Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : SM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 151

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : S. M.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Ian McRobbie

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 12 mars 2023 (GP-21-2036)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 29 janvier 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 18 février 2024
Numéro de dossier : AD-23-638

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Décision

[1] Je rejette l’appel. L’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] L’appelant a passé de nombreuses années à travailler comme conseiller du service à la clientèle pour une série de concessionnaires automobiles. Il souffre de maux de dos depuis plus de 20 ans et affirme que ceux-ci se sont aggravés au point où il ne pouvait plus faire son travail. Il a gagné un peu d’argent en tant que chauffeur-livreur de produits alimentaires à temps partiel, mais il a dû renoncer à ce travail aussi. Il a maintenant 49 ans et n’a pas travaillé depuis février 2021.

[3] L’appelant a demandé une pension d’invalidité du RPC en mars 2021Note de bas de page 1. Dans sa demande, il a dit qu’il ne pouvait plus travailler en raison d’une douleur sciatique au bas du dos causée par une sténose spinale et l’obésité. Il a aussi dit qu’il connaissait des épisodes de dépression périodiques.

[4] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande après avoir conclu que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2020, la date où il a été admissible pour la dernière fois aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[5] L’appelant a fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Celle-ci a tenu une audience par téléconférence et a rejeté l’appel. Elle a conclu que, même si l’appelant avait certaines déficiences physiques pendant sa période de protection, il avait tout de même la capacité d’exercer régulièrement un emploi véritablement rémunérateur.

[6] L’appelant a ensuite demandé la permission de faire appel à la division d’appel. En juin 2023, une de mes collègues de la division d’appel l’a accordée à l’appelant. Le mois dernier, j’ai tenu une audience pour discuter de sa demande de pension d’invalidité dans son ensemble.

[7] Maintenant que j’ai examiné les observations des deux parties, j’ai conclu que l’appelant n’a pas démontré qu’il est invalide au sens du RPC. La preuve montre que même si l’appelant est sujet à certaines limitations fonctionnelles, il n’était pas atteint d’une invalidité grave à la fin de 2020.

Question en litige

[8] Pour gagner son appel, l’appelant devait prouver qu’il était plus probable qu’improbable qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée pendant sa période de protection. Les parties ont convenu que la période de protection de l’appelant, aux fins d’une pension d’invalidité du RPC, a pris fin le 31 décembre 2020Note de bas de page 2.

  • Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3. Une personne n’a pas droit à une pension d’invalidité si elle est régulièrement capable de faire un quelconque travail qui lui permet de gagner sa vie.
  • Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 4. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité tienne la personne à l’écart du marché du travail pendant longtemps.

[9] Dans le présent appel, je devais décider si l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée avant le 31 décembre 2020.

Analyse

[10] J’ai appliqué la loi à la preuve disponible et j’ai conclu que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2020. Je suis convaincu que ses problèmes de santé ne l’empêchaient pas de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

L’appelant n’est pas atteint d’une invalidité grave

[11] Les personnes qui demandent des prestations d’invalidité sont responsables de prouver qu’elles sont atteintes d’une invalidité grave et prolongéeNote de bas de page 5. J’ai examiné le dossier et j’ai conclu que l’appelant ne s’est pas acquitté de ce fardeau selon le critère énoncé dans le Régime de pensions du Canada. Malgré la présence possible de déficiences pendant sa période de protection, les éléments de preuve ne suffisent pas à montrer qu’elles rendaient l’appelant incapable de travailler.

[12] L’appelant a déclaré qu’il a des douleurs au bas du dos depuis le début des années 2000. Il a dit que ces douleurs se sont aggravées de 2017 à 2018, limitant sa capacité de s’asseoir, de marcher, de se pencher ou d’utiliser les escaliers pendant de longues périodes. Il a dit que sa douleur, quoique constante, s’intensifie parfois et atteint un niveau atroce. Elle s’atténue ensuite en cinq à sept jours. Il a estimé qu’il subissait ces poussées environ quatre fois par année, mais que la fréquence de celles-ci variait.

