Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : TA c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 292

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : T. A.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 30 mai 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jackie Laidlaw
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 1er février 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 9 février 2024
Numéro de dossier : GP-23-1249

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelante, T. A., est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, payable à partir de février 2024.

Aperçu

[3] L’appelante est une femme de 58 ans qui a travaillé pour la dernière fois le 12 mars 2023 comme caissière chez Walmart. Elle a d’abord demandé des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada, ce qui montre qu’elle était incapable de travailler en raison de saignements utérins et d’une hypertension artérielle. Ses saignements ont cessé à la suite d’une ablation utérine, et elle prend des médicaments pour contrôler sa tension artérielle. À l’audience, l’appelante a précisé que ce sont les douleurs au dos et aux épaules causées par l’arthrite qui l’ont poussée à cesser de travailler.

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 16 mai 2022. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a donc fait appel de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelante affirme qu’elle ne peut pas travailler à cause de la douleur.

[6] Le ministre, lui, affirme que la preuve médicale montre seulement de légers problèmes de dos qui sont normalement traités avec des anti-inflammatoires et de la physiothérapie.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour gagner son appel, l’appelante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard le jour de l’audience, c’est-à-dire le 1er février 2024Note de bas de page 1.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2.

[10] Pour décider si l’invalidité de l’appelante est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de facteurs, comme son âge, son niveau de scolarité, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si l’appelante est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 3.

[12] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de l’appelante doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[13] L’appelante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, elle doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 12 octobre 2023. Il s’agit de la date à laquelle sa médecin a déclaré qu’elle était invalide de façon permanente. L’appelante est toujours invalide. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité de l’appelante était-elle grave?
  • L’invalidité de l’appelante était-elle prolongée?

L’invalidité de l’appelante était-elle grave?

[15] L’appelante est atteinte d’une invalidité grave. J’ai basé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisent à sa capacité de travailler

[16] L’appelante est atteinte des problèmes de santé suivants :

  • l’arthrose généralisée;
  • l’hypertension artérielle.

[17] Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 4. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas de page 5. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 6.

[18] Je conclus que l’appelante a effectivement des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travailler.

Ce que l’appelante dit de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelante affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler.

[20] L’appelante a déclaré qu’elle est tout de même capable de cuisiner, de faire un peu de ménage et d’aller marcher. Lorsqu’elle est assise trop longtemps, elle a mal au dos et elle doit bouger. Lorsqu’elle se tient debout pendant plus de 10 à 15 minutes, elle doit s’asseoir. Après avoir pris ses médicaments le matin, elle doit s’étendre pendant une heure parce qu’elle est somnolente.

[21] L’appelante a déclaré qu’elle oublie maintenant certaines choses, ce qui n’est pas habituel chez elle.

[22] L’appelante a expliqué qu’elle est retournée au travail en juillet 2021 après son ablation utérine parce qu’elle devait subvenir à ses besoins. Elle s’est forcée à travailler et elle a l’impression d’avoir endommagé son corps.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante

[23] L’appelante doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au plus tard le jour de l’audienceNote de bas de page 7.

[24] La preuve médicale confirme la version des faits de l’appelante.

[25] Je suis d’accord avec le ministre pour dire que la preuve diagnostique montre seulement de l’arthrite légère à la colonne lombaleNote de bas de page 8. Le tomodensitogramme de la colonne vertébrale effectué en 2021 montrait un léger renflement, mais aucune sténose du canal rachidien importante. Les radiographies du genou gauche réalisées en février 2023 montraient un rétrécissement minime, mais aucun changement important, tandis que celles du genou droit révélaient de l’arthrose avec des lésions au cartilageNote de bas de page 9.

[26] Cependant, la douleur chronique est un problème de santé qui ne se manifeste pas dans l’imagerie diagnostique.

[27] En septembre 2021, l’appelante s’est présentée à l’urgence pour une sciatique du côté droit. On a alors noté qu’elle était passée d’un poste où elle pouvait se promener à celui de caissière, où elle devait constamment faire des mouvements de rotation et de flexion. Ces mouvements ont accentué ses douleurs. L’urgentologue a demandé que son employeur la réaffecte dans un milieu adapté à ses besoins. Il lui a prescrit 10 mg de Toradol, puis du CelebrexNote de bas de page 10.

[28] L’appelante a déclaré qu’elle avait été affectée aux « caisses libre-service », ce qui l’obligeait à se tenir constamment debout. Elle a dit qu’elle avait toujours mal au dos.

[29] Selon une note rédigée à l’urgence le 28 novembre 2022, l’appelante avait des douleurs depuis trois ou quatre ans à cause d’un accident. Elle s’était présentée à l’urgence pour une poussée aiguë de douleurs au bas du dos qui durait depuis une semaine et qui était accompagnée d’irradiations. L’urgentologue avait alors diagnostiqué une sciatique et lui avait recommandé du Lyrica. Elle avait aussi noté que l’appelante était capable de marcherNote de bas de page 11.

