Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : KS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 145

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : K. S.
Représentante ou représentant : Justin Chong
Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Rebekah Ferriss, Jared Porter

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le
19 septembre 2022 (GP-21-373)

Membre du Tribunal : Kate Sellar
Mode d’audience : En personne; téléconférence (plaidoyer final)
Date de l’audience : Les 10 et 24 août 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Intimé
Représentant de l’intimé
Date de la décision : Le 16 février 2024
Numéro de dossier : AD-22-932

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Décision

[1] Je rejette l’appel de la requérante. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a prouvé que la requérante a cessé d'être invalide au sens du Régime de pensions du Canada en avril 2011, après un essai de trois mois de retour au travail.

Aperçu

[2] K. S., la requérante, est atteinte d’achondroplasie. Elle a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 5 août 2009.

[3] La requérante travaillait comme aide-enseignante depuis avril 2000. Après l’apparition d’une douleur au dos, aux jambes et aux hanches, elle a cessé de travailler en juin 2009. En plus de cette douleur au bas du dos, aux jambes et aux genoux, la requérante éprouvait des picotements et de la faiblesse aux pieds et aux jambes ainsi qu’une compression vertébrale. Sa maladie a pour effet d’user ses articulations et elle a dû être opérée maintes fois au fil des ans. La requérante vit avec de la douleur et prend des médicaments pour l’atténuer.

[4] Le ministre a décidé que la requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au sens du Régime de pensions du Canada depuis juin 2009, lorsqu’elle a cessé de travailler.

[5] Après avoir commencé à toucher des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada, la requérante a repris son emploi occasionnel d’aide-enseignante. Elle était mise à pied à chaque fin d’année scolaire puis réembauchée en septembre. Le rôle général des aides-enseignants consiste à superviser et à épauler les enfants, à les aider avec les repas et la propreté, et à tenir à jour des dossiers. Le conseil scolaire pour lequel la requérante travaillait lui offrait différentes mesures d’adaptation. Il limitait notamment son temps en position assise, la course et l’utilisation d’escaliers ou d’échelles. Les charges à soulever, à transporter et à pousser étaient aussi encadrées par des restrictions. Son salaire horaire était de 21,40 $ en 2020.

[6] En mars 2019, le ministre a examiné le dossier de la requérante. Il a appris par l’entremise de l’Agence du revenu du Canada qu’elle avait touché des revenus après avoir commencé à recevoir des prestations d’invalidité. En août 2020, le ministre a mis fin à ses prestations d’invalidité trois mois après son retour au travail, soit le 30 avril 2011.

[7] La requérante a reçu 70 000 $ de prestations en trop. Elle a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a conclu qu’elle avait gagné un revenu véritablement rémunérateur en 2011 et en 2012, qu’il ne s’agissait pas d’une tentative infructueuse de travailler et qu’elle ne bénéficiait pas d’un employeur bienveillant. Par conséquent, le ministre n’avait commis aucune erreur en décidant de mettre un terme à ses prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

Question en litige

[8] Le ministre a-t-il démontré que la requérante a cessé d’être invalide au sens du Régime de pensions du Canada le 30 avril 2011?

Analyse

[9] Voici ce dont traitera la présente décision :

  • D’abord, je vais expliquer comment une personne devient admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, et ce qui se passe quand elle n’y est plus admissible.
  • Ensuite, je vais expliquer comment j’ai conclu que le ministre s’est acquitté de son fardeau et a démontré que la requérante n’était plus invalide au sens du Régime de pensions du Canada en avril 2011. Ma conclusion est basée sur le revenu de la requérante, mais aussi sur la nature du travail qu’elle faisait. Effectivement, ce travail révélait qu’elle n’était plus régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle ne bénéficiait pas d’un employeur bienveillant et il ne s’agissait pas d’une tentative de travail infructueuse, comme elle a continué à travailler en 2011 et 2012 et de nombreuses années par la suite.
  • Enfin, le travail fait par la requérante après 2011 ne change pas ma conclusion voulant qu’elle a cessé d'être invalide en avril 2011 au sens du Régime de pensions du Canada.

