Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : CK c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 158

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : C. K.
Représentante ou représentant : Debbie Caswell
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 14 septembre 2022 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Selena Bateman
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 30 janvier 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Date de la décision : Le 5 février 2024
Numéro de dossier : GP-22-2007

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, C. K., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a 60 ans. Elle travaillait comme concierge. Elle dit qu’en novembre 2020, elle a été atteinte de la COVID-19. Elle souffre de fatigue, de brouillard cérébral et d’essoufflement. Elle souffre aussi de maux de dos causés par une discopathie dégénérative.

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du RPC le 19 octobre 2021. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a donc fait appel de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme qu’elle est tombée malade en novembre 2020 et qu’elle ne s’est jamais rétablie. Comme elle n’a pas de médecin de famille, elle a eu de la difficulté à recevoir des soins médicaux. Elle dit qu’elle doit dormir jusqu’à 19 heures par jour et ne peut pas faire beaucoup de travail physiqueNote de bas de page 1.

[6] Le ministre reconnaît le manque d’accès aux soins auquel l’appelante fait face. Toutefois, il affirme que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongéeNote de bas de page 2.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour gagner son appel, l’appelante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le jour de l’audience. Autrement dit, au plus tard à la date de l’audienceNote de bas de page 3.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 4.

[10] Pour décider si l’invalidité de l’appelante est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de facteurs comme son âge, son niveau de scolarité, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si l’appelante est régulièrement capable de faire un quelconque travail qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 5. Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de l’appelante doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[12] L’appelante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, elle doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[13] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le jour de l’audience. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité de l’appelante était-elle grave?
  • L’invalidité de l’appelante était-elle prolongée?

L’invalidité de l’appelante était-elle grave?

[14] L’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité grave. J’ai basé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisent à sa capacité de travailler

[15] L’appelante est atteinte de :

  • syndrome de fatigue chronique;
  • discopathie dégénérative.

[16] Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 6. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 7. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 8.

[17] Je conclus que l’appelante a des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler.

Ce que l’appelante dit de ses limitations fonctionnelles

[18] L’appelante affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler. Elle explique que :

  • Elle a besoin de dormir jusqu’à 19 heures par jour. Elle doit rester au repos au courant de la journée, sinon elle tombera malade.
  • Elle n’a pas d’endurance et peu de force physique. Elle peut faire un travail physique pendant 10 à 20 minutes avant d’avoir besoin d’une pause.
  • Elle a une maladie auto-immune. Pour cette raison, elle souffre de brouillard cérébral et n’a pas une bonne mémoire. Elle se sent facilement accablée.
  • Elle a des douleurs partout dans le corps. Ses douleurs au ventre et au dos sont constantes.
  • Elle a des problèmes respiratoires qui lui donnent l’impression qu’elle n’a [traduction] « pas d’air dans son corps ». Parfois, elle doit prendre une pause en montant les escaliers.
  • Elle a des problèmes de dos depuis longtemps. Ils étaient plus graves quand elle travaillait comme concierge. Elle ne peut pas soulever ou transporter une charge. Elle a trouvé des façons de s’adapter à son travail.

[19] L’appelante affirme avoir eu la COVID-19 à deux reprises. Elle croit être atteinte du syndrome post-COVID-19. À l’audience, elle a dit qu’elle avait eu des symptômes et qu’elle s’était isolée, conformément aux directives de santé publique en vigueur à ce moment-là.

Ce que la preuve révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[20] L’appelante doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au plus tard à la date de l’audienceNote de bas de page 9.

[21] La preuve médicale confirme en partie la version des faits de l’appelante.

La preuve médicale ne confirme pas l’existence de certains problèmes de santé

[22] La preuve médicale ne confirme pas que l’appelante est atteinte d’une maladie auto-immune. En fait, elle montre le contraire. En mai 2021, elle a subi un examen pour établir si elle avait un tel problème de santé. La médecin qui l’a évaluée a conclu qu’elle ne montrait aucun signe de problèmes auto-immunsNote de bas de page 10. Je n’ai aucune raison de douter de l’examen et de l’interrogatoire menés par la médecin. C’est pourquoi je conclus que l’appelante n’a pas de limitations liées à une maladie auto-immune.

[23] À l’audience, l’appelante a parlé de problèmes respiratoires qui limitent sa capacité à monter les escaliers et à effectuer des tâches physiques. Toutefois, la preuve médicale ne confirme pas l’existence de ceux-ci. Des documents datant de novembre 2020, de janvier 2021 et de mai 2021 indiquent qu’elle ne souffrait pas de détresse respiratoire ni d’essoufflement. Aucune limitation liée à la respiration n’est mentionnée dans son rapport médicalNote de bas de page 11.

