Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : MK c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 183

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : M. K.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 17 mai 2023 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Connie Dyck
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 26 février 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 27 février 2024
Numéro de dossier : GP-23-1090

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelant, M. K., a droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Les paiements commencent en novembre 2022. La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant a 51 ans. Il a cessé de travailler comme paysagiste et ouvrier général en juillet 2022 en raison de douleurs au dos, aux pieds et aux mains.

[4] L’appelant a demandé une pension d’invalidité du RPC en août 2022.Note de bas de page 1 Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelant a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelant affirme avoir des douleurs constantes au dos. Vu ses douleurs aux mains, il ne peut pas tenir quoi que ce soit pendant plus de deux minutes. Il ressent du stress et de l’anxiété en raison de ses douleurs et de ses blessures. Il a de la difficulté à se concentrer. S’il fait des tâches ménagères, il doit se reposer toutes les 10 minutes.

[6] Le ministre croit que l’appelant peut toujours occuper un emploi convenable, comme l’a souligné son médecin de famille en juin 2023. Le ministre ajoute qu’après avoir subi une crise cardiaque et après avoir procédé à l’implantation d’endoprothèses vasculaires, l’appelant a passé des tests qui ont révélé des résultats normaux. La preuve médicale ne démontre pas non plus un grave problème de dos ou une neuropathie périphérique.  

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Pour avoir gain de cause, l’appelant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date de l’audience. Autrement dit, au plus tard le 26 février 2024.Note de bas de page 2

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.Note de bas de page 3

[10] Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de l’appelant pour voir leur effet global sur sa capacité de travail. Je dois aussi tenir compte de ses antécédents (y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie). Ces éléments me permettent de voir de façon réaliste si son invalidité est grave. Si l’appelant est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décès.Note de bas de page 4

[12] Par conséquent, l’invalidité de l’appelant ne peut pas avoir une date de rétablissement prévue. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité le tienne longtemps à l’écart du marché du travail.

[13] L’appelant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

Questions que je dois examiner en premier

J’ai accepté les documents tardifs

[14] L’appelant et le ministre ont déposé des documents après la date limite. Ils figurent au dossier : GD4 à GD9. J’ai accepté les documents soumis en retard parce qu’ils étaient pertinents et que le fait de les accepter ne causait préjudice à aucune des parties et n’entraînerait pas de retards.Note de bas de page 5

Motifs de ma décision

[15] Je conclus que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date de juillet 2022. Il est toujours invalide. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité de l’appelant était-elle grave?
  • L’invalidité de l’appelant était-elle prolongée?

L’invalidité de l’appelant était-elle grave?

[16] L’invalidité de l’appelant était grave de façon continue. J’ai tiré cette conclusion en examinant plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles de l’appelant nuisaient à sa capacité de travail

[17] L’appelant a une neuropathie périphérique, une maladie coronarienne, des douleurs chroniques au bas du dos et un syndrome du canal carpien.

[18] Toutefois, je ne peux pas me concentrer sur les diagnostics de l’appelant.Note de bas de page 6 Je dois plutôt me concentrer sur la question de savoir s’il a des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de gagner sa vie.Note de bas de page 7 Pour ce faire, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelant (pas seulement le plus important) et évaluer leurs effets sur sa capacité de travail.Note de bas de page 8

[19] Je conclus que l’appelant a des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail.

Ce que l’appelant dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[20] L’appelant affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail :

  • Il a des douleurs au dos tous les jours.
  • Il peut faire une activité de 10 à 20 minutes avant de s’arrêter à cause de sa douleur.
  • Il a subi une chirurgie du canal carpien en 2006, mais celle-ci a échoué; la douleur au poignet et à la main (côté droit) est pire aujourd’hui.
  • En 2018, il a subi une grave crise cardiaque et a reçu une implantation d’endoprothèses vasculaires.
  • Il est toujours anxieux et ne dort pas bien.
  • Il est atteint d’une neuropathie périphérique aux pieds.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelant

[21] L’appelant doit fournir des éléments de preuve médicale qui appuient le fait que ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travailler au plus tard à la date de l’audience.Note de bas de page 9

[22] La preuve médicale appuie les propos de l’appelant.

[23]  L’appelant a plusieurs problèmes de santé. Il est vrai qu’ils ne contribuent pas tous nécessairement à son invalidité. Néanmoins, je ne suis pas d’accord avec le ministre. J’estime que la preuve médicale montre que, pris ensemble, le syndrome du canal carpien, la neuropathie périphérique et les douleurs au bas du dos nuisent à la capacité de travail de l’appelant.

