Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : GC c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 88

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : G. C.
Représentante ou représentant : Nicole Jule-Thimm
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Joshua Toews

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 16 juin 2023
(GP-22-458)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 17 janvier 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Représentant de l’intimé
Date de la décision : Le 29 janvier 2024
Numéro de dossier : AD-23-828

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

Aperçu

[2] L’appelante a 58 ans. Elle travaillait auparavant comme cuisinière et travailleuse en garderie. En avril 2016, elle a quitté son emploi à cause d’une douleur au genou gauche liée à l’arthrose. Elle a subi un remplacement du genou six mois plus tard. L’appelante s’est blessée au moins deux fois aux tendons après l’opération, et son rétablissement a pris du temps.

[3] Entre-temps, son genou droit s’est trouvé de plus en plus sollicité. En octobre 2020, il a également dû être remplacé.

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en mai 2020. Dans sa demande, elle a déclaré qu’elle ne pouvait plus assumer les exigences physiques de son posteNote de bas de page 1.

[5] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande de l’appelante. Le ministre a conclu qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2018, soit à l’échéance de sa protection pour invalidité en vertu du Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 2. 

[6] L’appelante a fait appel du rejet du ministre en appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience par téléconférence et a rejeté son appel. Elle a conclu que l’appelante demeurait régulièrement capable de faire un emploi véritablement rémunérateur en dépit de sa déficience physique.

[7] L’appelante a ensuite demandé la permission de faire appel de cette décision auprès de la division d’appel. L’an dernier, un de mes collègues de la division d’appel a accordé à l’appelante la permission de faire appel. Plus tôt ce mois-ci, j’ai tenu une audience pour discuter en détail de sa demande de pension d’invalidité.

[8] Après avoir examiné les observations des deux parties, j’ai conclu que l’appelante n’a pas démontré qu’elle était invalide au sens du Régime de pensions du Canada. Tout en confirmant la présence de certaines limitations fonctionnelles, la preuve révèle que l'appelante n’était pas régulièrement incapable de faire toute forme d’emploi pendant sa période de protection.

Question en litige

[9] Pour gagner son appel, l’appelante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée durant sa période de protection. Les parties ont convenu que cette période a pris fin le 31 décembre 2018Note de bas de page 3.

  • Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 4. Une personne n’est pas admissible à une pension d’invalidité si elle est régulièrement capable de faire un travail qui lui permet de gagner sa vie.
  • Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 5. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité garde la personne à l’écart du marché du travail pendant longtemps.

[10] Dans le présent appel, je devais décider si l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée avant le 31 décembre 2018.

Analyse

[11]  La personne qui demande une pension d’invalidité est responsable de prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongéeNote de bas de page 6. J’ai examiné le dossier et conclu que l’appelante ne s’est pas acquittée de ce fardeau selon le critère énoncé dans le Régime de pensions du Canada. Même si l’appelante a été opérée deux fois pour remplacer ses genoux, la preuve n’était pas suffisante pour démontrer qu’elle était régulièrement incapable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur à la fin de 2018.

[12] Dans sa demande de pension de mai 2020, l’appelante a déclaré qu’elle ne pouvait plus travailler en raison de l’arthrose à ses deux genoux et de blessures à son ligament latéral interne. Elle a rapporté une douleur et une raideur à ses genoux. Son genou gauche se bloquait et claquait. Elle avait subi un remplacement total du genou gauche et attendait la même opération pour son genou droit. Elle qualifiait de passables à faibles la plupart de ses capacités physiques, mais n’a signalé aucun problème psychologique ou cognitif.

[13] Lors de l’audience, l’appelante a affirmé qu’elle avait travaillé dans une garderie pendant près de 20 ans. Elle faisait les repas et le ménage. Elle a expliqué que ce travail était exigeant sur le plan physique. Elle était debout tout le temps. Elle devait aussi régulièrement s’agenouiller, se pencher et monter des escaliers.

[14]  L’appelante a commencé à avoir mal au genou gauche au début de 2016. La douleur s’est rapidement aggravée. En l’espace d’un an, elle a reçu un diagnostic d’arthrose et de blessure au ligament latéral interne et a subi un remplacement total du genou. Une douleur est alors vite apparue à son genou droit. Elle pense que son genou droit avait dû soutenir la majeure partie de son poids durant sa réadaptation et sa convalescence. La guérison de son genou gauche n’avait jamais vraiment été complète, et elle avait été ralentie par une seconde blessure à son ligament latéral interne en 2018. Sans pouvoir identifier la cause exacte de la blessure, l’appelante était certaine de s’être blessée. Son genou droit a été remplacé en novembre 2000, mais il demeurait douloureux lui aussi.