[13] Le dernier emploi à temps plein de l’appelant était chez un concessionnaire X. Il a été mis à pied en octobre 2018 pour des raisons qui lui sont inconnues. Cependant, il soupçonne fortement qu’il a été congédié parce qu’il s’absentait du travail trop souvent. Il a déclaré qu’il y avait des jours où ses maux de dos étaient si graves qu’il ne pouvait pas sortir du lit. Son médecin lui a conseillé d’arrêter de travailler en raison de ses maux de dos et de son poids.

[14] À ce moment-là, il avait déjà commencé à conduire pour X. Il considérait la livraison de nourriture comme une solution qui lui permettrait de choisir son horaire en fonction de son état de santé. Cependant, ce travail ne lui a jamais rapporté beaucoup d’argent. De plus, il était beaucoup plus dur pour le dos que ce qu’il croyait, car il devait sans cesse sortir de sa voiture et y rentrer. Il a fini par renoncer à ce travail parce que X continuait de réduire les tarifs des chauffeurs, donc il en valait plus la peine.

[15] Bien que l’appelant puisse avoir l’impression qu’il est invalide, je dois éviter de fonder ma décision uniquement sur sa seule vision subjective de sa capacitéNote de bas de page 6. Dans la présente affaire, la preuve, considérée dans son ensemble, ne donne pas à penser qu’il avait une déficience grave qui l’empêchait d’effectuer un travail convenable avant le 31 décembre 2020.

[16] Je fonde cette conclusion sur les facteurs ci-dessous :

Les rapports médicaux de l’appelant ne donnent pas à penser qu’il était atteint d’une invalidité grave

[17] L’appelant devait fournir des preuves médicales de limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travail au plus tard le 31 décembre 2020Note de bas de page 7. Toutefois, les rapports au dossier n’indiquent pas l’existence d’une invalidité grave.

[18] L’appelant a présenté plusieurs rapports d’imagerie qui montrent des changements dégénératifs à divers degrés :

  • En décembre 2017, une imagerie par résonance magnétique (IRM) de la colonne lombaire a révélé un léger bombement discal aux vertèbres L3-4 et L4-5 et une légère hernie discale postérocentrale globale aux vertèbres L5-S1, avec une légère sténose spinale centraleNote de bas de page 8.
  • En juillet 2019, une IRM a montré une légère amélioration du bombement discal aux vertèbres L3-4, d’apparence stable dans l’ensemble. L’étage le plus important est resté celui des vertèbres L4-5, où une protrusion discale et un coincement ont été observésNote de bas de page 9.
  • En janvier 2021, une IRM a révélé une protrusion du côté gauche des vertèbres L4-5, entraînant un contact avec la racine nerveuse gauche sortante, ce qui restait inchangé. Aux vertèbres L5-S1, il y avait une protrusion discale centrale prononcée et une protrusion discale droite et paracentrale entrant en contact avec la racine nerveuse S1 droiteNote de bas de page 10.

[19] Le Docteur Haider Al Dabbagh est le médecin de famille de l’appelant depuis 2006. Il a fourni ses dossiers cliniques de janvier 2019 à novembre 2022. Ceux-ci indiquent que l’appelant a consulté son médecin de famille en moyenne une fois tous les deux mois, mais aucun rendez-vous n’a été documenté après septembre 2021Note de bas de page 11. En février 2020, le Docteur Al Dabbagh a écrit que le problème de dos de l’appelant s’amplifiait et se résorbait, et connaissait des périodes de raideurNote de bas de page 12. En septembre 2020, le Docteur Al Dabbagh a noté que l’appelant avait récemment connu un grave épisode de douleurs au bas du dos avec des spasmes musculaires. Cependant, il a également souligné que l’appelant s’attaquait à la douleur en prenant des analgésiques en vente libre, et il n’a recommandé que des traitements conservateurs comme la chaleur, le repos et la physiothérapieNote de bas de page 13. Entre juillet et septembre 2021, le Docteur Al Dabbagh a noté des poussées intermittentes des maux de dos de l’appelant, mais sa dose de gabapentine est restée la même et il a été conseillé de poursuivre les traitements conservateurs.