La loi précise les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité et les circonstances où elle prend fin

[10] Pour être admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, une personne doit être atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa période de protection. Une invalidité est grave si elle rend la personne « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 1 ». Chaque composante de cette définition a un sensNote de bas de page 2. Dans le contexte du Régime de pensions du Canada, une invalidité grave est liée à ce qu’une personne est capable ou incapable de faire dans le cadre du travail. Une personne a des « limitations fonctionnelles » lorsqu’elle ne peut pas faire certaines choses.

[11] La pension d’invalidité cesse d’être payable le mois au cours duquel la personne cesse d’être invalideNote de bas de page 3. Si une décision mettant fin à une pension d’invalidité est contestée, il revient au ministre de démontrer que la personne a cessé d’être invalideNote de bas de page 4. La requérante n’a pas la responsabilité de prouver qu’elle demeure admissible à la pension d’invalidité.

Le ministre a prouvé que la requérante a cessé d’être invalide au sens du Régime de pensions du Canada en 30 avril 2011

[12] À mon avis, le ministre a démontré que la requérante a cessé d’être invalide au sens du Régime de pensions du Canada après un essai de trois mois en 2011. J’ai tenu compte des éléments suivants :

  • La requérante gagnait un revenu supérieur au minimum considéré comme véritablement rémunérateur par le Cadre d’évaluation de l’invalidité de 2011.
  • Ce travail, bien qu’unique à certains égards, était bel et bien une occupation. C’était un vrai travail et non tentative ratée de retour au travail. La requérante bénéficiait de mesures d’adaptation, mais pas d’un employeur bienveillant.
  • Ses antécédents de travail après 2011 n’aident pas la requérante à montrer qu’elle serait restée invalide au sens du Régime de pensions du Canada.

En 2011, quand le ministre a mis fin à ses prestations, la requérante occupait un poste véritablement rémunérateur selon le Cadre d’évaluation de l’invalidité en vigueur

[13] Le ministre affirme avoir prouvé que la requérante a cessé d’être invalide en 2011 puisqu’elle a commencé à faire un travail véritablement rémunérateur en 2011. Cette année-là, elle a effectivement gagné 21 041 $. Ce revenu dépassait le revenu véritablement rémunérateur minimum selon la politique de l’époque. Le ministre s’appuie sur un document de politique qu’il a déposé en preuve dans d’autres affaires, et qui indique que les gains admissibles en 2011 étaient de 4 800 $Note de bas de page 5.

[14] En 2011, quand le ministre a mis fin au versement de la pension, aucun règlement ne définissait le sens d’une occupation « véritablement rémunératrice » aux fins de la définition d’une invalidité graveNote de bas de page 6.

[15] La requérante reconnait que le Cadre d’évaluation de l’invalidité, qui est utilisé par les décideurs du ministre, indique qu’une occupation est véritablement rémunératrice pour une année donnée si elle procure un revenu équivalent à 12 fois la somme mensuelle maximale d’une pension de retraite du Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 7.

[16] Toutefois, la requérante fait valoir que le Cadre d’évaluation de l’invalidité de 2011 demande aussi aux décideurs de tenir compte d’autres facteurs, comme la productivité et le rendement, pour une personne dont le revenu se situe entre le montant d’une occupation véritablement et le double de ce montant. Ces facteurs leur permettraient de mieux comprendre le lien entre la rémunération de la personne et sa capacité de travailler. Bien que ce cadre d’évaluation ne soit pas contraignant, la requérante soulève un argument pertinent. Elle ajoute qu’il crée chez les requérants une attente légitime quant au calcul de leur pension pour 2011Note de bas de page 8.

[17] La requérante soutient que son revenu n’a jamais correspondu au double de celui que procure une occupation véritablement rémunératrice et que sa rémunération annuelle moyenne sur 9 ans, à compter de 2011, était seulement de 9 837,66 $Note de bas de page 9

[18] Je ne peux pas conclure que le Cadre d’évaluation de l'invalidité soit contraignant pour la division d’appel, comme il s’agit d’une politique et non d’une loi. Toutefois, j’accepte l’argument de la requérante, et je reconnais qu’il est pertinent de considérer sa productivité et son rendement pour mieux comprendre le lien entre sa rémunération et sa capacité de travailler. À mon avis, cette analyse est requise indépendamment de ce que le cadre d’évaluation dit de son revenu.