Syndrome du canal carpien

[24] La preuve médicale montre que depuis 2009, le syndrome du canal carpien de l’appelant s’est détérioré constamment. En 2009, il avait un léger dysfonctionnement des nerfs médians aux deux poignets.Note de bas de page 10

[25] En 2020, son syndrome du canal carpien s’était aggravé, il est passé d’un dysfonctionnement léger à un dysfonctionnement modéré ou grave.Note de bas de page 11

[26] En juin 2022, un examen des nerfs a révélé un dysfonctionnement modéré ou grave au poignet droit et un dysfonctionnement modéré au poignet gauche.Note de bas de page 12 Il a été souligné que ces conclusions seraient importantes si l’appelant présentait des symptômes ou des signes du syndrome du canal carpien. C’est bel et bien le cas.

[27] La preuve médicale appuie le témoignage de l’appelant selon lequel, depuis son intervention chirurgicale pour soigner son syndrome du canal carpien, ses limitations fonctionnelles au niveau des poignets et des mains ont diminué. Étant donné la douleur et les engourdissements, il ne peut pas tenir quoi que ce soit pendant plus de deux minutes ni par exemple effectuer plus de sept tours de tournevis.

Neuropathie périphérique

[28] Au cours des deux dernières années, l’appelant a commencé à ressentir des engourdissements et des douleurs aux pieds. Le Dr Desai a déclaré que les tests de conduction nerveuse effectués en août 2022 ont révélé une neuropathie périphérique importante.Note de bas de page 13

[29] Le Dr Lopez (orthopédiste) estimait que les douleurs aux pieds de l’appelant étaient surtout attribuables à une neuropathie.Note de bas de page 14

[30] La preuve médicale appuie le témoignage de l’appelant selon lequel il a des douleurs constantes aux pieds. Cela nuit à sa capacité de se tenir debout pendant plus de quelques minutes. Cela nuit également à sa capacité de s’asseoir. Il a expliqué qu’au cours d’une émission de télévision de 30 minutes, il doit se lever de trois à quatre fois pour se frotter les pieds pour essayer de soulager la sensation de brûlure.

Douleurs lombaires

[31] Une scintigraphie osseuse effectuée en mai 1995 a révélé des symptômes de sacro-iliite.Note de bas de page 15

[32] En janvier 2023, le Dr Alsmoudi (médecin de famille) a noté que l’appelant avait des douleurs chroniques au bas du dos.Note de bas de page 16 Même s’il avait une amplitude de mouvement complète, il avait de la sensibilité. Il était incapable de tolérer une extension et une flexion complètes en raison de douleurs. Il avait aussi des douleurs aiguës lorsqu’il étirait ses genoux.

[33] En juin 2023, le Dr Alsmoudi a noté que l’appelant avait des douleurs chroniques au dos avec des symptômes radiculaires qui affectaient les membres inférieurs et la neuropathie périphérique. Cela limitait sa capacité de se tenir debout pendant plus de 30 minutes.Note de bas de page 17

[34] La preuve médicale appuie le fait que les limitations fonctionnelles de l’appelant causées par le syndrome du canal carpien, la neuropathie et les douleurs au bas du dos, pris ensemble, nuisaient à sa capacité de travail au plus tard à la date de l’audience.

L’appelant a suivi les conseils médicaux

[35] Pour recevoir une pension d’invalidité, la partie appelante doit suivre les conseils médicaux.Note de bas de page 18 Si les conseils médicaux n’ont pas été suivis, une explication raisonnable doit être fournie.Note de bas de page 19 S’il n’a pas d’explication raisonnable, je dois aussi examiner les effets potentiels de ces conseils médicaux sur l’invalidité de l’appelant.Note de bas de page 20

[36] L’appelant a essayé de nombreux médicaments pour gérer sa douleur, y compris des opioïdes. Il m’a dit que son médecin avait cessé de lui prescrire des opioïdes parce qu’ils n’étaient pas efficaces. Il prend maintenant de la gabapentine; il n’a pas pour autant moins de douleurs, il se sent simplement fatigué.

[37] Il fait aussi des étirements, des exercices et essaie de marcher pour soulager ses douleurs lombaires. Il ne ressent un certain soulagement qu’en se couchant à plat sur son lit.

[38] Le Dr Desai (neurologue) a recommandé un traitement conservateur pour le syndrome du canal carpien de l’appelant, y compris le port d’attelles. Il a noté qu’une chirurgie était envisageable.Note de bas de page 21 Le Dr Desai n’a pas fait d’autre suivi au sujet de cette option de traitement. De toute façon, l’appelant m’a dit qu’il ne consentirait pas à subir une telle intervention chirurgicale. Il a expliqué qu’il a subi une chirurgie pour soigner son syndrome du canal carpien au poignet droit en 2006; depuis, son poignet droit est pire que son poignet gauche. Il a des douleurs et des engourdissements et peut seulement utiliser sa main droite pour une tâche de deux minutes avant de devoir se reposer. J’accepte la raison pour laquelle il refuse de subir la chirurgie pour soigner son syndrome du canal carpien; il est légitime qu’il craigne que l’intervention aggrave son problème.