[15] Bien que l’appelante puisse avoir l’impression d’être invalide, ma décision ne peut pas reposer uniquement sur sa vision subjective de son étatNote de bas de page 7. Dans son ensemble, la preuve ne laisse pas croire que l’appelante avait une déficience grave qui l’aurait empêchée de faire un travail convenable pendant sa période de protection. D’après ce que je peux voir, elle n’était pas incapable d’exercer toute forme d’emploi malgré ses limitations de l’époque.

[16] Voici les facteurs sur lesquels j’ai basé ma conclusion.

Un diagnostic n’équivaut pas à une invalidité

[17] Le dossier médical de l’appelante contient de nombreux éléments de preuve montrant qu’elle souffrait d’arthrose au genou avant le 31 décembre 2018. En effet, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 8. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vie.

La preuve médicale ne révèle pas une invalidité avant le 31 décembre 2018

[18] L’appelante a subi un remplacement de son genou gauche pendant sa période de protection. Rien dans son dossier médical ne laisse croire que cette opération et sa convalescence n’auraient pas porté fruit.

[19] En août 2016, le docteur Cai Wadden, chirurgien orthopédiste, a rempli un questionnaire d’assurance en indiquant que l’appelante avait une douleur articulaire au genou gauche et qu’un remplacement total de ce genou était prévu. Il a écrit qu’une amélioration devrait être visible dans les trois à six mois suivant l’opération et qu’elle pourrait reprendre le travail une fois sa convalescence terminéeNote de bas de page 9.

[20] En janvier 2017, le docteur Wadden a écrit que l'appelante se débrouillait bien avec son attelle, environ trois mois après le remplacement total de son genou gauche, et qu’elle [traduction] « n’avait plus mal au ligament latéral interne ». Le docteur Wadden a noté une certaine raideur résiduelle, mais il s’attendait à ce que l’appelante puisse retourner au travail dans un délai de trois moisNote de bas de page 10.

[21] En mai 2017, le docteur Wadden a examiné l’appelante sept mois après son opération et n’a rien décelé à part une certaine raideur. Il avait espoir qu’elle puisse reprendre ses anciennes fonctions à temps plein, et a conclu qu’elle [traduction] « serait absolument capable de faire un autre travailNote de bas de page 11. »

[22] Des dossiers de physiothérapie témoignent ensuite de la façon dont l’état de l’appelante s’est amélioré après l’opération :

  • En mai 2017, l’appelante jugeait que sa douleur était de 0 sur une échelle de 10. Sa note basse révélait un niveau de limitation relativement faible quant à son état fonctionnel. On lui a recommandé un programme multidisciplinaire, qui lui permettrait ensuite de [traduction] « réintégrer plus facilement son emploi, en supposant que son employeur tienne compte de sa restriction pour les escaliers Note de bas de page 12 ».
  • En juillet 2017, après avoir amorcé le programme multidisciplinaire, l’appelante a rapporté qu’elle se débrouillait mieux dans les escaliers et n’avait pas de difficulté à faire ses activités quotidiennes. Au travail, elle anticipait toutefois qu’elle aurait du mal à transporter la nourriture dans les escaliers. Le personnel qui l’a évaluée a noté que l’amplitude du mouvement de son genou gauche et sa tolérance fonctionnelle s’étaient améliorées. L’appelante a été autorisée à reprendre son ancien emploi, moyennant des tâches modifiées pendant les trois premières semaines Note de bas de page 13.
  • En août 2017, après avoir repris des fonctions modifiées à raison de huit heures par jour, quatre jours par semaine, l’appelante a déclaré qu’elle était incapable de descendre sécuritairement deux demi-volées d’escaliers en transportant des plateaux de nourriture, comme elle ne pouvait pas se soutenir à la rampe. Comme son état fonctionnel avait plafonné, ses évaluateurs ont jugé qu’il lui serait inutile de suivre un autre traitement Note de bas de page 14.

[23] Bien que l’appelante ne parvenait pas à assumer les tâches de son emploi habituel, ses prestataires de soins l’estimaient parfaitement capable d’essayer un autre emploi. L’appelante dit qu’elle s’est toutefois blessée de nouveau à la jambe gauche en 2018.