[19] Conformément au Régime de pensions du Canada, si le ministre se fonde sur la rémunération de la requérante pour démontrer qu’elle a cessé d’être invalide, je dois examiner ce que cette rémunération révèle sur sa capacité de travail et si l’invalidité était grave. Il n’y a pas de hiérarchie dans les différents aspects du critère servant à décider de l’invalidité. Le simple fait que le revenu dépasse le maximum établi par le cadre ne suffit pas à régler la question de l’invalidité. Ce que ce revenu révèle sera toutefois pris en compte pour décider si la requérante demeurait régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Chaque aspect du critère juridique a un sens. Je dois examiner tous les éléments de preuve concernant la capacité de travail de la requérante : la preuve médicale (à partir de 2011), son témoignage et sa rémunération.

[20] La requérante soutient qu’il ne faudrait pas se limiter à son revenu pour 2011 et 2012, comme le dossier révèle qu’elle n’avait pas pu maintenir ce niveau de revenu de 2013 à 2019.

[21] Selon moi, 2011 a de l’importance puisqu'il s’agit de l’année pour laquelle le ministre doit démontrer qu’elle avait retrouvé la capacité d’occuper un emploi véritablement rémunérateur et cessé d’être invalide. C’est sur cette question que je dois me prononcer le présent appel.

[22] Je dois décider si le ministre a prouvé que la requérante a cessé d’être invalide en 2011. La requérante a ensuite travaillé et réalisé des gains pendant de nombreuses années jusqu’en 2019, soit jusqu’à ce que le ministre en prenne connaissance. Le ministre soutient toutefois, et j’en conviens, que ce sont les gains de 2011 qui sont pertinents pour démontrer qu’elle n’était plus atteinte d’une invalidité grave selon le critère prévu par le Régime de pensions du Canada.

[23] Je ne peux pas accepter la façon dont la requérante envisage mon mandat. En effet, il n’est pas question de savoir si elle peut prouver qu’elle avait une invalidité grave et prolongée durant toute la période ayant généré un trop-payé. Je dois plutôt décider si le ministre peut prouver qu’elle a cessé d’être invalide en 2011 au sens du Régime de pensions du Canada. À cette fin, il ne sert à rien de calculer son revenu annuel moyen sur sept ans pour en illustrer les variations. Mon rôle est précisément de décider si elle a cessé d’être régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en 2011.

[24] Je vais maintenant examiner si la requérante bénéficiait d'un employeur bienveillant dans son emploi.

La requérante avait la capacité d’occuper un emploi véritablement rémunérateur et faisait un vrai travail qui, tout en étant unique à certains égards, n’était pas facilité par un employeur bienveillant

[25] Après son opération au dos en 2008, la requérante a dû prendre congé pour sa convalescence à l’hôpital. En 2009, elle a décidé qu’elle essayerait de reprendre son travail. La requérante a déclaré qu’elle désirait subvenir aux besoins de sa famille après sa longue hospitalisation.

[26] La requérante travaillait comme employée occasionnelle pour un conseil scolaire. Pour obtenir des heures de travail, elle devait appeler une centrale téléphonique automatisée et confirmer sa disponibilité pour travailler. La requérante se déclarait disponible et acceptait du travail occasionnel dans une classe composée d’élèves en difficulté et d’un enfant autiste. Elle travaillait toute la journée d’école chaque jour, du lundi au vendredi. Elle connaissait le directeur de l’école et son rendement ne posait pas problème.

[27] Pour décider si la requérante bénéficiait d’un employeur bienveillant, je vais examiner la question suivante :

  • La requérante faisait-elle un travail productif du point de vue de sa productivité et de ses résultats?

[28] Le travail de la requérante était productif. Elle aidait les enfants à apprendre et à participer en classe, ce qu’elle n’a pas véritablement contesté dans son témoignage.

[29] De plus, la lettre d’une enseignante montre clairement que la requérante, à titre d'aide-enseignante, avait soutenu sa classe de façon intermittente pendant neuf ansNote de bas de page 10. Les élèves la connaissaient et aimaient travailler avec elle. La classe comprenait dix élèves ayant des troubles du développement : aucun n’avait besoin d’aide physique pour soulever des objets, aller à la toilette ou manger; aucun ne se déplaçait en fauteuil roulant ou en poussette; aucun n’était susceptible de s’enfuir de la salle de classe. La requérante aidait les élèves avec leurs habiletés fondamentales, leurs activités, leurs études et leurs besoins émotionnels. Une autre aide-enseignante affectée à la classe aidait les élèves pour leur cours d’éducation physique.