[20] Le Docteur Al Dabbagh a adressé l’appelant à une clinique de gestion de la douleur. En septembre 2019, la Docteure Sina Sakian a écrit qu’elle voyait l’appelant pour ses antécédents de maux de dos qui durent depuis 15 ans et se sont aggravés l’an dernier. Il n’a signalé aucun soulagement lié à la gabapentine, au Tylenol ou au Naproxen, et il a signalé peu de bienfaits liés à la physiothérapie, à la chiropractie et à l’acupuncture. À l’examen, sa démarche était normale, même si son bas du dos a montré une amplitude de mouvement hésitante en raison de la douleur. La Docteure Sakian a conclu que les symptômes de l’appelant correspondaient à des maux de dos d’origine discale accompagnés de sciatique. Elle a dit qu’il était un bon candidat pour le bloc nerveux et qu’elle recommandait par ailleurs la méditation, la perte de poids et un essai de LyricaNote de bas de page 14.

[21] En février 2021, le Docteur Al Dabbagh a rempli un rapport médical du RPC pour l’appelant. Il a énuméré ses principaux problèmes de santé : des douleurs chroniques au bas du dos qui limitaient sa capacité à se pencher, à se tourner, à soulever une charge et à marcher sur de longues distances. Il a souligné qu’en raison de son obésité, l’appelant ne pouvait pas faire de l’exercice régulièrement. Le Docteur Al Dabbagh ne s’attendait pas à ce que l’appelant reprenne un quelconque type de travailNote de bas de page 15.

[22] Selon ces rapports, je ne suis pas convaincu que les maux de dos de l’appelant l’ont rendu incapable de travailler. La preuve médicale indique que l’appelant souffre de maux de dos à un niveau de base et subit des poussées occasionnelles. On lui a expressément conseillé de ne pas faire d’activité physique, mais rien dans son dossier ne donne à penser qu’il est incapable de s’asseoir pendant une période prolongée. Jusqu’à présent, l’appelant a seulement essayé des traitements conservateurs. Si les douleurs de l’appelant sont aussi graves qu’il le prétend, mais qu’aucun de ses médicaments n’a fonctionné, alors on pourrait s’attendre à ce qu’il cherche plus activement d’autres moyens de les soulager. La Docteure Sakian lui a conseillé de perdre du poids et d’essayer le bloc nerveux, mais l’appelant n’a pas beaucoup exploré ces pistes.

L’appelant n’a pas essayé toutes les options de traitement raisonnables

[23] Comme nous l’avons vu, la preuve médicale ne révèle pas une invalidité grave pendant la période de protection de l’appelant. Cela dit, une autre raison explique aussi pourquoi il n’a pas droit à une pension d’invalidité du RPC.

[24] Les personnes qui demandent une pension d’invalidité du RPC doivent démontrer qu’elles ont essayé d’améliorer leur état de santé. La Cour d’appel fédérale a clairement établi qu’elles n’y ont pas droit à moins d’avoir fait tout ce qui est raisonnablement possible pour atténuer leurs déficiencesNote de bas de page 16. La Cour a également affirmé qu’elles sont entièrement responsables d’en faire la preuveNote de bas de page 17 . Autrement dit, il revient à une partie requérante de fournir la preuve des traitements qu’elle a suivis.

[25] Dans la récente affaire intitulée Brown, la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’une partie requérante doit, « dans la mesure du possible, faire des efforts pour traiter son invalidité et chercher un emploi qui tienne compte de ses limitations »Note de bas de page 18. La Cour a conclu que le Tribunal, dans cette affaire, avait été en droit de conclure que le requérant n’avait pas de bonne excuse pour ne pas avoir suivi les recommandations de ses médecins, soit de faire de l’exercice et de perdre du poids.

