Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : RO c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 94

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : R. O.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 4 mai 2023 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Virginia Saunders
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 11 janvier 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 30 janvier 2024
Numéro de dossier : GP-23-1830

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, R. O., ne peut pas bénéficier d’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada avant août 2022. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant a travaillé comme chauffeur et ouvrier pour une ville de l’Ontario de 1984 à 2018. Au fil du temps, il a développé des maux de dos. Sa douleur s’est aggravée après une chute en 2016. Une douleur au cou a aussi fait son apparition. Même s’il a continué à travailler pendant plus d’un an, il s’absentait souvent à cause de la douleur. Après avoir épuisé tous ses congés de maladie, l’appelant a quitté son emploi en mai 2018, comme son employeur ne pouvait pas alléger ses tâches et que son médecin lui avait recommandé de prendre sa retraite.

[4] Pendant les quatre hivers suivants, l’appelant a travaillé comme conducteur de chasse-neige pour différentes entreprises privées. Même s’il trouvait ce travail difficile, il n’avait pas à le faire très souvent. Il travaillait surtout sur appel. Après la saison 2021-2022, il a toutefois décidé qu’il ne continuerait pas l’hiver suivant. La douleur était trop fort après les jours où il travaillait, et il lui fallait plusieurs jours pour récupérer.

[5] L’appelant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en avril 2022. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a approuvé sa demande. La pension était payable dès août 2022, comme le ministre avait décidé que l’appelant était devenu invalide en avril 2022Note de bas de page 1.

[6] L’appelant a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Il affirme être devenu invalide avant avril 2022.

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Pour gagner son appel, l’appelant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée avant avril 2022. Personne ne conteste le fait qu’il était invalide en avril 2022 et qu’il l’est demeuré depuis.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les qualificatifs « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2.

[10] Pour décider si l’invalidité était grave, je dois examiner l’effet global des problèmes de santé de l’appelant sur sa capacité à travailler. Je dois aussi tenir compte de facteurs comme son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs m’aideront à voir sa situation de façon réaliste et à décider si son invalidité était grave avant avril 2022. Si l’appelant était régulièrement capable de faire un travail quelconque lui permettant de gagner sa vie, il n’aura pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 3.

[12] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de l’appelant doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[13] L’appelant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée avant avril 2022, et ce, selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, il doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée avant avril 2022.

L’invalidité de l’appelant n’était pas grave avant avril 2022

[15] L’invalidité de l’appelant n’était pas grave avant avril 2022. J’ai basé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.

L’état de santé de l’appelant nuisait à sa capacité à travailler avant avril 2022

[16] L’appelant présente une douleur chronique au dos et au cou, un diabète de type 2 et une insuffisance cardiaque congestive. Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 4. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 5. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 6.

[17] Le diabète et l’insuffisance cardiaque congestive de l’appelant sont bien maîtrisés et ne l’empêchaient pas de travaillerNote de bas de page 7. C’est plutôt sa douleur chronique au dos et au cou qui nuisait à sa capacité de travailler.

[18] Dans sa demande de pension d’invalidité, l’appelant a indiqué des difficultés pour rester debout, marcher, se pencher, s’agenouiller et s’accroupir. Il avait de la difficulté à soulever deux sacs de courses. Il ne pouvait pas rester assis de façon prolongée. Il pouvait conduire, mais devait sortir pour se dégourdir les jambes durant de longs trajetsNote de bas de page 8.

[19] La preuve médicale confirme les propos de l’appelant.

[20] L’infirmière praticienne de l’appelant a affirmé qu’il a des maux de dos depuis 1986. Ils s’étaient aggravés en 2016, et une douleur au cou était aussi apparue. La douleur lui causait les limitations fonctionnelles suivantes :

  • Il ne pouvait pas marcher plus d’un pâté de maisons sans devoir faire une pause;
  • Il ne pouvait pas rester assis confortablement pendant plus de deux heures;
  • Il ne pouvait pas rester debout plus de 30 minutes sans faire une pause;
  • Il avait mal lorsqu’il soulevait des charges, comme une pile de vêtements pour la lessiveNote de bas de page 9.