[30] Il est délicat d’évaluer la productivité et les résultats du travail d’une aide-enseignante, comme il est question d'aider des élèves et non de créer un produit. L’emploi de la requérante était adapté à ses limitations. En effet, ses élèves n’avaient pas de besoins physiques avec lesquels elle ne pouvait pas les aider. Cela dit, elle bénéficiait de mesures d’adaptation et ne faisait donc pas des tâches parfaitement identiques à celles des autres aides-enseignantes (qui, par exemple, aidaient aussi les élèves durant leur cours d'éducation physique). Je reconnais également, conformément à son témoignage, que d’autres membres du personnel assuraient la surveillance de la cour à sa place et qu’elle ne pouvait pas retenir ou soulever un enfant. Elle ne pouvait pas courir vers l’autobus avec un enfant en retard.

[31] Néanmoins, j’estime que ces mesures d’adaptation ne changeaient pas radicalement son rendement comme aide-enseignante. La requérante supervisait et soutenait malgré tout des élèves dans une classe. Son travail n’était pas dénaturé par les modifications qui y étaient apportées. Elle a pu continuer à faire ce travail pendant de nombreuses années.

[32] Le travail de la requérante était productif. Elle a offert aux élèves un encadrement pédagogique pendant de nombreuses années, comme le confirment son propre témoignage et la preuve fournie par l’enseignante avec qui elle a travaillé.

  • La requérante travaillait-elle à un niveau concurrentiel par rapport aux autres?

[33] La requérante avait certes bénéficié de mesures d’adaptation au travail, mais elle travaillait à un niveau concurrentiel par rapport aux autres aides-enseignantes. Même si son emploi d’aide-enseignante était un emploi occasionnel, la classe qu’elle aidait était dans une situation particulière. Effectivement, elle ne travaillait jamais à l’étage et n’avait à offrir de soutien physique à aucun de ses élèves, ce qu’elle n’aurait pas été en mesure de faire.

[34] La requérante a fait valoir qu’il y avait eu une diminution des postes en milieu scolaire qu’elle pouvait accepter comme employée occasionnelle au fil des ans. En effet, les tâches liées à certains de ces postes pouvaient dépasser ses capacités physiques, notamment selon l’ampleur des besoins physiques des enfants ou l’accessibilité des salles de classe.

[35] Même si la requérante est demeurée une employée occasionnelle du conseil scolaire, je conclus qu’elle travaillait à un niveau concurrentiel par rapport aux autres aides-enseignantes, qui supervisaient et soutenaient également des enfants en classe. Je ne peux pas conclure qu’elle ne travaillait pas à un niveau concurrentiel simplement parce qu’elle est restée une employée occasionnelle pendant de nombreuses années.

[36] Je dois surtout me concentrer sur le travail que la requérante a effectué en 2011, et chercher à savoir s’il était concurrentiel par rapport à celui de ses homologues. Je conclus que oui. Même si elle avait besoin de certaines mesures d’adaptation, la requérante s’acquittait de ses fonctions essentielles – c’est-à-dire superviser et soutenir les enfants – de façon aussi compétitive que le reste des aides-enseignantes. Elle avait d’ailleurs été choisie pour rester dans sa classe tout au long de 2011 et par la suite.

  • Les exigences envers la requérante étaient-elles moindres que les attentes envers les autres employés?

[37] Les exigences pour le travail de la requérante avaient été modifiées de certaines façons. Comme elle avait bénéficié de mesures d’adaptation, ses fonctions différaient légèrement de celles des autres aides-enseignantes qui n’en avaient pas besoin.