[26] Dans la présente affaire, l’appelant a perdu du poids, mais il demeure corpulent. Il a déclaré qu’il a suivi un régime alimentaire à la fin de 2022 et qu’il a réussi à perdre 45 livres, mais il a atteint un plateau à environ 250 livres, à une grandeur de 5 pieds 10 pouces. Malgré sa perte de poids, il a dit qu’il n’avait remarqué aucune amélioration par rapport à ses maux de dos.

[27] Les efforts déployés par l’appelant pour perdre du poids sont admirables, mais selon la preuve, il aurait pu en faire plus pour s’attaquer à sa douleur.

[28] Le Docteur Al Dabbagh a d’abord proposé à l’appelant de l’adresser à une clinique spécialisée en soins bariatriques en janvier 2019Note de bas de page 19. Au cours des deux années suivantes, la médecin de famille a évoqué cette possibilité à plusieurs reprises. Cependant, l’appelant ne l’a jamais envisagée parce qu’il était réticent à subir une intervention chirurgicale : [traduction] « a peur et hésite à subir une gastrectomie longitudinale ou un pontageNote de bas de page 20 ». En septembre 2020, le Docteur Al Dabbagh a écrit que l’appelant avait refusé qu’il l’adresse à une clinique spécialisée en soins bariatriques pour son obésitéNote de bas de page 21.

[29] L’appelant a déclaré qu’il avait effectué ses propres recherches et qu’il avait décidé que la chirurgie bariatrique ne lui conviendrait pas. Je peux comprendre pourquoi une personne hésiterait à se soumettre à une intervention invasive, mais je ne trouve pas que la position de l’appelant est raisonnable. Comme l’a souligné la témoin médecin du ministre, le Docteur Al Dabbagh ne faisait que suggérer de l’adresser à une clinique spécialisée en soins bariatriques, où une opération pourrait être l’une des options possibles pour la perte de poidsNote de bas de page 22. L’appelant a fait ses propres recherches, mais celles-ci ne remplacent pas une discussion personnelle des avantages et des inconvénients de la chirurgie bariatrique avec un professionnel de la santé qui s’est consacré à ce domaine.

[30] L’appelant n’a pas non plus donné suite à une recommandation médicale qui offrait un certain espoir de soulager ses douleurs, ne serait-ce que temporairement. Comme je l’ai mentionné, la Docteure Sakian considérait l’appelant comme un bon candidat pour le bloc nerveux en 2019. Cependant, il s’y est opposé parce qu’il voulait prendre le moins de médicaments possible. C’est son droit, bien sûr, mais si ses douleurs sont si graves, je me demande pourquoi il n’a pas au moins essayé une option de traitement qui aurait pu être plus efficace que les mesures relativement conservatrices déjà essayées avec peu de succèsNote de bas de page 23.

[31] Les personnes qui demandent une pension d’invalidité du RPC ne sont pas tenues de suivre parfaitement chacune des recommandations de leurs fournisseurs de traitement, mais elles doivent fournir une explication raisonnable lorsqu’on leur demande pourquoi elles ne l’ont pas fait. D’après ce que je peux voir, la chirurgie bariatrique et le bloc nerveux avaient de bonnes chances d’améliorer l’état de santé de l’appelant. Comme il n’a pas voulu aller de l’avant, je dois conclure qu’il a manqué à son obligation de suivre des traitements raisonnables.

Les autres problèmes de santé de l’appelant ne contribuent pas à son invalidité

[32] En plus des maux de dos, l’appelant prétend que d’autres problèmes de santé nuisaient à sa capacité de travail. Cependant, je ne vois pas comment ces problèmes de santé ont contribué à une invalidité, que ce soit individuellement ou dans leur ensemble :

  • L’appelant a reçu un diagnostic d’apnée du sommeil, mais ce problème de santé a été traité avec succès grâce à l’utilisation d’un appareil de ventilation en pression positive continueNote de bas de page 24.
  • Il a un faible taux de testostérone, mais celui-ci est lié à son poids et a été qualifié d’« asymptomatique »Note de bas de page 25.
  • Il s’est plaint de souffrir d’anxiété et de dépression, mais son médecin de famille ne lui a jamais prescrit de médicaments pour traiter ces problèmes de santé et ne l’a jamais adressé à une ou un spécialiste de la santé mentale pour une évaluation ou du counselingNote de bas de page 26.