[21] La demande de pension d’invalidité de l’appelant et le rapport médical de l’infirmière praticienne ont tous deux été remplis en avril 2022. J’admets cependant qu’ils décrivent aussi l’état de santé de l’appelant avant cette date. L’infirmière praticienne a affirmé qu’elle traitait l’appelant depuis 2019. Je crois ce que l’appelant m’a dit sur les difficultés qu’il éprouvait lorsqu’il travaillait à la ville et conduisait un chasse-neige. J’accepte son témoignage voulant qu’il a commencé à voir son médecin de famille pour sa douleur en 2016. Il est depuis à la charge d'une infirmière praticienne de la même clinique.

[22] La preuve médicale confirme que la douleur au dos et au cou de l’appelant nuit à sa capacité de travailler depuis 2016. En 2018, cette douleur l’empêchait d’occuper un emploi à temps plein qui était physiquement exigeant. Elle l’empêchait également de faire un travail sédentaire à moins qu’il puisse se lever et bouger périodiquement.

L’appelant pouvait travailler dans un contexte réaliste avant avril 2022

[23] Pour être graves, les limitations fonctionnelles de l’appelant doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement le rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas de page 10. Je dois donc décider s’il pouvait régulièrement faire un autre type de travail avant avril 2022.

[24] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes médicaux de l’appelant et à leur effet fonctionnel. Pour décider si l’appelant est capable de travailler, je dois aussi tenir compte de facteurs suivants comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Ces facteurs m’aident à savoir si l’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 11?

[25] Je juge que l’appelant pouvait travailler dans un contexte réaliste avant avril 2022. J’ai fondé cette conclusion sur ses facteurs personnels et sur le fait qu’il a travaillé régulièrement pendant environ quatre mois chaque hiver de novembre 2018 à avril 2022.

Les facteurs personnels de l’appelant confirment qu’il pouvait travailler avant avril 2022

[26] Les facteurs personnels de l’appelant soutiennent qu’il avait la capacité d’occuper certains types d’emplois.

[27] L’appelant avait 56 ans en 2018, quand il a dû quitter l’emploi qu’il occupait depuis longtemps. Son âge aurait pu nuire à son employabilité comme il ne lui restait que 5 à 10 ans avant d’atteindre l’âge normal de la retraite au Canada. Il avait fait du travail de nature physique toute sa vie. Il avait été formé en cours d’emploi, notamment pour la manipulation du propane et la sécurité au travail. Il n’avait toutefois pas de compétence transférable qui l’aurait aidé à faire du travail de bureau ou administratif.

[28] Par ailleurs, l’appelant avait un diplôme d’études secondaires de l’Ontario. Il n'a pas de difficulté en lecture ou en écriture ni pour comprendre l’anglais. Ces attributs auraient fait de lui un candidat plus attrayant pour un emploi sédentaire ou à temps partiel, y compris un travail nécessitant une courte formation.

[29] Enfin, son emploi saisonnier comme conducteur de chasse-neige démontre que ses facteurs personnels n’ont pas nui à sa capacité de trouver et de faire un emploi adapté à ses limitations.

L’appelant était régulièrement capable d’effectuer un travail convenable avant avril 2022

[30] Le travail de l’appelant comme conducteur de chasse-neige démontre qu’il pouvait travailler dans un contexte réaliste avant avril 2022.

[31] Après avoir quitté son emploi à la ville, l’appelant a travaillé à temps plein pour des entreprises de déneigement au cours des périodes suivantes :

  • du 3 décembre 2018 au 20 mars 2019;
  • du 1er décembre 2019 au 31 mars 2020;
  • du 7 décembre 2020 au 31 mars 2021;
  • du 15 novembre 2021 au 15 avril 2022Note de bas de page 12.