[38] La requérante était limitée quant au temps durant lequel elle pouvait rester assise ou debout. Elle ne pouvait pas emprunter les escaliers ni utiliser une échelle, et sa capacité à soulever des objets et à marcher était restreinte. Dans son témoignage, elle a expliqué qu’elle utilisait parfois des accessoires fonctionnels, comme une chaise qu’elle poussait dans le couloir ou un tabouret pour s’asseoir en classe. Elle n’était pas obligée d’aider les élèves de sa classe durant leur cours d’éducation physique. On ne s’attendait pas à ce qu’elle coure vers l’autobus pour accompagner un enfant en retard. La requérante utilisait une chaise adaptée en classe, qui l’aidait à s’asseoir, à rester debout et à se déplacer à son gré dans la classe. Elle utilisait un escabeau au besoin. Il y avait un téléphone dans la salle de classe que la requérante utilisait pour accéder à l’autre salle de classe et au bureau pour obtenir du soutien si elle en avait besoin.

[39] S’il est manifeste que certaines des mesures d’adaptation dont jouissait la requérante altéraient ses fonctions, celles-ci n’étaient pas transformées au point où les exigences de son poste étaient largement inférieures à celles des autres. On s’attendait à ce que la requérante fasse le même travail que les autres aides-enseignantes, et elle avait recours à différentes mesures d’adaptation pour le faire.

  • L’employeur était-il satisfait du rendement de la requérante ou éprouvait-il des difficultés à cause des mesures d’adaptation qu’il lui fournissait?

[40] Aucun élément de preuve ne me laisse croire que le rendement de la requérante était problématique ou que le conseil scolaire éprouvait des difficultés en raison des mesures d’adaptation qu’il lui fournissait.

[41] En 2019, le rendement de la requérante avait été tel que l’enseignante avec qui elle travaillait voulait qu’elle occupe le poste permanent de l’autre aide-enseignante de la classe qui prenait sa retraite.

[42] J’accepte le témoignage de la requérante, qui fait valoir le conseil scolaire ne lui a jamais offert un poste permanent d’aide-enseignante. Je comprends, d’après son témoignage, qu’il est devenu de plus en plus difficile au fil des ans de trouver un poste qui conviendrait à ses besoins. Toutefois, je ne peux pas conclure que cette situation soit due au fait qu’elle n’aurait pas été capable de s’acquitter de ses fonctions ou n’aurait pas été suffisamment apte au travail à cause de son état de santé. De même, les renseignements dont je dispose ne me laissent aucunement croire que le conseil scolaire aurait éprouvé des difficultés à cause des mesures d’adaptation qu’il lui fournissait, tant dans son environnement physique que dans le remaniement de certaines tâches.

La requérante était employable dans un contexte réaliste à partir de 2011

[43] La requérante soutient qu’il est important d’examiner si elle était employable dans un contexte réaliste pour que le ministre puisse prouver que son invalidité a cessé d’être grave.

[44] L’employabilité dans un contexte réaliste doit en effet être examinée pour décider si une invalidité est graveNote de bas de page 11. Dans le cas d’une personne qui doit démontrer son admissibilité à la pension d’invalidité, on examine surtout les antécédents de travail jusqu’à la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[45] Toutefois, dans le cas présent, c’est le ministre qui doit démontrer que la requérante a cessé d’être invalide. Selon la requérante, le ministre ne peut pas s’acquitter de ce fardeau puisque le travail qu’elle a fait en 2011 doit être considéré dans le contexte de tout le travail qui a suivi : le fait qu’elle a toujours travaillé comme aide-enseignante sur une base occasionnelle pendant qu’elle touchait des prestations d’invalidité montre qu’elle est et a toujours été invalide.

[46] Je ne doute pas que le travail fait par la requérante à partir de 2011 révèle ce qui suit :

  • Grâce à son employeur, la requérante a bénéficié de mesures d’adaptation essentielles à son travail. La requérante a soumis des éléments de preuve médicale qui confirment que ces mesures d’adaptation étaient nécessaires pour qu’elle puisse continuer de travaillerNote de bas de page 12.
  • La requérante a grandement contribué à sa classe.
  • La requérante a seulement pu obtenir du travail occasionnel et n’a jamais été embauchée comme aide-enseignante permanente. (La requérante souligne que son employeur a produit 24 relevés d’emploi entre 2011 et 2019 et que son statut d’emploi était occasionnel.)
  • La requérante a continué de faire face à des défis liés à son état de santé et a notamment subi plusieurs opérations supplémentaires, y compris en 2015, en 2017 et en 2018Note de bas de page 13.
  • La requérante a eu de plus en plus de mal à trouver des emplois occasionnels au sein du conseil scolaire au fil des ans, et cette difficulté était liée à certaines des mesures d’adaptation dont elle avait besoin, comme travailler au rez-de-chaussée.
  • Le revenu de la requérante a diminué de 2013 à 2019.
  • La requérante a témoigné, et je l'accepte, qu'elle avait de la difficulté à obtenir des postes d'aide-enseignante en 2016 et en 2017.
  • La requérante a essayé un poste dans un magasin de jouets pendant la période des Fêtes de 2016. Il lui a toutefois été trop difficile de conserver cet emploi dans la vente au détail, même à temps partiel, à cause de ses restrictions physiques. 