[33] Bref, je suis convaincu que ces problèmes de santé n’étaient pas des facteurs importants de toute déficience dont l’appelant pourrait souffrir.

Les antécédents et les caractéristiques personnelles de l’appelant n’avaient pas une forte incidence sur son employabilité

[34] D’après la preuve médicale, je conclus que l’appelant avait une capacité de travail. J’en suis encore plus convaincu lorsque j’examine son employabilité globale.

[35] La principale décision portant sur l’interprétation du terme « grave » est la décision intitulée Villani. Celle-ci exige que le Tribunal, lorsqu’il évalue l’invalidité, considère une partie appelante comme une « personne entière » dans un contexte réalisteNote de bas de page 27. L’employabilité ne doit pas être évaluée de façon abstraite, mais à la lumière de « toutes les circonstances ».

[36] Pour décider si l’appelant est capable de travailler, je ne peux pas me contenter d’examiner ses problèmes de santé. Je dois aussi tenir compte de facteurs comme son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs m’aident à savoir si l’appelant pouvait travailler dans un contexte réaliste pendant sa période de protection.

[37] L’appelant avait 46 ans quand il a été admissible pour la dernière fois à la pension d’invalidité du RPC, soit près de deux décennies avant l’âge normal de la retraite. Il a suivi une formation dans un collège communautaire et il a de longs antécédents professionnels. Même s’il a passé presque la totalité de sa carrière à occuper des postes pour lesquels il n’a plus de capacité physique, son expérience de travail serait probablement considérée comme un atout par les employeurs potentiels.

[38] Bref, je suis convaincu que l’appelant avait ce qu’il fallait pour retourner sur le marché du travail pendant sa période de protection. Il était relativement jeune, instruit et expérimenté. Même avec son problème de dos, l’appelant aurait pu au moins tenter de se recycler pour effectuer un travail sédentaire derrière un bureau ou un comptoir.

L’appelant n’a pas tenté d’occuper un autre emploi

[39] En fin de compte, je n’ai pas été en mesure d’évaluer la gravité de l’invalidité de l’appelant en date du 31 décembre 2020. En effet, il n’a pas fait d’efforts sérieux pour poursuivre une autre carrière.

[40] Une décision de la Cour d’appel fédérale intitulée Inclima dit que les personnes qui demandent des prestations d’invalidité doivent faire leur possible pour trouver un autre emploi qui pourrait être mieux adapté à leurs déficiences :

En conséquence, un demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé. [c’est moi qui souligne]Note de bas de page 28.

[41] Ce passage donne à penser que si une personne conserve au moins une certaine capacité de travail, la division générale doit effectuer une analyse pour établir i) si elle a tenté de trouver un autre emploi et ii) dans l’affirmative, si ses déficiences l’ont empêchée d’obtenir et de conserver cet emploi.

[42] De plus, les personnes qui demandent des prestations d’invalidité doivent faire des tentatives significatives pour retourner au travailNote de bas de page 29. Elles ne peuvent pas limiter leur recherche d’emploi au type de travail qu’elles effectuaient avant de devenir invalides. En effet, elles doivent démontrer qu’elles sont régulièrement incapables de détenir toute occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 30. Les personnes qui n’essaient pas de trouver un autre type d’emploi pourraient ne pas avoir droit à la pension.

[43] L’appelant avait quand même une certaine capacité de travail — assez pour déclencher l’obligation de chercher un autre emploi. Après avoir quitté son emploi régulier, l’appelant a gagné un peu d’argent en tant que chauffeur pour X, mais il n’a jamais essayé un emploi qui prendrait mieux en compte ses limitations.