[30] L’appelante a des antécédents de maux de dos. Je suis encore une fois d’accord avec le ministre pour dire que ces douleurs pourraient être traitées avec de la physiothérapie et des médicaments. L’appelante a déclaré avoir fait de la physiothérapie depuis son accident de la route en 2016. Elle n’a pas vu de spécialiste en chirurgie orthopédique et n’est pas allée dans une clinique antidouleur.

[31] Malgré tout, c’est sa médecin de famille, la Dre Anne‑Marie Lemieux, qui a toujours noté qu’elle était incapable de travailler. En 2023, la Dre Lemieux a diagnostiqué de l’arthrose généralisée ayant débuté en 2021, avec des douleurs et une limitation des mouvements à l’épaule gauche, au genou gauche et à la colonne lombale. La Dre Lemieux a noté que le Cymbalta et le Lyrica ne fonctionnaient pas. Elle a recommandé à l’appelante d’arrêter de travailler le 1er mars 2023Note de bas de page 12.

[32] En même temps, la Dre Lemieux a rempli une déclaration du médecin traitant sur l’assurance collective, en précisant la même chose. Elle a noté de graves douleurs au bas du dos, à l’épaule gauche et, étrangement, au genou droit. La Dre Lemieux a énuméré les limitations fonctionnelles suivantes : se tenir debout pendant plus de 10 minutes; rester assis pendant cinq minutes; soulever, tirer, pousser et saisir des objets; tendre les bras; marcher pendant une période limitée; se pencher; et s’agenouillerNote de bas de page 13.

[33] Dans un formulaire rempli le 12 octobre 2023, la Dre Lemieux indique avoir vu l’appelante dans son bureau ce jour-là et que celle-ci était incapable de travailler pour des raisons médicales à compter de cette date. La Dre Lemieux a écrit que l’appelante est invalide de façon permanente et qu’elle ne peut pas retourner travaillerNote de bas de page 14.

[34] Je suis d’accord avec le ministre pour dire que la Dre Lemieux n’a pas énuméré les problèmes de santé qui ont rendu l’appelante invalide de façon permanente. Toutefois, il est raisonnable de supposer qu’elle parle des douleurs au dos, aux genoux et aux épaules qu’elle avait décrites dans ses rapports de mai 2023.

[35] La preuve médicale montre que les douleurs arthritiques de l’appelante l’empêchaient de travailler en octobre 2023.

[36] À présent, je dois chercher à savoir si l’appelante est régulièrement capable d’occuper d’autres types d’emplois. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement la rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas de page 15.

L’appelante est incapable de travailler dans un contexte réaliste

[37] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes médicaux et à leur effet fonctionnel. Pour décider si l’appelante est capable de travailler, je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau de scolarité;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • son expérience de travail et de vie.

[38] Ces facteurs m’aident à savoir si l’appelante est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’elle peut travaillerNote de bas de page 16?

[39] L’appelante a 58 ans. Son âge serait un obstacle à la recherche d’un autre emploi. Elle n’a aucun problème avec la langue anglaise. Ses études secondaires peuvent aussi être un obstacle à la recherche d’un autre emploi.

[40] Dans le passé, l’appelante a surtout travaillé dans des usines, des établissements de restauration rapide et, récemment, comme caissière chez Walmart. Il est peu probable que l’appelante puisse reprendre un emploi physiquement exigeant dans une usine. Un poste de caissière serait considéré comme un emploi sédentaire ou peu exigeant, et sa médecin a jugé qu’elle était incapable d’en exercer les fonctions. Compte tenu de son âge, de ses antécédents professionnels et de ses compétences transférables limitées, j’estime qu’elle serait probablement en mesure de se recycler ou de trouver un emploi rémunérateur.

[41] Je conclus que l’appelante est incapable de travailler dans un contexte réaliste depuis octobre 2023.

[42] Je conclus que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave à partir d’octobre 2023, lorsque sa médecin de famille a déclaré qu’elle avait une invalidité permanente et qu’elle était incapable de travailler.

L’invalidité de l’appelante était-elle prolongée?

[43] L’appelante était atteinte d’une invalidité prolongée.

[44] Ses douleurs arthritiques ont commencé vers 2021 et sont toujours présentesNote de bas de page 17.

[45] La Dre Lemieux a écrit que l’invalidité est permanenteNote de bas de page 18.

[46] Les problèmes de santé de l’appelante risquent d’être là pour de bon.

[47] Je conclus que l’invalidité de l’appelante est prolongée depuis octobre 2023.

Début du versement de la pension

[48] L’appelante est atteinte d’une invalidité grave et prolongée depuis octobre 2023.

[49] La loi impose un délai d’attente de quatre mois avant le versement de la pensionNote de bas de page 19. Sa pension est donc versée à partir de février 2024.

Conclusion

[50] Je conclus que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée et qu’elle est donc admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[51] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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