[32] J’accepte la preuve de l’appelant voulant qu’il passait beaucoup de temps à attendre qu’on l’appelle plutôt qu’à conduire un chasse-neige. Il a soutenu qu’il était payé pour ne rien faire la plupart du temps, comme il attendait simplement l’appel de son employeur. Il a dit que c’était la seule raison pour laquelle il pouvait faire ce travail.

[33] Bien que cela puisse être vrai, cet emploi n’en était pas moins une occupation réelle. Il existe d’autres emplois où les employés sont payés pour être disponibles ou présents, sans réaliser de travail concret, ou très peu, durant de longues périodes. L’appelant était payé pour être prêt à travailler lorsqu’on l’appelait. Il a dit qu’il lui était arrivé à l’occasion de ne pas répondre au téléphone pour ne pas devoir aller travailler. Cependant, rien ne prouve qu’il l’aurait suffisamment fait pour qu’on s’en rende compte.

[34] L’employeur de l’appelant n’était pas un employeur bienveillant. Un employeur bienveillant offre des mesures d’adaptation dépassant les exigences d’un marché concurrentielNote de bas de page 13.

[35] L’employeur de l’appelant lui avait fourni un support lombaire. Il l’autorisait à sortir du chasse-neige pour s’étirer et à faire sa route à son rythme. Il s’agit toutefois de mesures d’adaptation typiques. Rien ne montre qu’elles auraient été néfastes pour l’employeur. L’appelant était suffisamment disponible et faisait son travail assez bien pour être embauché quatre hivers. Son emploi avait seulement pris fin parce que ses contrats prenaient fin au printempsNote de bas de page 14.

[36] Son emploi de conducteur de chasse-neige n’était pas véritablement rémunérateur. Une occupation véritablement rémunératrice procure au moins le montant maximal qu’une personne pourrait recevoir grâce à la pension d’invalidité du Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 15. Pour être véritablement rémunérateur, cet emploi aurait donc dû lui permettre de gagner environ 16 000 $ à 17 000 $ par saison. Voici ce qu’il a gagné :

  • 3 003,64 $ en décembre 2018;
  • 8 824,80 $ de janvier à mars 2019 et en décembre 2019;
  • 8 532 $ en 2020;
  • 12 736 $ en 2021;
  • 11 594 $ en 2022Note de bas de page 16.

[37] Néanmoins, le fait que l’appelant avait régulièrement été capable de faire ce travail pendant quatre mois chaque année – c’est-à-dire qu’il pouvait être sur appel à temps plein et conduire le chasse-neige au besoin – est la preuve qu’il était capable de faire un travail convenable à d’autres moments de l’année ou de faire un autre type d’emploi pendant plus de quatre mois. S’il avait travaillé plus de quatre mois chaque année, il aurait pu gagner un revenu supérieur au minimum requis pour un emploi véritablement rémunérateur.

[38] L’appelant a soutenu qu’il n’aurait pas été capable de faire un travail semblable pendant plus de quatre mois. Cependant, s’il y a une preuve d’une capacité de travail, l’appelant doit montrer qu’il a essayé de trouver et de garder un emploi convenable. Il doit aussi montrer que ses efforts ont échoué à cause de sa santéNote de bas de page 17. Une personne fait des efforts pour trouver et garder un emploi si, par exemple, elle cherche un emploi adapté à ses limitations fonctionnellesNote de bas de page 18.

[39] L’appelant avait une capacité de travail. Il n’a pas cherché un autre emploi. Par conséquent, je ne peux pas conclure qu’il était atteint d’une invalidité grave avant avril 2022.

Conclusion

[40] Je conclus que l’appelant ne peut pas recevoir sa pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada avant août 2022 puisque son invalidité n’était pas grave avant avril 2022.

[41] Comme j’ai conclu que son invalidité n’était pas grave, je n’ai pas à vérifier si elle était prolongée.

[42] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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