[24] La preuve médicale ne confirme pas que l’appelante a reçu un diagnostic de syndrome post-COVID-19. L’urgentiste (Docteur Eickmeier) qui a rempli le rapport médical s’est demandé si elle avait le syndrome post-COVID-19. Cela me donne à penser que le Docteur Eickmeier n’était pas assez certain pour poser ce diagnostic. Selon les dossiers disponibles, aucun diagnostic officiel n’a été établi. L’appelante a obtenu un résultat négatif à trois tests de dépistage de la COVID-19 faits à l’hôpitalNote de bas de page 12.

[25] Cela ne veut pas dire que l’appelante n’était pas atteinte de la COVID-19 ni même du syndrome post-COVID-19. Je ne tire aucune conclusion à ce sujet. Ce n’est pas son diagnostic qui est important, mais plutôt l’effet de ses limitations fonctionnelles sur sa capacité de travailler.

La preuve médicale confirme l’existence de certains problèmes de santé

[26] La preuve médicale confirme que l’appelante a reçu un diagnostic de fatigue chronique en novembre 2020. Elle a contracté une infection des voies respiratoires supérieures en novembre 2020 et s’est rendue à l’hôpital. En décembre 2020, elle a reçu un diagnostic d’infection aux sinus. Elle a déclaré ressentir de la fatigue après deux ou trois heures de travail. En septembre 2021, elle avait toujours de la fatigue et de la difficulté à se concentrer et à apprendre de nouvelles tâches. Je reconnais les limitations fonctionnelles écrites dans le rapport médicalNote de bas de page 13.

[27] La preuve médicale confirme que l’appelante souffre d’une discopathie dégénérative. En décembre 2022, l’appelante a subi une radiographie de sa colonne lombaire. Cette dernière a montré qu’elle avait une discopathie dégénérative grave entre les vertèbres lombaires L4 et L5. Je reconnais que l’appelante a des maux de dos qui limitent sa capacité de soulever et de transporter une chargeNote de bas de page 14.

[28] La preuve médicale confirme que la fatigue et les maux de dos de l’appelante l’ont rendue incapable d’occuper son emploi habituel.

Les arguments des parties concernant l’accès aux soins médicaux et la preuve médicale

[29] L’appelante affirme qu’elle n’a pas un accès adéquat aux soins médicaux parce qu’elle n’a pas de médecin de famille. Elle affirme être victime d’un manque d’accès aux soins médicaux, ce qui est un problème systémique. Elle dit qu’elle n’a pas de médecin pour l’envoyer en consultation et en faire le suivi.

[30] Le ministre soutient qu’il incombe à l’appelante de fournir des éléments de preuve à l’appui de sa demande de prestations d’invalidité. Le ministre affirme qu’il n’y a aucun examen ou évaluation clinique qui confirme l’existence d’une invaliditéNote de bas de page 15. Je suis d’accord avec le ministre.

[31] À l’audience, j’ai demandé à l’appelante si elle avait consulté un médecin ou si elle s’était rendue à l’urgence pour recevoir des soins en 2023 ou jusqu’à maintenant en 2024. Elle ne l’a pas fait. Elle dit qu’elle a [traduction] « abandonné » et a l’impression que les urgentistes ne peuvent rien faire pour l’aider.

[32] La preuve médicale ne confirme pas l’affirmation de l’appelante selon laquelle les urgentistes ne lui ont pas offert de soins ou n’ont pas pris ses préoccupations au sérieux. Par exemple, on lui a prescrit des médicaments pour traiter une infection des sinus. Elle a fait des tests sanguins en janvier 2021. Elle a été envoyée en consultation en recevant une demande en mai 2021. Son taux de HbA1c a été testé pour exclure le diabète. Les urgentistes ont rempli des formulaires médicaux pour elleNote de bas de page 16.

[33] Les urgentistes ont géré les soins de l’appelante à l’hôpital parce qu’elle n’avait pas de médecin de famille. Ce n’était pas la méthode préférable d’offrir des soins, mais ceux-ci ont été offerts de façon continue. Par exemple, on a demandé à l’appelante de retourner à l’hôpital après avoir effectué un échocardiogramme pour en examiner les résultatsNote de bas de page 17.

L’appelante n’a pas suivi tous les conseils médicaux

[34] Pour avoir droit à une pension d’invalidité, une personne doit suivre les traitements recommandésNote de bas de page 18. Si les conseils des médecins n’ont pas été suivis, une explication raisonnable doit être fournieNote de bas de page 19. S’ils n’ont pas d’explication raisonnable, je dois aussi examiner les effets potentiels de ces conseils sur l’invalidité de la personneNote de bas de page 20.