[24] L’appelante n’a pu indiquer ni la date ni la cause exacte de cette blessure. Le dossier ne contient aucun rapport radiologique ou autre qui décrirait la nature ou l’étendue de cette blessure. On y fait allusion une première fois en août 2018, quand le docteur Wadden a déclaré que l’appelante se plaignait maintenant d’une [traduction] « douleur constante »Note de bas de page 15. Les tests et l’imagerie n’ont révélé aucune anomalie. Le docteur Wadden a alors déclaré qu’il [traduction] « ne s’expliquait pas » les symptômes de l’appelante. Il l’a dirigée vers un autre médecin pour obtenir un second avis.

[25] En octobre 2018, le docteur Wadden a affirmé que l’appelante avait étiré le ligament latéral interne de son genou gauche. Il notait une perte importante de son amplitude de mouvement. Sa flexion était de 70 degrés et elle avait une douleur constante au-dessus de la rotule. Le docteur Wadden a conclu comme suit : [traduction] « Je ne crois pas qu’elle puisse déjà reprendre le travail vu la raideur causée par cette blessureNote de bas de page 16. »

[26] En novembre 2018, l’appelante a été examinée par un autre chirurgien orthopédiste. Le docteur Scott Wotherspoon a rapporté que l’appelante disait souffrir d’une raideur et d’une douleur persistante à l’avant du genou gauche depuis son remplacement en octobre 2016. Il a noté que la réparation du ligament avait bien guéri. Il ne décelait pas de sensibilité autour du genou et l’a qualifié de [traduction] « stable ». Il n’entendait pas de crépitation (craquement dans l’articulation) et trouvait que l’appelante marchait plutôt bien. Sa démarche antalgique était [traduction] « très peu prononcée ». Il a dit que l’appelante [traduction] « niait avoir malNote de bas de page 17 ».

[27] Les rapports produits avant le 31 décembre 2018 montrent que l’appelante s’est bien remise du remplacement de son genou gauche — assez pour qu’on l’autorise à reprendre son ancien emploi. Son retour au travail avait échoué, mais seulement parce qu’elle n’arrivait pas à emprunter les escaliers sans l'aide de ses mains, qui tenaient des plateaux de nourriture. La possibilité qu’elle occupe un autre emploi n'avait jamais été écartée par ses prestataires de soins. En fait, ils ont même clairement affirmé qu’elle pourrait occuper un autre type d’emploi malgré ses problèmes aux genoux.

[28] L’appelante dit qu’elle s’est de nouveau blessée au genou gauche à la fin de 2018. Cependant, on ignore encore l’effet exact de cette blessure sur sa capacité fonctionnelle. L’appelante insiste pour dire qu’elle éprouve depuis une douleur forte et constante. Néanmoins, ce symptôme n'est pas étayé par la preuve médicale disponible d'un point de vue physiologique . De plus, le docteur Wotherspoon l’avait examinée moins de deux mois avant la fin de sa période de protection et avait constaté qu’elle pouvait marcher assez bien, sans douleur et sans craquement, et en ne boitant que d’une façon [traduction] « très peu prononcée ».

[29] Je suis enclin à accorder beaucoup de poids au rapport du docteur Wotherspoon. Certes, il se peut que l’appelante ait aujourd’hui une forte douleur au genou gauche. Néanmoins, la preuve, dans son ensemble, ne laisse pas croire que c’était le cas en décembre 2018.

Le genou droit de l’appelante est seulement devenu problématique après le 31 décembre 2018

[30] L’appelante affirme avoir commencé à avoir mal au genou droit avant le 31 décembre 2018. Bien que cela puisse être vrai, aucun des rapports disponibles n’en fait mention durant cette période. Son genou a ultimement été remplacé, mais cette opération a seulement eu lieu en novembre 2020, longtemps après la fin de sa période de protection.

[31] Il convient de noter que le docteur Wotherspoon n’a jamais parlé d'une douleur au genou droit en novembre 2018, alors qu’il avait procédé à un examen approfondi de l’appelante. Cette douleur est mentionnée une première fois en février 2019, quand le docteur Wadden note que le genou droit de l'appelante est [traduction] « douloureux ». Il a administré à l’appelante un anesthésiant local, avec son consentement, et voulait la revoir trois mois plus tard pour un suiviNote de bas de page 18.

[32] En mai 2019, l’appelante se plaignait encore d’une [traduction] « certaine » douleur au genou droit. Le docteur Wadden l’a examinée et a constaté qu’elle pouvait passer d’une extension à une flexion presque complète, pour que son mollet touche presque sa cuisseNote de bas de page 19. En novembre 2019, le docteur Wadden a noté que sa douleur au genou droit s’aggravait. Il a malgré tout parlé d’une arthrose [traduction] « modérée » affectant le compartiment interne, et de [traduction] « légères » altérations du compartiment fémoro-patellaire. Elle pouvait faire une extension complèteNote de bas de page 20.