[47] Ces conclusions ne sont pas incompatibles avec la position du ministre selon laquelle la requérante a cessé d’être invalide en 2011. Il est possible que la requérante n’ait pas été en mesure d’occuper d’autres emplois à partir de 2011. Cela est toutefois sans importance, puisque le travail qu’elle a véritablement occupé, bien qu’occasionnel et adapté, était un travail réel qui lui a permis de gagner un revenu véritablement rémunérateur en 2011.

[48] En avril 2011, la requérante n’était pas régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle était une employée occasionnelle fiable pour le conseil scolaire en 2011 et a contribué à sa classe de façon significative.

[49] La requérante est atteinte d’une maladie congénitale et en sera atteinte toute sa vie. Elle a essayé de conserver un lien avec le travail pendant de nombreuses années. Elle avait besoin de mesures d’adaptation pour faire pleinement son travail. Sa capacité à travailler était amoindrie par des restrictions physiques, mais la requérante demeurait capable de travailler.

[50] Selon la requérante, les fluctuations de son revenu après 2011, ses opérations et les autres difficultés auxquelles elle a dû faire face durant sa vie active après 2011 montrent que son invalidité est demeurée grave. Cependant, ces facteurs ne peuvent changer mon opinion sur la question de savoir si, en avril 2011, son invalidité avait cessé d’être grave au sens du Régime de pensions du Canada. En avril 2011, la requérante avait pleinement repris son travail et gagnait sa vie. Elle avait été une employée fiable cette année-là. Son invalidité a cessé d’être grave le 30 avril 2011.

[51] Comme le ministre a démontré que l’invalidité de la requérante a cessé d’être grave en 2011, je n’ai pas à décider si l’invalidité a aussi cessé d’être prolongée au sens du Régime de pensions du Canada, ni à décider si elle est redevenue grave plus tard.

Dernières remarques

[52] J’ai décidé que le ministre a démontré que la requérante avait cessé d’être invalide au sens du Régime de pensions du Canada en avril 2011. Il n’y a donc pas de changement à la décision qui mettait fin au versement de sa pension d’invalidité en avril 2011.

[53] La requérante a invoqué les lourds problèmes auxquels elle s’est souvent butée, avec Service Canada, en tant que personne atteinte d’un problème de santé permanent. Je n’ai pas la capacité de rectifier ses grandes orientations ni les problèmes dans le processus pour demander une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada ou un examen à cet égard. Le problème est flagrant, mais je ne peux décréter aucune solution.

[54] La requérante était censée déclarer ses gains au ministre, et pas seulement à l’Agence du revenu du Canada. Par ailleurs, il semble aussi manquer au ministre un processus rigoureux qui lui permettrait de savoir rapidement que des bénéficiaires de la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada déclarent des gains auprès de l’Agence du revenu du Canada. Un tel processus permettrait au ministre de faire enquête rapidement. Il s’agirait d’un mécanisme de sureté, qui serait particulièrement pertinent quand le personnel approuve une pension d’invalidité tout en recommandant ou en envisageant de réexaminer le dossier après un an de prestations – mais que cet examen n’a jamais lieu. Plus le dossier tarde à être réexaminé, plus le trop-payé s’alourdit.

[55] Je n’ai pas le pouvoir d’annuler une quelconque partie du trop-payé de la requérante. Je n’ai pas non plus le pouvoir de décider si son invalidité est devenue grave et prolongée au sens du Régime de pensions du Canada après 2011.

Conclusion

[56] L’appel de la requérante est rejeté. La requérante a cessé d’être invalide au sens du Régime de pensions du Canada le 30 avril 2011.

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