[35] L’appelante voit un chiropraticien pour gérer ses maux de dosNote de bas de page 21. Elle tente de renforcer ses muscles du tronc et fait du yoga. Elle utilise un pot neti pour gérer sa sinusite. Elle n’a pas de médicament d’ordonnance.

L’appelante a refusé de façon déraisonnable des examens  

[36] Il n’est pas nécessaire d’essayer tous les traitements ou de suivre un plan de traitement idéal. Cependant, l’appelante n’a pas pris des mesures raisonnables pour gérer ses problèmes de santéNote de bas de page 22. Son manque de participation à ses propres soins de santé n’était pas raisonnable. Dans la présente affaire, j’estime que c’est suffisant pour établir qu’elle a refusé un traitement.

[37] En mai 2021, l’appelante a été dirigée vers une étude sur le sommeil. Elle a également reçu une demande pour effectuer un échocardiogramme afin d’enquêter sur la cause de sa fatigue. Une urgentiste voulait examiner les facteurs contributifs possibles, comme des problèmes cardiaques ou de l’apnée du sommeilNote de bas de page 23.

[38] L’appelante affirme qu’elle n’a jamais reçu d’appel pour prendre un rendez-vous. Elle n’a pas fait de suivi et n’a pas effectué d’échocardiogramme.

[39] La demande d’échocardiogramme remplie est disponible dans le dossier d’appel. Il ressort clairement du formulaire que c’était la responsabilité de l’appelante de prendre un rendez-vousNote de bas de page 24.

[40] L’appelante n’a pas participé à cette enquête. Rien ne prouve que l’appelante a des problèmes de lecture, de compréhension ou de cognition qui l’auraient empêchée de lire et de suivre des instructions écrites.

[41] À lui seul, ce possible malentendu ou défaut de suivi ne dépasserait pas le seuil d’un refus déraisonnable de suivre un traitement. Cependant, il le dépasse lorsqu’il est combiné au refus de participer à l’étude sur le sommeil et au manque de soins continus.

[42] L’appelante a pris rendez-vous pour faire une étude sur le sommeil. Elle a annulé le rendez-vous et n’en a pas repris. Elle avait trois raisons :

  • L’emplacement de l’étude sur le sommeil était loin.
  • Elle ne peut pas dormir dans des endroits inhabituels.
  • Elle avait peur que se réveiller tôt le matin la rende malade. Elle croit que se lever tôt la rend malade pendant des semaines.

[43] Je juge que la décision de l’appelante est déraisonnable compte tenu de sa situation personnelle.

[44] Il est raisonnable de conclure que l’appelante a compris que l’étude sur le sommeil pouvait fournir des renseignements sur la source de sa fatigue. Ses refus ne sont pas liés à ses limitations fonctionnelles. Il n’y a aucune preuve de problèmes de santé mentale ou de troubles cognitifs qui auraient pu avoir une incidence sur sa capacité de prendre des décisionsNote de bas de page 25.

[45] La participation à une étude sur le sommeil perturberait son horaire de sommeil pour la nuit. Elle exigeait un déplacement. Cependant, l’appelante n’a pas dit qu’elle n’était pas en mesure de se rendre au rendez-vous. Bien que l’appelante croit que le fait de se réveiller tôt la rend malade pendant des semaines, il n’y a aucune preuve à l’appui de cette croyance.

Suivre les conseils médicaux aurait pu faire une différence

[46] Je conclus que le fait de suivre les conseils médicaux aurait pu faire une différence pour l’invalidité de l’appelante.

[47] Ces examens étaient nécessaires pour aider les médecins à cerner les causes possibles de la fatigue de l’appelante. De plus, l’appelante n’a pas reçu de soins médicaux autres que la chiropractie au cours de la dernière année. Il est raisonnable de conclure que le fait de consulter des médecins aurait pu améliorer ses limitations continues dues à la fatigue.

[48] L’appelante n’a pas suivi les conseils médicaux qui auraient pu avoir un impact sur son invalidité. Par conséquent, son invalidité n’était pas grave.

[49] Pour décider si l’invalidité d’une personne était grave, il faut généralement tenir compte de ses caractéristiques personnelles. Sa capacité de travailler est ainsi évaluée sous un angle réalisteNote de bas de page 26. Par contre, il ne sert à rien d’appliquer cette analyse ici, puisque l’appelante n’a pas suivi les conseils médicaux et n’a donné aucune explication raisonnable justifiant de ne pas les avoir suivis. Elle n’a donc pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au plus tard le jour de l’audienceNote de bas de page 27.

Conclusion

[50] Je conclus que l’appelante n’est pas atteinte d’une invalidité grave et qu’elle n’est donc pas admissible à une pension d’invalidité du RPC. Étant donné que l’invalidité doit obligatoirement être grave et prolongée, il ne sert à rien de décider si son invalidité est prolongée.

[51] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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