[33] Le docteur Wadden a plus tard procédé à un remplacement total du genou droit de l’appelante. Cependant, cette opération a seulement été faite près de deux ans après la fin de sa période de protection. Encore une fois, bien que l’appelante puisse aujourd’hui avoir une douleur importante au genou droit, rien ne prouve qu’elle était invalidante en date du 31 décembre 2018.

L’état de santé de l’appelante ne l’empêchait pas de travailler dans un contexte réaliste

[34] D’après la preuve médicale, je conclus que l’appelante avait au moins une certaine capacité de travail. Je suis conforté dans cette conclusion lorsque j’examine son employabilité globale.

[35] Pour être admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, une personne doit être atteinte d’une invalidité grave. La décision Villani explique ce qui correspond à une invalidité grave. Conformément à Villani, le Tribunal doit examiner la personne « de façon globale », dans un contexte réaliste, pour décider de son admissibilité à une pension d’invalidité. L’employabilité ne doit pas être évaluée de façon abstraite, mais plutôt à la lumière de « toutes les circonstancesNote de bas de page 21 ».

[36] Mon analyse ne peut donc pas s’arrêter aux problèmes médicaux de l’appelante. Pour décider si elle est capable de travailler, je dois aussi tenir compte de facteurs comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents professionnels et son expérience de vie. Ces facteurs m’aident à savoir si, d’un point de vue réaliste, l’appelante était capable de travailler durant sa période de protection.

[37] L’appelante avait 53 ans au terme de sa protection pour invalidité offerte par le Régime de pensions du Canada. Bien que l'appelante ne pouvait plus être qualifiée de jeune, il lui restait encore une dizaine d’années, en 2018, avant d’atteindre l’âge normal de la retraite. Elle avait seulement terminé des études secondaires, mais avait une longue expérience de travail qui lui permettrait de se démarquer comme une employée fiable aux yeux d’un employeur potentiel.

[38] Lors de l’audience, l’appelante a affirmé qu’elle n’avait jamais utilisé d’ordinateur ni même envoyé de courriel. Elle disait ne pas avoir de téléphone intelligent. Je l’ai interrogée sur la véracité de son propos, comme l'analyse de ses compétences transférables mentionnait qu’elle avait utilisé un ordinateur pour imprimer des menus à son dernier emploi. L’appelante a répondu que c’était faux et a insisté sur le fait que ce détail précis était fautif dans l’analyse.

[39] Je suis prêt à accepter que l’appelante n’a presque aucune expérience en informatique. Cependant, une formation en informatique ne lui était pas forcément hors de portée, même à son âge relativement avancé. L’analyse de ses compétences transférables retenait sept types d’emplois qui lui conviendraient en fonction de sa scolarité, de sa formation et de son expérience de travail, ainsi que de ses limitations physiquesNote de bas de page 22. Il était noté dans l’analyse que l’appelante connaissait très peu les ordinateurs et les logiciels de bureau; une formation et une mise à niveau considérables seraient nécessaires pour qu’elle occupe des emplois comme ceux de commis à la saisie de données, d'agente de centre d’appels ou de télévendeuse. D’après la conclusion de cette analyse, moyennant une maîtrise rudimentaire de logiciels et d’applications de base, l’appelante pourrait toutefois bénéficier, grâce à ces professions, de formation en cours d’emploi à la hauteur de son potentiel d’apprentissage.

[40] En somme, je suis convaincu que l’appelante avait la capacité résiduelle de poursuivre une autre carrière en date du 31 décembre 2018, malgré son âge et son niveau d’instruction. Même si elle n’était plus jeune, l’anglais était sa langue maternelle et elle avait une solide expérience de travail. Même avec un genou artificiel, l’appelante aurait pu à tout le moins tenter de se recycler pour certains emplois sédentaires.

L’appelante n’a pas tenté d’occuper un autre emploi convenable

[41] Dans une cause nommée Inclima, la Cour d’appel fédérale a expliqué qu’une personne qui demande la pension d’invalidité doit faire son possible pour trouver un autre emploi qui soit mieux adapté à ses déficiences :

En conséquence, un demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santéNote de bas de page 23.

