n’a toutefois fourni aucune preuve, comme des feuilles de présence, pour étayer son propos. Elle n’a pas non plus précisé ce qu’étaient [traduction] « beaucoup de jours de maladie ». À défaut d’avoir plus de détails, je préfère la preuve de l’employeur à celle de l’appelante.

L’appelante n’avait pas un employeur bienveillant

[40] Une personne qui bénéficie d’un employeur bienveillant n’est pas nécessairement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, en dépit de son revenu.

[41] L’appelante n’a pas dit qu’elle aurait eu un employeur bienveillant, mais j’ai quand même considéré ce facteur.

[42] Un employeur est dit bienveillant s’il modifie les conditions de travail d’un employé ayant des limitations et réduit ses attentes à son endroit. Un employeur bienveillant entretient des attentes bien moins élevées envers un employé ayant une limitation fonctionnelle qu’envers ses autres employés. Un employeur bienveillant accepte que cet employé ne peut pas travailler à un niveau concurrentielNote de bas de page 27.

[43] La preuve ne démontre pas que l’appelante aurait bénéficié d’un employeur bienveillant.

[44] Premièrement, je n’ai rien de ses anciens employeurs pour montrer qu’ils auraient modifié ses conditions de travail et réduit leurs attentes à son égard.

[45] Deuxièmement, les renseignements fournis par l’appelante sont trop vagues pour que je puisse conclure qu’elle ait eu un employeur bienveillant. Par exemple, l’appelante a écrit que lorsqu’elle travaillait chez X, elle n’avait pas à marcher beaucoup et pouvait s’asseoir au besoinNote de bas de page 28. Je ne connais pas l’ampleur de la marche requise dans le cadre de cet emploi. J’ignore aussi ce que signifie [traduction] « marcher beaucoup ». À défaut d’en savoir plus, il me semble que l’appelante a bénéficié de mesures d’adaptation plutôt que d’un emploi bienveillant.

L’appelante n’a pas cessé de travailler en raison de son invalidité

[46] Comme je l’ai mentionné plus tôt, l’appelante a cessé de travailler en avril 2020 parce qu’elle a été mise à pied durant la pandémie. Ce n’est pas son invalidité qui l’a amenée à cesser de travailler.

L’appelante peut travailler dans un contexte réaliste

[47] Pour décider si l’appelante peut travailler, je ne peux pas strictement considérer ses problèmes de santé. Je dois aussi tenir compte de facteurs comme son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 29?

[48] L’appelante était manifestement employable dans un contexte réaliste puisqu’elle travaillait, dans les faits. À 51 ans en mai 2018, il lui restait encore plusieurs années avant d’atteindre l’âge moyen de la retraite. Elle est aussi raisonnablement éduquée, comme elle a terminé ses études secondairesNote de bas de page 30. Elle parle couramment l’anglais et a des années d’expérience dans le secteur de la restauration.

Conclusion

[49] Je conclus que l’appelante a cessé d’être invalide en mai 2018. Elle n’était donc pas admissible aux prestations d’invalidité qu’elle a reçues après avril 2018.

[50] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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