[39] Je dois maintenant décider si l’appelant est régulièrement capable d’effectuer d’autres types de travail. Pour être graves, les limitations fonctionnelles de l’appelant doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, et pas seulement dans son emploi habituel.Note de bas de page 22

L’appelant est incapable de travailler dans un contexte réaliste

[40] Pour décider si l’appelant est capable de travailler, je ne peux pas me contenter d’examiner ses problèmes de santé et leurs effets sur ce qu’il peut faire. Je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau d’instruction;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses antécédents professionnels et son expérience de vie.

[41] Ces éléments m’aident à décider si l’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste, c’est-à-dire s’il est réaliste de dire qu’il peut travailler.Note de bas de page 23

[42] Je conclus que l’appelant est incapable de travailler dans un contexte réaliste. Il est incapable de le faire depuis juillet 2022.

[43] L’appelant a seulement 51 ans. Il parle couramment l’anglais et a fait sa 12e année. Il a obtenu un diplôme d’études collégiales, mais c’était une spécialisation d’il y a quasiment trente ans dans le domaine du raccordement de tuyauterie, soit un cours pratique et physiquement exigeant.

[44] Il a une expérience de travail limitée. Ses antécédents de travail sont dans des emplois exigeants sur le plan physique. Il a travaillé dans le domaine de la construction et de l’entretien des pelouses. Cela ne lui donne aucune compétence transférable en raison de ses limitations physiques.

[45] J’ai examiné si l’appelant pouvait se recycler pour un travail de type sédentaire. Je ne pense pas qu’il pourrait. Il n’a aucune compétence en informatique et n’a occupé que des emplois physiquement exigeants. De plus, il ne peut pas rester assis plus de quelques minutes, il ne peut pas se tenir debout plus de 20 minutes, il peut seulement utiliser ses mains pendant environ deux minutes et il prend des médicaments qui le fatiguent et le rendent somnolent. Cela a une incidence sur sa capacité à se concentrer.

[46] Le ministre affirme que la lettre du Dr Alsmoudi de juin 2023 appuie le fait que l’appelant pouvait travailler à temps partiel.Note de bas de page 24 J’ai interrogé l’appelant à ce sujet et il a fourni un certain contexte. Il a dit qu’il avait demandé au Dr Alsmoudi d’écrire cette lettre au cas où il serait en mesure de faire un travail éventuellement. Il espérait pouvoir travailler quelques heures de façon périodique au cours de l’année. Cependant, à ce jour, cela n’a pas été possible en raison de ses limitations fonctionnelles.

[47] Étant le contexte fourni par l’appelant, je n’ai pas accordé beaucoup d’importance à la lettre du Dr Alsmoudi. Je remarque également que dans sa lettre, elle [sic] mentionne que l’appelant a des douleurs au bas du dos qui ont une incidence sur sa capacité de travail. Elle [sic] a dit que l’appelant ne peut pas se tenir debout pendant plus de 30 minutes et que sa neuropathie périphérique restreint considérablement sa capacité de travail. Il est aussi aux prises avec le syndrome du canal carpien, ce qui nuit à sa capacité de travail. Compte tenu de ces limitations fonctionnelles, je ne crois pas que l’appelant serait capable de travailler dans un contexte réaliste, avec un employeur qui a des attentes en matière de rendement.  

[48] Je conclus que l’invalidité de l’appelant était grave à compter de juillet 2022, date à laquelle ses limitations fonctionnelles l’empêchaient d’effectuer tout type de travail.

L’invalidité de l’appelant était-elle prolongée?

[49] L’invalidité de l’appelant était prolongée.

[50] L’appelant a des douleurs au bas du dos depuis environ quarante ans. Son syndrome du canal carpien a commencé il y a environ trente ans. La neuropathie aux pieds a commencé il y a environ deux ans. Ces problèmes de santé se sont aggravés au fil des années.Note de bas de page 25 En juillet 2022, ses limitations fonctionnelles l’empêchaient d’effectuer tout type de travail.

[51] En janvier 2024, le Dr Alsmoudi a déclaré que l’appelant était incapable de retourner au travail en raison d’une neuropathie périphérique, d’une maladie coronarienne, de douleurs chroniques au bas du dos et d’un syndrome du canal carpien.Note de bas de page 26

[52] Aucun traitement n’est prévu pour sa neuropathie.

[53] Il a subi une chirurgie pour soigner son syndrome du canal carpien il y a plus de vingt ans, mais ses symptômes se sont aggravés depuis.

[54] On ne s’attend pas à ce que les problèmes de santé de l’appelant s’améliorent. Il est plus que probable qu’ils se poursuivront indéfiniment.

[55] Je conclus que l’invalidité de l’appelant était prolongée à compter de juillet 2022.

Début du versement de la pension

[56] L’invalidité de l’appelant est devenue grave et prolongée en juillet 2022.

[57] Il y a une période d’attente de quatre mois avant le début des paiements.Note de bas de page 27 Cela signifie que les paiements commencent en novembre 2022.

Conclusion

[58] Je conclus que l’appelant est admissible à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité était grave et prolongée.

[59] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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