[42] D’après ce passage, si une personne a conservé au minimum une certaine capacité de travail, la division générale doit chercher à savoir i) si elle a tenté d'obtenir un autre emploi et, ii) dans un tel cas, si ses déficiences l’ont empêchée d’obtenir et de conserver cet emploi.

[43] De plus, celles et ceux qui demandent la pension d’invalidité doivent faire des efforts réels pour retourner au travailNote de bas de page 24. Ils ne peuvent pas limiter leurs recherches au type d’emploi qu’ils occupaient avant de devenir invalides. En effet, ils doivent démontrer qu’ils sont régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 25. À défaut d’élargir ainsi leur recherche d’emploi, leur admissibilité aux prestations peut être en péril.

[44] Ici, l’appelante avait conservé une certaine capacité de travail, suffisante pour l’obliger à chercher un emploi qui aurait pu être mieux adapté à ses limitations. L’appelante a tenté de reprendre son ancien emploi. Néanmoins, elle ne pouvait plus répondre aux exigences physiques de son emploi, comme il l'obligeait notamment à descendre des escaliers en transportant des plateaux. Cependant, l’appelante n’était pas forcément incapable d’occuper des emplois moins exigeants.

[45] Comme je l’ai déjà mentionné, ses prestataires de soins n'avaient pas entièrement exclu la possibilité qu'elle travaille en 2017 et 2018. Même après s'être blessée une seconde fois au ligament latéral interne, l’appelante n'a pas confié qu'elle était en  douleur au docteur Wotherspoon, et elle boitait seulement un peu en marchant. D’après ce que je peux constater, rien n’empêchait l’appelante d’au moins essayer de se recycler pour un emploi plus sédentaire, et de travailler à un bureau ou à un comptoir.

[46] Lors de l’audience, l’appelante a déclaré qu’elle ne savait pas comment elle pourrait suivre ou terminer des cours. Elle a dit qu’elle avait toujours des élancements aux genoux et qu’elle ne pourrait pas rester assise plus 10 minutes. Elle a aussi dit qu’elle aurait toujours besoin d’aide pour se lever comme ses genoux sont très instables. 

[47] Même si c’est peut-être le cas maintenant, les rapports remontant à sa période de protection présentent une histoire quelque peu différente. En juillet 2017, le physiothérapeute de l’appelante a constaté qu’elle pouvait rester assise jusqu’à 30 minutesNote de bas de page 26. En mai 2018, l’analyse de ses compétences transférables a permis d’identifier sept emplois de rechange, tous largement sédentaires, que l’appelante serait sûrement capable d’occuper malgré son problème au genou gaucheNote de bas de page 27. En novembre 2018, le docteur Wotherspoon a qualifié de [traduction] « stables » les genoux de l’appelante. Il n’a rien dit sur sa capacité à rester assise. Il a seulement noté que l’appelante disait avoir de la difficulté à se lever quand elle était assise. De plus, les symptômes qu’il a décrits pour son genou gauche n’étaient que mineurs, et aucune douleur au genou droit n’a été mentionnée.

[48] Compte tenu de cette preuve, je ne suis pas convaincu que l’appelante ait cherché un autre emploi, comme elle en était obligée. Après son premier remplacement de genou, l’appelante a essayé de façon louable, mais en vain, de reprendre son emploi à la garderie comme cuisinière et femme de ménage. Toutefois, le Régime de pensions du Canada l’oblige à démontrer qu’elle est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, et pas seulement son emploi habituel.

[49] Le problème ici est que l’appelante n’a jamais essayé d’occuper un autre emploi qui aurait pu être mieux adapté à ses limitations fonctionnelles. Si une telle tentative s’était avérée infructueuse, je serais en meilleure posture pour évaluer la gravité de son invalidité en date du 31 décembre 2018. Néanmoins, elle ne l’a pas fait. Je conclus donc qu’elle n’a pas rempli l’obligation que lui imposait la décision Inclima.

Je n’ai pas à décider si l’appelante avait une invalidité prolongée

[50] L’invalidité doit obligatoirement être grave et prolongéeNote de bas de page 28. Comme l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave, il ne sert à rien de décider si elle était prolongée.

Conclusion

[51] Même si la preuve démontre que l’appelante avait des problèmes physiques pendant sa période de protection, je ne suis pas convaincu qu’ils donnaient lieu à une invalidité grave. L’appelante a conservé une capacité résiduelle, mais n’a jamais essayé d’occuper un emploi qui aurait pu être moins exigeant sur le plan physique que son dernier emploi comme travailleuse en garderie.

[52] L’appel est rejeté.

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