[44] L’appelant a déclaré qu’il y a des années, après avoir commencé à ressentir des douleurs au dos, il a pensé à changer de carrière. Il a dit qu’il avait été accepté dans un programme de formation en administration de réseau à X d’une durée de deux ans. Cependant, il a dit que sa demande d’aide financière aux étudiants a été refusée deux fois parce qu’il n’y avait pas assez d’emplois dans son domaine de prédilection. Il a dit qu’il aurait suivi une nouvelle formation avec plaisir s’il avait pu recevoir du financement pour ses études.

[45] L’appelant a continué à travailler comme conseiller au service à la clientèle jusqu’à ce qu’il ne soit plus en mesure de le faire. Il voulait continuer à travailler, alors il a cherché un travail qui offrait un horaire flexible et qui garantissait d’être plus léger pour son dos.

[46] On lui a demandé pourquoi il avait choisi de travailler, non pas pour X, mais pour X, ce qui le forçait à sortir de son véhicule et y rentrer constamment pour faire des livraisons. Il a répondu que X, contrairement à X, ne lui demandait pas d’acheter une nouvelle voiture, ce qu’il ne pouvait pas se permettre à ce moment-là. Il a ajouté que quelques années plus tôt, quand sa voiture était plus récente, il avait brièvement conduit pour X, mais qu’il n’avait pas aimé son expérience. Il a dit que le fait de rester assis dans une voiture pendant de longues périodes lui faisait aussi mal, sinon plus mal au dos que d’avoir à sortir et rentrer sans cesse. De plus, il n’aimait pas avoir affaire à des inconnus bruyants et parfois impolis dans sa voiture.

[47] L’appelant a déclaré qu’il n’a pas conduit pour X depuis un certain temps. Cependant, il a dit qu’il avait renoncé, non pas à cause de son problème de dos, mais parce que X réduisait les tarifs pour les chauffeurs et que ce n’était plus rentable. Il a dit qu’il avait récemment envisagé de suivre un cours d’évaluation en assurance au Centennial College [collège Centennial]. Il pense être à la hauteur, parce que le cours est en majorité donné en ligne. À la question de savoir s’il croyait pouvoir effectuer un travail de bureau ou de comptoir avec succès, l’appelant a répondu qu’il ne le savait pas parce qu’il n’a jamais essayé.

[48] En fin de compte, j’ai conclu que l’appelant ne s’était pas acquitté de son obligation d’essayer un emploi convenable. Selon ses déclarations de revenus, il n’a jamais touché un revenu important pour la livraison de produits alimentaires après les dépensesNote de bas de page 31. Comme ce revenu était loin d’être véritablement rémunérateur, je ne suis donc pas porté à le tenir en compte. Finalement, il a cessé de conduire pour X, mais il l’a fait pour des raisons financières et non en raison de son état de santé.

[49] L’appelant envisage maintenant un retour aux études, ce qui est tout à son honneur. Toutefois, cela donne à penser qu’il se croit capable de travailler dans une certaine mesure. Cela souligne également le fait qu’il n’a pas encore essayé d’occuper un emploi véritablement sédentaire.

Je n’ai pas à vérifier si l’invalidité de l’appelant est prolongée

[50] L’invalidité doit être grave et prolongéeNote de bas de page 32. Comme l’appelant n’a pas prouvé que son invalidité est grave, il n’est pas nécessaire de voir si elle est prolongée.

Conclusion

[51] L’appelant a un problème de dos, mais la preuve disponible semble indiquer que celui-ci ne l’empêchait pas de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice pendant sa période de protection. De plus, l’appelant n’a jamais fait de véritable effort pour trouver un emploi qui aurait pu être mieux adapté à ses limitations. Pour ces motifs, je ne suis pas convaincu que l’appelant était atteint d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2020.

[52] L’appel est rejeté.

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